une visite. C’est un chemin de
réconciliation, un chemin sur lequel
on avance lentement. Il y a bien des
blessures à panser. Pensez que notre
vicaire général a été mis en prison
durant 9 ans, un autre prêtre de l’évê-
ché durant 14 ans, un séminariste
durant 15 ans de sorte qu’il n’a pu
ensuite terminer sa formation. Je
connais un catéchiste qui a passé 24
ans en prison! Ils étaient mis en
prison parce qu’ils étaient considérés
par le parti comme dangereux pour le
régime.
Cette situation, celle de la fermeture
du séminaire durant 40 ans par
exemple, fait que les jeunes qui
veulent devenir prêtres ont reçu une
formation communiste intensive.
Aussi ai-je mis sur pied le « pré-
séminaire», avec le concours de mon
confrère jésuite Michel Truong, pour
leur offrir une formation de base qui
leur permette de profiter des cours
qu’ils vont avoir au séminaire. Mais je
passe pas mal de temps aussi à offrir
des récollections, des retraites, des
sessions de formation permanente
aux prêtres, aux religieux et reli-
gieuses, aux membres de chorales,
aux catéchistes, aux enfants. La
formation sérieuse, c’est vraiment
une priorité dans notre contexte pour
que les gens vivent un christianisme
plus éclairé.
En plus, je tâche d’envoyer les
prêtres, des religieux et des religieu-
ses aux études à l’étranger. En France,
à Rome, aux États-Unis, à Taïwan. Je
pense qu’en 10 ans, je pourrai
envoyer 20 personnes aux études
avancées, car, ici, nous n’offrons que
la formation de base, même au
séminaire. Je cherche des bourses
pour cela; c’est une semence pour
l’avenir du diocèse.
Une Église de jeunes
Si j’ajoute quelques mots au sujet
de l’ensemble des 125 000 catho-
liques de mon diocèse, je dirais que la
plupart sont jeunes. Car les gens qui
sont demeurés catholiques après
l’arrivée des communistes en 1954
ont maintenant 70 ou 80 ans. Par
ailleurs, s’il est vrai que tous les
jeunes ont été formés dans le
matérialisme athée puisque ce sont
les communistes qui sont au pouvoir
depuis plus de 50 ans, les traditions
des familles et des paroisses ont tenu
bon dans bien des cas. Comme les
chrétiens étaient persécutés, ils
résistaient; bien des jeunes ont réagi
assez fortement en affirmant leur
appartenance à l’Église.
PB: J’oserais penser que la force
des traditions dans les familles
vietnamiennes se révèle aussi chez
les Vietnamiens qui vivent à Montréal.
Les catholiques vietnamiens, chez
nous, sont reconnus pour leur ferveur.
Mgr Cosma: L’investissement dans
la formation des jeunes porte des
fruits. Je ne le fais pas seul. J’ai mis
sur pied des commissions, nommé
des responsables, des mères et des
pères de famille; j’ai encouragé le
MEJ, le Mouvement eucharistique
des jeunes. Les gens se prennent en
main et ça donne de bons résultats.
L’évêque ne doit pas tout faire lui-
même! J’ai donc invité aussi des
religieux et religieuses de plusieurs
congrégations à venir travailler à
l’évangélisation chez nous. Jusqu’ici,
nous n’avions pratiquement pas de
membres de communautés interna-
tionales. J’ai invité des cisterciens,
des rédemptoristes, des dominicains,
des sœurs de Saint-Paul de Chartres.
Ça n’est pas simple à organiser, dans
le contexte gouvernemental d’ici.
Mais ces collaborations sont essen-
tielles dans un contexte où nous
manquons véritablement de person-
nel qualifié.
Je pourrais parler aussi des diffi-
cultés financières qui sont une préoc-
cupation constante. Avec l’arrivée des
communistes, tous les biens, y
compris les terrains et les bâtiments
de l’Église avaient été confisqués. On
ne nous avait laissé que les églises, et
les presbytères.
De grands besoins matériels
PB : Ces tensions sur les biens
existent encore entre l’Église catho-
lique et le gouvernement vietnamien,
d’après ce qu’on lit dans les journaux,
même au Canada. Ce sont des ten-
sions que vous vivez au jour le jour?
Mgr Cosma: Oui, mais nous ne
considérons pas cela de première
importance. Je veux encourager les
chrétiens à mener une vie plus digne,
à être des disciples au sens spirituel,
évangélique. Si on fait des querelles
avec le gouvernement, on n’obtient
rien et on perd beaucoup par ailleurs.
Reste que nous avons 200 églises à
réparer ou à construire. Pendant la
guerre, plus de 80% des églises ont
été détruites. Et puis, il y a beaucoup
de nouvelles communautés chrétien-
nes qui se déplacent et viennent
d’autres provinces. Les petites chapel-
les sont importantes pour permettre
aux gens de se retrouver pour prier
ensemble. Sans elles, les catholiques
se sentent perdus.
J’aime en particulier visiter chaque
année l’ensemble des communautés.
C’est un défi, si on considère que mon
prédécesseur n’a pu visiter qu’une
trentaine de paroisses en 15 ans. J’ai
quand même plus de liberté de
déplacement maintenant. Parfois, je
V I E T NA M
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GROUPE DE PRÉ-SÉMINARISTES.
LA CATHÉDRALE DE BAC NINH A GRAND BESOIN
DE RÉNOVATION.