lesquelles choisir. Tout ce qui se présentera plus tard au choix sous la forme d’alternatives
problématiques doit être produit par moi ».
Le projet comme anticipation opératoire ou représentation de ce qui n’existe pas encore pose
un rapport ambigu entre l’anticipation et la réalisation. Ce rapport est d’une part
complémentaire en ce que, situé entre la théorie et la pratique, le projet est une
« représentation opératoire » Boutinnet (1990, p. 249). Pour autant cette représentation,
explicitant l’intention du porteur de projet, est instable, la réalisation étant toujours une
trahison de la prévision. Cette représentation guide cependant l’action vers la réalisation d’un
« non encore être » qu’il s’agit de faire advenir, elle exerce toujours selon Boutinnet une
fonction heuristique.
1. 1. 2. Le projet : un virtuel qui résiste.
Si le projet se réfère à ce qui n’existe pas encore, nous pouvons dire avec Céfai (1998, p. 250)
qu’il se différencie néanmoins de la rêverie par la présomption qu’il est concrétisable,
présomption qui peut d’ailleurs « être indexée sur toute une gamme de degrés de faisabilité »
(Ibid). C’est pourquoi le projet d’action implique d’une façon spécifique la notion de
virtualité. Pour Chantal Lebrun (1996) le virtuel est ce qui n’existe qu’« en puissance ». Il se
définit par rapport au réel comme n’offrant pas de résistance, « le réel résiste, le virtuel
obéit ». Le virtuel représenterait ainsi « une autre option, pour le désir, que le passage à
l’acte ».
Le projet, lui, n’est pas une alternative au passage à l’acte, sa fonction est au contraire de le
préparer. La projection vise la réalisation c’est donc selon Schütz (1998, p. 60) une
« imagination motivée » par l’intention de réalisation, qui n’est pas « comme la simple
imagination une pensée sur le mode optatif mais une pensée sur le mode potentiel ». Donc
lorsque nous parlons de virtualité du projet c’est pour souligner sa « non actualité », son
caractère de « non encore être » et non pour l’opposer véritablement au réel. Nous verrons
plus loin que si le projet résulte d’une activité d’irréalisation, se présentant dans une « pré-
vision de l’action achevée » qui le porte vers une réalisation virtuelle, il n’est pourtant pas une
œuvre de pure fantaisie. La transition que crée l’intention de réaliser le projet conçu dans
l’imagination, suffit d’ailleurs pour Schütz à transformer les possibilités ouvertes d’une ligne
d’action en possibilités problématiques1, c'est-à-dire alternatives. Cette conception change
l’idée que le virtuel n’a pas de résistance, car alors les projets ne pourraient comporter
d’alternatives, c'est-à-dire de possibilités dotées de poids différents, pour lesquelles quelque
chose « parle », dans le sens de se prononcer en faveur. Le projet est ainsi paradoxalement un
virtuel qui résiste, on peut alors se poser la question de savoir comment exprimer l’objectivité