Date : 23/03/2016
Heure : 17:27:36
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Pays : France
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Campbell (et Lucas à sa suite) choisit clairement la première option. Son point de vue est radicalement
universaliste, et c'est d'ailleurs l'un des principaux reproches qui peut lui être fait, car en rabattant tel
ou tel mythe sur de supposés invariants produits par la psychologie occidentale, en élaguant le contexte
ethnoculturel, il prend le risque de faire perdre aux récits mythiques la plurivalence de leurs significations.
C'est exactement le problème de la confusion syncrétiste qu'entretient Star Wars, neutralisant chacun des
mythes qu'il est venu piller, passant par pertes et profits leur précieuse différence. Or, il ne faut pas confondre
universalisme et universel, et on peut ici faire un détour par l'opposition entre syncrétisme fusionnel et
syncrétisme en mosaïque telle que théorisée par l'anthropologue Roger Bastide (Les Amériques noires,
L'Harmattan 1967). Dans le premier, les différentes traditions sont incorporées dans un mélange qui les
diluent et les affadit, les rendant ainsi inopérantes, alors que dans le second, cohabitant sans altération, elles
continuent d'offrir un mode particulier d'élucidation du monde.
Cependant, n'ayons pas de honte à le reconnaitre, ce syncrétisme fusionnel, ce mélangisme conceptuel,
ce maelstrom multiculti, continue de nous émouvoir. Comme un visage qui malgré le fard et la chirurgie,
les retouches et les défigurations successives, garderait un sens pour celui qui le regarde. En dépit du
fatras ésotériste qui le recouvre comme une suie, Star Wars continue d'être reconnu. Son charme tenace
tient justement à l'intrication de plusieurs degrés de reconnaissance. D'abord, à chaque nouvel opus,
l'émotion du souvenir et la nostalgie des images précédentes, puisque le tout premier date de 1977, soit
le temps d'une génération. Ensuite, l'identification des références -leur traque érudite comme leur mise en
commun-, le ludisme collectif étant bien l'aboutissement de la culture post-moderne. Enfin, troisième niveau de
reconnaissance, le constat d'affiliation, quand l'oeuvre et celui qui la reçoit, partagent des valeurs communes.
Contre toute attente, sous la surface du brouet universaliste, les fondamentaux de l'identité européenne
résistent. Si la quête de Perceval, la mort d'Hector, les velléités de Don Quichotte, continuent aujourd'hui
encore de nous bouleverser, en dépit de styles littéraires parfois sibyllins, c'est bien parce qu'elles touchent
des points névralgiques de ce qui nous constitue en propre, tout comme l'initiation de Luke Skywalker, la
gémellité d'Anakin et d'Obi-Wan, le dilemme de Dark Vador, la prise de pouvoir de la jeune Rey. Le
troublant paradoxe de Star Wars est alors de propager ce qui menace cette identité, c'est-à-dire à la fois la
présomption universaliste et la confusion nihiliste, tout en utilisant dans l'armature même de ses récits, comme
rouages essentiels, certaines de ses caractéristiques principales. Citons-en deux, d'autant plus en perdition
que règnent aujourd'hui fétichisme des formes et déracinement individualiste : la fidélité au rituel toujours
subordonnée au respect de l'idée inspiratrice ; les histoires familiales comme lieu d'opposition dialectique
entre pouvoir et connaissance.
Rien que pour cela, ce ronflant phénomène de société, ce lucratif stratagème commercial, mérite qu'on s'y
arrête une fois encore.