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Mourad INTISSAR
Généralités sur la conductivité.
La conduction électrique dans la matière résulte de la présence de charges électriques
mobiles (électrons - trous - ions). Elle est donnée par l’expression général suivante:
σ = ∑njzjejµj où nj représente le nombre de porteurs de l’espèce exprimé par unité de
volume, zje la charge d’un porteur et µj sa mobilité. Dans un matériau la conductivité est
souvent assurée par un seul type de porteur, cation ou anion. Ceci se traduit par un nombre de
transport tj voisin de 1 pour le porteur mobile. La conductivité est alors donnée par la relation
σ = nzeµ.
La mobilité µ correspondante au déplacement de charge dépend de plusieurs facteurs
caractérisant le saut entre les sites voisins, à savoir : la distance d entre les sites, le temps de
saut par rapport au temps de repos dans un site donné et la probabilité de saut d’un site à
l’autre. Le déplacement de ces entités chargées est caractérisé par un coefficient de diffusion
D, relié au coefficient de mobilité par la relation suivante :
U = ZeD/kBT= (Zed2v0B/ kBT)exp-Em/ kBT
où v0 est la fréquence de vibration de l’ion dans son puit de potentiel d’énergie maximale Em,
kB est la constante de Boltzmann et B une constante liée à la géométrie du matériau. La
conductivité est calculée par la formule suivante σ = A0 / T exp(-Ea/ kBT), A0 ne dépend que
du mécanisme de saut et Ea est l’énergie d’activation.
I.
Présentation da la méthode de spectroscopie d’impédance
Cette méthode consiste à appliquer une tension alternative sinusoïdale aux bornes de
l’échantillon étudié dans une gamme de fréquence aussi large que possible. Par
l’intermédiaire du courant qui en résulte, on en déduit l’impédance de l’échantillon. Cette
technique expérimentale appliquée à une cellule électrochimique solide est introduite par
Sluyters (1960)
1
et Bauerle (1969)
2
et connu sous le nom de spectroscopie d’impédance
complexe. Une présentation générale a été donnée par Schouler et al 3 (1973-1984).
I. 1.
Principe
Aux bornes d’un échantillon, on applique une tension alternative sinusoïdale V de
pulsation ω avec ω = 2πf, f étant la fréquence, il circule alors un courant d’intensité I.
En notation complexe, V et I s’expriment de la manière suivante:
V(ω) = V0 exp (jωt)
I(ω) = I0 exp (j(ωt-ϕ))
V0 et I0 sont respectivement les amplitudes da la tension et de l’intensité du courant et ϕ est le
déphasage de l’intensité par rapport à la tension.
L’impédance complexe est dans ces conditions :
Z (ω ) =
V (ω ) V0
= exp( jϕ ) = Z exp( jϕ )
I (ω ) I 0
Cette impédance Z (ω) peut être représentée graphiquement dans la plan complexe (figure1)
- soit en coordonnées polaires par son module Z et l’angle de phase jϕ ;
- soit en coordonnées cartésiennes par sa partie réelle Re(Z) et sa partie imaginaire Im(Z).
Dans cette représentation à fréquences variables appelée diagramme de Nyquist, les
différentes grandeurs sont reliées par les relations suivantes :
Z (ω ) = Re (Z ) + I m (Z )
ϕ = arc tan
I m (Z )
Re ( Z )
Re = Z cos ϕ
I m (Z ) = Z sin ϕ
Z = (Re (Z )) + (I m (Z ))
2
Il est également possible de représenter l’admittance complexe :
Y(ω) = 1/ Z(ω)
2
2
Lorsque la fréquence varie, l’extrémité du vecteur impédance décrit dans le plan
complexe une courbe caractéristique du système étudié (figure 2). L’interprétation des
courbes obtenues a suscité de nombreuses modélisations afin de mieux comprendre les
phénomènes mis en jeu.
Le premier modèle, dû à Baurle, a été développé par Schouler. Une autre approche des
phénomènes avait été introduite par Cole et Cole 4, 5 (1941-1942). Plus récemment, Casciola
et Bianchi (1985)6,
7
ont élaboré une modélisation inspirée des théories précédentes. Ce
modèle est utilisé au cours de notre étude.
y
 Z co s ϕ
x
ϕ
Ζ 
 Z co s ϕ
Figure 2 : Représentation de l'impédance dans le plan complexe.
I. 3.
Modèle de Bauerle
Ce model développé par Schouler 8(1973-1984) est basé sur le fait qu’il existe de
grandes similarités entre la réponse des composés étudiés et les circuits RC. Trois exemples
simples sont donnés sur la figure 3.
Chaque association RC est caractérisée par sa constante de temps τ= RC= 1/ω0 où ω0 est la
pulsation au sommet de l’arc de cercle. Ce modèle simple présente l’avantage de rendre
compte, en première approximation, du comportement électrique de la plupart des
échantillons.
`
R
R
R
r
C'
C
R
Z''
C
C
Z'
Z''
R
Z'
Z''
r
Z'
ω
ω
(a)
R+r
(b)
ω
(c)
Figure 3 : Comportement électrique de quelques circuits selon la modélisation de Bauerle.
Pour des formes de diagrammes plus compliquées, on peut ajouter d’autres composants
discrets à ceux des schémas simples donnés en exemples, de manière à affiner le mieux
possible les mesures obtenues. Cependant, il convient de minimiser le nombre des
composants, afin d’être en mesure de leur attribuer une signification physique.
La figure 3 (a) rend compte de la conductivité propre du matériau étudié, les impédances
correspondant aux autres phénomènes physiques étant négligeables.
La figure 3(b) traduit le fait qu’aux basses fréquences interviennent des phénomènes
caractéristiques des électrodes. Les électrodes sont dites bloquantes vis-à-vis de la conduction
ionique, ce qui se symbolise par un condensateur C en série avec le circuit RC représentatif
du comportement du matériaux étudié. Ce condensateur représente la capacité des deux
interfaces électrode-électrolyte disposées en série. La réponse de C’, qui se manifeste aux
basses fréquences, se traduit par une droite sur le diagramme de Nyquist.
La figure 3 (c) correspond à la présence d’une résistance parasite r due à la sonde de mesure
et aux diverses connexions électriques qui se superposent à la mesure propre de l’échantillon.
Cette contribution est retirée avant les affinements.
Un matériau conducteur diélectrique est caractérisé par sa conductivité électrique σ et sa
permittivité relative εr. l’équation de Maxwell, relie ces caractéristiques est exprimée par:
i = σE +ε 0ε r ∂E
∂t
- ε0 est la permittivité du vide
- E le champ appliqué.
Si le champ E est sinusoïdal, cette relation s’écrit : i = (σ + jωε 0ε r )E
L’impédance correspondante pour un milieu homogène et isotrope est donnée par
l’équation de Debye :
Z= R
1+ jωτ
où le temps de relaxation τ caractérise la vitesse de relaxation de la polarisation
microscopique à travers la résistance R :
τ = RC = ε 0ε r
σ
Cette expression est identique de celle obtenue par une modélisation de type RC.
Le modèle de Bauerle repose sur le fait que la réponse propre du matériau et celle des
électrodes possèdent des temps de relaxation très différents. Comme le montre la figure 4,
lorsque les constantes de temps ne diffèrent pas de plusieurs ordres de grandeur, le modèle ne
permet plus de calculer les valeurs numériques des divers composants.
R
C’
C
C’ > 1000 C
C’ > 50 C
C’ > 5 C
Figure 4 : Influence du rapport des temps de relaxation.
Expérimentalement, un écart à l’idéalité est observé. Les diagrammes d’impédance
complexe sont souvent constitués d’un arc de cercle dont le centre est situé au-dessus de l’axe
réel et d’une droite inclinée par rapport à ce même axe.
Cole et Cole (1941- 1942) ont modélisé ce phénomène en introduisant le paramètre α
qui caractérise l’écart à l’idéalité (figure 5). L’existence de ce terme est attribuée à
l’hétérogénéité du processus de relaxation.
O'
Z''
O
Z'
α
Figure 5 : Comportement électrique rencontré en spectroscopie
d’impédance complexe
α est l’angle que fait l’axe passant par l’origine et le centre du cercle avec l’axe réel.
Si la courbe passe par l’origine des abscisses (figure 5), l’impédance s’écrit sous la
R
Z=
1−α
(
1+ jωτ )
forme :
Une autre approche est donc nécessaire, Casciola et Bianchi (1985) modélisent
l’impédance de l’échantillon par des impédances élémentaires traduisant les angles de phase
observés.
I. 4.
Modèle de Casiola et Bianchi
Ce modèle consiste à raisonner non plus sur des éléments discrets parfaits, mais plutôt sur des
éléments à angle de phase constante. Ainsi, un condensateur d’impédance Zc=1/jCω sera
représenté par un élément K dit à angle de phase constant dont l’impédance s’écrit :
ZK = k-1(jω)-n avec 0≤n≤1
Pour n = 1, 0, -1, l’élément est un condensateur parfait, une résistance ou bien une inductance
respectivement.
En reprenant les figures de Bauerle, et en tenant compte de ces angles de phase, les
impédances des circuits équivalents deviennent respectivement :
[
n
a) circuit RK parallèle : Z = 1 +k( jω )
R
]
−1
;
[
n
b) circuit RK parallèle avec un condensateur Q imparfait en série : Z = 1 +k( jω )
R
[
n
c) circuit RK parallèle avec une résistance r en série : Z = 1 +k( jω )
R
] +q(jω)
−1
-p
] +r
−1
Toute combinaison de ces différents éléments à angle de phase est donc possible. Pour
interpréter nos mesures, nous avons le modèle de Casiola et Bianchi dont le circuit équivalent
présenté par la figure 6 comprend les éléments suivants :
- Cg représente la capacité géométrique instrumentale, qui est retirée automatiquement.
- R la résistance du matériau.
- K la relaxation diélectrique dans le matériau représentée par un élément à angle de phase
constant.
-
Q les phénomènes aux électrodes également représentés par un élément à angle de
phase constant.
R
Q
K
Cg
Figure 6: Circuit équivalent selon le modèle de Casiola et Bianchi.
L’aspect général du diagramme de Nyquist correspondant est celui présenté figure 3(b),
c’est-à-dire une droite aux basses fréquences et un arc de cercle aux fréquences élevées.
Dans ces deux domaines, le circuit peut être représenté de façon simplifiée :
- Aux basses fréquences, les éléments K et Cg ont une impédance élevée qui peut être
négligée, on obtient le circuit RQ (figure 7) qui rend compte de la résistance du matériau en
série avec les phénomènes d’électrode (Q).
- Aux hautes fréquences, l’impédance des phénomènes d’électrodes devient très faible et
pourra être négligée. On obtient le circuit le circuit RKC (figure 7) qui rend compte de la
résistance du matériau et des phénomènes diélectriques relatifs au matériau (K) et
instrumentaux (C). Lorsque la composante diélectrique instrumentale a été préalablement
soustraite par le calcul on utilise le circuit simplifié RK.
Pour la plupart des mesures, les trois simulations RQ, RK, RKC ont été utilisées.
En fonction du domaine balayé, on peut mettre en évidence des phénomènes de relaxations
différents qui se manifestent par l’apparition d’un arc de cercle supplémentaire situé entre la
réponse propre du matériau et l’effet de l’électrode. Ce comportement est attribué par
Schouler (1984) à la morphologie du matériau.
Q
R
Simulation RQ
R
K
Simulation RK
R
Simulation RKC
K
Figure 7 : Circuits utilisés pour la modélisation de la réponse des échantillons étudiés.
II.
Mise en forme des échantillons
On a utilisé des échantillons sous forme de pastille de 13 mm de diamètre, sous
pression de 750 Mpa. Les échantillons sont réalisés à partir de la poudre HDL équilibrée à
une humidité relative de 60%. Le matériau est mis entre deux électrodes de graphite.
L’épaisseur totale est de 1.83-1.98 mm pour le matériau seul comme le montre la figure 8. Le
calcul de la constante géométrique kc est donné par :
kc =
Ep
S
où Ep représente l’épaisseur de matériau et S la surface de l’échantillon
La conductivité σ du matériau est déterminée à partir de la résistance R et de la
constante kc par la relation suivante : σ = kc /R
d =13 mm
graphite
épaisseur
matériau
Figure 8 : conditionnement de l'échantillon.
III. 1. Mesure des échantillons
Les mesures d’impédance complexe ont été effectuées tout d’abord entre –23°C et
85°C par paliers successifs de 0.1°C en balayant un domaine de fréquence de 0.1Hz à 1MHz
avec une tension de1,5 V. Le cycle 28 mesures commence par le refroidissement de
l’échantillon jusqu’à basse température (-23°C) suivi par réchauffement à haute température
de 85° C. Le cycle est ensuite bouclé par le retour à l’ambiante. Pour chaque palier, le
comportement électrique de l’échantillon est analysé après stabilisation de la température.
III. 2. La représentation graphique
On a choisi de représenter la réponse électrique du matériau par le diagramme de
Nyquist, les points représentatifs de l’impédance complexe Z se dispose selon un arc de forme
approximativement circulaire aux fréquences les plus élevées et selon une droite oblique aux
fréquences les plus basses. Le paramètre le plus important pour l’étude ultérieure est la
résistance R dont la valeur permet de calculer la conductivité du matériau. La valeur de R est
donnée lors des affinements
La variation de conductivité électrique des matériaux peut s’écrire sous la forme
suivante :
σT = S0 exp(-Ea / kT)
où
S0 est une constante
T est la température absolue en Kelvin.
k est la constante de Boltzman
Ea est l’énergie d’activation des espèces responsables de la conductivité.
Les valeurs de conductivité sont représentées sur un diagramme d’Arrhénius qui
présente la variation de log(σT) en fonction de 1000/T. Par comparaison à l’expression
précédente, cette variation est attendue linéaire. L’énergie d’activation est déduite de la pente
de droite, par la relation suivante :
Ea (eV)= - 0.1984 * p , avec p = ∆[ log(σT) ] /∆[1/T]
Références Bibliographiques.
1
J. H. Sluyters, Recl. Trav. Chem, 1960, 79, 1092.
2
J. E. Bauerele, J. Phys. Chem. Solids, 1969, 30, 2657.
3
E. L. J. Schouler, M. Kleitz, C. Desportes, J. de Chemie. Phys, 1973, 6, 70.
4
K. S. Cole, R. H. Cole, J. Chem. Phys, 1941, 9, 344.
5
K. S. Cole, R. H. Cole, J. Chem. Phys. 1942, 10, 98.
6
D. Bianchi, M. Casiola, Solid State Ionics, 1983, 17, 7.
7
D. Bianchi, M. Casiola, Solid State Ionics, 1985, 17, 287.
8
E. J. L. Schouler, Solide State Protonic Conductors III for fuel cells and sensors Odense
University Press ,1984.
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