Dossier Concours de la Résistance et de la déportation

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Concours National de la Résistance et de la Déportation
2011-2012
« Résister dans les camps nazis »
Résister : "Survivre, s’opposer, faire savoir".
Thomas Fontaine
L'appel, terrible épreuve.
Dessin de Henri Gayot interné au Struthof.
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Introduction
Par nature, un camp nazi était plus un lieu de souffrance que l’endroit idéal pour résister et beaucoup
d’actions de résistance sont ignorées, car elles ont disparu dans la nuit des camps avec leurs auteurs.
RESISTER :
- C’est ne pas céder sous l’effet d’une force, ne pas être détruit, se maintenir et survivre face à l’agression.
Donc, la première forme de résistance, ce n’est pas le combat en tant que tel, c’est d’abord survivre au
quotidien, c’est « rester vivant ». Les déportés, au jour le jour, ont donc pu résister de cette façon.
- C’est aussi bien entendu se défendre, lutter, repousser. On peut dès lors penser aux actes de rébellion
exceptionnels, aux tentatives d’évasion, à la mise en place de réseaux de Résistance organisée, le sabotage
en usine, la diffusion de l’information etc.
- C’est aussi conserver le statut d’homme, d’être humain, alors que les Nazis le dénient.
-C’est aussi penser, se cultiver, créer. La résistance s’est par exemple exprimée à travers l’art (l’abbé Jean
Daligault, un peintre dans les camps de la mort).
- C’est aussi défendre des valeurs intellectuelles et morales : les déportés ont pu défendre des convictions
religieuses, des engagements politiques, des valeurs démocratiques et civiques
- C’est donc aussi proposer, avoir un programme, bâtir pour l’avenir, vouloir construire un monde meilleur
pour éviter le triomphe de la dictature. Bref, la résistance ne sert à rien si elle ne propose pas ce qui
viendra après la victoire, si elle ne se projette pas dans l’avenir.
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Cette résistance va s’exprimer dans les ghettos, les camps de concentration et d’extermination nazis
Les ghettos, quel espace pour une résistance ? De « quartiers réservés aux Juifs », ces ghettos
deviennent même des espaces complètement bouclés où les Juifs sont déportés, concentrés,
enfermés, bouclés à l’intérieur de murs infranchissables. Les ghettos devinrent des "zones affectées à
la résidence des Juifs avec interdiction de la quitter". Les ghettos peuvent être considérés comme une
forme de lieu de concentration nazi.
« La seule institution comparable au ghetto nazi était le camp de concentration nazi » où selon les propos
de David Rousset "la mort vivait parmi les concentrationnaires à toute heure de leur existence". » cf. La
guerre contre les Juifs, 1933-1945 de Lucy Davidowicz, Hachette
Dans le ghetto, la mort règne en maître : la faim, le travail obligatoire, les maladies. La formule d’Eugen
Kogon à propos des camps nazis :" Isoler, diffamer, humilier, briser et anéantir", c’est bien le cas des
ghettos.
« les camps nazis » : En 1933 naissent les camps nazis sous le troisième Reich dirigé par Hitler. Ces
camps consistent à éliminer tous opposants politiques, résidents d’un pays conquit, groupes ethniques ou
religieux, tziganes, Témoins de Jéhovah, homosexuels, criminels…
Conçus pour rééduquer ou éliminer les opposants, ils offrent un cadre spatial très vaste et très varié avec
une vingtaine de grands camps d’extermination et de concentration, des centaines de kommandos
répartis sur l’Allemagne puis les territoires annexés au Reich. On doit y rajouter les ghettos juifs (Europe
orientale), les camps spéciaux (Schirmeck…).
Les camps de concentration :
Il s'agit d'une installation de détention où l'on enferme, généralement sur simple décision de la police ou
de l'armée, des gens qui sont considérés comme gênants pour le pouvoir.
La plupart des camps de concentration sont aussi des camps de travail forcé.
La mortalité y est très forte en raison des mauvaises conditions de vie, de travail, d'alimentation.
 Quand les camps de concentration ont été créés ?
Les premiers camps ont été créés par les Anglais lors de la Guerre des Boers en 1900-1902, en Afrique du
Sud. Les Boers étaient des colons d'origine néerlandaise que les Britanniques voulaient chasser. Pour se
débarrasser de la résistance de ces Boers, le général anglais Kitchener utilisa une invention récente, le fil
de fer barbelé, pour créer des camps où il enfermait, sans jugement, les Boers. 200.000 seront ainsi
internés. On estime qu'il y eut 30.000 morts dans ces camps.
Les camps d'extermination :
Les premières expériences de gazage ont lieu à Auschwitz au début de septembre 1941. En novembre
1941, sont installées les premières chambres à gaz à Belzec et à Chelmno. À peu près en même temps sont
construits les camps d'Auschwitz II - Birkenau et de Maidanek. Sobibor est construit en mars 1942,
Treblinka en juin-juillet 1942.
A savoir : toute l'extermination des Juifs ne s'est pas déroulée dans des camps d'extermination.
Une partie de l'extermination s'est produite hors des camps, sur le front russe, par l'action des
Einsatzgruppen.
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 Les principaux camps de concentration
nazis :
Dachau / Oranienburg / Flossenbürg /
Buchenwald / Auschwitz / Gross-Rosen /
Stutthof / Neuengamme / Ravensbrück
(femmes) / Sachsenhausen / BergenBelsen / Mauthausen / Maïdanek / Dora /
Natzwiller-Struthof
 Les principaux camps d'extermination
nazis :
Belzec/ Maïdanek/ Treblinka/ Sobibor/ Auschwitz II – Birkenau/ Chelmno
Les camps de concentration devaient contribuer à assurer la « sécurité du Reich » en brisant moralement
et en affaiblissant physiquement les individus jugés nuisibles au peuple allemand, soit pour des raisons
politiques, soit par ce qu’ils « polluaient la race germanique » (homosexuels ou auteurs de délits criminels).
A partir de 1937, les SS exploitent le travail des détenus pour en tirer des bénéfices financiers et produire
des matériaux destinés à l’édification de monuments à la gloire du Führer.
En 1942, les camps de concentration sont intégrés à l’économie de guerre du Reich. Les KL servent
également à éliminer à courte échéance, des personnes et des groupes d’individus considérés comme
particulièrement dangereux : opposants allemands ou résistants des pays occupés ayant exercé des
responsabilité importantes, Républicains espagnols, officiers et commissaires politiques soviétiques, élites
polonaises...
Les camps d’extermination étaient principalement destinés aux génocides des Juifs et des Tsiganes mais
ont été aussi utilisés pour l’assassinat d’autres détenus, comme par exemple, des prisonniers de guerre
soviétiques.
Dans les camps, les détenues travaillent dans des conditions inhumaines et y laissent souvent leur vie. Le
travail est épuisant, la nourriture insuffisante, les soins sont très insuffisants.
Les camps d’extermination intoxique les détenues avec du zyklon B dans les chambres à gaz.
Après le début de la Deuxième Guerre mondiale les camps se multiplient et y interne les opposants
politiques de toute l’Europe. Donc les morts se multiplient.
A partir de 1941 naissent les camps mixtes qui regroupent dans un même camp un camp de concentration
et un camp d’extermination.
Les résistants étaient, dans leur majorité, des hommes et des femmes qui s’étaient engagés - avant leur
déportation - dans la lutte contre le nazisme et pour la défense de leur patrie
Problématique générale du mémoire :
Une résistance est-elle possible dans un camp nazi, où la moindre désobéissance entraîne
la pendaison immédiate en public?
Quelles ont été les portées de cette résistance ?
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I - Les formes de la résistance dans les camps
Chaque fois que cela leur était possible, les déportés tentaient de s'ériger contre la toute puissance nazie.
Dans les camps à prédominance juive comme Auschwitz, il était particulièrement difficile d'envisager une
résistance active ou passive car les prisonniers n'avaient pas d'expérience et parlaient des langues
différentes, ils étaient plus affamés, plus épuisés et avaient des conditions de vie plus dures... Cependant
des insurrections ont eu lieu dans certains "läger" tels que Treblinka, Sobibor ou Birkenau. Elles furent
toutes organisées par des prisonniers qui jouissaient de statuts "privilégiés":
Résister dans un camp de concentration (KL) ou dans un « camp mixte », comme celui d’Auschwitz,
(cumulant les fonctions d’un KL et d’un camp d’extermination) et, plus encore dans un centre
d’extermination immédiate, comme Sobibor, paraît inconcevable. Pourtant des hommes et des femmes se
sont lancés dans cette entreprise courageuse et nombre d’entre eux l’ont payé de leur vie.
Les SS avaient mis au point un système basé sur la terreur, la corruption et l’affaiblissement des détenus,
qui devait rendre toute résistance impossible.
La moindre infraction au règlement pouvait conduire à la mort, tout rapprochement entre détenus était
suspect.
Les résistants étaient exécutés par pendaison sur la place d’appel, en présence des autres détenus.
Il régnait, en outre, dans les camps, un climat empoisonné qui obligeait les résistants à se méfier de leurs
compagnons de détention : les SS recrutaient parmi les détenus eux-mêmes des auxiliaires chargés de
l’encadrement (comme les Kapos) en échange de privilèges ; le camp fonctionnait sur la base de la
hiérarchie « raciale » définie par Hitler, instituant de graves inégalités, et la promiscuité permanente
facilitait l’activité des mouchards ; de plus, la population concentrationnaire était constituée d'une
mosaïque de peuples traversés par des nationalismes rivaux, des conflits d’ordre politique ; certains
détenus, comme beaucoup de Polonais, étaient sensibles à l’antisémitisme déjà virulent dans leur pays.
Enfin, l’anéantissement rapide de certains déportés ne leur laissait que peu de temps pour entrer en
résistance.
Or l'entrée en résistance se faisait rarement dans les premiers jours de détention. Il fallait d’abord avoir
surmonté le « choc de l’arrivée », avoir acquis une expérience du camp, en avoir compris les règles
officielles et tacites, ne plus trop souffrir de la faim chronique, ne pas être soumis à un travail totalement
épuisant. Il fallait être capable de se projeter encore dans l’avenir, avoir conservé l’espoir de quitter un
jour le camp ou, du moins, croire en une possible défaite de l’Allemagne. Toutes ces conditions exigeaient
un délai qui variait en fonction la dureté du régime du camp, de la date de l’internement et de l’évolution
de la guerre, de l’existence ou non de groupes de résistants, décidés ou aptes à faciliter cette intégration.
Ces actions de résistance ont pris des formes individuelles et collectives. :
Elles ont été uniquement individuelles pour les déportés qui n’avaient pas trouvé le contact avec
d’autres résistants ou qui étaient placés devant une responsabilité personnelle.
Les actions collectives étaient souvent prises à l’initiative de détenus organisés en groupes
clandestins. Les membres de ces groupes devaient avoir l’habitude de la clandestinité, de l'action
organisée, du travail politique, de la discipline de groupe et être, avant tout, dignes de confiance. Le
recrutement se faisait au départ entre personnes qui se connaissaient avant leur détention, ou qui
partageaient les mêmes convictions politiques ou la même foi religieuse.
Les groupes se formaient généralement sur une base nationale, mais dans de nombreux camps, ils
se fédérèrent en comités internationaux. Les dirigeants devaient parler l’allemand, avoir accès à
l’information, avoir un travail qui leur permettait de se déplacer sans être sous la surveillance
constante d’un Kapo.
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1. La résistance dans les ghettos
Dans la résistance il y avait très peu d’actifs, 2 à 3 %, de la collaboration, et des gens qui meurent de faim,
alors comment garder la vie et les valeurs ?
Le ghetto fut créé 16 octobre 1940 et dura jusqu’au 16 mai 1943.
Il comprenait 300.000 personnes à la création, 500.000 plus tard, en 1942, avec des petits ghettos…C’était
la mort lente, la faim, le typhus, les assassinats directs, l’extermination, la honte.
Le 22 juillet 1942, parut le décret sur la Déportation : en moyenne 6.000 à 10.000 personnes sont
déportées à Maïdanek et Treblinka, par trains entiers, les pauvres, les faibles, les vieux, disparaissent. Les
trois quarts du ghetto sont déportés vers Treblinka.
La résistance du ghetto de Varsovie. 19 avril 1943-19 mai 1943
La première révolte en janvier 1943
Le premier soulèvement du ghetto de Varsovie, le 18 janvier 1943, est une réponse spontanée de l’OJC à la
deuxième « Aktion ». Les Allemands veulent mettre fin au ghetto. Mais s’ils déportent environ 6 000
personnes et en tuent mille, des Allemands sont tués, alors ils s’arrêtent 4 jours plus tard. Le ghetto sait
qu’il y aura une dernière déportation. Les combattants s’organisent. Ils fabriquent des armes.
La propagande nationale-socialiste avait contribué à désigner les Juifs comme des ennemis du grand Reich.
Les Allemands les présentaient pourtant comme des lâches. Cette idée était tellement bien ancrée dans
l’esprit des Allemands qu’elle explique leur surprise. Lors de l’insurrection, le général allemand Jürgen
Stroop en fait lui-même état dans son rapport :« … Lors de la première pénétration (allemande) dans le
ghetto, les Juifs et les bandits polonais ont réussi, grâce à une attaque préparée, à repousser les unités
(allemandes) participant à l’action, y compris les chars et les voitures blindées de protection. »
Radio-message transmis à Londres en janvier 1943 :
"Au mois de janvier, les Allemands ont commencé la liquidation du ghetto de Varsovie. La population a
résisté, les armes à la main. Quelques dizaines d’Allemands ont été tués. Plusieurs centaines de Juifs sont
tombés (…). Au bout de trois jours ils ont interrompu les déportations. Dans toute la Pologne la liquidation
*des Juifs+ se poursuit. (…) Ils liquideront le ghetto de Varsovie à la mi-février. Adressez-vous au Pape en
vue d’une intervention officielle." (…)
La deuxième révolte, le soulèvement du 19 avril 1943
Mordechaï Anielewicz fait afficher des placards dans le ghetto, le 18 avril 1943, à la veille de l’insurrection
où il est écrit :
« Périr avec honneur ! Les hommes aux armes, les femmes et les enfants aux abris !
Les cinq membres de l’état-major de l’OJC à la veille de l’insurrection :
Mordechaï Anielewicz, né en 1919, a 24 ans
Itzhak Cukierman, né en 1914, a 29 ans
Hersz Berlinski, né en 1908, a 35 ans
Michal Rozenfeld, né en 1916, a 27 ans
Marek Edelman, né en 1921, a 22 ans
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Le 19 avril 1943, les Allemands entrent en tenue de combat, dans le ghetto central. Ils sont attaqués par
les combattants juifs. Au bout de quarante minutes ils se retirent de ce secteur et à 14h il n’y a plus
d’Allemands.- Il y a soixante ans, le 23 avril, c’était le quatrième jour de l’insurrection. Témoignage de Franciszka Rubinlicht :
« Voici une jeune fille de seize ans qui attache à sa ceinture quelques grenades appelées bouteilles, sort sur
le balcon, verse sur sa tête de l’essence, met le feu à ses cheveux et se jette sur un tank. Heureusement
avec succès, car elle l’a détruit en périssant avec les servants.
La lutte a changé de nature. Les Allemands attaquent secteur par secteur : le 20 avril c’est le secteur des
brosses, le 21 le secteur des shops, le 22 les industriels allemands ne peuvent plus protéger leur secteur et
leurs machines. Le 23 les Allemands renoncent à combattre. Ils vont liquider le ghetto par le feu et le gaz.
Ils utilisent des lance-flammes. Dans le film, on voit une femme qui se jette d’un immeuble en flammes.)
Les juifs se replient dans des cachettes souterraines, les Bunkers. Ils sortent la nuit pour attaquer les
patrouilles.
Le ghetto est anéanti.
Le monde libre est resté passif, alors que les juifs ont combattu 27 jours.
Un millier de combattants, pratiquement sans armes, réussit à immobiliser pendant 27 jours la « meilleure
armée du monde ». Anielewicz voulait sauver « l’honneur juif » écrit Raul Hilberg
L’insurrection a commencé le 19 avril 1943. Mordechaï Anielewicz s’est suicidé le 8 mai 1943 dans son
bunker du 18, rue Mila.
Appel de l’OJC du 23 avril 1943 :
« Polonais, Citoyens !
Soldats de la Liberté !
A travers le grondement des canons de l’armée allemande qui sont en train de bombarder nos maisons,
nos mères, nos femmes et nos enfants. A travers le crépitement des mitrailleuses que nous enlevons de
haute lutte aux lâches gendarmes et aux S.S.
A travers la fumée des incendies et des flots de sang qui ruissellent dans les rues écrasées du ghetto de
Varsovie,
Nous prisonniers du ghetto, nous vous envoyons notre cordial et fraternel salut.
Nous savons que c’est avec douleur, avec des larmes de compassion, avec respect, que vous assistez à la
bataille que nous livrons depuis plusieurs jours à l’atroce occupant. C’est avec angoisse que vous vous
demandez quelle en sera l’issue.
Sachez donc qu’aujourd’hui comme hier, chaque seuil du ghetto sera une forteresse. Sachez que tous,
nous voilà prêts à mourir au combat, et sans jamais nous rendre ! Comme vous, nous désirons la revanche,
nous voulons le châtiment de tous les crimes perpétrés par l’ennemi commun. Nous nous battons pour
notre Liberté et la vôtre, pour notre honneur et le vôtre,
Pour notre dignité humaine, sociale, nationale, et pour la vôtre ! Vengeons les crimes d’Auschwitz, de
Treblinka, de Belzec, de Maïdanek ! Vive la fraternité d’âme et de sang de la Pologne combattante !
Mort aux bourreaux, mort aux tortionnaires !
Vive le combat à vie et à mort contre l’occupant ! »
Témoignage d’Emanuel Ringelblum (chroniqueur, survivant à l’insurrection du ghetto, avec son équipe
coordonne la préservation de 25 000 documents) :
« Je me souviens de ma conversation avec le chef de l’Organisation Juive de Combat, Mordechaï
Anielewicz, tombé pour la cause au mois d’avril. Il évaluait bien les chances de la lutte inégale, il prévoyait
la destruction du ghetto, il était sûr que ni lui, ni ses soldats ne survivraient à la liquidation du ghetto, qu’ils
périraient comme des chiens abandonnés et que personne ne saurait l’endroit où ils reposeraient… On se
rendait compte que c’était une lutte de "mouches contre un éléphant", mais l’honneur national dictait aux
Juifs la nécessité de résister et de ne plus permettre de se laisser mener à l’extermination. »
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La résistance culturelle et scientifique dans le ghetto de Varsovie
Une vie culturelle s’organise. L’enseignement est interdit sous peine de mort : les Polonais ont droit à
l’enseignement primaire, les juifs, rien. Des écoles, des jardins d’enfants sont fermés. Des cours clandestins
se donnaient à une large échelle. Il a été à l’école polonaise mixte catholico-juive, puis avec le ghetto
fermé, il n’a été ensuite qu’à l’école juive. Il y avait aussi un enseignement universitaire semi-clandestin.
Même une faculté de médecine. Il a été à " L’école des infirmiers des brigades anti typhus de chasse à
poux", une école de première année de médecine, de très haut niveau, où les professeurs faisaient des
travaux pratiques et à 15 ans, il faisait des autopsies. Il y avait aussi une école de chimie.
Il y avait une recherche scientifique, une recherche médicale. Ils ont écrit sur la maladie des farines. Il y
avait une recherche historique. Il y avait des bibliothèques jusqu’en 1942. Il lisait Zola, Céline, Anatole
France. Cela lui a donné le goût de la France.
Il y avait de la poésie, des chants du ghetto, un café-concert, on y allait en famille. (Le film de Wajda,
Korczak est un film faux). Il y avait un cinéma, non clandestin, une équipe de cinéma, de la danse, de la
musique. La soif de culture était forte au ghetto, mais la vie culturelle n’a pas tenu devant l’extermination.
A 7 ou 8 heures, c’était le couvre-feu. Dans les maisons, la vie culturelle existait. D’un appartement à
l’autre, on faisait des représentations théâtrales, de la danse, des pièces, des concerts, puis des collectes
pour l’orphelinat de Korczak.
A côté de la résistance héroïque, il y avait une résistance passive, idéologique et spirituelle.
Témoignage de M.TOMKIEWITZ
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2. Sauver des vies
L’objectif principal des résistants était de sauver des vies.
Dans les camps de concentration, il s’agissait d'aider le plus grand nombre à survivre, à préserver ses forces
et à conserver son identité et sa dignité :
Tendre une main secourable
Prodiguer des conseils pouvant augmenter ses chances de survie ou simplement des paroles de
réconfort
Confectionner pour lui de petits objets à partir de matériaux récupérés, comme tant de femmes
l’ont fait à Ravensbrück
Donner un peu de sa portion de soupe ou de pain alors que l’on meurt soi-même de faim
Dérober à l’administration SS de la nourriture ou des vêtements chauds au risque de se faire
gravement punir et de perdre sa place dans un « bon Kommando » :
« Des soupes supplémentaires, des pommes de terre, du linge, du savon, volés à l’administration du camp
par ce que nous appelons l’organisation, furent distribués aux plus défavorisés et aux plus méritants ».
Roger Abada, Témoignages sur Auschwitz, éd. Amicale des déportés d’Auschwitz, 1946, p.171
Favoriser son entrée dans un Kommando moins dur
Manifester de la sympathie pour un Juif au risque de se faire mal voir par son gardien SS ou par son
Kapo
Composer des chansons et des poèmes
Choisir d'être maître de son destin en choisissant de vivre ou de mourir : le suicide était parfois un
moyen de rester maître de sa destinée mais dans la plupart des cas c'était surtout un moyen d'en
finir avec une existence aussi abominable que celle qu'ont connu les déportés.
Chercher à maintenir en vie les nourrissons nés à Ravensbrück, étaient bien des actes de
Résistance.
La solidarité était d’autant plus importante dans les camps où les conditions de détention étaient les plus
destructrices, qu'elle était parfois la seule forme de résistance susceptible d’être exercée. Il faut souligner,
à ce propos, que les efforts pour conserver sa dignité et la pratique de la charité ou de la solidarité par un
individu étaient toujours un préalable à son entrée dans un groupe clandestin.
Tout l’indispensable, le nécessaire, l’essentiel du quotidien. Charles me fera parvenir une serviette de
toilette, un mouchoir, une brosse à dents, du sucre...[du Canada].
Tout sera partagé au nom de la solidarité.
Liliane Lévy-Osbert, Jeunesse vers l’abîme, EDI, 1992, p. 112
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3. La diffusion d’informations
Autre objectif : la diffusion, auprès des détenus, des défaites allemandes après Stalingrad et des nouvelles
des fronts, connues grâce à l’écoute clandestine de la radio et la lecture clandestine des journaux réservés
aux SS.
Des contacts politiques furent établis entre Polonais, Français, Russes et Polonais, et ainsi de suite, entre
nationalités différentes. Nous parvînmes à lire les journaux - nazis, certainement le Volkischer Beobarter, mais nous avions aussi appris à... lire entre les lignes...
Roger Abada, Témoignages sur Auschwitz, éd. Amicale des déportés d’Auschwitz, 1946, p. 173
L’Organisation clandestine agit souterrainement pour dérégler cette fabrication, le moins vite, le moins bien.
Sous le manteau se trament les activités clandestines. Les nouvelles passent. Les nouvelles du front, les
nouvelles personnelles, d’un camp à l’autre, du camp des femmes à celui des hommes.
Elles alimentent le moral des détenus. Le téléphone carcéral est oral, cependant les écrits passent de main
en main, les petits mots : messages politiques, familiaux, d’amour ou de peur...
Liliane Lévy-Osbert, Jeunesse vers l’abîme, EDI, 1992
Les postes particulièrement visés par la Résistance étaient l'hôpital, la cuisine, les bureaux de
l’administration et de la Gestapo, le service du travail qui gérait la répartition des détenus dans les
Kommandos et les transferts dans d'autres camps (où le taux de survie pouvait être meilleur ou pire). Les
infirmiers et les médecins pouvaient cacher des malades ou intervertir leur numéro avec celui d’un mort
pour leur éviter d’être éliminés physiquement comme « inaptes au travail ».
A Auschwitz, Hermann Langbein, secrétaire du médecin-chef du camp, les prévenait lorsqu’une sélection
était ordonnée.
Sauver des vies, c’était aussi faire connaître aux Alliés ce qui se passait dans les camps et en particulier
l’extermination dont les Juifs étaient les victimes.
Ce qui exigeait des contacts avec la Résistance locale et avec les Alliés. Ces contacts étaient établis par
l’intermédiaire de « civils » qui pouvaient pénétrer dans les camps, comme par exemple les contremaîtres.
Des messages ont pu ainsi passer en fraude, des évasions ont été préparées pour faire parvenir des
rapports importants. Cependant ces évasions étaient peu nombreuses, car l’aide de la population locale
était indispensable (et beaucoup plus favorable autour de Natzweiler, en Alsace, et d’Auschwitz, en
Pologne annexée, qu’en pays allemand). Des succès ont été remportés dans ce domaine.
La lecture, en 1944, à la BBC du nom des SS occupant les postes-clef du camp d’Auschwitz, avec leurs
données personnelles, a eu des conséquences positives sur le régime du camp. Le plan Moll, prévoyant le
bombardement de Birkenau sous le prétexte d’une attaque ennemie, de manière à effacer toute trace
d’extermination, semble avoir été déjoué grâce à sa divulgation par les Alliés. Cependant, des mises en
garde n’ont pas toujours eu les suites militaires souhaitables de la part des Alliés : les demandes formulées
par la Résistance d’Auschwitz, avertie du projet de déportation et d’extermination des Juifs de Hongrie en
mai-juin 1944, de bombarder les voies ferrées entre la Hongrie et Auschwitz sont restées vaines.
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4. Le sabotage
Parallèlement, les résistants se sont efforcés d’affaiblir la machine de guerre allemande par le
renseignement et par le sabotage dans les usines d’armement et de matériel militaire.
Le sabotage est bien organisé à l’Union. Tous les jours les rapports disent que les grenades n’éclatent pas.
très souvent les machines s’arrêtent. Le courant manque. la main invisible travaille. Les punitions pleuvent.
les coups de bâtons sont innombrables. Combien de fois avons nous fait du "sport" pour sabotage.
Thérèse Chassaing, Témoignages sur Auschwitz, éd. Amicale des déportés d’Auschwitz, 1946, p. 185
Dans cette masse humaine... s’était développé un état d’esprit de rébellion contre le sort qui nous était fait.
Et au fur et à mesure que le temps s’écoulait, prenant de l’assurance et de l’expérience, nombre de déportés
se débrouillaient pour que la production souffre de malfaçons qui la rendait parfois inutilisable...
La fainéantise comme l’appelaient nos gardiens, était le système le plus couramment appliqué : dès qu’ils
avaient le dos tourné, que le Meister n’était plus à proximité, que l’ouvrier allemand ou
l’Ostarbeiter(travailleur de l’Est) ne participait pas au même travail, le rythme se calmait...
« Fertig, ich arbeite nicht mehr... ». (Terminé, je ne travaille plus...). Après un passage à tabac [de celui qui ne
voulait pas travailler], un véhicule des SS venait prendre le malheureux héros pour l’emmener à Auschwitz.
Charles Baron, extrait de "Les camps dont on a oublié le nom : les Z.A.L.", (camps de travaux forcés pour
juifs), Le Monde juif, juillet-septembre 1983, p. 105
Eugen Kogon, secrétaire du médecin-chef SS de Buchenwald, fait passer à la Résistance extérieure,
dans la couverture d‘un livre, les plans des constructions souterraines de Dora où étaient fabriqués
les V1 et les V2.
Les nombreux sabotages n'étaient pas seulement le fait de groupes organisés mais aussi de résistants
agissant de leur propre initiative, malgré l’ordre de la direction SS des camps, daté du 11 avril 1944,
d’exécuter les saboteurs par pendaison devant les détenus rassemblés.
A Ravensbrück, 90 femmes, Témoins de Jéhovah, refusent de travailler pour des productions
destinées à la guerre : battues, elles sont envoyées à Auschwitz et gazées.
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5. Exemple de résistance à Treblinka
Il y eu de nombreux actes de résistance à Treblinka.
Les révoltes d'individus ou de même de convois n'étaient pas exceptionnelles et occasionnèrent la mort de
plusieurs SS et Ukrainien.
Un mouvement de résistance clandestin existait dans les deux camps.
L'acte de résistance le plus important eu lieu en août 1943. Un groupe d'une cinquantaine de prisonniers
décida de voler des armes à l'armurerie du camp afin de détruire les installations et de permettre à un
maximum de déportés de s'évader et de se cacher dans les forêts environnantes. Ce groupe tablait sur
l'espoir que, dès que la rébellion aurait commencé, un grand nombre de prisonniers se joindraient à eux.
Alors que l'opération débutait, les soupçons d'un SS forcèrent le groupe de résistants à déclencher la
révolte plus tôt que prévu. Avant même que l’officier SS Kurt Kuttner ne puissent alerter les gardes les
prisonniers ouvrirent le feu et incendièrent des baraques. Des centaines de prisonniers se ruèrent sur les
enceintes barbelées et les forcèrent. La grande majorité d'entre eux furent tués par les SS postés dans les
miradors. Sur les 750 prisonniers qui tentèrent de s'échapper, seuls 70 d'entre eux survécurent à la guerre.
6. Les évasions
Dans les centres d’extermination, des soulèvements suivis d’évasions collectives sont organisés :
À Treblinka (2 août 1943)
À Sobibor (14 octobre 1943)
Et à Birkenau (7 octobre 1944).
Dans les deux premiers camps, sur les centaines d’évadés, seuls quelques dizaines d’entre eux réussissent
à rejoindre les partisans. Le camp de Sobibor est fermé à la suite de cette révolte. A Birkenau, il n’y aucun
survivant, mais 3 SS sont tués, 12 blessés et le Krématorium-III (bâtiment combinant chambre à gaz et
fours crématoires) est détruit.
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Révolte à Birkenau
Ainsi, la révolte du Sonderkommando d’Auschwitz a été longtemps ignorée, sous-estimée, voire occultée depuis la
fin de la Seconde Guerre mondiale. Ignorée parce qu’aucun témoin oculaire n’a survécu, sous-estimée parce que
peu de témoignages existent, et sont dans certains cas divergents, occultée enfin par certains pour présenter une
image d’Auschwitz focalisée sur les victimes juives martyrisées.
Les membres du Sonderkommando (« équipe spéciale » affectée à l’incinération des cadavres, ici dorénavant
désignée par SK) étaient eux-mêmes périodiquement exterminés en tant que « détenteurs de secret » et en étaient
pleinement conscients. Pour pouvoir effectuer leur horrible tâche - sans conteste la pire de toutes - ils étaient bien
nourris, à l’inverse de la plupart des détenus. Les résistants disposaient d’autre part, du fait du pillage des arrivants,
de moyens de se procurer des objets utiles pour corrompre certains kapos, voire des SS. Figuraient aussi parmi eux
des résistants chevronnés ainsi que plusieurs officiers russes, français et hongrois qui apportaient leur compétence
militaire.
Enoctobre 1944, depuis le camp-souche dit Auschwitz I, un « groupe de combat » international dirige la résistance
de l’ensemble de l’immense complexe concentrationnaire. Il prépare un soulèvement général coïncidant avec
l’approche des forces soviétiques qui ont déjà libéré le camp de Maïdanek en juillet. Le « groupe de combat » agit en
liaison étroite avec les organisations de la résistance polonaise très actives à l’intérieur et à l’extérieur, qui doivent
participer au soulèvement.
De son côté, l’organisation de résistance juive de Birkenau - qui est représentée dans le « groupe de combat » dispose d’une antenne dans chacun des quatre grands Krematorium et prépare depuis le début de 1944 une révolte
qui doit les détruire simultanément en débouchant sur une évasion massive des détenus. Elle organise peu à peu les
préparatifs depuis le début de 1944, contacts avec les autres résistants, fabrication de grenades, de pinces isolantes
pour sectionner les barbelés électrifiés, constitution de réserve d’essence pour incendier les baraquements,
accumulation d’armes diverses. Quatre jeunes femmes juives (dont trois travaillent dans l’usine d’armement
« Union ») fournissent la poudre pour les explosifs, tant à Birkenau qu’à Auschwitz I.
La situation des détenus du SK devient dramatique quand, après la fin de l’extermination de 340 000 juifs hongrois,
de mai à juillet (le summum du génocide), les SS décident de réduire l’effectif du SK. En septembre, ils prélèvent
deux cents détenus sur 952, qu’ils assassinent à Auschwitz I, puis incinèrent eux-mêmes pendant la nuit pour garder
le secret. Le SK en est informé par le « groupe de combat ».
La date de la révolte est fixée au 7 octobre. Les événements se précipitent. Ce même jour, les SS viennent chercher
trois cents détenus pour un prétendu transfert. La révolte éclate prématurément à la suite d’un incident, sans
coordination avec les trois autres Krematorium, ce qui entraîne un affolement général. Des détenus incendient le n°
IV, jettent vivant le kapo allemand dans un four, tandis que d’autres du n° II sectionnent les barbelés du camp des
femmes et s’enfuient. Trois autres se sacrifient en faisant sauter le n° IV. Les fugitifs barricadés dans une grange de
Rajsko à proximité sont tous massacrés.
Arrestations et tortures s’ensuivirent. Les jeunes juives ne parlèrent pas et furent pendues en public au camp des
femmes d’Auschwitz I. Le bilan s’établit comme suit, semble-t-il : outre le kapo allemand, au moins trois SS abattus
et quelques dizaines blessés, 451 détenus tués.
Ces hommes et ces femmes ont remporté là une victoire morale. Elle fut celle de juifs (et non-juifs) qui se battirent
pour leur dignité et pour la masse des détenus du camp, et au-delà pour la dignité de l’homme contre la barbarie des
nazis et de leurs complices : l’homme debout, ou comme l’a écrit Gorki, « l’homme, ça sonne fier ».
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7. La résistance des femmes dans les camps
La jeune Mala Zimetbaum.
Déportée en 1942, cette jeune fille d’Anvers n’a pas participé à la résistance en Belgique occupée. A
Auschwitz, où elle a échappé à l’extermination immédiate, elle rejoint les résistantes déportées de
Belgique qui organisent la Résistance pour survivre. Avec son ami polonais, Edek Galinski, elle s’évade le 24
juin 1944. Repris à la frontière tchécoslovaque, le couple est ramené au camp pour que son exécution
décourage toute tentative.
Le 22 août 1944, devant les détenues assemblées, Mala Zimetbaum, devançant le bourreau, se taillade le
poignet. De sa main ensanglantée, elle gifle son tortionnaire. Symbole tragique, la jeune Anversoise
incarne dans son défi la plus obscure des résistances, celle des victimes de la solution finale.
C’était une jeune femme belge de vingt-huit ans. Jolie, grande, fine, distinguée, elle avait réussi à capter par
sa grange intelligence sa finesse et son tact, la confiance des chefs allemands…
Un soir au mois de juin 1944, l’appel dura au moins trois heures. On se demandait pourquoi. Tard, vers huit
heures et demie, un Lagerkapo, chef de police du camp, passe et crie à notre Blockowa : « Mala, la Belge,
s’est évadée ! »
…Elle aura sûrement emporté des documents pour prouver au monde les atrocités commises ici…
Suzanne Birnbaum, Témoignages sur Auschwitz, éd. de l’Amicale des déportés d’Auschwitz, Paris, 1946, p.
129
… Elle parlait huit langues… Elle en était arrivée à avoir le droit de circuler sans garde entre
Auschwitz et Birkenau tellement les Allemands avaient confiance en elle.
Un jour ils ont réussi tous les deux [Mala et son « fiancé » Edek Galinski, un Polonais+ à s’évader,
non seulement habillés en Allemands, mais avec une voiture allemande…
Mala était une légende dans le camp parce qu’elle avait sauvé beaucoup de gens... Le bruit a couru
qu’elle s’était évadée. Nous étions contentes. Malheureusement trois semaines plus tard, elle a été
dénoncée par des paysans polonais et rattrapée à quelques kilomètres de la frontière tchèque..."
On nous a réunies sur une place de Birkenau où une potence avait été dressée... Elle a dit qu’elle
avait essayé de s’évader pour crier au monde ce qui se passait ici, que la guerre serait bientôt
finie...
Marceline Loridan-Ivens, Ma vie balagan, Robert Laffont, 2008, p. 103-105
Ou tentatives d’évasions durement punies
Mala Zimetbaum s’évade avec Edek Galioski le 24 juin 1944. Ils sont repris le 6 juillet et exécutés le
l5 septembre 1944 après avoir passé cette période dans le Bunker au Block 11, prison du camp
d’Auschwitz.
Wieslaw Kielar, ami d’Edek et qui a refusé de s’évader avec lui, raconte :
...Edek monta sans hésiter sur l’estrade et se mit immédiatement sur le tabouret. Le noeud coulant
touchait sa tête...Edek trouva l’ouverture du noeud coulant et repoussa le tabouret d’un coup de
pied...
Le lendemain, une petite estafette slovaque me décrivit en pleurant l’exécution de Mala. De même
qu’ Edek, celle-ci avait décidé de ne pas se laisser exécuter par les SS. Pendant la lecture de la
sentence, elle se coupa les veines des poignets avec une lame qu’elle avait réussi à se procurer...
Le Rapportführer Taube se précipita, et elle le gifla de ses mains ensanglantées...
Wieslaw Kielar, Anus Mundi, Robert Laffont, 1980, p. 261-262
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8. La résistance à Auschwitz III-Monowitz
Cette organisation clandestine était totalement invisible : elle avait été créée par les premiers déportés
politiques allemands qui avaient acquis une solide connaissance de la clandestinité sous le régime nazi et
plus tard au camp.
Ils avaient gardé un poids politique énorme dans l’organisation parce qu’ils se battaient contre Hitler
depuis 1925.
L’organisation du camp était en liaison avec la résistance polonaise qui avait des émetteurs-récepteurs
radio et, donc, les moyens de communiquer de camp à camp et avec Londres et Moscou. La résistance
polonaise était très puissante car, les Allemands traitaient sauvagement les habitants de la Pologne
occupée.
Une des exigences était que les détenus résistants ne deviennent pas comme trop de déportés, la loque
humaine, l’insecte nuisible que les Allemands voyaient en nous. Ils devaient rester un homme debout, en
état de résistance :
rester propre physiquement (malgré l’eau froide ou le manque d’eau, l’absence de savon et de
linge propre) ce qui voulait dire gratter à sec la saleté de la surface de la peau avec l’envers des
manches des vestes, plus propre que l’endroit.
N’accepter aucun trafic avec les chefs ("Kapos") sous aucun prétexte.
Refuser de parler continuellement de nourriture, en particulier pendant les longues attentes du
matin, avant de partir au travail. Ne parler que de nourriture, c’était admettre que son cerveau
était dominé par la faim, ce que souhaitaient les SS.
9. La résistance des tsiganes
Avertis de la « liquidation » du camp tsigane à Birkenau, par le Polonais Tadeusz Joachimowski, secrétaire
du camp, le 16 mai 1944 une action de résistance éclate dans le camp des Tsiganes.
Le soir, les baraques sont encerclées par une soixantaine de SS armés de mitraillettes. Quand l’ordre est
donné de sortir des baraques, ils n’obéissent pas. Ils sont armés d’outils, de bêches, de haches, de pieds de
biche et comptent se saisir des mitraillettes quand les SS pénètreront dans les baraques.
Les SS abandonnent : parmi les Tsiganes se trouvaient des soldats de la Wehrmacht provenant du front
russe et qui avaient été déportés fin 43 à Birkenau.
Un certain nombre de Tsiganes sont envoyés dans d’autres camps comme Buchenwald ou Ravensbrück,
pour les exterminer par le travail. Il reste autour de 2900 Tsiganes, des enfants, des femmes, des malades,
des vieillards, qui sont gazés dans la nuit du 2 au 3 août 1944.
Rudolf Hoess écrit dans « le commandant d’Auschwitz parle » qu’il ne fut pas facile de les faire rentrer dans
les chambres à gaz. Filip Müller, du Sonderkommando témoigne : « De toutes part, les gens hurlaient, nous
sommes des Allemands... De la chambre à gaz montaient des cris jusqu’à ce que le gaz fasse son effet. «
Nous voulons vivre ».
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10. Résister par l’art : « Créer c’est résister » Boris Taslitzky
L’artiste David Olère au SK
Du fait de ses compétences artistiques surtout, mais linguistiques aussi, la vie de David Olère au
Sonderkommando a été différente de celle de ses camarades d’infortune. Il était affecté au K III mais
majoritairement utilisé pour ses qualités d’artiste et envoyé ici ou là selon les besoins lorsqu’il y avait un
manque de bras. Il lui a donc été permis de circuler davantage que les autres prisonniers du SK, il a ainsi
été témoin de la plupart des lieux et situations de l’extermination.
Cette salle à la porte de laquelle nous nous trouvons avec ce dessin se situe au K II. Il s’agit d’une pièce
réservée à des médecins légistes prisonniers. Elle était appelée "salle de dissection".
C’est le SS Mengele qui présidait à son fonctionnement. Il y faisait en particulier des études pseudoscientifiques sur les jumeaux et sur la couleur des yeux. Lorsque Mengele était "de service de Rampe" à
l’arrivée des trains de déportés et "même quand ce n’était pas son tour –témoigne l’historien et
survivant Hermann Langbein- pour en retirer les jumeaux", il gardait donc en vie les jumeaux de tous
âges, ainsi que toutes les personnes ayant des malformations physiques apparentes. Il menait ensuite
sur elles diverses expériences avant de les assassiner et de faire comparer leurs organes par un
anatomo-pathologiste.
Sur ce dessin, David Olère nous place en compagnie de ce père à l’attitude abattue (sans doute autant
due à l’épuisement des conditions de transport qu’au soupçon de la suite funeste) avec ses deux fils
jumeaux. Ils viennent d’arriver par le dernier convoi entré à Birkenau ce jour-là.
Dans la salle, on voit la table de dissection au plateau de marbre et deux SS affairés autour d’un corps.
On remarquera la boîte posée au sol, coffre qui servait à conserver des organes ou parties de corps
humains pour leur étude dans d’autres lieux, notamment à Berlin ou à l’académie de médecine de Garz.
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"Après la révolte du Sonderkommando" du 7 octobre 44, les membres du K IV (un peu plus de 150
hommes) sont tous morts : soit en acceptant de rester dans le crématoire dont ils ont organisé
l’explosion, soit en tentant de fuir. Tous les témoignages concordent pour dire qu’aucune évasion ne
sera couronnée de succès. Le dernier petit groupe de 12 qui, d’après Miklos Nyiszli, avait réussi à passer
la Vistule et se sera battu jusqu’au dernier instant, sera repris et assassiné la nuit du même jour.
D’autres membres seront tués dans l’action, appartenant au K II, et d’autres encore seront abattus en
représailles. Au total, 450 membres du SK seraient morts ce jour-là, sur 663. Ceux du K III auront été mis
à l’abri de la révolte et de la tuerie qui s’en est suivie, enfermés dans leur crématoire.
Cette révolte, qui se préparait depuis des mois et n'était pas du tout prévue de cette façon mais devait
profiter à l'ensemble du camp, n'a finalement pas pu être menée comme les prisonniers membres du SK
le souhaitaient. Si elle peut être considérée comme un échec du point de vue du résultat, notamment
en termes de pertes humaines, il faut rendre hommage à ces hommes qui ont courageusement choisi la
rébellion, choisi de mourir dans la lutte. Ils étaient à peu de choses près les seuls prisonniers Juifs de
Birkenau en état physique et mental suffisant pour trouver le courage d'un tel acte. Les prisonniers du
camp diront plus tard que la révolte du Sonderkommando fut alors pour eux le symbole puissant d'une
possible opposition Juive à l'extermination, ce qui leur a été une source de réconfort importante.
11. A la libération
Quand les armées libératrices se rapprochent, les résistants cachent dans la mesure de leurs moyens les
archives du camp que les SS leur ont ordonné de détruire. Ils se préparent à la lutte armée par crainte
d’une liquidation totale ou partielle des détenus. Des armes sont introduites clandestinement et cachées,
des plans d’insurrection préparés. Ils tentent d’empêcher les évacuations vers d’autres camps, tant celle
d’Auschwitz s’est avérée épouvantablement meurtrière. Dans certains camps, des résistants réussissent à
joindre les unités américaines pour qu’elles viennent libérer leur camp au plus tôt. A Buchenwald, les
derniers SS restés sur place sont maîtrisés par les membres des groupes armés avant l’arrivée des
Américains. A Enbensee, camp annexe de Mauthausen, les détenus (10000 valides et 6000 malades)
refusent de céder aux sommations des SS de pénétrer dans les souterrains qui étaient minés en vue d’une
explosion. Pour éviter le chaos, les lynchages et les pillages, les résistants se chargent dans de nombreux
camps, du maintien de l’ordre et de la distribution des vivres, après le départ des SS.
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II - les valeurs qu’en transmettent les déportés.
Le bilan de cette Résistance est impossible à chiffrer mais le plus important, sans doute, est sa valeur
symbolique : « Que dans tant de camps, livrés sans espoir d’aide extérieure à une terreur littéralement sans
frein, tant d’hommes se soient voués à la résistance sans se laisser abattre par les déceptions continuelles
ni les décisions cruelles inséparables d’une telle activité (…) c’est là une preuve irréfutable que si un régime
inhumain peut assassiner, il ne peut écraser complètement les sentiments humains chez ceux qu’il laisse
ne vie ».
Hermann Langbein (La Résistance dans les camps de concentration nationaux-socialistes, 1938-1945, Paris,
Ed. Fayard, 1981).
Les témoignages des survivants montrent qu’ils voulaient se défendre contre la déshumanisation des
camps.
Des actes contribuaient à réveiller l’humanité des détenus.
Chaque geste individuel se trouve être la réponse à des ordres supérieurs et à la nécessité de survivre.
L’existence d’actes moraux, spontanés et répandus, que la violence du système n’a pas réussi à extirper, la
volonté de rester humain, de rester vivant pousse les hommes à communiquer entre eux, à s’aider, à
distinguer le bien du mal.
Des hommes et des femmes, épuisés par la faim, transis de froid, morts de fatigue, battus et humiliés,
continuent à poser de simples gestes de bonté.
Ces hommes et ces femmes ont voulu communiquer aux autres en affirmant :
« Surtout, si tu rentres, raconte bien tout ce dont nous avons souffert. Il faut qu’"ils" le sachent pour qu’ils
nous vengent et qu’ils fassent en sorte que cela ne recommence plus ».
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LE SERMENT DE BUCHENWALD
Le 19 avril 1945, les 21.000 déportés rescapés de Buchenwald se réunissent sur la place d'appel du camp
pour faire tous ensemble le serment à tous les camarades morts en déportation à Buchenwald, Dora, dans
les kommandos, au cours des marches de la mort, que leur martyr ne sera jamais oublié, et qu'ensemble,
jusqu'au bout, les survivants combattront les fléaux que sont pour l'humanité :le fascisme, l'antisémitisme,
le racisme et la haine de l'autre.
Ce serment, qui lie toujours les survivants de Buchenwald, Dora et leurs kommandos, a préfiguré de la
charte universelle des droits de l'Homme de l'Organisation des Nations Unies (ONU) en 1945.
" Le 19 avril 1945 eut lieu sur la place d'appel une cérémonie de commémoration, initiée par le Comité
International de Résistance du camp, devant un obélisque en bois réalisé à cet effet par les prisonniers,
pour leurs compagnons de détention morts ou assassinés.
Dans plusieurs langues, les prisonniers lurent une déclaration dont la fin est entrée dans la Mémoire en
tant que "Serment de Buchenwald".
Les participants à la cérémonie jurèrent de continuer le combat jusqu'à l'éradication définitive du nazisme,
et de s'engager à reconstruire un monde de paix et de liberté".
Le Serment
"Nous, les détenus de Buchenwald, nous sommes venus aujourd'hui pour honorer les 51.000 prisonniers
assassinés à Buchenwald et dans les kommandos extérieurs par les brutes nazies et leurs complices.
51.000 des nôtres ont été fusillés, pendus, écrasés, frappés à mort, étouffés, noyés et tués par piqûres.
51.000 pères, frères, fils sont morts d'une mort pleine de souffrance, parce qu'ils ont lutté contre le régime
des assassins fascistes.
51.000 mères, épouses et des centaines de milliers d'enfants accusent.
Nous, qui sommes restés en vie et qui sommes des témoins de la brutalité nazie, avons regardé avec une
rage impuissante, la mort de nos camarades. Si quelque chose nous a aidé à survivre, c'était l'idée que le
jour de la justice arriverait.
AUJOURD'HUI, NOUS SOMMES LIBRES
Nous remercions les armées alliées, les Américains, les Anglais, les Soviétiques et toutes les armées de
Libération qui luttent pour la Paix et la vie du monde entier.
Nous rendons hommage au grand ami des antifascistes de tous les pays, à l'organisateur et initiateur de la
lutte pour un monde nouveau, que fut F.D. Roosevelt. Honneur à son souvenir.
Nous, ceux de Buchenwald, Russes, Français, Polonais, Slovaques et Allemands, Espagnols, Italiens et
Autrichiens, Belges et Hollandais, Luxembourgeois, Roumains, Yougoslaves et Hongrois, nous avons lutté en
commun contre les SS, contre les criminels nazis, pour notre libération.
Une pensée nous anime :
NOTRE CAUSE EST JUSTE, LA VICTOIRE SERA NOTRE
Nous avons mené en beaucoup de langues, la même lutte dure et impitoyable. Cette lutte a exigé beaucoup
de victimes et elle n'est pas encore terminée.
Les drapeaux flottent encore et les assassins de nos camarades sont encore en vie. Nos tortionnaires
sadiques sont encore en liberté. C'est pour ça que nous jurons, sur ces lieux de crimes fascistes, devant le
monde entier, que nous abandonnerons seulement la lutte quand le dernier des responsables sera
condamné devant le tribunal de toutes les Nations.
L'écrasement définitif du nazisme est notre tâche.
NOTRE IDEAL EST LA CONSTRUCTION D'UN MONDE NOUVEAU DANS LA PAIX ET LA LIBERTE.
Nous le devons à nos camarades tués et à leurs familles. Levez vos mains et jurez pour démontrer que vous
êtes prêts à la lutte".
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Conclusion
Rendre hommage et se souvenir de ses hommes et de ses femmes qui ont courageusement fait un acte de
résistance est primordial pour nous.
C’est une vraie « leçon » de vie.
Cela nous amène à réfléchir sur quels sont nos idéaux, nos valeurs pour lesquels nous devons lutter.
La vie ce n’est pas renoncer mais être fiers des valeurs de la République française et de les défendre.
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