Aristote, une philosophie pour la vie

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Aristote, une philosophie pour la vie
Même sans dominer terre et mer, il est possible d'accomplir de
nobles actions . L'élève le plus célèbre d'Aristote, Alexandre dit le Grand ,
n'aura pas entendu cette leçon de son maître1. On peut souhaiter régner sur
l'humanité entière, nous dit Aristote, mais ce ne peut pas être un dessein
rationnel : ce n'est que souhaiter l'impossible. On peut désirer être immortel,
on ne peut en former le projet2. Alexandre, après des conquêtes d'une fulgurance sans précédent, périt prématurément à l'âge de trentre-trois ans, ses
généraux diadoques ( successeurs ) se déchirèrent et dépecèrent un empire
né trop rapidement pour vivre longtemps, les êtres qu'il aimait – épouse,
fils, mère – furent assassinés. Alexandre, au faîte d'une gloire éblouissante
comme l'éclair, avait exigé qu'on le vénérât comme un dieu, qu'on se prosternât devant lui, qu'on lui rendît des honneurs comme à un immortel. Il
alla jusqu'à faire exécuter ceux qui s'y refusaient : le neveu même d'Aristote,
Callisthène, en fit les frais3. Alexandre n'en mourut pas moins de quelque
microbe, à moins que ce ne fût d'un complot, fin bien ordinaire pour qui
ambitionne une position de supériorité absolue : la nature, ou ses pairs,
savent lui rappeler bientôt qu'il n'est qu'un homme parmi les hommes. Faire
œuvre divine est autre chose.
La philosophie d'Aristote nous parle de la vie. Depuis le lointain,
depuis une époque révolue, avec une langue qui est de moins en moins
la nôtre – les études du grec étant aujourd'hui quasiment défuntes –, elle
nous parle, après bien d'autres philosophies tout aussi passionnantes, de
ce qu'il y a de plus important et de plus essentiel pour nous : la vie humaine,
en tant qu'elle est humaine, mais aussi en tant qu'elle tend vers quelque
chose de plus qu'humain, puisque l'humanité ne réside peut-être en définitive que dans cette tension. Dans le choc de deux figures que l'histoire fit
1.
2.
3.
Éthique à Nicomaque, X 9.1179a4-5. Comparer avec Plutarque, Vies : Alexandre, 5-8.
Éthique à Eudème, II 10.1225b33-34 & Éthique à Nicomaque, III 4.1111b22-23.
Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, V 4. Plutarque, Alexandre, 53-55 ; voir
aussi au § 74, l'éclat de rire de Cassandre devant le spectacle de ces prosternations à la perse
et la furie subite d'Alexandre lui frappant la tête contre un mur.
Contexte
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accidentellement se rencontrer, se jouent deux conceptions de la vie, deux
conceptions de la grandeur humaine, deux conceptions de la tension vers
le divin. Le philosophe né en terre macédonienne, mais dans une colonie
d'origine grecque, qui devait consacrer sa vie à l'œuvre de la pensée et
concevoir la pensée comme étant la vie même sous sa forme la plus haute,
ce philosophe fut curieusement le précepteur d'un conquérant qui pensa
atteindre au divin par l'extension infinie d'un pouvoir sur un territoire et des
hommes. À la figure d'un homme d'État, ou plutôt d'un homme de guerre,
qui fascine par ses succès militaires, mais qui ne concevait la grandeur
que dans l'augmentation infinie de sa puissance et ne parvint qu'à singer
le divin en exigeant l'idôlatrie de sa personne, s'oppose étrangement celle
d'un philosophe qui plaça dans l'activité de la pensée la voie intérieure par
laquelle l'être humain fait œuvre d'immortel , pendant que toute action
politique et militaire se vit assignée par lui à n'être précisément qu'œuvre
humaine, un anthrôpeuesthai1 dont la dignité, toute réelle qu'elle fût, ne
pouvait prétendre à autre chose qu'à la seconde place. Par là, Aristote
héritait de la tradition de la philosophie grecque, celle qui, bon gré mal
gré, n'était pas étrangère à la démocratie athénienne et à son attachement
féroce à l'égalité, dont il critiquait pourtant à la suite de Platon – quoique
avec moins de sévérité – certaines des errances. La prétention d'accéder au
divin par une position surplombante et dominatrice sur les autres humains
était aux yeux des Grecs la marque des monarques asiatiques, et c'est à
leur imitation qu'Alexandre avait formé l'exigence d'une vénération de sa
personne qui avait gêné jusqu'à ses zélateurs au sein des cités hellènes.
L'hybris asiatique s'était manifestée par le passé, Alexandre n'inventait rien.
Le Grand Roi des Perses avait, dit-on, prétendu marcher sur la mer et naviguer
sur la terre2, marque d'une démesure, d'une outrance qui voulait soumettre
1.
2.
8
Éthique à Nicomaque, X 8.1178b7.
C'est la formule devenue presque proverbiale par laquelle les Athéniens résumaient la
démesure perse. Lorsque Xerxès, fils de Darius, entreprit après l'échec de son père la seconde
expédition contre les Grecs, il fit percer l'isthme du mont Athos par un canal pour y faire
naviguer ses vaisseaux, et aménager deux ponts sur l'Hellespont pour y faire passer à pied
son armée, dont le nombre écrasant ne vint pourtant pas à bout d'Athènes et de ses alliés.
Voir Hérodote, Enquête, VII 20-44, qui considère que la percée de l'isthme n'avait d'autre
utilité que de manifester la puissance du Grand Roi. C'est aussi dans ces pages que figure le
Contexte
à ses ambitions jusqu'à la nature et renverser la différence fondatrice entre
l'élément liquide et l'élément solide. L'accession au divin par la pensée, qui ne
donne aucun pouvoir sur les autres ni même sur la nature – la technè n'était
pas encore devenue la technique moderne – mais seulement sur soi-même
et fonde une communauté de vie entre amis, non une subordination d'une
multitude à un homme seul, avait à l'inverse été explorée par la philosophie
grecque, et conférait une supériorité intérieure que nul conquérant ne pouvait
plus soumettre. Ôte-toi de mon soleil , aurait rétorqué Diogène le Chien,
divin dans son ascèse cynique, à Alexandre qui, imbu de son pouvoir, mais
intrigué de l'indifférence du philosophe à son égard, était venu lui proposer
d'exaucer le moindre de ses vœux1. Aristote y mit moins de morgue ; son
message n'en fut pas moins clair.
La vie d'Aristote au siècle de Démosthène L'histoire n'aime pas les vaincus. Philippe a vaincu, Alexandre a vaincu,
Démosthène a perdu. Aussi parle-t-on sans difficulté du siècle de Périclès ,
mais guère du siècle de Démosthène . Certes, aucun siècle n'est, de toute
façon, le siècle d'un seul homme, pas plus d'un Démosthène que d'un Périclès.
Mais Démosthène reste, de l'aveu unanime, le plus grand orateur grec,
dans un système politique, la démocratie, où la parole est l'essence même de la
constitution2. Mais Démosthène n'a jamais été général des troupes armées
d'Athènes, et la période de son activité politique a connu en -338 la défaite
militaire à Chéronée, défaite dont Athènes ne devait plus se relever politiquement, bien qu'il y eût encore des tentatives vigoureuses de recouvrer
l'indépendance longtemps après la mort de Philippe de Macédoine (-336),
au moment de la mort de son fils Alexandre (-323) qui lui avait succédé sur
1.
2.
célèbre épisode où Xerxès fait fouetter la mer pour se venger d'une tempête (35), épisode
régulièrement cité par les philosophes (Rousseau, Émile, etc.).
Voir Plutarque, Alexandre, 14. Diogène Laërce, VI 38.
Cf. Démosthène, Sur les forfaitures de l'ambassade, 184 : ceux [sc. les Athéniens] dont la constitution politique réside dans les discours .
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le trône. Toutefois, seule une vision rétrospective permet de dire que la
période démosthénienne était le chant du cygne d'Athènes : rien n'était
joué d'avance, et l'on dispose de quelque solide témoignage montrant
que Philippe lui-même, une fois dégrisé de sa victoire, fut pris d'un frisson,
conscient que Démosthène l'avait forcé à jouer quitte ou double dans cette
bataille à laquelle le sort aurait pu donner une tout autre issue1. Mais l'illusion
rétrospective, doublée de la fascination pour les grands conquérants et pour
cette certaine conception de la grandeur que Simone Weil a dénoncée2,
est l'une des plus fortes qui soient ; et soutenue par une philosophie de
l'histoire d'inspiration plus ou moins hégélienne, l'opinion générale en a
retenu que le IVe siècle était une période où la structure politique de petites
cités indépendantes, comme Athènes, Spartes, Thèbes ou Corinthe, était
devenue anachronique et qu'un personnage comme Démosthène n'avait
fait que travailler vainement à rebours du sens de l'Histoire3 . Ce siècle
n'était décidément pas son siècle. Pourtant, si l'essence même de la
constitution démocratique repose dans la parole, alors le IVe siècle, qui a
vu se déployer jusqu'à la perfection l'activité rhétorique, est un siècle où
l'Athènes démocratique a atteint à la perfection de son essence, avec les
défauts inhérents à cette essence même. De fait, le IVe siècle a connu une
activité démocratique intense, par-delà des difficultés qui n'étaient de toute
façon pas absentes du siècle précédent (rapports difficiles entre les riches et
le petit peuple, démagogie, etc.). Ce n'est pas un hasard si c'est précisément
sur cette période que nous sommes le plus renseignés quant aux structures
juridiques et politiques, quant aux événements historiques, quant à la vie
ordinaire d'Athènes. Et loin de voir en ce siècle la rémanence obsolète d'un
modèle destiné à périr, dont Aristote n'aurait fait dans La Politique qu'une
1.
2.
3.
10
Eschine, Contre Ctésiphon, 148 ; Plutarque, Vies : Démosthène, 20.3.
S. Weil, L'Enracinement, p. 1164-1169 [Les références éditoriales complètes figurent dans la
bibliographie finale.]
Les représentations que donnent les historiens de Démosthène, et donc de l'Athènes du
-IVe siècle, sont très souvent liées à des problèmes contemporains et aux positions politiques
des uns et des autres. Voir Pierre Carlier, Démosthène, chap. X ; & Laurent Pernot, L'ombre du
Tigre. Recherches sur la réception de Démosthène. Pour l'Athènes contemporaine d'Aristote et
de Démosthène, on consultera l'incontournable ouvrage de M. H. Hansen, La Démocratie
athénienne à l'époque de Démosthène.
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théorie déjà dépassée, on peut y lire l'une des périodes les plus vives et
brûlantes de la démocratique Athènes, dont les discours de Démosthène
et des autres orateurs sont les traces encore lumineuses.
Le siècle de Démosthène est précisément celui d'Aristote.
Aristote naît la même année que Démosthène, meurt la même année que
Démosthène. Tout comme Démosthène et comme n'importe quel Grec de
l'époque, Aristote est concerné par le jeu à trois qui se déroule alors, entre
le royaume de Macédoine, le royaume des Perses, et les Grecs, eux-mêmes
divisés en plusieurs cités aux constitutions politiques variées et à l'antagonisme affirmé. Il l'est même un peu plus que d'autres, puisque précepteur
d'Alexandre, puisque né à Stagire. Il est issu d'une famille de médecins et
son père aurait peut-être été attaché à la cour du roi Amyntas, dont il était
au moins l'ami, si ce n'est le médecin traitant1.
Aristote n'était donc pas originaire d'Athènes. Venu comme bien
d'autres dans la cité prestigieuse qui était comme la Grèce de la Grèce 2 ,
il se rend en -368 ou -367, vers l'âge de dix-sept ans, auprès de Platon, qui est
pour sa part alors âgé d'une soixantaine d'années. Aristote n'a jamais connu
Socrate, mort en -399. Il n'a pas connu directement les grands sophistes
de la première et deuxième génération (Protagoras, Gorgias, Prodicos,
Thrasymaque, Hippias, Euthydème…) ni les grandes figures de l'école éléate
(Xénophane, Parménide, Zénon), ni Héraclite, ni Empédocle, ni Démocrite,
peut-être pas même Antisthène le cynique (mort vers -365) ni l'hédoniste
Aristippe de Cyrène, et encore moins, bien sûr, Thalès, Anaximandre,
Anaximène. La plupart de ces philosophes sont pour lui les Anciens . Ses
fréquentations personnelles touchent donc Speusippe (neveu de Platon et
son successeur à la tête de l'Académie), Xénocrate (successeur de Speusippe),
Théophraste (successeur d'Aristote à la tête du Lycée)… Il a pu connaître
Xénophon, Diogène le cynique, sans oublier les grands orateurs attiques,
1.
2.
Les deux sources antiques principales pour la vie d'Aristote sont Diogène Laërce (V 9-10) et
Denys d'Halicarnasse (Lettre à Amaios, 3-5). Une présentation moderne et critique des sources
et de la vie du Stagirite est disponible dans l'article Aristote du Dictionnaire des philosophes
antiques (dir. R. Goulet).
Cette belle expression, insérée dans l'épitaphe d'Euripide, est probablement de Thucydide.
Isocrate de son côté parlait d'Athènes comme la seule ville de toute la Grèce (Sur l'échange, 299).
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notamment Isocrate, et bien sûr Démosthène. Il meurt alors qu'Épicure n'a
pas encore vingt ans et Zénon de Citium (fondateur du stoïcisme) à peine
treize ans.
Platon est le seul grand philosophe parmi ses aînés dont Aristote aura
eu une fréquentation assidue, pendant vingt ans. Cette circonstance est
évidemment décisive pour lui. La relation d'Aristote à Platon est complexe.
Emblématique est cette anecdote légendaire que Diogène Laërce nous
rapporte : Aristote, aurait dit Platon, nous a lancé une ruade comme le font
à peine nés les poulains avec leur mère1. Poulain pourtant, donc du même
sang, de la même essence, mais avec un nouvel essor.
À la mort de Platon en -348 / -347, Aristote part d'Athènes pour des
raisons mal connues, et entame une période de pérégrination du côté de
l'Asie mineure. Il se rend chez le tyran d'Atarnée, Hermias, pendant environ
trois ans, puis à Mitylène sur l'île de Lesbos pendant environ deux ans. On
place à partir des années -343 / -342 un séjour à la cour de Macédoine, où
il assure l'éducation d'Alexandre à partir des treize ans de celui-ci, de -343
/ -342 à -335 / -334.
Ce n'est qu'après la mort de Philippe de Macédoine qu'il revient en
-335 / -334 à Athènes, désormais sous pleine domination macédonienne
grâce à l'action d'Alexandre. Il y fonde le Lycée, où il dispense une forme
d'enseignement dont vraisemblablement la plupart des traités qui nous
sont parvenus sous le nom d'Aristote portent la trace. Le Lycée n'est toutefois pas une sorte d'école ou d'université où l'on dispenserait des diplômes
et évaluerait les aptitudes d'étudiants. Il semble s'y dérouler une véritable
vie commune où l'amitié constitue un lien fondamental, avec une activité
commune de recherche, notamment sous forme de collecte de données,
préalable à l'analyse et à l'explication philosophiques proprement dites.
Enfin, la révolte athénienne et grecque suscitée par Hypéride,
Démosthène et leurs amis en politique à la suite du décès inopiné d'Alexandre
en -323, l'insécurité qui s'ensuivit pour les sympathisants réels ou supposés
de la Macédoine furent probablement les raisons qui conduisirent Aristote
1.
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Diogène Laërce, V 2.
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à quitter Athènes. Une accusation d'impiété pourrait en avoir été la cause
occasionnelle1. Ce n'est ainsi que dans la dernière année de sa vie qu'Aristote
apprit la défaite des Grecs et la victoire du Macédonien Antipater, celui-là
même qui fit mettre à mort Hypéride et fit poursuivre Démosthène jusque
dans le temple de Poseidon à Calaurie où l'orateur s'était réfugié, et où il
se suicida en narguant l'émissaire d'Antipater. Ce général, ami d'Aristote,
avait été désigné gouverneur de la Grèce par Alexandre, alors occupé à sa
conquête de l'Asie. Mais le philosophe mourut lui-même peu après que la
situation se fut rétablie en faveur des Macédoniens, et il décéda à Chalcis
sans revoir Athènes.
L’ œuvre d'Aristote : la pensée de la vie
& la vie de la pensée
Ayant probablement hérité de sa famille un goût pour l'étude des
choses naturelles, Aristote a été formé dans le cercle platonicien. Autant
dire qu'il n'a pas été moins marqué par des aspirations tendant à dépasser
les simples données sensorielles. La grandeur de la pensée aristotélicenne
est certainement dans cette synthèse inédite de la physique et de la métaphysique, de l'empirie et de la spéculation philosophique – quoiqu'on en
trouve malgré tout plus qu'une ébauche dans le Timée de Platon. D'un
point de vue formel, l'effort aristotélicien de pensée se distingue en outre
par une sectorisation et une spécialisation conscientes des savoirs, sans
que le Stagirite soit toutefois allé jusqu'à l'organisation d'un système dans
le sens complet du terme. Mais il faut admettre qu'il conçut un véritable
programme exhaustif de recherches, au moins dans le domaine des sciences
de la nature2. Le seul à l'avoir précédé réellement sur ce point est peut-être
Démocrite, dont l'ampleur des recherches – autant qu'on puisse en juger
1.
2.
Diogène Laërce, V 5-6.
Voir le célèbre prologue des Météorologiques, I 1.
Contexte
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à partir des reliques fragmentaires de son œuvre – n'est pas sans rappeler
celle d'Aristote1. Si le sort avait été moins cruel avec ses écrits2, il est possible
que Démocrite concurrencerait Aristote dans l'histoire de la philosophie.
L'œuvre d'Aristote se présente aujourd'hui comme un corpus de textes
au statut éditorial complexe, voire controversé. Le poème de Parménide,
les dialogues de Platon, ont une composition dramatique qui fait d'eux
une œuvre au sens le plus constitué du terme. L'œuvre aristotélicienne en
revanche repose en un ensemble de textes dont la nature n'est pas toujours
certaine – notes plus ou moins provisoires pour des cours, insertion de résultats de discussions multiples, couches successives de rédaction, état plus ou
moins achevé, textes destinés à un public fermé ou ouvert, etc. – et le statut
éditorial souvent énigmatique. Il est admis que la quasi-totalité des textes
que nous possédons étaient destinés à un usage interne au Lycée, et que nous
avons perdu quasiment tous les écrits exotériques qu'Aristote destinait à une
diffusion large, extérieure à son école, et dont Cicéron vantait la beauté du
style. De plus, les péripéties mythiques des manuscrits d'Aristote après sa
mort ajoutent encore à l'incertitude. L'intervention des éditeurs, et du plus
important d'entre eux Andronicos de Rhodes (-Ier siècle), est probablement
considérable sur des points aussi décisifs que la réunion de plusieurs textes
sous un titre unique (parfois lui-même inventé postérieurement), ou que
l'éventuelle adjonction de phrases de transition – mais l'on n'est pas même
sûr en tous les cas qu'il s'agisse d'ajouts… Le statut complexe des textes
aristotéliciens doit donc porter à une certaine prudence philologique.
Les textes que l'on admet comme étant authentiques (c'est-à-dire
remontant à Aristote, même si l'on soupçonne que certaines phrases ont pu
être ajoutées postérieurement) varient d'un siècle à l'autre. Aujourd'hui, les
titres du corpus actuellement disponibles et considérés comme authentiques
1.
2.
14
On pourra s'en faire une idée à partir de la liste des œuvres données par Diogène Laërce,
IX 46-49.
Rappelons que Platon n'a pas fait brûler les écrits de Démocrite (Diogène Laërce, IX 40), et
que l'animosité envers ce grand philosophe existait non seulement chez un idéaliste comme Platon mais encore chez Épicure lui-même, qui, en déformant son nom Dèmokritos, le
traitait méchamment de Lèrokritos, Distingué-ès-sornettes (Diogène Laërce, X 8). Épicure
a toujours nié sa dette, pourtant réelle, envers Démocrite.
Contexte
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