Dossier n° 34393 COUR SUPRÊME DU CANADA ENTRE : L

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Dossier n° 34393
COUR SUPRÊME DU CANADA
(EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC)
ENTRE :
L’AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC
APPELANTE
(intimée)
- et L’AGENCE DU REVENU DU CANADA
INTIMÉ
(intimée)
- et JEAN RIOPEL
CHRISTIANE ARCHAMBAULT
ENTREPRISE J.P.F. RIOPEL INC.
INTIMÉS
(appelants)
MÉMOIRE DES INTIMÉS
(JEAN RIOPEL, CHRISTIANE ARCHAMBAULT et ENTREPRISE J.P.F. RIOPEL
INC., INTIMÉS)
(En vertu de la Règle 42)
SÉGUIN RACINE, AVOCATS LTÉE
3030, boulevard Le Carrefour
Bureau 1002
Laval (Québec) H7T 2P5
SUPREME ADVOCACY LLP
397, rue Gladstone
bureau 100
Ottawa (Ontario) K2P 0Y9
Me Bruno Racine
Téléphone : 450 681-7744
Télécopieur : 450 681-8400
Courriel : [email protected]
Me Marie-France Major
Téléphone : 613 695-8855
Télécopieur : 613 695-8580
Courriel : [email protected]
Procureurs des intimés, Jean Riopel,
Correspondante des intimés, Jean Riopel,
Christiane Archambault et Entreprise J.P.F. Christiane Archambault et Entreprise J.P.F.
Riopel inc.
Riopel inc.
LARIVIÈRE MEUNIER
22e étage
3, Complexe Desjardins C.P. 5000
Montréal (Québec) H5B 1A7
NOËL ET ASSOCIÉS S.E.N.C.R.L.
11, rue Champlain
Gatineau (Québec) J8X 3R1
Me Judith Kucharsky
Me Pierre Zemaitis
Tél. : 514 287-8333
Télec. : 514 873-8992
Courriel : [email protected]
[email protected]
Me Pierre Landry
Tél. : 819 771-7393
Télec. : 819 771-5397
Courriel : [email protected]
Procureurs de l’appelante, Agence du
Revenu du Québec
MINISTÈRE DE LA JUSTICE CANADA
Tour Est, 9e étage
Complexe Guy-Favreau
200, boul. René-Lévesque Ouest
Montréal (Québec) H2Z 1X4
Me Pierre Cossette
Tél. : 514 283-8756
Télec. : 514 283-3103
Courriel : [email protected]
Procureur de l’Agence du Revenu du
Canada
Correspondant de l’appelante, Agence du
Revenu du Québec
MINISTÈRE DE LA JUSTICE CANADA
Secteur des activités juridiques
Édifice de la Banque du Canada
Tour Est, Bureau 1216
234, rue Wellington
Ottawa (Ontario)
Me Christopher Rupar
Tél. : 613 941-2351
Télec. : 613 954-1920
Courriel : [email protected]
Correspondant de l’Agence du Revenu du
Canada
TABLE DES MATIÈRES
ONGLET
PAGE
1. Mémoire des Intimes
PARTIE I - EXPOSÉ DES FAITS ...............................................................................................1
Introduction ................................................................................................................................1
Résumé des faits .......................................................................................................................4
Décisions des tribunaux d’instances inférieures ........................................................................8
PARTIE II - EXPOSÉ DES QUESTIONS EN LITIGE ..........................................................10
PARTIE III - EXPOSÉ DES ARGUMENTS ............................................................................11
1.
Application du C.c.Q. ............................................................................................12
1.1
L’existence d’un contrat : l’expression des volontés des parties ...........................12
1.1.1
La validité du contrat ......................................................................................14
1.2
L’interprétation du contrat ....................................................................................14
1.3
Les règles de preuve ..............................................................................................20
1.4
Conséquences fiscales ............................................................................................21
2.
Remèdes en droit civil québécois ..........................................................................26
2.1
Critères exigés par la Cour d’appel dans AES .......................................................28
2.2
Analogie avec l’inscription de faux .......................................................................31
3.
La common law et la notion de rectification ..........................................................32
3.1
La common law et le droit civil..............................................................................32
3.2
Les critères de Shafron...........................................................................................35
3.1.2
Correctifs demandés ........................................................................................36
PARTIE IV - ARGUMENT AU SUJET DES DÉPENS ..........................................................37
PARTIE V - ORDONNANCES DEMANDÉES .......................................................................37
PARTIE VI - TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES ...................................................38
PARTIE VII - TEXTES LÉGISLATIFS...................................................................................42
MÉMOIRE DES INTIMÉS
PARTIE I - EXPOSÉ DES FAITS
INTRODUCTION
1.
Dans la présente affaire, la Cour d’appel du Québec (ci-après « C.A.Q. ») a permis de
corriger des documents afin qu’ils reflètent l’intention des parties.
2.
Cette intention fut clairement et simplement exprimée par les intimés à des
professionnels qui, après leur avoir présenté une série de transactions répondant à leur
besoins et devant être exécutées dans un ordre précis, ont décidé à l’insu des parties d’en
changer l’ordre suite à une erreur commise par eux dans l’exécution de certains documents.
Ce faisant et toujours à l’insu des parties, ces professionnels ont commis une deuxième erreur
en analysant mal les conséquences fiscales de ce changement.
3.
Soulignons que la planification fiscale originalement prévue répondait adéquatement
aux attentes des intimés quant au but recherché et aux conséquences fiscales. Les
modifications apportées par les Conseillers fiscaux à l’insu des intimés ont fait en sorte que le
but recherché et les conséquences fiscales désirées n’étaient plus obtenues par les intimés.
4.
Dans un tel contexte, la Cour supérieure et la C.A.Q. peuvent-elles rectifier les écrits
(instrumentum) dont les termes ne reflètent pas le contrat (negotium), à savoir l’entente issue
de la véritable intention des parties?
5.
Les deux jugements de la C.A.Q. entendu conjointement en appel sont clairs et non
équivoques, pour répondre affirmativement à cette question.
6.
Simplement exprimé, le présent litige met en opposition l’accord de volonté des
intimés au sujet d’une réorganisation de leurs affaires corporatives et sa mise en application,
laquelle ne s’est pas faite conformément à ce qui était convenu suite à des changements
unilatéraux apportés par les professionnels mandatés pour effectuer ladite réorganisation.
7.
Toute la théorie de l’appelante échafaudée dans son mémoire est fondée sur une base
erronée, puisqu’elle confond le contrat au sens de l’acte juridique (negotium) avec le contrat
2
au sens de l’écrit (instrumentum). Pour l’appelante, l’écrit constitue le seul contrat qui existe
et elle insiste sur une série de détails reliés cet à écrit malgré la preuve qui, comme l’a
souligné la C.A.Q. :
« …révèle indiscutablement un écart entre l’intention commune des parties et
leur intention déclarée : les parties au contrat ont voulu tout autre chose que ce
que leurs prestataires de service ont consigné dans le document P-8 ainsi que
dans certains documents accessoires. Le contenu de ces documents n’est tout
simplement pas conforme au véritable contrat des parties 1. »
8.
Les intimés soumettent que l’appelante s’immisce dans un débat civil où les parties
cherchent simplement à faire corriger des documents pour qu’ils reflètent leur intention
véritable afin, ni plus ni moins, de réclamer des impôts qui n’auraient pas existés, n’eut été
des erreurs commises à leur insu par les professionnels qu’ils ont engagés. Autrement dit,
l’appelante profite d’une situation pour réclamer des impôts qui, autrement, ne lui seraient
pas dus.
9.
Or, se fondant sur le Code civil du Québec, L.R.Q. c C-1991, (ci-après « C.c.Q. »), les
tribunaux ont depuis longtemps reconnu le principe de la primauté de la volonté réelle sur la
volonté déclarée par écrit des parties à un acte juridique 2.
10.
L’appelante prétend erronément que la C.A.Q. tente d’introduire au Québec un
nouveau recours se fondant sur la doctrine de « rectification » similaire à celle développée en
common law.
11.
À l’instar de la C.A.Q., les intimés soutiennent que la référence à la « réparation
équitable de rectification des provinces de la common law » est inutile dans la présente
affaire.
12.
En l’espèce, la C.A.Q. a simplement donné plein effet au contrat intervenu (negotium)
entre les intimés en rectifiant les documents en litige (instrumentum) qui, indiscutablement,
ne reflétaient pas leur volonté.
1
Jugement de la Cour d’appel, p. 19, volume 1 DA, par. 17;
Richer c. Mutuelle du Canada (La), Cie d'assurance sur la vie, [1987] R.J.Q. 1703 (C.A.), p. 3 [Recueil des
Sources « R.S. », Onglet 29]; Sobeys Québec Inc. c. Coopérative des consommateurs de Ste-Foy, [2006] R.J.Q.
100 (C.A.), par. 47 [R.S., Onglet 33]
2
3
13.
Les intimés font valoir que la C.A.Q. :
13.1.
a judicieusement appliqué les règles du C.c.Q., en particulier l’article 1425
C.c.Q., afin de faire ressortir quelle était l’intention réelle des intimés lors de
la conclusion du contrat;
13.2.
ne fait que donner plein effet à l’entente intervenue;
13.3.
ne crée pas un nouveau recours en droit civil québécois;
13.4.
n’introduit pas en droit civil québécois des notions de common law puisque le
C.c.Q. contient tous les outils nécessaires requis à cette fin.
14.
Les intimés font valoir que si les notions de common law devaient s’appliquer, plus
particulièrement les critères développés dans les affaires Performance 3 et Shafron 4, les
conditions requises sont réunies dans la présente affaire pour modifier les documents
puisque :
a) l’existence et la teneur de l’entente verbale antérieure a été prouvée;
b) n’eut été de circonstances qui s’apparentent à de la fraude (les modifications ayant
été faites à leur insu par les professionnels), les parties aurait dû connaître la
discordance entre l’entente verbale et le document écrit;
c) la démonstration des modifications à être apportées a été faite et appliquée de
façon précise par la C.A.Q.;
15.
Ayant le bénéfice de lire les arguments de l’intimé dans l’affaire Québec (Sous-
ministre du revenu) c. Services environnementaux AES Inc. 5 (ci-après « AES »), les intimés
soulignent qu’ils souscrivent à tous les arguments soumis par l’intimé AES et désirent
apporter des précisions quant à la présente affaire ainsi que des observations additionnelles.
3
[2002] 1 R.C.S. 678, 2002 CSC 19 [R.S., Onglet 26]
[2009] 1 R.C.S. 157, 2009 CSC 6 [R.S., Onglet 31]
5
2011 QCCA 394 [R.S., Onglet 27]
4
4
RÉSUMÉ DES FAITS
16.
Par soucis de clarté et de précision, les faits de la présente affaire seront repris en
référant de façon précise aux témoignages composant la preuve corroborée et non contredite
établissant de manière concluante que :
16.1.
Le 20 mars 2002, l’intimée Archambault achète 40 % des actions de
Déchiquetage Mobile J.R. Inc. (ci-après « Déchiquetage ») d’un tiers en
contrepartie du paiement de la somme de 335 000 $ 6. Son conjoint, l’intimé
Riopel, en possède 60 % 7;
16.2.
En juillet 2004, Déchiquetage vend son entreprise, ce qui provoque la création
d’un compte de dividendes en capital (ci-après « CDC ») suite à la vente, entre
autre, d’un achalandage 8;
16.3.
Le comptable des intimés, monsieur Luc Forest, suggère de procéder à la
fusion de Déchiquetage avec Entreprise J.P.F. Riopel Inc. (ci-après « JPF-1 »)
dont l’intimé monsieur Riopel est l’unique actionnaire 9;
16.4.
Le 1er septembre 2004, lors d’une rencontre entre les intimés, leur comptable,
monsieur Forest, et Me Luc Martel (ci-après collectivement désignés les
« Conseillers fiscaux »). Me Martel leur présente la réorganisation suivante
(ci-après « Réorganisation initiale »), devant être effectuée dans l’ordre précis
décrit ci-après 10:
16.4.1. Le 30 octobre 2004, l’intimée Archambault vendra à JPF-1 les actions
qu’elle détient dans Déchiquetage en contrepartie d’un billet d’une
valeur de 335 000 $ et de l’émission d’actions dont la valeur est
6
Pièce P-4 Contrat d’acquisition des actions de Déchiquetage Mobile JR Inc., p. 22 volume III du dossier de
l’appelante (ci-après « DA »).
7
Témoignage de Me Luc Martel le 23 mars 2010, p.78, ligne 10, volume I DA.
8
Témoignage de Me Luc Martel le 23 mars 2010, p.92, ligne 10 et suivantes, volume I DA.
9
Témoignage de M. Luc Forest le 23 mars 2010, p.14, ligne 9, volume II DA et témoignage de Me Luc Martel
le 23 mars 2010, p.2, ligne 14, volume II DA.
10
Témoignage de Me Luc Martel le 23 mars 2010, p.89, ligne 22; p. 90, ligne 4, p. 96 ligne 6, volume I DA et
Pièce P-13 Notes manuscrites de Me Luc Martel datées du 1er septembre 2004, p. 193 volume III DA.
5
estimée à 465 000 $, le tout pour une valeur totale estimée à
800 000 $ 11, sujet à ajustement;
16.4.2. Le 1er novembre 2004, il y aura fusion de Déchiquetage et JPF (la
société résultant de la fusion devant être nommée « Entreprise J.P.F.
Riopel Inc. » ci-après « JPF-2 »);
16.4.3. Finalement le 4 novembre 2004, JPF-2 remboursera le billet et
rachètera les actions à même le CDC sans conséquence fiscale;
16.5.
Le choix des dates auxquelles les opérations seront exécutées est important
pour des raisons comptables et légales puisque, notamment, l’intimée
Archambault devait vendre avant la fusion, opération qui provoque une fin
d’exercice pour les sociétés impliquées 12. La fin d’exercice de JPF-1 étant le
31 octobre 2004, des frais comptables additionnels seraient donc évités en
établissant la date de la fusion le 1er novembre 2004;
16.6.
Lors de cette rencontre, les intimés s’entendent pour mettre en œuvre la
Réorganisation initiale, puisqu’elle permet à l’intimée Archambault de retirer
la valeur de ses actions libre d’impôt conformément à la législation fiscale,
qu’elle simplifie la structure corporative et permet à l’intimé Riopel d’être seul
actionnaire 13 (ci-après l’« Intention des intimés »);
16.7.
Les intimés ont donné le mandat de façon claire et non équivoque au
comptable monsieur Forest de faire les ajustements comptables requis 14 et à
Me Martel de préparer la documentation nécessaire afin de réaliser cette
réorganisation 15;
11
Témoignage de Me Luc Martel le 23 mars 2010, p.86, ligne 6, volume I DA.
Témoignage de Me Luc Martel le 23 mars 2010, p.90, lignes 3 et suivantes, volume I DA.
13
Témoignage de M. Jean Riopel le 23 mars 2010, p.3, lignes 5 et 22, volume II DA, témoignage de Me Luc
Martel le 23 mars 2010, p. 102, ligne 21 et suivantes, volume I DA.
14
Témoignage de M. Luc Forest le 23 mars 2010, p.19, ligne 23, volume II DA; témoignage de M. Luc Forest le
23 mars 2010, p.19, ligne 13, volume II DA.
15
Témoignage de M. Jean Riopel le 23 mars 2010, p.5, ligne 21, volume II DA.
12
6
16.8.
La valeur totale des actions de l’intimée Archambault a finalement été ajustée
à 720 000 $ 16;
16.9.
Me Martel dépose les statuts de fusion vers le 20 octobre 2004 avec date
effective au 1er novembre 2004 17;
16.10. Le 27 octobre 2004, le comptable monsieur Forest constate que des clauses
sont manquantes dans les statuts de fusion 18, ce qui met en péril l’exécution de
la Réorganisation initiale. Plutôt que de corriger les statuts de fusion, les
Conseillers fiscaux décident unilatéralement de modifier la Réorganisation
initiale 19 et préparent les documents contractuels sans informer les intimés des
modifications et de leurs conséquences 20. La modification vise :
16.10.1.
À garder la fusion telle quelle, faisant en sorte que l’intimée
Archambault se retrouve actionnaire « ordinaire » de JPF-2 résultante
de la fusion;
16.10.2.
L’intimée Archambault vendra ses actions à JPF-2 à cette même
société en contrepartie d’un billet de 335 000 $ et de 385 000 actions
privilégiées « C »;
16.10.3.
Les actions « C » de l’intimée Archambault seront rachetées par la
société;
16.11. Le ou vers le 2 novembre 2004, les intimés signent les documents avec le
comptable monsieur Forest, en plus de toute la documentation comptable
16
Témoignage de Me Luc Martel le 23 mars 2010, p.88, ligne 10, volume I DA;
Témoignage de Me Luc Martel le 23 mars 2010, p.105, lignes 6 et suivantes, volume I DA, voir également les
pièces P-7 et P-14 volume III DA;
18
Témoignage de M. Luc Forest le 23 mars 2010, p.21, lignes 15 et suivantes, volume II DA
19
Témoignage de M. Luc Forest le 23 mars 2010, p.23, lignes 8 et suivantes, volume II DA, témoignage de Me
Luc Martel le 23 mars 2010, p.114, ligne 5 et suivantes, volume I DA;
20
Témoignage de M. Jean Riopel le 23 mars 2010, p.6, lignes 13 et suivantes, volume II DA, témoignage de Me
Luc Martel le 23 mars 2010, p.115, ligne 22, volume I DA, témoignage de M. Luc Forest le 23 mars 2010, p.26,
ligne 10, volume II DA;
17
7
préparée par ce dernier, sans connaitre les modifications apportées à la
Réorganisation initiale sur laquelle ils s’étaient entendus 21;
16.12. Le 2 novembre 2004, lors de la signature des différents documents, les intimés
ont fait confiance à leurs Conseillers fiscaux 22 et n’ont pas convenu d’une
nouvelle entente ou accepté de modifier la Réorganisation initiale, puisqu’ils
n’étaient pas au courant de modifications apportées. Ils ont donc signé les
différents documents en étant convaincus que ceux-ci reflétaient la
Réorganisation initiale;
16.13. En janvier 2007, l’intimée Archambault reçoit des avis de cotisation lui
réclamant une somme de 150 000 $ étant donné le rachat effectué suivant la
réorganisation non conforme à l’Intention des intimés qui a provoqué un
dividende imposable;
16.14. Le 9 juillet 2007, les intimés ont présenté une requête en jugement déclaratoire
intitulée « Requête introductive d’instance en rectification de contrat
amendée », en vertu de l’article 453 du Code de procédure civile,
L.R.Q., c. C-25, demandant la rectification du contrat de vente intervenu le
2 novembre 2004 ainsi que des documents afférents pour que ceux-ci soient
conformes à la transaction prévue initialement sans pour autant en changer la
substance. La requête introductive d’instance a été amendée le 19 mars 2010
pour modifier les conclusions afin de prévoir une solution alternative dans la
réémission des actions et des corrections à apporter.
16.15. Au procès en première instance, l’appelante n’a présenté aucune preuve pour
contredire celle présentée par les intimés, ni présenté aucune objection à
l’égard de l’admissibilité celle-ci. L’appelante n’ayant pas soulevé ce moyen à
21
Témoignage de M. Jean Riopel le 23 mars 2010, p.6, ligne 13, volume II DA; témoignage de Me Luc Martel
le 23 mars 2010, p.195, ligne 20, volume I DA;
22
Témoignage de M. Jean Riopel le 23 mars 2010, p.7, ligne 2, p. 10, ligne 23, volume II DA, témoignage de
Me Luc Martel le 23 mars 2010, p.197, ligne 23, volume I DA;
8
la première occasion, est forclose de le faire par la suite, le vice, si vice il y a,
étant couvert par le défaut de le soulever en temps opportun 23.
16.16. Contrairement à ce prétend l’appelante, tous les éléments essentiels à la
formation d’un contrat sont réunis le 1er septembre 2004 pour conclure à
l’existence d’un acte juridique sur lequel les intimés se sont entendus (la
Réorganisation initiale) et pour lequel elles donneront le mandat d’exécuter la
documentation nécessaire aux Conseillers fiscaux.
DÉCISIONS DES TRIBUNAUX D’INSTANCES INFÉRIEURES
17.
Le 12 avril 2010, l’honorable Francine Nantel, j.c.s., a constaté les faits mentionnés
précédemment, plus particulièrement qu’il y avait eu accord de volonté le 1er septembre 2004
quant à la Réorganisation initiale 24.
18.
La juge a également constaté que les parties n’avaient pas donné leur accord à l’écrit
signé le 2 novembre 2004 25. Pour la juge de première instance, il s’agissait d’une erreur
entachant le consentement des intimés qui aurait pu donner lieu à l’annulation de l’écrit signé
le 2 novembre 2004. L’annulation n’étant toutefois pas demandée, le tribunal ne la
prononcera pas. Au surplus, le juge de première instance estime qu’elle n’a pas le pouvoir
d’ordonner la rectification demandée par les parties puisqu’il ne s’agit pas d’une erreur
matérielle. Par conséquent, le tribunal rejette la requête des intimés.
19.
Le 20 mai 2011, la C.A.Q., dans un arrêt unanime des juges Bich, Kasirer et Wagner,
accueillait l’appel des intimés et écrivait :
[8] La preuve non contredite établit de manière concluante l’ensemble des faits
qu’allèguent les appelants et dont les éléments essentiels ont été rappelés plus
haut. Contrairement à ce que prétendent les intimés, en effet, il ressort de cette
preuve – et c’est d’ailleurs ce que constate la juge de première instance
notamment aux paragraphes 6 à 8, 29 et 40 de son jugement – que les appelants
ont bel et bien convenu, lors de la rencontre du 1er septembre 2004, d’une
planification fiscale comportant les étapes suivantes, en séquence : 1.
23
Brunet c. Archambault, [1983] R.L. 201 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée
[1980] 2 R.C.S. v) [R.S., Onglet 9]
24
Jugement de la Cour supérieure, volume I DA pp. 4, 5 et 8, par. 6 à 8 et 29.
25
Jugement de la Cour supérieure, volume I DA, p. 8, par. 29.
9
l’appelante Archambault vend à JPF-1 les actions qu’elle détient dans
Déchiquetage mobile JR inc., moyennant un prix de vente d’un ordre de
grandeur de 800 000 $ (juste valeur marchande devant simplement être
précisée), prix payable par un billet dont le montant correspond au coût
d’acquisition des actions et par l’émission d’un certain nombre d’actions
privilégiées de JPF-1, 2. Cette dernière fusionne ensuite avec Déchiquetage
mobile JR inc., JPF-2 étant issue de cette fusion, 3. JPF-2, tenue aux
obligations de JPF-1 acquitte le billet et désormais dans son capital-actions, et
ce, à même le compte de dividende qui lui vient de Déchiquetage Mobile JR
inc. Le tout devait permettre à l’appelante Archambault de se retirer de
Déchiquetage Mobile JR inc. et de laisser le contrôle de JPF-1 puis de JPF-2 au
seul appelant Riopel, sans impact fiscal pour les participants, et, en particulier,
pour l’appelante Archambault. Les détails de cette planification et la mise en
œuvre de celle-ci ont été confiés au comptable des appelants et à l’avocat
Martel. […]
[11] La preuve démontre à cet égard que l’avocat a commis une erreur
dans les statuts de fusion, erreur qu’il a préféré ne pas dévoiler à ses
clients, cherchant plutôt, avec l’aide du comptable, à remédier
discrètement au problème. Les documents qu’ils préparent et font
signer à leurs clients, là encore sans attirer leur attention sur les
changements qui se trouvaient ainsi apportés à la planification
convenue, font en sorte que 1. La fusion de Déchiquetage Mobile JR
inc. et de JPF-1 a lieu dans un premier temps; 2. L’appelante
Archambault se retrouve dans un deuxième temps détentrice d’actions
de JPF-2; 3. Elle vend alors ces actions à JPF-2 moyennant un prix de
720 000 $ (c’est la juste valeur marchande arrêtée par le comptable à la
suite de l’entente du 1er septembre 2004), prix payable par un billet à
demande de 335 000 $ et l’émission de 385 000 actions privilégiées de
JPF-2 (c’est le document P-8) et 4. JPF-2 rachète subséquemment ces
actions privilégiées. Malheureusement, autre erreur, le remède ainsi
choisi a généré des conséquences fiscales imprévues (l’avocat et le
comptable n’ayant pas tenu compte d’une certaine disposition des lois
fiscales), ce dont l’appelante Archambault fait les frais. C’est du reste
au moment où celle-ci reçoit les avis de cotisation que lui adressent les
intimés que les appelants découvrent le pot aux roses. […]
[17] En l’espèce, l’affaire ne s’inscrit pas dans la perspective de l’erreur
comme vice de consentement et la preuve révèle indiscutablement un
écart entre l’intention commune des parties et leur intention déclarée :
les parties au contrat ont voulu tout autre chose que ce que leurs
prestataires de service ont consigné dans le document P-8 ainsi que
dans certains documents accessoires. Le contenu de ces documents
n’est tout simplement pas conforme au véritable contrat des parties.
[Nos soulignés]
10
20.
Considérant en particulier l’article 1425 C.c.Q. et les arrêts Sobeys Québec Inc. c.
Coopérative des consommateurs de Ste-Foy 26 (ci-après « Sobeys ») et AES, la C.A.Q. :
[33]
ACCUEILLE la requête introductive d'instance, avec dépens;
[34] CONSTATE et DÉCLARE que les pièces P-7 (statuts de fusion) et P-8
(contrat) ne coïncident pas avec la volonté des appelants et ne la reflètent pas;
[35] PERMET aux appelants de substituer aux pièces P-7 (statuts de fusion)
et P-8 (contrat) les pièces P-12a) (statuts de fusion corrigés) et P-10a) (contrat),
qui reflètent leur volonté, comme si ces pièces étaient ici récitées au long, pour
faire partie intégrante du présent arrêt;
[36] PERMET en conséquence aux appelants de remplacer la pièce P-9
(formulaires T2057 et TP518) par la pièce P-11a) (formulaires T2057 et TP518
corrigés), comme si cette pièce était ici récitée au long, pour faire partie
intégrante du présent arrêt;
[37] DÉCLARE que le contrat P-10a) a effet depuis le 30 octobre 2004, les
statuts de fusion P-12a) conservant la date originale du 1er novembre 2004;
[38] PERMET aux appelants de faire parvenir aux intimés les formulaires
T2057 et TP518 corrigés (pièce P-11a)) dans les 10 jours suivant la date du
présent arrêt, comme s'ils avaient été signés et transmis le 1er novembre 2004;
[39] DÉCLARE que ces substitutions et rectifications, qui font concorder les
écrits à la volonté des parties, sont opposables aux intimés ainsi qu'au mis en
cause (le registraire des entreprises);
[40] ORDONNE aux intimés et au mis en cause de faire le nécessaire pour
donner suite aux conclusions ci-dessus.
PARTIE II - EXPOSÉ DES QUESTIONS EN LITIGE
21.
L’appelante soumet, aux paragraphes 27 et 28 de son mémoire, les deux questions
suivantes :
26
1.
Un tribunal peut-il, en vertu du droit civil québécois, rectifier ou modifier un
écrit ou un document contractuel au motif de conséquences fiscales
inattendues?
2.
Un tribunal peut-il, en vertu du droit civil, québécois, annuler un écrit ou un
document contractuel au motif de conséquences fiscales inattendues?
[2006] R.J.Q. 100 (C.A.) [R.S., Onglet 33]
11
22.
Pour les motifs qui suivent, les intimés répondent par l’affirmative à ses deux
questions.
23.
Par ailleurs, les intimés soumettent respectueusement que le présent pourvoi ne traite
pas de conséquences fiscales inattendues, mais bien de l’écart entre l’intention des parties et
l’écrit qui le constate.
24.
Par conséquent, les intimés soutiennent, à l’instar de la C.A.Q., que la question en
litige dans la présente affaire se résume plutôt ainsi :
La Cour supérieure aurait-elle dû (…) rectifier la situation, faisant ainsi
ressortir la véritable intention des parties et leur véritable contrat 27 ?
25.
Les intimés font valoir, pour les motifs qui suivent, que cette question se répond par
l’affirmative.
PARTIE III - EXPOSÉ DES ARGUMENTS
26.
L’appelante prétend que l’article 1425 C.c.Q. est inapplicable et ne peut permettre une
rectification de l’ampleur décidée par la C.A.Q. L’appelante va même jusqu’à prétendre que
la rectification ne trouve pas son fondement dans le C.c.Q. Finalement, l’appelante reproche à
la C.A.Q. d’avoir importé la doctrine de rectification équitable de common law en droit civil
québécois et d’avoir ainsi permis la correction d’un contrat sans fondement statutaire.
27.
Dans les paragraphes qui suivent, les intimés feront plutôt valoir que la C.A.Q. a
judicieusement appliqué l’article 1425 C.c.Q.; que le droit civil québécois comporte des
règles d’interprétation qui permettent la correction des écrits dont les termes ne correspondent
pas à la volonté des parties; et que la C.A.Q. ne s’est pas appuyée sur une doctrine de
common law pour rendre son jugement.
27
Jugement de la Cour d’appel, volume I DA, par. 12, p. 18.
12
28.
1.
Application du C.c.Q.
1.1
L’existence d’un contrat : l’expression des volontés des parties
Les intimés soutiennent que, dans le but de cerner l’essence de la question en litige, il
est nécessaire d’abord de se pencher sur la notion de la formation du contrat en droit civil. À
ce titre, le premier alinéa de l’article 1378 C.c.Q. énonce que :
1378. Le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs
personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation.
29.
Karim explique le concept : « [p]our que le principe voulant que le contrat, soit la loi
des parties, rencontre son application, le contrat doit être le fruit d’un accord des volontés. Un
tel accord est nécessaire non seulement à sa validité mais aussi à son existence. Une fois
valablement formé, il s’impose aux parties et produit ses effets entre elles de la même
manière et avec la même force, comme si ces effets résultaient de la loi 28. » Dans le même
ordre d’idées, Baudouin et Jobin précisent que « [t]out contrat suppose à la base un accord de
volonté entre parties sur un objet. Le contrat naît donc de la rencontre de deux volontés, avec
intention de créer des liens juridiques, d’un échange de consentement 29. »
30.
L’article 1385 C.c.Q. énonce que :
1385. Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des
personnes capables de contracter, à moins que la loi n'exige, en outre, le
respect d'une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation, ou
que les parties n'assujettissent la formation du contrat à une forme solennelle.
Il est aussi de son essence qu'il ait une cause et un objet.
31.
On comprend de cet article que l’existence d’un contrat, acte juridique par excellence,
dépendra de quatre conditions : 1) l’échange d’un consentement; 2) la capacité de contracter;
3) l’existence d’un objet; et 4) l’existence d’une cause;
32.
Sachant ces conditions pour la formation d’un contrat et contrairement à ce que laisse
croire l’argumentation développée par l’appelante dans son mémoire, les intimées
28
Vincent KARIM, Les Obligations, vol. 1, 3ième éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, p. 154 [R.S., Onglet
41]
29
Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 5e éd., Cowansville, Yvon Blais, 1998,
par. 167 [R.S., Onglet 37]
13
soutiennent qu’il faut conclure qu’un contrat a été valablement formé en date du 1er
septembre 2004, conformément à l’Intention des intimés, et non pas le 2 novembre 2004, date
à laquelle les écrits ou documents en litige ont été signés.
33.
Les intimés soutiennent avoir démontré la formation d’un contrat le 1er septembre
2004 en ce que :
34.
1.
La preuve non contredite démontre la rencontre de deux volontés (celle de
l’intimée Archambault et celle de l’intimé Riopel) qui consentent à la
Réorganisation initiale et même en vertu desquelles les intimés donnent à leurs
Conseillers Fiscaux le mandat de l’exécuter;
2.
De toute évidence, les intimés avaient la capacité de contracter et de mandater
les professionnels;
3.
L’objet de leur entente était l’exécution de la Réorganisation initiale tel que
présentée;
4.
La cause de la réorganisation initiale était qu’elle permet à l’intimée
Archambault de retirer la valeur de ses actions libre d’impôt, de simplifier la
structure corporative et permettre à l’intimé Riopel d’être seul actionnaire;
Au paragraphe 9 de son jugement, la C.A.Q. résume les événements du 1er septembre
2004 comme suit :
[9] Les appelants n’ont donc pas demandé aux professionnels dont ils avaient
retenu les services de trouver une solution, peu importe laquelle, en vue de
permettre à Mme Archambault de se retirer de Déchiquetage Mobile JR inc.
sans incidence fiscale. C’est la lecture que les intimés font de la preuve, mais
cette lecture est fort réductrice et, à vrai dire, inexacte : les appelants ont plutôt
accepté la planification dont les termes essentiels leur ont été proposés par
l’avocat Martel et ils ont chargé celui-ci, en collaboration avec le comptable
Forest, de la réaliser, et ce, par instructions expresses. Il va de soi que la
mécanique de l’affaire n’a pas été précisée dans ses moindres détails, qui ont
en effet été laissés à l’avocat et au comptable. Il appert donc clairement que
les appelants ne se sont pas contentés d’investir ces derniers d’une mission
vague, consistant simplement à structurer quelque transaction que ce soit de
façon à éviter tout impact fiscal. Plutôt, ils se sont entendus pour que soient
effectuées, dans l’ordre, les diverses étapes de la planification exposée plus
haut et, en particulier, ils se sont entendus pour que l’appelante Archambault
vende à JPF-1 les actions qu’elle détenait dans Déchiquetage Mobile JR inc.
moyennant un prix de vente devant ultérieurement être acquitté par JPF-2, ellemême née de la fusion subséquente entre JPF-1 et Déchiquetage mobile JR inc.
14
35.
Sujet aux arguments qui suivent, les intimés soutiennent qu’ils ont démontré
l’existence d’un contrat, acte juridique daté du 1er septembre 2004, et que l’appelante a tort de
prétendre que le « contrat » ou un « nouveau contrat » a été formé le 2 novembre 2004. Ce
faisant, toutes les récriminations de l’appelante à l’égard d’un soi-disant changement au
contrat, au sens propre de ce terme, ne sont d’aucune pertinence.
1.1.1
36.
La validité du contrat
Pour la juge de première instance et l’appelante, l’écrit du 2 novembre 2004 constitue
un contrat entaché de vice de consentement. C’est pourquoi, selon eux, un recours en nullité
aurait dû être entrepris, si vice de consentement il y a 30. Or, cet argument ne saurait être
retenu, étant donné que la seule et véritable entente ou contrat valablement formé par
l’échange des volontés des parties est intervenue le 1er septembre 2004. Les intimés n’ont
jamais eu l’intention d’annuler pareille entente, mais bien au contraire, ils tentent par tous les
moyens de faire correspondre les écrits ou documents avec cette entente.
37.
Au surplus, les intimés soumettent que la simple annulation du document P-8 daté du
2 novembre 2004 n’aurait pas été à elle seule suffisante pour remédier aux erreurs commises
par les Conseillers fiscaux, puisqu’elle n’apporte pas les correctifs nécessaires à la
documentation pour refléter la Réorganisation initiale. Pour ce faire, force est d’admettre
qu’il faille également corriger les documents pour les rendre conformes à la véritable
Intention des intimés.
38.
Contrairement à ce que laisse entendre l’appelante, la preuve ne démontre pas au 2
novembre 2004 une nouvelle entente ou l’échange de volontés entre les parties. Baudouin et
Jobin rappellent qu’ « [i]l ne saurait donc y avoir véritablement contrat s’il n’y a pas eu
consentement 31. » Ainsi, les intimés n’étant pas informés des modifications, il ne saurait donc
être question d’une nouvelle entente formée en date du 2 novembre 2004.
1.2
39.
30
L’interprétation du contrat
L’article 1425 C.c.Q. énonce que :
Mémoire de l’appelante, par. 45 et ss.
Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 5e éd., Cowansville, Yvon Blais, 1998,
par. 408 [R.S., Onglet 37]
31
15
1425. Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la
commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des
termes utilisés.
40.
Dans ses commentaires relatifs à l’article 1425 C.c.Q., entré en vigueur le
er
1 janvier 1994 avec le nouveau C.c.Q., le ministre de la Justice du Québec soulignait que cet
article reprend l’idée qu’énonçait l’article 1013 du Code civil du Bas-Canada, LQ 1980, c 39,
(ci-après « C.c.B.-C. ») de la primauté de l’esprit sur la lettre, la recherche de l’intention
véritable des parties prévalant sur l’interprétation littérale d’un contrat.
41.
Selon cette honorable Cour, les commentaires du ministre de la Justice du Québec ont
une importance certaine, particulièrement lorsque l’on veut cerner l’intention du législateur.
L’honorable juge Gonthier, dans l’affaire Doré c. Verdun (Ville) 32, exposait ceci :
[14] Évidemment, l’interprétation du Code civil doit avant tout se fonder sur
le texte même des dispositions. Cela dit et comme le soulignait le juge
Baudouin dans le jugement dont appel, il n’y a cependant aucune raison
d’écarter systématiquement les Commentaires du ministre, puisqu’ils peuvent
parfois constituer un élément utile pour cerner l’intention du législateur,
particulièrement lorsque le texte de l’article prête à différentes interprétations
(à la p. 1327).
42.
L’article 1013 C.c.B.-C. se lisait comme suit :
1013. Lorsque la commune intention des parties dans un contrat est douteuse,
elle doit être déterminée par interprétation plutôt que par le sens littéral des
termes du contrat.
43.
Les intimés notent que le législateur n’exige plus depuis 1994 que l’intention des
parties soit « douteuse » pour être déterminée par interprétation. Par conséquent, l’argument
de l’appelante selon lequel cet article ne s’applique qu’en cas d’ambiguïté ne tient pas.
44.
D’ailleurs, la présence d’une ambigüité à même le texte du contrat ne constitue pas
une condition sine qua non pour permettre au juge de rechercher l’intention des parties en
interprétant le texte, comme le soumet l’appelante au paragraphe 38 de son mémoire. À ce
propos, Pineau, Burman et Gaudet expliquent que :
32
Doré c. Verdun (Ville), [1997] 2 R.C.S. 862 [R.S., Onglet 14]
16
Le principe posé par l'article 1425 C.c.Q. ne soulève pas de difficultés lorsque
les termes utilisés par les parties sont ambigus ou ne peuvent manifestement
pas être le reflet de leur commune intention : il est alors logique de chercher, à
partir d'indices divers, ce que les parties ont voulu dire plutôt que de s'en tenir
à la lettre de leur entente. On précisera cependant que, dans la mesure où les
termes du contrat ne sont pas ambigus, on doit évidemment présumer qu'ils
sont le fidèle reflet de l'intention véritable des parties. Aussi, dans la mesure où
les termes utilisés par les parties ne soulèvent pas de difficultés d'interprétation,
le juge devra les appliquer sans chercher à les transgresser sous prétexte
d'interprétation, à moins qu'on ne réussisse à mettre légalement en preuve des
éléments donnant lieu de croire que, malgré l'absence d'ambiguïté des termes
utilisés, ceux-ci trahissent - plutôt qu'ils ne traduisent - l'intention véritable des
parties 33. [Nos soulignés]
45.
Dans la présente affaire, les intimés soumettent qu’ils ont réussi à mettre en preuve de
façon concluante et prépondérante la discordance entre leur volonté réelle et les écrits,
particulièrement P-8 daté du 2 novembre 2004, qui ne reflètent pas leur volonté.
46.
En effet, dans Sobeys, la C.A.Q. a rappelé qu’un écart entre la volonté déclarée et la
volonté réelle des parties constitue une ambigüité donnant ouverture à l’interprétation :
[47] Pourtant, l'on ne peut ignorer que la volonté déclarée des contractants, ou
celle qu'ils déclarent en apparence, ne traduit pas toujours fidèlement leur
volonté réelle : le contenu explicite du contrat, pour diverses raisons, peut
n'être pas conforme à cette dernière. Comme le soulignent les auteurs
Baudouin et Jobin :
Par ailleurs, un texte qui apparaît clair à sa face même peut donner lieu à
interprétation lorsqu'il appert que ce qui y est exprimé ne reflète pas l'intention
véritable des parties contractantes : le juge fera alors prévaloir la volonté
interne sur la volonté déclarée.
[48] Dans le même sens, François Gendron écrit que :
Quatrièmement, un texte clair et précis peut fort bien ne pas représenter pour
autant l'intention des parties, et la volonté clairement déclarée ne pas
correspondre à la volonté réelle. Les parties se sont trompées. Le sens est clair
alors, mais ce n'est pas celui du contrat. On voit l'illusion.
[49] Et l'auteur de poursuivre :
Illogisme, arbitraire, paradoxe, illusion… comment résoudre la difficulté si les
contractants n'ont pas voulu dire ce que, de fait, ils ont dit? En pareille
occurrence, Planiol et Ripert expliquent :
33
Jean PINEAU, Danielle BURMAN et Serge GAUDET, Théorie des obligations, 4e éd., Montréal, Thémis,
2001, par 224 [R.S., Onglet 44]
17
Le souci de faire prévaloir la volonté réelle et en même temps la justice conduit
à écarter l'application d'une clause, même claire et précise, qui paraît le résultat
d'une erreur manifeste, et en contradiction avec leur intention commune
certaine.
Même thèse chez Aubry et Rau :
Il y a lieu à interprétation lorsque, malgré leur clarté, les termes d'un contrat
pris dans leur sens littéral ne sont pas susceptibles de se concilier avec la nature
du contrat et l'intention évidente des parties.
En d'autres mots, ceux du Tribunal de commerce de Gand, cette fois :
Quelques clairs que soient les termes employés, la volonté réelle des parties
doit toujours leur être préférée, dès qu'il est établi que les termes ne la rendent
pas adéquatement.
Et enfin, l'opinion de Starck :
Une clause claire et précise cesse de l'être, et donne matière à interprétation,
dès lors qu'il est manifeste qu'elle est contraire au but poursuivi par les
contractants.
[50] Bref, s'il est vrai que la jurisprudence, comme la doctrine du reste, affirme
parfois que l'on n'a pas à interpréter ce qui est clair, il demeure néanmoins que
ce qui est ou paraît clair n'est pas toujours exact et peut donc requérir
interprétation. L'exercice consistera alors à chercher, à travers mais aussi audelà de la volonté déclarée, la volonté réelle des parties, c'est-à-dire leur
véritable intention commune, intention dont il faudra bien sûr faire la preuve 34.
47.
La preuve non contredite de l’intention commune des intimés ayant été présentée de
façon prépondérante, l’écart entre la volonté réelle des intimés et les écrits permet donc
l’interprétation de l’écrit du 2 novembre 2004. Ainsi, même si, comme le soutient
l’appelante, le contenu de ces écrits est clair, il faut donner effet à la volonté réelle des
intimés qui a été mal instrumentée par Me Martel et interpréter lesdits écrits.
48.
L’appelante soutient que l’article 1425 C.c.Q. ne peut être utilisé pour corriger un
contrat; pourtant, le pouvoir que possède le tribunal de corriger une erreur matérielle semble
trouver sa source dans l’article 1425 C.c.Q.. Par conséquent, celui de remédier à la présence
d’un écart entre l’intention véritable et l’intention déclarée à l’acte doit forcément s’y trouver
également, à défaut d’avoir une autre disposition à cet effet.
34
[R.S., Onglet 33]
18
49.
D’ailleurs, soulignons que l’argumentaire de l’appelante ne mentionne aucune
disposition du C.c.Q. sur laquelle un tribunal peut se fonder pour corriger un document
contractuel en présence d’une erreur matérielle et pour cause : aucun article du C.c.Q. ne
prévoit spécifiquement que l’erreur matérielle peut être corrigée. C’est en appliquant les
règles d’interprétation que les tribunaux en sont venus à corriger ces erreurs.
50.
Selon les intimés et tel qu’il appert des deux décisions de la C.A.Q., à savoir le
présent jugement en appel et AES, les dispositions qui permettent la correction de l’erreur
matérielle sont les mêmes dispositions qui permettent de corriger ou rectifier, sous certaines
conditions, un écrit ou document porteur d’un contrat en cas de divergence entre la véritable
intention commune des parties et l’application erronée de cette intention dans l’acte.
51.
En tentant de limiter la règle d’or énoncée à l’article 1425 C.c.Q., l’appelante fait une
lecture très réductrice de cette disposition en prétendant qu’il ne s’agit que d’un « conseil
donné aux juges » qui ne s’applique qu’en cas d’ambiguïté des dispositions du contrat écrit.
Ce faisant, elle écarte le courant majoritaire de jurisprudence civiliste qui établit qu’un écrit
peut être interprété même en présence d’un texte en apparence clair.
52.
En effet, il est admis en droit civil depuis longtemps que le juge ne doit pas s’arrêter
au sens littéral des mots utilisés par les parties; il faut s’attarder au concept qu’elles
souhaitaient exprimer 35. Ainsi, la C.A.Q précise, à la page 3 de Richer c. Mutuelle du Canada
(La), Cie d'assurance sur la vie, [1987] R.J.Q. 1703 (C.A.), que « [d]ans l'interprétation d'un
contrat, le juge peut écarter les termes utilisés par les parties, s'il est démontré que malgré
leur clarté, les termes invoqués, pris dans le sens littéral, sont incompatibles avec l'ensemble
du contrat et l'intention évidente des parties. »
53.
Dans Confédération, Cie d'assurance-vie c. Lacroix, [1996] R.R.A. 930 (C.A.), la
C.A.Q. souligne ce principe : « [l]'esprit du contrat l'emportera alors sur sa lettre. Autrement
dit, lorsque la preuve présentée sera suffisante, le tribunal devra privilégier l'intention réelle
35
Tétreault c. Gagnon, [1962] R.C.S. 766 [R.S., Onglet 34]; 3099-2325 Québec inc. c. 2849-6810 Québec inc.,
J.E. 99-1627 (C.A.) [R.S., Onglet 1]; Château c. Placements Germarich inc., J.E. 97-1254 (C.A.) [R.S., Onglet
11]
19
des parties au sens littéral des termes utilisés 36. » La preuve non contredite de l’intention
réelle des intimés ayant été jugée prépondérante par les instances inférieures, les intimés sont
d’avis que telle preuve serait suffisante en l’espèce pour interpréter leur intention
relativement à la réorganisation proposée.
54.
La position de l’appelante est d’autant plus étonnante lorsque comparée aux
enseignements de cette Cour, particulièrement l’arrêt Guardian c. Victoria Tire Sales 37 (ci
après « Guardian »). Dans cet arrêt, le juge Pigeon rappelle que « [s]elon les principes du
droit civil énoncés dans le Code civil du Québec, il ne faut pas confondre un contrat avec
l’écrit qui en constate les termes 38.» Dans l’arrêt Guardian, le juge Pigeon poursuit en
référant aux auteurs Planiol et Ripert qui écrivaient : « (…) dans une législation non
formaliste, le souci de faire prévaloir la volonté réelle, et en même temps la justice, conduit à
écarter l’application littérale d’une clause, même claire et précise, qui paraît le résultat d’une
erreur manifeste, et est en contradiction avec leur intention commune certaine 39. »
55.
À ce titre, Pineau, Burman et Gaudet rappellent « […] qu’il ne faut pas confondre
l’acte juridique avec « l’acte instrumentaire », qui est le titre constatant et prouvant l’acte
intervenu. Si j’achète un immeuble, j’irai voir mon notaire et lui demanderai de dresser un
acte de vente, distinct du contrat de vente : l’acte de vente sera l’écrit, l’instrument constatant
que j’ai acheté tel immeuble. Il faut, donc différencier l’acte-instrument de preuve
(instrumentum) et l’opération elle-même, la vente (le negotium) 40. »
56.
En effet, les dictionnaires juridiques reprennent cette distinction en définissant
l’instrumentum comme étant un « [t]erme latin signifiant « document », « pièce », que l’on
utilise pour désigner, dans un acte juridique, l’écrit qui le constate 41. »
36
Par. 32, repris dans 3099-2325 Québec inc. c. 2849-6810 Québec inc., J.E. 99-1627 (C.A.) [R.S., Onglet 1]
[1979] 2 R.C.S. 849, par. 48 [R.S., Onglet 17]
38
Guardian c. Victoria Tire Sales, [1979] 2 R.C.S. 849, p. 869 [R.S., Onglet 17]
39
Guardian c. Victoria Tire Sales, [1979] 2 R.C.S. 849, p. 870 [R.S., Onglet 17]
40
Jean PINEAU, Danielle BURMAN et Serge GAUDET, Théorie des obligations, 4e éd., Montréal, Thémis,
2001, par 21 [R.S., Onglet 44]; l’idée est également reprise par Vincent KARIM, Les Obligations, vol. 1, 3ième
éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, p. 155 [R.S., Onglet 41]
41
Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2010, p. 333
[R.S., Onglet 45]; Gérard CORNU, dir., Vocabulaire juridique, 8e éd., Quadrige/Presses Universitaires de
France, Paris, 2007, p. 501 [R.S., Onglet 38]
37
20
57.
Le negotium se veut « […] la volonté ou la rencontre des volontés qui produit un effet
de droit. Ces volontés sont souvent mais ne sont pas toujours manifestées pas un écrit, acte
instrumentaire (instrumentum) dressé en vue de préciser et de prouver l’acte juridique 42. » Il
s’agit d‘un « [t]erme latin signifiant « occupation », que l’on utilise pour désigner, dans un
acte juridique, l’opération qui témoigne de la manifestation de volonté destinée à produire des
effets de droit 43. »
58.
Si cette honorable Cour était d’avis que l’application de l’article 1425 C.c.Q. requiert
la présence d’une ambiguïté, les intimés soutiennent que cette ambiguïté est présente par le
simple fait, par ailleurs prouvé et non contredit, que les documents signés le 2 novembre
2004 ne reflétaient pas leur intention. Dès lors, cette ambiguïté se doit d’être interprétée et
corrigée.
1.3
59.
Les règles de preuve
Contrairement à ce que laisse entendre l’appelante, l’exercice d’interprétation et de
modification d’un écrit, s’il y a lieu, est encadré par des règles précises, notamment en
matière de preuve.
60.
En ce qui concerne les règles de preuve qui pourrait intervenir dans cet exercice
interprétatif, il y a lieu de souligner les articles du C.c.Q. suivants :
2863. Les parties à un acte juridique constaté par un écrit ne peuvent, par
témoignage, le contredire ou en changer les termes, à moins qu'il n'y ait un
commencement de preuve.
2864. La preuve par témoignage est admise lorsqu'il s'agit d'interpréter un écrit,
de compléter un écrit manifestement incomplet ou d'attaquer la validité de
l'acte juridique qu'il constate.
2865. Le commencement de preuve peut résulter d'un aveu ou d'un écrit
émanant de la partie adverse, de son témoignage ou de la présentation d'un
élément matériel, lorsqu'un tel moyen rend vraisemblable le fait allégué.
42
Albert MAYRAND, Dictionnaire de maximes et locutions latines utilisées en droit, 4e éd., Cowansville, Yvon
Blais, 2007, p. 366 [R.S., Onglet 42]
43
Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2010, p. 414
[R.S., Onglet 45]; Gérard CORNU, dir., Vocabulaire juridique, 8e éd., Quadrige/Presses Universitaires de
France, Paris, 2007, p. 611 [R.S., Onglet 38]
21
61.
L’appelante ne s’étant pas objectée en vertu de l’article 2863 C.c.Q. à l’effet que les
intimés chercheraient à contredire ou changer les termes d’un acte juridique constaté par un
écrit, et cette règle n’étant pas d’ordre public et ne pouvant être soulevée d’office par le
tribunal en vertu de l’article 2859 C.c.Q., les intimés considèrent que l’appelante a renoncé et
est forclose d’invoquer une telle objection 44.
62.
Par ailleurs, les termes de l’article 2864 C.c.Q. permettent de prouver par témoignage
qu’un écrit ne constate pas l’entente des parties, la preuve testimoniale étant recevable afin de
faire ressortir la véritable intention des parties au contrat 45, intention que la Cour supérieure
et la C.A.Q. ont reconnue.
63.
Le libellé de l’article 2864 C.c.Q. constitue en soi une preuve à l’effet qu’il est
possible de corriger un écrit, contrairement à ce que prétend l’appelante. D’ailleurs, il est
intéressant de noter que ces règles imposent des restrictions pour la possibilité des
contribuables de demander la correction d’un écrit qui ne serait pas conforme à l’intention
commune des parties. Cet encadrement législatif veut donc garantir la stabilité contractuelle,
ce qui devrait amoindrir les craintes de l’appelante selon lesquelles la reconnaissance par
cette honorable Cour de la possibilité de corriger un écrit dans de telles circonstances
viendrait bouleverser la stabilité des contrats.
1.4
64.
Conséquences fiscales
En admettant, pour les fins de l’exercice, que l’écrit du 2 novembre 2004 était un
contrat, l’appelante soutient que si les conséquences fiscales engendrées par cet écrit n’étaient
pas celles escomptées par les intimés, ce contrat ne devrait « normalement » pas être annulé
44
Sobeys Québec inc. c. Coopérative des consommateurs de Ste-Foy, [2006] R.J.Q. 100 (C.A.), par. 56 [R.S.,
Onglet 33]; ROYER, Jean-Claude, La preuve civile, 2e éd., Cowansville, Yvon Blais, 1995, par. 1625 [R.S.,
Onglet 46]; Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, par. 1425-1426,
1450-1451 [R.S., Onglet 39]
45
Versafood Services Ltd. c. Alstar Industries Ltd., [1976] C.A. 388, par. 28 [R.S., Onglet 36]; Banque
Nationale du Canada c. Deschamps, [1988] R.J.Q. 1210 (C.A.) [R.S., Onglet 4]; Longpré c. Trottier, [1990] J.Q.
no 2573 (C.S.) par.16 [R.S., Onglet 23]; Confédération, Cie d'assurance-vie c. Lacroix, [1996] R.R.A. 930
(C.A.), p. 8 [R.S., Onglet 12]; 3099-2325 Québec inc. c. 2849-6810 Québec inc., J.E. 99-1627 (C.A.) [R.S.,
Onglet 1]; Imperial Tobacco Canada ltée c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2006 QCCQ 8273 [R.S., Onglet
20]; Sobeys Québec inc. c. Coopérative des consommateurs de Ste-Foy, [2006] R.J.Q. 100 (C.A.), par. 56 [R.S.,
Onglet 33]; ROYER, Jean-Claude, La preuve civile, 2e éd., Cowansville, Yvon Blais, 1995, par. 1596 [R.S.,
Onglet 46]; Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, par.1115 et 1116
[R.S., Onglet 39]
22
pour cause d’erreur sur l’impact fiscal, une telle erreur étant de nature économique 46, d’où le
libellé des questions en litige soumises par l’appelante.
65.
Dans le type de transaction dans laquelle les intimés étaient impliqués avec leurs
Conseillers fiscaux, contrairement à ce que prétend l’appelante qui laisse entendre qu’il y a
toujours un élément de risque ou « un certain facteur d’incertitude », les conséquences
fiscales sont un élément essentiel et sont soigneusement étudiées; le moindre changement
peut engendrer des conséquences comme en l’espèce. Les tribunaux n’ont pas hésité à
reconnaître l’importance des conséquences fiscales pour les parties 47. Il est donc important de
s’en tenir à son plan de réorganisation. D’ailleurs, cette honorable Cour a maintes fois
reconnu qu’il est tout à fait légitime pour un contribuable d’organiser ses affaires de façon à
réduire l’impôt qu’il doit payer 48.
66.
Rappelons que la preuve a démontré que les intimés ont consenti à la Réorganisation
initiale parce qu’elle était sans conséquence fiscale pour eux 49.
67.
Au surplus, les conséquences fiscales avaient été correctement prévues dans la
Réorganisation initiale, contrairement à ce que prétend l’appelante 50.
68.
En effet, en vertu de l’article 85 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1
(ci-après « LIR ») 51, l’intimée Archambault pouvait transférer sans impact fiscal à JPF-1 ses
actions de Déchiquetage en contrepartie d’actions de JPF-1 et d’une contrepartie autre qu’en
action (billet au montant de 335,000$) égale à son coût d’acquisition :
L’article 85 vise le transfert d’un « bien admissible » par un contribuable à une
société canadienne imposable. Le législateur veut faciliter la réalisation d’une
telle transaction en permettant au contribuable de transférer des biens à une
société, et ce, sans conséquence fiscale immédiate pour lui ou pour la société.
46
Mémoire de l’appelante, par. 42 et 106.
B.E.A. Holdings inc. c. Trafsys inc. (16 avril 2003) C.A.M. 500-09-013408-034 (C.A.) [R.S., Onglet 3];
Brochu c. Gestion Dalavi, 2007 QCCS 6499 [R.S., Onglet 8]; Félix Norton International inc. et als. c Procureur
général du Canada, 2009 QCCS 919, par. 24 [R.S., Onglet 15]
48
Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63, par. 32 [R.S., Onglet 13]; Hypothèques Trustco Canada c.
Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, par. 11 [R.S., Onglet 18]
49
Témoignage de M. Jean Riopel le 23 mars 2010, p.3, ligne 5, volume II DA, témoignage de Me Luc Martel le
23 mars 2010, p. 100, ligne 4 et p.102, ligne 21 et suivantes, volume I DA.
50
Mémoire de l’appelante, par. 48.
51
Voir également les articles 518 à 533 de la Loi sur les impôts, L.R.Q., c. I-3.
47
23
[…]
L’article constitue une exception à l’article 69 qui spécifie que les
transactions entre personnes liées doivent s’effectuer à la juste valeur
marchande. Des règles spécifiques de transfert s’appliquent avec le
paragraphe 85(1). Le roulement du paragraphe 85(1) constitue un
mécanisme en vertu duquel le contribuable peut exercer le choix de
différer l’imposition (gain en capital, récupération d’amortissement,
revenu d’entreprise ou de bien) résultant du transfert de biens à une
société 52.
69.
L’article 87 LIR 53 prévoit qu’il n’y a pas d’impact pour les actionnaires qui se voient
émettre de nouvelles actions et les sociétés remplacées, soit Déchiquetage et JPF-1, ont une
fin d’année réputée, tandis que la société issue de la fusion, JPF-2, a une nouvelle année
d’imposition.
70.
En vertu de l’alinéa 87(2) z.1) LIR 54, la société issue de la fusion conserve le CDC
des sociétés fusionnantes. Cet alinéa se lit comme suit :
87. (2) z.1) pour le calcul du montant de son compte de dividendes en capital,
la nouvelle société est réputée être la même société que chaque société
remplacée et en être la continuation, sauf s’il s’agit d’une société remplacée à
laquelle le paragraphe 83(2.1) avant la fusion et si le choix prévu au
paragraphe 83(2) était fait relativement au plein montant de ce dividende, pour
qu’une partie du dividende soit réputée être un dividende imposable versé par
la société remplacée;
71.
Lors du rachat des actions comme c’était prévu en l’espèce, l’alinéa 84(3)
55
LIR
prévoit qu’il y a un dividende réputé qui est égal à l’excédent éventuel entre la somme reçue
pour les actions sur le capital-versé des actions. Dans le cas qui nous occupe, l’excédent était
de 374,000$, soit 385,000$ moins 11,000$ (capital déclaré des actions).
72.
Par ailleurs, l’alinéa 83(1) LIR 56 autorise à faire un choix et déclarer un dividende en
capital, ce qui n’engendre aucun impôt pour l’actionnaire qui le reçoit. Par conséquent,
52
PAPILLON, Marc et MORIN Robert, Fiscalité spécialisée, 17e éd., Trois-Rivières, Mérin, 2004, p.
20 [R.S., Onglet 43]
53
Voir également les articles 544 à 555 de la Loi sur les impôts, L.R.Q., c. I-3.
54
Voir également l’article 550 de la Loi sur les impôts, L.R.Q., c. I-3.
55
Voir également l’article 506 de la Loi sur les impôts, L.R.Q., c. I-3.
56
Voir également l’article 502 de la Loi sur les impôts, L.R.Q., c. I-3.
24
l’intimée Archambault pouvait voir racheter ses actions de JPF-2 sans impact fiscal et
recevoir la somme de 385,000$ sans impôt.
73.
L’erreur commise par Me Martel dans les statuts de fusion a été suivie d’une seconde
erreur du point de vue de l’analyse fiscale, puisque de l’aveu même de Me Martel,
l’application du paragraphe 84(3) LIR lors de la vente par l’intimée Archambault de ses
actions JFP-2 à cette même société n’avait pas été prévue 57. En effet, cette vente est devenue
d’un point de vue fiscal assimilable à rachat d’actions d’une valeur de 335,000$ payable par
l’émission d’un billet. Ainsi, le CDC attribuable aux actions de l’intimée Archambault a été
épuisé à cette étape et lorsque JFP-2 a procédé au rachat du solde des actions à l’étape
suivante, celui-ci a provoqué un impôt non planifié.
74.
Si la seconde transaction avait été présentée aux intimés en précisant qu’il n’y aurait
pas d’impôt à payer, les intimés auraient-ils pu demander la correction des documents? Nous
répondons par l’affirmative, si la preuve de l’absence d’impact fiscal est une considération
essentielle, comme en l’espèce.
75.
L’erreur commise par Me Martel et la seconde stratégie élaborée par les Conseillers
fiscaux sans consulter au préalable les intimés dans le but de camoufler ces erreurs sont à
elles seules responsables de la discordance entre l’Intention des intimés et l’écrit du 2
novembre 2004. Ainsi, n’eût été de la décision unilatérale des Conseillers fiscaux de modifier
les modalités de la planification fiscale, l’écrit rédigé dans des termes conformes au negotium
aurait été tout à fait valide.
76.
Contrairement
aux
prétentions
de
l’appelante,
les
intimés
soumettent
respectueusement qu’il faut également distinguer l’erreur économique de l’erreur portant sur
les conséquences fiscales. En effet, si le législateur a refusé de permettre l’annulation de
contrats pour cause de lésion entre majeurs dans le but de préserver la stabilité des contrats,
tel n’est pas le cas pour une erreur portant sur les conséquences fiscales, advenant le cas où
les considérations fiscales constituaient un élément essentiel aux consentements des parties.
À ce propos, Karim explique : « au contraire, les parties à cette transaction ont presque le
57
Témoignage de Me Luc Martel p. 120, ligne 23 et p. 194 ligne 9 volume I DA.
25
même intérêt à faire annuler leur transaction qui, sur le plan de la planification fiscale et
économique, ne représente aucun avantage pour elles. De plus, cette erreur est souvent
commise par les deux parties et l’annulation de la transaction ne met pas en question la
stabilité contractuelle 58. »
77.
L’appelante prétend également que les intimés n’ont pas été diligents à l’endroit de
leur planification fiscale. Il est notamment soumis que « les étapes de la planification fiscales
revêtaient peu d’importance pour les intimés » et que « carte blanche a été donnée par les
intimés aux conseillers »59 concernant la planification fiscale.
78.
Même dans le cas où l’on devrait considérer qu’erreur il y a, celle-ci ne serait pas
inexcusable, étant donné que les parties ont été diligentes en se référant à des professionnels,
comme toute personne raisonnable l’aurait fait en de telles circonstances. Pour déterminer le
caractère de l’erreur, le test de la personne prudente et raisonnable doit être appliqué : « […]
le tribunal doit déterminer si une personne raisonnable et prudente ayant été à la place du
contractant, compte tenu de ses connaissances et de son expérience aurait dû demander
conseil auprès d’un conseiller juridique ou se renseigner davantage sur les éléments de la
transaction qu’elle s’apprête à conclure 60. » Les tribunaux ont déjà indiqué que l’erreur n’est
pas inexcusable dans le cas où une partie ne possède pas elle-même les connaissances afin de
procéder à l’opération en question, qu’elle s’est fiée à un expert en la matière et qu’elle a
assisté aux discussions menant à la conclusion de l’acte juridique contesté 61.
79.
Or, c’est exactement la démarche entreprise par les intimés en faisant appel aux
Conseillers fiscaux le 1er septembre 2004; une personne raisonnable n’aurait pu, tout comme
les intimés, savoir que son conseiller changerait unilatéralement les termes sur lesquels tous
s’étaient entendu au préalable et encore moins que ce dernier leur cacherait de telles
modifications.
80.
58
Comme le souligne la C.A.Q. au paragraphe 19 de son jugement :
Vincent KARIM, Les Obligations, vol. 1, 3ième éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, p. 341 [R.S., Onglet
41]; B.E.A. Holdings Inc. c. Trafsys Inc., (16 avril 2003) C.A.M. 500-09-013408-034 (C.A.) [R.S., Onglet 3]
59
Mémoire de l’appelante, aux paras 122 et 127.
60
Vincent KARIM, Les Obligations, vol. 1, 3ième éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, p. 349 [R.S., Onglet
41]
61
Morin-Légaré c. Légaré, [2002] R.J.Q. 2237 (C.A.), par. 63 [R.S., Onglet 24]
26
[19] Pourrait-on reprocher aux appelants de n’avoir pas lu attentivement les
documents qu’ils ont signés et de n’avoir pas décelé l’erreur? Dans les
circonstances qu’expliquent notamment les témoins Riopel et Forest, une
réponse négative s’impose : au jour de la séance de signature, les documents
présentés aux appelants, outre le document P-8, étaient très nombreux et fort
techniques; le document P-8 lui-même est de nature à engendrer confusion par
le fait que JPF-1 et JPF-2 portent le même nom et ont la même adresse. Seule
une lecture scrupuleuse aurait permis de constater la divergence – et encore
aurait-il fallu être particulièrement alerte. Or, les appelants, qui sont des
profanes du droit et, en particulier, du droit fiscal, pouvaient à cet égard se fier
à leurs prestataires de services et légitimement présumer, dans les
circonstances, que les documents qu’on leur présentait mettaient en œuvre
l’entente conclue le 1er septembre et traduisaient en langage technique les
termes de la planification alors convenue, respectant donc la volonté
contractuelle. Le fait qu’ils aient signé tous les documents, dont la pièce P-8,
ne permet donc pas d’inférer ici qu’ils ont consenti au contenu formel des
documents en question, qui ne reflétaient pas leur volonté. Ce n’est pas
suggérer ici qu’une partie contractante puisse se défiler de ses obligations
contractuelles en invoquant tout bonnement qu’elle n’a pas lu le document
qu’elle a signé, mais, dans un contexte comme celui de l’espèce, contexte fort
particulier, on ne peut pas faire grief aux appelants de n’avoir pas vu l’erreur
dans l’expression de leur volonté.
2.
81.
Remèdes en droit civil québécois
En plus de prétendre qu’un tribunal doit se garder d’interpréter un contrat s’il est en
apparence clair et non ambigu, l’appelante prétend que les deux seuls remèdes qui existent en
cas d’erreur en droit civil québécois sont la rectification d’une erreur matérielle ou
l’annulation de l’acte juridique (articles 1400 C.c.Q. et suivants). Les intimés soumettent
respectueusement que l’appelante a tort.
82.
Dans l’arrêt Versafood Services Ltd. c. Alstar Industries Ltd.62 (ci-après
« Versafood »), la C.A.Q., sous la plume du juge Brossard, cite l’auteur G. Trudel :
Quand rien n’autorise l’annulation de l’acte, ni le rajustement du prix, les
contractants ont-ils quelque recours en rectification de l’erreur? Il faut
répondre : oui, s’ils y ont intérêt. […] C’est nous reporter en somme au
chapitre de l’interprétation des contrats. Toujours le tribunal cherchera
l’intention manifeste des parties. Quand il l’aura trouvée, l’usage de mots ou de
chiffres erronés n’y changera rien. Ainsi, une rectification implicite de l’erreur
se fera par le jugement qui fait dorénavant la loi des parties.
62
[1976] C.A. 388, p. 390 [R.S., Onglet 36]
27
83.
Ainsi, pour corriger l’erreur dans l’instrument écrit, c’est au chapitre de
l’interprétation des contrats du Code civil en vigueur à l’époque que la C.A.Q. a, dans
Versafood, a trouvé l’ « outil nécessaire » lui permettant de rechercher l’intention des parties.
84.
En l’espèce, les intimés ne demandent pas la correction du contrat, mais bien de l’écrit
qui le constate, lequel s’écarte de l’entente conclue entre eux et des modalités présentées par
leurs professionnels qui ont reçu mandat de les exécuter.
85.
Il faut par ailleurs souligner que les tribunaux québécois n’ont jamais hésité à annuler
ou modifier des contrats, les statuts ou des résolutions d’une société afin de faire respecter
l’intention initiale des parties, clairement exprimée et prouvée de façon prépondérante 63.
86.
Notons que le fait que la divergence entre le negotium et l’instrumentum soit due à
l’erreur commise par le professionnel mandataire des parties semble être un critère utilisé
dans l’évaluation de la nécessité ou non de corriger l’écrit 64.
87.
Comme le souligne la C.A.Q. au paragraphe 24 de son jugement dans la présente
affaire:
[24] Bref, dans la situation dont nous sommes saisis, le principe reconnu
dans l’arrêt Services environnementaux AES inc. trouve pleinement
application, l’affaire relevant clairement de la divergence entre le negotium et
l’instrumentum.
88.
Il est également à noter le principe d’interprétation des contrats en droit civil selon
lequel « […] il arrive que l’interprète définisse l’objectif du contrat par ce qu’il n’est pas ou
par ce qu’il ne peut pas avoir été. Le contrat est une rencontre ponctuelle d’intérêts opposés;
chacun y recherche ce qui lui est profitable. L’interprète rejettera donc comme peu
vraisemblable une interprétation qui prêterait à l’un des contractants une intention
63
64
B.E.A. Holdings inc. c. Trafsys inc. (16 avril 2003) C.A.M. 500-09-013408-034 (C.A.) [R.S., Onglet 3];
Brochu c. Gestion Dalavi, 2007 QCCS 6499 [R.S., Onglet 8]; Félix Norton International inc. et als.
cProcureur général du Canada, 2009 QCCS 919, par. 24 [R.S., Onglet 15]; Remer Holdings et Registraire
des entreprises du Québec, 2011 QCCS 26 [R.S., Onglet 28]; Québec (Sous-ministre du revenu) c. Services
environnementaux AES inc., 2011 QCCA 394 [R.S., Onglet 27]; 9069-1841 Québec inc. c. Filtrum inc.,
2011 QCCS 1570 [R.S., Onglet 2]; Ihag-Holding, a.g. c. Corporation Intrawest, 2011 QCCA 1986 [R.S.,
Onglet 19]
Brochu c. Gestion Dalavi, 2007 QCCS 6499, par. 24 à 26 [R.S., Onglet 8]
28
manifestement contraire à ses intérêts 65. » S’il on considère l’écrit du 2 novembre 2004
comme étant un contrat valide entre les intimés, ces derniers auraient alors contracté en
prévoyant une imposition suite à la Réorganisation initiale, alors que le but de la rencontre
avec les Conseillers fiscaux était précisément d’éviter une telle imposition 66. Il va sans dire
qu’une telle interprétation est contraire aux intérêts des intimés et ne saurait être retenue en
l’espèce. À cet égard, l’intention réelle des intimés devrait être privilégiée dans l’exercice
interprétatif de la présente affaire; c’est donc à juste titre que la C.A.Q. a acquiescé à la
demande de correction des intimés.
89.
La C.A.Q. a conclu que les écrits signés le 2 novembre 2004 ne constatent pas
l’Intention des intimés, et ce, à la lumière des témoignages et de la preuve corroborée et non
contredite présentée en première instance. C’est pourquoi les documents relatifs à la
transaction ont été corrigés pour être conformes au negotium.
2.1
90.
Critères exigés par la Cour d’appel dans AES
Sans créer de nouveaux recours, la C.A.Q. a précisé les règles d’intervention lorsque
la présence d’un écart entre le negotium et l’instrumentum est établie et que l’intention
commune des parties est révélée par la preuve, la correction des documents transactionnels
est soumise au test de la légitimité, la nécessité et l’absence de préjudice aux droits des tiers.
91.
Il y a lieu de souligner à nouveau qu’en plus des règles de preuve, ce test en trois
temps veut sauvegarder la stabilité des contrats qui ne sera pas compromise par une
avalanche de demandes en correction de documents transactionnels; il s’agit d’un exercice
balisé soumis à des conditions précises.
92.
En ce qui concerne la légitimité, la C.A.Q. en l’espèce écrit d’emblée :
[25] La demande des appelants est par ailleurs légitime : la planification
fiscale dont ils avaient convenu le 1er septembre était tout à fait conforme à la
loi et ils ne cherchent pas ici autre chose que l’application de la loi, selon leur
accord initial.
65
François GENDRON, L’interprétation des contrats, Montréal, Wilson & Lafleur, 2002, p. 48 [R.S., Onglet
40]; voir Brault c. Poitras, [1962] R.C.S. 282 [R.S., Onglet 7]
66
Témoignage de M. Jean Riopel le 23 mars 2010, p.3, ligne 5 et 22, volume II DA, témoignage de Me Luc
Martel le 23 mars 2010, p.100-102, ligne 21 et suivantes, volume I DA.
29
93.
On comprend donc que les intimés ne cherchent pas à réécrire l’histoire fiscale, mais
seulement à rendre les écrits conformes à leur volonté commune exprimée lors de la
rencontre du 1er septembre 2004. En effet, sans l’erreur commise par Me Martel dans la
rédaction des statuts de fusion, le contrat de vente d’actions P-8, n’aurait pas été signé sous la
forme du 2 novembre 2004, mais bien sous la forme du contrat P-10a). À ce propos,
soulignons, à l’instar de la C.A.Q., que le procédé de roulement est permis par la législation
fiscale, tout comme les transactions de type gouvernance spécifiquement à des fins fiscales 67.
On ne saurait donc retenir la prétention de l’appelante selon laquelle la contestation des
intimés de l’avis d’imposition se veut une volonté de palier à des conséquences fiscales
inattendues.
94.
Quant à l’exigence de nécessité, la C.A.Q. ajoute au paragraphe 25 que :
[…] la demande des appelants est nécessaire puisqu’ils ne peuvent, du moins à
certains égards, rectifier la situation de leur seul consentement, notamment au
regard des sociétés fusionnées, qu’on peut difficilement ressusciter
rétroactivement pour mettre en œuvre la planification initiale.
95.
D’ailleurs, la nécessité de faire trancher le débat par un tribunal est étayée par le fait
que les autorités fiscales elles-mêmes ont indiqué que la seule modification des statuts est
insuffisante pour leur être opposable si le contrat pièce P-8 n’est pas modifié.
96.
Enfin, au même paragraphe, l’absence de préjudice aux droits des tiers est rapidement
confirmée par la C.A.Q. :
[...] (Les intimés) n’ont pas de « droit » à faire valoir à l’encontre des appelants
et n’ont pas de « droit » aux conséquences fiscales des erreurs qui ont été
commises.
97.
La décision de cette honorable Cour dans Shell Canada Ltée c. Canada 68 est claire à
l’effet que la fiscalité doit faire place aux relations juridiques réelles des parties. Cette
honorable Cour mentionne au paragraphe 39 de la décision :
67
68
Jugement de la Cour d’appel, volume I DA, par. 25, p. 21.
[1999] 3 R.C.S. 622 [R.S., Onglet 32]. Voir aussi sur l’intérêt des autorités fiscales : P.G. Canada c. Gestion
R.F. et Fils inc. [2002] R.J.Q. 178 (C.S.), par. 14-15 [R.S., Onglet 25], relativement à la rectification des
statuts de fusion; Caplan c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2006 QCCA 1322, par. 48 [R.S., Onglet 10],
30
[…] Au contraire, nous avons décidé qu’en l’absence d’une disposition
expresse contraire de la Loi ou d’une conclusion selon laquelle l’opération en
cause est un trompe-l’œil, les rapports juridiques établis par le contribuable
doivent être respectés en matière fiscale. Une nouvelle qualification n’est
possible que lorsque la désignation de l’opération par le contribuable ne reflète
pas convenablement ses effets juridiques véritables: Continental Bank Leasing
Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, au par. 21, le juge Bastarache.
98.
Ainsi, lorsque les parties ont réussi à établir que leurs vrais rapports juridiques ne sont
pas conformes à la lettre de leur contrat, les impacts fiscaux doivent également être ajustés
conformément à l’intention et non aux documents déficients 69.
99.
Par le biais des critères de légitimité, de nécessité et d’absence de préjudice aux droits
des tiers, la C.A.Q. a circonscrit les situations dans lesquelles la correction des documents
contractuels peut être accordée par un tribunal et ce dernier ne permettra qu’une correction
reflétant l’intention commune à l’origine des parties. Considérant ce qui précède, force est de
constater que l’inquiétude de l’appelante relativement au supposé bouleversement du principe
de la stabilité des contrats et la création d’un nouveau recours n’est pas fondée. Les intimés
soumettent qu’au contraire, la correction des documents faite dans le but de faire apparaitre
l’intention commune des parties renforce, plutôt qu’elle n’ébranle, le principe de la stabilité
des contrats. De surcroit, dans AES, la C.A.Q. a plutôt délimité de façon étroite et rigoureuse
le pouvoir déjà existant que possède le tribunal de corriger un écrit constatant une transaction
en droit civil.
100.
Dans le cas des intimés, l’écart entre l’instrumentum et le negotium est exclusivement
dû à l’erreur commise par Me Martel et à la seule initiative des Conseillers fiscaux de
modifier l’entente intervenue le 1er septembre 2004; sans l’intervention unilatérale de ces
tiers, une telle distorsion entre les volontés des intimés et l’écrit le constatant n’aurait jamais
existée.
101.
La présente affaire met en exergue les principes énoncés dans AES, où l’écart entre
l’instrumentum et le negotium est dû à une méprise du calcul du prix base rajusté des actions.
Si, dans les deux affaires, la discordance est due à l’erreur d’un tiers, il faut souligner que,
69
relativement à la simulation qui est opposable aux autorités fiscales.
Félix Norton International inc. et als .c. Procureur général du Canada, 2009 QCCS 919, par. 35 et 40 [R.S.,
Onglet 15]
31
dans le présent cas d’espèce, le tiers, étant conscient de sa méprise, a sciemment modifié les
documents à l’insu des parties. En effet, les intimés avaient exprimé leur consentement de
façon libre et éclairé sur des données exactes; ils ne pouvaient prévoir l’erreur et les
manœuvres entreprises par leurs Conseillers fiscaux pour tenter de rectifier le tir, pas plus que
toute personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances d’ailleurs.
102.
C’est donc dire que, s’il est admis par les tribunaux que la correction de contrat en est
admis en droit civil, ce remède devrait d’autant plus être ordonné en faveur des intimés, étant
donné que l’expression des volontés et le consentement des intimés demeurent intégraux
malgré l’élément extérieur ayant entraîné l’écart entre l’instrumentum et le negotium, soit
l’erreur et l’initiative personnelle et unilatérale d’un tiers.
2.2
103.
Analogie avec l’inscription de faux
Contrairement à ce que prétend l’appelante, la correction d’un écrit pour le faire
correspondre à la volonté des parties n’est pas inconnue en vertu du C.c.Q. Une telle
procédure existe en vertu de l’article 2821 C.c.Q. pour contredire un acte authentique.
2821. L’inscription de faux n’est nécessaire que pour contredire les énonciations dans
l’acte authentique des faits que l’officier public avait mission de constater.
Elle n’est pas requise pour contester la qualité de l’officier public et des témoins ou la
signature de l’officier public.
104.
L’inscription de faux est donc parfois nécessaire lorsqu’on cherche à faire corriger
l’acte authentique préparé par un notaire, mais qui contient une erreur dans les énoncés que
l’officier public avait pour mission de constater en rédigeant autre chose que ce que les
parties ont voulu ou qui omet d’inscrire ce que les parties lui ont indiqué.
105.
Dans le cadre d’une telle procédure, la Cour supérieure affirme ce qui suit au sujet
d’un cas où un acte juridique ne reflétait pas la volonté que les parties avaient exprimée :
[31] […] les tribunaux, dans un souci de faire prévaloir l’intérêt de la justice,
n’ont pas hésité à ordonner la correction de l’acte lorsque la preuve, tout
comme ici, leur fournissait tous les éléments nécessaires; cette façon de faire
permet de plus d’éviter de multiples recours et rejoint la préoccupation du
législateur codifiée à l’article 4.2 C.p.c.
32
[32] La rectification de l’acte est ici fort simple puisqu’il suffit d’y ajouter le
contenu de l’Annexe A (D-3). Cette ordonnance de correction aura pour effet
de remettre les parties dans la situation où elles auraient dû être, n’eût été de
l’erreur de l’agent d’immeuble et du silence fautif des deux parties lors de la
signature de l’acte de vente 70.
106.
Les tribunaux n’hésitent pas à corriger l’acte authentique en cas d’erreur 71.
107.
Concernant cette analogie, la C.A.Q., dans la présente affaire, énonce à propos de
l’écrit signé le 2 novembre 2004 :
[23] Le document P-9 (sic) est un écrit sous seing privé, mais l’on conçoit
mal qu’il ne puisse être, pareillement (à un acte authentique), corrigé de façon
à ce que sa lettre corresponde à la volonté que les parties entendaient y
exprimer. Il en va du principe même qu’exprime l’article 1425 C.c.Q.,
disposition qui participe de la reconnaissance de la primauté de l’intention, qui,
à elle seule, fait le contrat […]
108.
Comme le souligne la C.A.Q., il est paradoxal que l’acte sous seing privé ne puisse
pas faire l’objet du même traitement que l’acte authentique dont l'apparence d'authenticité fait
preuve de sa confection et de son contenu (2813 à 2819 C.c.Q.) et dont la force probante est
inhérente.
109.
3.
La common law et la notion de rectification
3.1
La common law et le droit civil
La C.A.Q. a souligné dans la présente affaire et dans AES que : « le droit civil compte
déjà tous les outils nécessaires pour permettre, à certaines conditions, qu’il soit donné effet
selon l’intention commune véritable des parties à un contrat dont la rédaction ne reflète pas
cette intention. Il n’est pas nécessaire pour parvenir à ce résultat de faire appel à une théorie
propre à un autre système juridique 72.»
70
Boily c. Sears Canada Inc., 2007 QCCS 5040, (requête pour permission d’appeler rejetée (CA 2007-12-03),
par. 31 et 32 [R.S., Onglet 6]
71
Vaillancourt c. Fafard, 2005 QCCA 700, J.E. 2005-1474, [2005] R.D.I. 477 [R.S., Onglet 35]; Lépine c.
Khalid, [2004] R.J.Q. 2415 (C.A.) (désistement de la requête pour l’autorisation du pourvoi à la Cour suprême,
2005-02-25) [R.S., Onglet 22]; Salomon c. Pierre-Louis, J.E. 2002-116 (C.A.) [R.S., Onglet 30]; Beaulac c.
Caisse populaire Desjardins de St-Malo, B.E. 2002BE-242 (C.A.) [R.S., Onglet 5]
72
Québec (Sous-ministre du revenu) c. Services environnementaux AES inc., 2011 QCCA 394, par. 13 [R.S.,
Onglet 27]
33
110.
Dans le présent jugement en appel, la C.A.Q. a réitéré ce principe en ne faisant
aucune référence à la doctrine de rectification de la common law et en puisant dans le droit
civil l’ensemble de ses motifs pour l’acceptation de la correction des documents.
111.
Si la C.A.Q. avait tenté d’introduire ou de s’inspirer des principes de rectification de
la common law, ce qui, selon les intimés, n’est pas le cas, ces principes auraient pu être
intégrés de façon complémentaire à l’approche civiliste dans le respect de la volonté des
parties.
112.
L’appelante se base, en partie, sur des passages de l’arrêt Lac d’Amiante du Québec
Ltée c. 2858-0702 Québec Inc., [2001] 2 R.C.S. 743, 2001 CSC 51 (ci-après « Lac
d’Amiante ») pour souligner que la Cour supérieure ne peut, en droit civil, développer le droit
substantiel en l’absence d’un texte de loi.
113.
Respectueusement soumis, nous croyons que cet arrêt n’a pas les effets que voudrait
bien lui donner l’appelante.
114.
Bien que le contexte de l’arrêt Lac d’Amiante et d’un autre arrêt récent aux enjeux
similaires, soit l’affaire Globe and Mail c. Canada (Procureur général) 73, ne soit pas
identique à celui des parties en litige, ces litiges traitant de l’importation des règles de
common law pour l’interprétation de droits fondamentaux, les principes qui y ont été
développés sont d’une grande pertinence en l’espèce. À la lecture de l’arrêt Lac d’Amiante,
les intimés comprennent que la C.A.Q. ne pouvait non pas « introduire » une règle de
common law, ce que l’appelante prétend qui a été fait, mais développer ou s’inspirer d’une
règle analogue basée sur le C.c.Q. et sur des principes civilistes reconnus.
115.
Au paragraphe 78 de l’arrêt Lac d’Amiante, cette honorable Cour conclut :
Ainsi, une règle implicite de confidentialité au cours d’un interrogatoire
préalable se dégage en droit processuel québécois de l’évolution des
institutions de la procédure civile et des principes de protection de la vie
privée. Cette règle de confidentialité, analogue dans ses effets aux mécanismes
juridiques créés par la common law, peut être reconnue au Québec,
conformément aux techniques d’une analyse civiliste, à partir des principes
73
2010 CSC 41, [2010] 2 R.C.S. 592 [R.S., Onglet 16]
34
fondamentaux qui structurent le droit civil et la procédure judiciaire. Je rejette
donc l’appel et confirme l’arrêt de la Cour d’appel, avec dépens en faveur de
l’intimée.
116.
Tout comme dans Lac d’Amiante, la C.A.Q. a effectué une analyse des principes
fondamentaux qui structurent le droit civil et a conclu avoir les assises juridiques civilistes
pour rendre son jugement.
117.
En outre dans l’affaire Globe and Mail, sous la plume du juge Lebel, cette honorable
Cour expose la controverse à ce sujet et conclut que les principes de common law sont utiles
dans un contexte civiliste :
[45] Si la mixité du droit de la procédure et de la preuve au Québec, et en
particulier la source de common law de diverses règles d’exclusion de la
preuve, est dûment reconnue, il est difficile d’admettre que les principes
juridiques de common law ne sauraient jouer aucun rôle résiduel dans
l’évolution de cet aspect du droit québécois. Après tout, le Québec est une
province
de
droit
mixte.
Si une règle juridique découle en définitive de la common law, il demeure
logique de recourir à celle-ci dans l’interprétation et l’élaboration de cette
même règle en droit civil. Même si une règle a été transplantée et adaptée dans
le contexte du droit civil, l’examen de son évolution dans le système de
common law du Canada reste pertinent et intéressant pour établir
l’interprétation correcte de la règle en question dans le contexte du système de
droit civil […] Cette conclusion doit cependant reposer sur le principe
fondamental selon lequel l’interprétation et l’élaboration d’une telle règle
doivent rester conformes aux principes généraux énoncés dans le C.c.Q. et
dans la Charte québécoise [Nos soulignés].
118.
Avec respect, l’appelante fait également une mauvaise lecture de l’arrêt Shafron c.
KRG Insurance Brokers (Western) 74 dans laquelle cette honorable Cour cite, au sujet de la
rectification, l’extrait suivant de l’arrêt Frederick E. Rose (London) Ld. c. William H. Pim
Jnr. & Co., [1953] 2 Q.B. 450 (C.A.), page 461 :
La rectification concerne les contrats et les documents, et non les intentions.
(…) il faut démontrer que les parties étaient parfaitement d’accord sur les
stipulations du contrat, mais qu’elles ont fait une erreur lorsqu’elles les ont
consignées par écrit (…)
119.
74
Poursuivant son analyse, cette honorable Cour ajoute :
[2009] 1 R.C.S. 157, 2009 CSC 6, par. 52 [R.S., Onglet 31]
35
[52] (…) En l’espèce, rien n’indiquait ce que les parties avaient en tête en
utilisant le mot « agglomération » lors de la conclusion du contrat et rien
n’indiquait qu’elles s’étaient entendues sur un secteur géographique, puis
avaient écrit le mot « agglomération » par erreur.
120.
Par conséquent, a contrario, le tribunal conclut que la preuve indique que les parties
ont voulu autre chose que ce qui a été consigné par écrit; conséquemment, il peut corriger le
document pour le rendre conforme à l’entente antérieure.
3.2
121.
Les critères de Shafron
Au paragraphe 68 de son mémoire, l’appelante prétend également qu’en « important »
la common law, la C.A.Q. a omis de respecter les critères de Shafron, soit « […] (1) d’établir
l’existence et la teneur de l’entente verbale antérieure incompatible; (2) prouver que la partie
qui réclame l’application de l’entente écrite connaissait ou aurait dû connaître la discordance
entre l’entente verbale et l’entente écrite, dans les circonstances qui constituent une fraude ou
l’équivalent d’une fraude; et (3) démontrer « de façon précise » comment l’écrit peut être
formulé pour l’exprimer l’intention antérieure 75. » Tel que déjà mentionné, le droit civil
permet, à lui seul, d’apporter les modifications applicables. Or, si les critères de Shafron
devaient être suivis, les intimés soumettent qu’ils seraient satisfaits en l’espèce.
122.
Concernant le premier critère voulant établir l’existence et la teneur de l’entente
verbale antérieure compatible, la preuve probante et non contredite de l’entente entre les
intimés le 1er septembre 2004 est claire et elle démontre la discordance avec l’écrit du 2
novembre 2004.
123.
Deuxièmement, on ne peut prétendre que les parties auraient dû connaître la
discordance. En effet, Me Martel a, tel qu’il l’a admis en interrogatoire, effectué les
opérations du 2 novembre 2004 sans en aviser et sans en avoir discuté avec les intimés 76, ce
qui est assimilable à une fraude en l’espèce. Me Martel a caché aux intimés les modifications
qu’il a apportées aux arrangements convenus lors de la rencontre du 1er septembre 2004,
compte tenu de l’erreur qu’il a commise dans les statuts de fusion. Il était donc impossible
pour les intimés de connaître, devant le manque de transparence et même l’intention du
75
76
Shafron c. KRG Insurance Brokers (Western), [2009] 1 R.C.S. 157, 2009 CSC 6, par. 53 [R.S., Onglet 31]
Témoignage de Me Luc Martel, p. 115, ligne 20 et suivantes et p. 116 ligne 6 volume I DA;
36
fiscaliste de cacher ses opérations, la discordance entre l’entente initiale du 1er septembre
2004 et celle du 2 novembre 2004.
124.
Finalement, il est aisé de démontrer comment l’écrit peut être formulé pour exprimer
l’Intention des intimés : il s’agit du contrat P-10a) que la C.A.Q. a substitué au contrat P-8,
comme la C.A.Q. a pu le conclure.
125.
Pour conclure au sujet de la common law, il appert que plusieurs jugements cités par
l’appelante à l’appui de ce qu’elle prétend être une « interdiction » d’intégrer des principes de
common law en droit civil ont été rendus dans un contexte où la common law venait en
contradiction avec des principes civilistes déjà établis, ce qui, en l’espèce, n’est pas le cas.
3.1.2
126.
Correctifs demandés
N’eût été de la décision unilatérale des Conseillers fiscaux de modifier les modalités
de la Réorganisation initiale telle que convenue avec les intimés en pensant que les
modifications n’engendreraient pas d’impact fiscal, l’écrit rédigé dans des termes conformes
au negotium aurait été tout à fait valide.
127.
C’est pourquoi la C.A.Q. a substitué au contrat P-8 le contrat P-10a). À ce titre, la
prétention de l’appelante au paragraphe 58 de son mémoire à l’effet que l’instrumentum «
créé » par la C.A.Q. ne correspond à aucun negotium convenu entre les parties ne tient pas la
route, étant donné que le contrat P-10a) reflète en tous points l’Intention des intimés.
Soulignons par ailleurs que la C.A.Q. n’a pas créé le contrat P-10a), celui-ci émanant de
l’Intention des intimés et de l’échange de leurs consentements.
128.
L’appelante soumet également que le contrat P10a) daté du 30 octobre 2004 ne peut
correspondre à une vente qui aurait dans les faits eu lieu le 2 novembre 2004 77. D’abord,
rappelons que la date du 30 octobre 2004 était bien celle prévue pour la vente envisagée dans
le cadre de la rencontre du 1er septembre 2004. Tel qu’il a déjà été expliqué, aucun contrat ne
peut être daté du 2 novembre 2004, puisqu’aucun échange de consentements et aucune
77
Mémoire de l’appelante, par. 57 à 62.
37
intention des intimés de se lier à ce document n’a été exprimé: ce n’est donc pas un « fait
juridique indéniable 78», comme le prétend l’appelante.
129.
Dans la même veine, l’appelante fait valoir que cette altération de cette date modifie
une des parties et l’objet du contrat. Rappelons ici que les parties sont à toutes fins les
mêmes; évidemment que l’erreur de Me Martel dans les statuts de fusion fait en sorte que les
noms des entités juridiques ou des personnes physiques ne pouvaient être les mêmes que les
noms prévus le 1er septembre 2004 pour le contrat du 30 octobre 2004. Ces changements ne
modifient aucunement le fond de la transaction projetée par les intimés et demeurent fidèles à
l’Intention des intimés.
PARTIE IV - ARGUMENT AU SUJET DES DÉPENS
130.
Les intimés demandent respectueusement à cette honorable Cour que l’appel de
l’appelante soit rejeté avec dépens en faveur des intimés et contre l’appelante, et ce, dans
toutes les instances.
PARTIE V - ORDONNANCES DEMANDÉES
131.
Considérant l’ensemble de ce qui précède, les intimés demandent respectueusement à
cette honorable Cour de conclure comme suit :
REJETER l’appel de l’appelante;
LE TOUT avec dépens en faveur des intimés dans toutes les instances.
LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.
Laval, le 29 mai 2012
Me Bruno Racine
Séguin Racine, Avocats Ltée
Procureur des intimés
78
Mémoire de l’appelante, par. 61.
38
PARTIE VI - TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES
Onglet
Jurisprudence
Paragraphe(s)
1
3099-2325 Québec inc. c. 2849-6810 Québec inc., J.E.
99-1627 (C.A.)
2
9069-1841 Québec inc. c. Filtrum inc., 2011 QCCS 1570
3
B.E.A. Holdings Inc. c. Trafsys Inc., (16 avril 2003)
C.A.M. 500-09-013408-034 (C.A.)
65, 76, 85
4
Banque nationale du Canada c. Deschamps, [1988]
R.J.Q. 1210 (C.A.)
62
5
Beaulac c. Caisse populaire Desjardins de St-Malo, B.E.
2002 BE-242 (C.A.)
108
6
Boily c. Sears Canada Inc., 2007 QCCS 5040, requête
pour permission d’appeler rejetée (C.A. 2007-12-03).
105
7
Brault c. Poitras, [1962] R.C.S. 282
8
Brochu c. Gestion Dalavi, 2007 QCCS 6499
9
Brunet c. Archambault, [1983] R.L. 201 (C.A.), requête
pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée
[1980] 2 R.C.S. v);
10
Caplan c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2006
QCCA 1322
97
11
Château c. Placements Germarich inc., J.E. 97-1254
(C.A.)
52
12
Confédération, Cie d'assurance-vie c. Lacroix, [1996]
R.R.A. 930 (C.A.)
62
13
Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63
65
14
Doré c. Verdun (Ville), [1997] 2 R.C.S. 862
41
52, 53, 62
85
88
65, 85, 86
16.15
39
Onglet
Jurisprudence
Paragraphe(s)
15
Félix & Norton International Inc. et als c. Le Procureur
général du Canada et al., 2009 QCCS 919
16
Globe and Mail c. Canada (Procureur général), 2010
CSC 41, [2010] 2 R.C.S. 592
114
17
Guardian c. Victoria Tire Sales, [1979] 2 R.C.S. 849
9, 54
18
Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2
R.C.S. 601, 2005 CSC 54
65
19
Ihag-Holding, a.g. c. Corporation Intrawest, 2011
QCCA 1986
85
20
Imperial Tobacco Canada ltée c. Québec (Sous-ministre
du Revenu), 2006 QCCQ 8273
62
21
Lac d’Amiante du Québec Ltée c. 2858-0702 Québec
Inc., [2001] 2 R.C.S. 743, 2001 CSC 51
112
22
Lépine c. Khalid [2004] R.J.Q. 2415 (CA), désistement
de la requête pour l’autorisation du pourvoi à la Cour
suprême, 2005-02-25
108
23
Longpré c. Trottier, [1990] J.Q. no 2573 (C.S.)
62
24
Morin-Légaré c. Légaré, [2002] R.J.Q. 2237 (C.A.)
76
25
P.G. Canada c. Gestion R.F. et Fils inc. [2002] R.J.Q.
178 (C.S.)
97
26
Performance Industries Ltd. c. Sylvan Lake Golf &
Tennis Club Ltd., [2002] 1 R.C.S. 678, 2002 CSC 19
14
27
Québec (Sous-ministre du revenu) c. Services
environnementaux AES inc., 2011 QCCA 394
28
Remer Holdings et Registraire des entreprises du
Québec, 2011 QCCS 26
29
Richer c. Mutuelle du Canada, compagnie d'assurance
sur la vie, [1987] R.J.Q. 1703 (C.A.)
65, 85, 98
20, 85, 109
85
9
40
Onglet
Jurisprudence
30
Salomon c. Pierre-Louis, J.E. 2002-116 (C.A.)
31
Shafron c. KRG Insurance Brokers (Western) Inc.,
[2009] 1 R.C.S. 157, 2009 CSC 6
14, 118, 121
32
Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622
97
33
Sobeys Québec Inc. c. Coopérative des consommateurs
de Ste-Foy, [2006] R.J.Q. 100 (C.A.)
34
Tétreault c. Gagnon, [1962] R.C.S. 766
35
Vaillancourt c. Fafard, 2005 QCCA 700, J.E. 20051474, [2005] R.D.I. 477
36
Versafood Services Ltd. c. Alstar Industries Ltd., [1976]
C.A. 388
Doctrine
Paragraphe(s)
108
9, 20, 61, 62
52
108
62, 82
Paragraphe(s)
37
BAUDOUIN, Jean-Louis et JOBIN, Pierre-Gabriel,
Les obligations, 5e éd., Cowansville, Yvon Blais, 1998
29, 38
38
CORNU, Gérard, dir., Vocabulaire juridique, 8e éd.,
Quadrige/Presses Universitaires de France, Paris, 2007
56, 57
39
DUCHARME, Léo, Précis de la preuve, 6e éd,
Montréal, Wilson & Lafleur, 2005
61, 62
4088
GENDRON, François, L’interprétation des contrats,
Montréal, Wilson & Lafleur, 2002
88
41
KARIM, Vincent, Les Obligations, vol. 1, 3ième éd.,
Montréal, Wilson & Lafleur, 2009
29, 55, 76, 78
42
MAYRAND, Albert, Dictionnaire de maximes et
locutions latines utilisées en droit, 4e éd., Cowansville,
Yvon Blais, 2007
57
41
Onglet
Doctrine
Paragraphe(s)
43
PAPILLON, Marc et MORIN, Robert, Fiscalité
spécialisée, 17e éd., Trois-Rivières, Mérin, 2004
68
44
PINEAU, Jean, BURMAN, Danielle et GAUDET,
Serge, Théorie des obligations, 4e éd., Montréal,
Thémis, 2001
44, 55
45
REID, Hubert, Dictionnaire de droit québécois et
canadien, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2010
56, 57
46
ROYER, Jean-Claude, La preuve civile, 2e éd.,
Cowansville, Yvon Blais, 1995
61, 62
42
PARTIE VII - TEXTES LÉGISLATIFS
Onglet
Législation
47
Code civil du Bas-Canada, LQ 1980, c 39
48
Code civil du Québec, L.R.Q. c C-1991
49
Code de procédure civile, L.R.Q., c C-25
50
Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1
68, 71, 72, 73
51
Loi sur les impôts, L.R.Q., C I-3
68, 71, 72, 73
Paragraphe(s)
40, 42
9, 13.1, 13.4, 20, 26,
27, 28, 30, 39, 40, 44,
48, 49, 51, 54, 58, 60,
61, 62, 63, 81, 103,
107, 108, 114, 117
16.14, 105
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