Photographie et anthropologie en France au XIXe siècle
Pierre-Jérôme Jehel
1994-1995.
Mémoire de DEA
“Esthétique, sciences et technologie des arts”
UFR “Arts, Philosophie et esthétique”
Université Paris VIII. Saint-Denis.
Sous la direction de André Rouillé et Sylvain Maresca.
Roland Bonaparte, photographie extraite de « Collection anthropologique du
Prince Roland Bonaparte, groupe de Bushmen photographié sur la scène des
Folies-Bergères », Paris, 1886 (Photothèque du musée de l’Homme).
3
I DE L’OBSERVATION À LA REPRÉSENTATION. .................................................................................. 7
1/ OBSERVER LHOMME: CONTEXTE ET ENJEUX DES DÉBUTS DE LANTHROPOLOGIE. ........................................ 7
- Les origines.................................................................................................................................. 7
- Différents lieux de la pensée ethnologique................................................................................ 11
- Modèles et influences ................................................................................................................ 18
2/ REPRÉSENTATION ET HISTOIRE NATURELLE. ................................................................................................ 23
- La tradition du dessin................................................................................................................. 23
- Photographie, moulage............................................................................................................. 24
- Louis Rousseau, premier photographe du Muséum.................................................................. 28
II NORMALISER LES REGARDS................................................................................................................. 34
1/ UN CODE ÉTABLI: LE PORTRAIT DATELIER................................................................................................... 34
2/ JACQUES-PHILIPPE POTTEAU,....................................................................................................................... 35
- Des zoophytes aux ambassades............................................................................................... 35
- Entre deux normes..................................................................................................................... 40
III A LA RECHERCHE DES “TYPES”......................................................................................................... 45
1/ MÉTHODES ET DÉFINITIONS ......................................................................................................................... 45
- Une notion imprécise ................................................................................................................. 45
- La tendance statistique.............................................................................................................. 46
- Signalement et anthropométrie.................................................................................................. 50
2/ LA PHOTOGRAPHIE FACE À LANTHROPOMÉTRIE. ......................................................................................... 54
- Critique de l’anthropométrie....................................................................................................... 54
- L’approche descriptive............................................................................................................... 57
3/ L’IMAGE PHOTOGRAPHIQUE, MÉMOIRE DE LA DIVERSITÉ HUMAINE ............................................................. 61
4/ ROLAND BONAPARTE, UN ETHNOLOGUE APPLIQUÉ ...................................................................................... 65
- Mécène des sciences ................................................................................................................ 65
- Des “ collections anthropologiques ” à l’herbier de fougères..................................................... 68
CONCLUSION................................................................................................................................................... 72
ICONOGRAPHIE.............................................................................................................................................. 77
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE ................................................................................................................................. 77
MUSÉE DE L'HOMME: FONDS ANCIEN DE LA PHOTOTHÈQUE ............................................................................. 95
MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE.................................................................................................. 103
BIBLIOTHÈQUE NATIONALE - CABINET DES ESTAMPES ET DE LA PHOTOGRAPHIE............................................ 106
ARCHIVES PHOTOGRAPHIQUES DU SERVICE HISTORIQUE DE L'ARMÉE DE TERRE À VINCENNES. .................... 107
BIBLIOGRAPHIE DANS LA PRESSE DU XIXE SIÈCLE ET COURTE BIOGRAPHIE DES
AUTEURS OU COLLECTIONNEURS DE PHOTOGRAPHIES............................................................. 109
BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................................................... 134
OUVRAGES ET TEXTES DU XIXE SIÈCLE.......................................................................................................... 135
OUVRAGES ACTUELS: PHOTOGRAPHIE, ETHNOLOGIE...................................................................................... 138
4
Introduction
Dans le journal La Lumière daté du 31 mars 1855, un article intitulé “ La
photographie et l’anthropologie ” affirmait “ il faut nécessairement que la
photographie vienne au secours de l’anthropologie, sans cela elle restera longtemps
ce qu’elle est aujourd’hui1. Selon l’auteur, l’anthropologie, après des avancées
prometteuses, se trouvait alors dans une impasse. Seul, le recours à la
photographie, pourrait lui donner un nouvel élan. Discours partisan s’il en est, mais
significatif des possibilités que semblait offrir l’image photographique à
l’anthropologie. La production photographique des anthropologues au XIXe siècle
sera en effet conséquente - les quelque deux cent mille clichés que l’on estime être
conservés à la photothèque du Musée de l’homme, donnent une idée de
l’importance de ce corpus. Une tel engouement indique que le médium
photographique était en parfaite adéquation avec cette “nouvelle science” dont les
bases théoriques et institutionnelles s’établissaient en même temps que se
généralisait la pratique de la photographie. Immédiatement, les savants
”anthropologistes” reconnaissent en l’image photographique2 un outil idéal à leurs
recherches.
L’anthropologie du XIXe siècle, ancrée dans une anthropologie physique,
issue de la médecine, nécessite un mode de représentation le plus exact possible.
La photographie, prenant le relais du dessin et de la peinture, est alors convoquée
pour ses qualités de précision et d’exactitude. D’autre part, la recherche des “types
humains”, à laquelle conduiront ces théories anthropologiques, va faire appel à
l’image photographique pour sa disposition à être classée et collectionnnée. Ainsi,
dans ces deux grandes lignes directrices de l’anthropologie, l’analyse de
l’apparence des corps et la démarche taxinomique, le médium photographique vient
1 Ernest Conduché, La Lumière, 31 mars 1855, p. 51.
2 Comme le montre l’achat dès 1839 d’un “appareil de Daguerre” par Etienne Serres, professeur
d’anthropologie au Muséum.
5
parfaitement trouver sa place. Dès lors que les anthropologues établiront des
méthodes spécifiques d’observation, ils recommanderont donc l’usage de la
photographie. Ils vont cependant tâcher d’en contrôler précisément la mise en
oeuvre, car, malgré ses aptitudes “anthropologiques”, l’image photographique devra
être adaptée à des exigences particulières. Il apparaît en effet que cette double
tâche dont est chargée la photographie, n’est pas sans contradiction. Il s’agit d’une
part d’objectiver le sujet d’étude, de reproduire exactement une réalité, d’autre part
de s’abstraire du réel, pour mettre en évidence des ”types généraux”.
Voilà rapidement cette étape de l’histoire commune de la photographie et de
l’anthropologie que nous abordons ici. A travers cet immense corpus de
photographies, on apprend donc bien davantage sur les anthropologues de
l’époque que sur les ethnies concernées, mais l’on apprécie surtout comment une
communauté de scientifiques et d’intellectuels va tenter “d’apprivoiser” ce nouveau
type d’image qu’est la photographie. C’est pourquoi, à travers cette exploration d’un
univers “péri-photographique”, puisque l’anthropologue-photographe n’est pas un
photographe, c’est bien la photographie elle-même que nous abordons. Peut-on
d’ailleurs réfléchir sur la photographie autrement qu’à travers les pratiques et les
usages qu’elle induit ?
Dans le cas des applications anthropologiques de la photographie, les
réflexions n’ont été jusqu’ici qu’occasionnelles. Il est d'ailleurs frappant
qu’aujourd’hui toutes les rares observations sur le sujet, depuis le fameux texte de
Margaret Mead de son introduction à Balinese character, a photographic analyse3
jusqu'aux derniers articles plus sociologiques de Jean-Paul Terrenoire4 par
exemple, commencent toujours par constater et déplorer cette absence de
communication entre la photographie et l'anthropologie. Quelques ouvrages ou
publications récentes5 montrent cependant un regain d’intérêt à la fois pour ces
3 Son introduction à Balinese character, a photographic analyse, New York, Academy of Sciences,
1942.
4 En particulier dans la Revue Française de sociologie, Images et sciences sociales: l'objet et l'outil,
XXVI-3, 1985.
5 Pensons en particulier à M. Banta et C.Hinsley, From Site to Sight. Anthropology, photography and
the power of imagery, Cambridge Mass., Peabody Museum Press, 1986 ou à E. Edwards, sous la dir.
de, Anthropology & photography 1860-1920, New Haven, Yale University Press, 1992, ainsi qu’à la
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