Contexte 11
théorie déjà dépassée, on peut y lire l'une des périodes les plus vives et
brûlantes de la démocratique Athènes, dont les discours de Démosthène
et des autres orateurs sont les traces encore lumineuses.
Le siècle de Démosthène est précisément celui d'Aristote.
Aristote naît la même année que Démosthène, meurt la même année que
Démosthène. Tout comme Démosthène et comme n'importe quel Grec de
l'époque, Aristote est concerné par le jeu à trois qui se déroule alors, entre
le royaume de Macédoine, le royaume des Perses, et les Grecs, eux-mêmes
divisés en plusieurs cités aux constitutions politiques variées et à l'antago-
nisme afi rmé. Il l'est même un peu plus que d'autres, puisque précepteur
d'Alexandre, puisque né à Stagire. Il est issu d'une famille de médecins et
son père aurait peut-être été attaché à la cour du roi Amyntas, dont il était
au moins l'ami, si ce n'est le médecin traitant1.
Aristote n'était donc pas originaire d'Athènes. Venu comme bien
d'autres dans la cité prestigieuse qui était comme la Grèce de la Grèce2,
il se rend en -368 ou -367, vers l'âge de dix-sept ans, auprès de Platon, qui est
pour sa part alors âgé d'une soixantaine d'années. Aristote n'a jamais connu
Socrate, mort en -399. Il n'a pas connu directement les grands sophistes
de la première et deuxième génération (Protagoras, Gorgias, Prodicos,
Thrasymaque, Hippias, Euthydème…) ni les grandes fi gures de l'école éléate
(Xénophane, Parménide, Zénon), ni Héraclite, ni Empédocle, ni Démocrite,
peut-être pas même Antisthène le cynique (mort vers -365) ni l'hédoniste
Aristippe de Cyrène, et encore moins, bien sûr, Thalès, Anaximandre,
Anaximène. La plupart de ces philosophes sont pour lui les Anciens. Ses
fréquentations personnelles touchent donc Speusippe (neveu de Platon et
son successeur à la tête de l'Académie), Xénocrate (successeur de Speusippe),
Théophraste (successeur d'Aristote à la tête du Lycée)… Il a pu connaître
Xénophon, Diogène le cynique, sans oublier les grands orateurs attiques,
1. Les deux sources antiques principales pour la vie d'Aristote sont Diogène Laërce (V 9-10) et
Denys d'Halicarnasse (Lettre à Amaios, 3-5). Une présentation moderne et critique des sources
et de la vie du Stagirite est disponible dans l'article Aristote du Dictionnaire des philosophes
antiques (dir. R. Goulet).
2. Cette belle expression, insérée dans l'épitaphe d'Euripide, est probablement de Thucydide.
Isocrate de son côté parlait d'Athènes comme la seule ville de toute la Grèce (Surl'échange,299).