Concours Supelec - Sciences et technologies dansl`Art

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Concours Supélec 2009
Sciences et Technologies dans
l’Art
Le 30 Décembre 2009
Alain MADY-FETHERSTONE (2007)
France HUREAUX (2007)
[LE JEU DES 7 ERREURS
QUANTIQUES]
Introduction à la physique quantique au travers des œuvres « Persistance de la mémoire »
et « La désintégration de la persistance de la mémoire » de Salvador Dali
Introduction
« L’art est fait pour troubler. La science rassure.
rassure » Cette phrase de Braque surprend et est
tout à fait contestable, surtout quand on traite du domaine si complexe et peu observable
qu’est la physique quantique. Un des artistes qui s’est fait porte parole de cette science à
travers son œuvre est Salvador
or Dali. En effet dès les années 50 les mathématiques vont
devenir sa source d’inspiration (Fibonacci, le nombre d’or et la spirale logarithmique de sa
célèbre trompe de rhinocéros). Pr la suite, Dali deviendra un fervent admirateur des travaux
du cosmologue
gue Stephen Hawking.
Nous avons choisi de décrire une œuvre tout à fait originale et surprenante : « La
désintégration de la persistance de la mémoire».
mémoire». Pour réaliser ce tableau, Dali a appliqué les
principes de physique quantique énoncés par les physiciens
physiciens de son temps à une de ses
premières et plus célèbre toiles: « La persistance de la mémoire ». C’est donc une
transposition de la première œuvre par le prisme de la physique quantique.
Description des
de œuvres
Tableau 1 - « Persistance de la mémoire » – 1931 – MoMa
Figure 1 - La persistance de la mémoire (61 × 83 cm)
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« La Persistance de la mémoire » est une des œuvres les plus représentatives de l’œuvre
de Salvador Dali, peinte en 1931, à l’âge de 27 ans seulement. Dans la vie secrète de
Salvador Dali,, Dali raconte avoir peint cette toile après avoir mangé un « excellent
camembert » : « Je restai un moment accoudé à la table, réfléchissant aux problèmes
posés par le « super mou » de ce
c fromage coulant. Je me levai et me rendis dans mon
atelier… ». Très vite cette toile fut vendue à une galerie américaine.
Tableau 2 - « Désintégration de la persistance de la mémoire » – 1952 – Salvador Dali
Museum, Florida
Figure 2 - Désintégration de la persistance de la mémoire
Vingt-et-un-an
an après avoir peint « La persistance de la mémoire », Dali crée cette toile
qui s’en inspire en y intégrant la nature corpusculaire de la matière et les principes
quantiques énoncés par Einstein ou Hawking quelques années auparavant.
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Principes physiques et leur
interprétation aux travers des œuvres
de Dali
Comment Dali a-t-il « désintégré » son premier tableau ? C’est dans cette logique que nous
avons voulu analyser le tableau de 1952. Nous avons essayé d’identifier les principes
quantiques
iques appliqués par Dali à son premier tableau. Cette approche, rigoureuse et
scientifique, permet de mettre en avant la grande connaissance de Dali sur ce sujet et nous
semblait rendre hommage à sa seconde passion : la science.
1. « Il est plus facile de désintégrer
dé
un atome qu'un préjugé » - Einstein
pusculaire que fournit la mécanique quantique s'appuie sur une
La description du monde corp
vision radicalement nouvelle, et s'oppose en cela à la mécanique classique.
classique Le cadre posé
par la mécanique quantique est
es à l’échelle atomique et met en évidence que chaque
élément a une dualité onde-corpuscule.
corpuscule.
En
n décomposant le premier plan en petits pavés élémentaires,, Dali nous introduit à la
physique quantique. En effet, il pose ici les postulats de base, le principe fondamental de la
physique quantique : les particules ont un comportement indépendant
dépendant de leur
environnement. L'état
'état quantique de deux objets doit être décrit globalement, sans pouvoir
séparer un objet de l'autre, bien qu'ils puissent être spatialement séparés.
Dali nous oblige à raisonner dans un monde corpusculaire,
corpusculaire, dans un monde inconnu.
Le monde tel que nous le connaissions, le monde tel que peint danss le tableau 1, « La
persistance de la mémoire », n’existe plus et n’est pas régit aux mêmes lois.
lois
C’est ainsi que Dali nous invite dans un monde
mon quantique, un monde soum
mis à des nouveaux
principes, en rupture avec les principes intuitifs de la mécanique
écanique galiléenne : nous sommes
maintenant projetés dans le monde où ce sont les principes de Heisenberg qui s’appliquent.
Décomposition du premier
plan en particules
élémentaires
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2. 1er principe d’incertitude d’Heisenberg
Premier Principe d’incertitude
d’Heisenberg
Le premier principe d’incertitude d’Heisenberg nous indique les limites sur la précision de
mesure que l’on puisse obtenir sur l’information d’un système donné (ici le premier tableau).
Ainsi, lorsqu’on essaie de mesurer la position d’une particule avec précision, l‘information
sur sa vitesse est incertaine.
Cette notion de mouvement indissociable de l’observation s’observe dans le tableau de Dali
où les objets quantiques, fixes dans le premier tableau,
tableau sont mis en mouvement et
déformés (impact sur l’observation). La vitesse est omniprésente dans le tableau de Dali,
où tous les objets semblent pris dans une aspiration vers un point de fuite imaginaire.
3. L’énergie du vide
Dans son deuxième énoncé, Heisenberg traduit la non existence du vide par l'équation du
Second principe d'incertitude : ∆ E . ∆ T ≥ h / ( 2 Π ).
Autrement dit, si nous effectuons une mesure sur un système, pendant un temps
extrêmement court, le vide est habité par une énergie et cette énergie est d'autant plus
grande que le temps de la mesure est bref.
On appelle ce phénomène fluctuation du vide. Le vide est donc habité par une énergie qui
peut prendre des proportions faramineuses sur des échelles de temps très courtes.
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Dali applique
ique bien le principe de fluctuation du vide dans le sens où dans le deuxième
tableau, le vide n’existe plus tout l’espace est occupé.
Il y a néanmoins un espace nouveau,
nouveau l’espace sous le sol au premier plan. Que représente ce
vide ? Un rappel de la physique
sique newtonienne
newtonien ?
Un garde fou qui nous suggère que nous serons toujours limités par notre perception du
d
monde tel que nous le connaissons. Car dans le monde quantique le vide n’existe pas
puisque il y a toujours une probabilité de trouver une particule,
parti
une énerggie dans l’espace
d’observation.
Alors que représente cet espace, ce nouvel espace qui n’existait pas dans son premier
tableau? La réalité nous rattrapera-t-elle
rattrapera
toujours ?
4. Introduction à la relativité ?
Dans une tentative de banalisation du principe de relativité
relativité restreinte, Einstein a formulé cet
énoncé simple :
« Placez votre main sur un poêle une minute et ça vous semble durer une heure.
Asseyez-vous auprès d'une jolie fille une heure et ça vous semble durer une minute.
C'est ça la relativité »
Dans le monde quantique, le temps est une dimension au même titre que les trois
dimensions de l’espace. En raisonnant à l’échelle
l’
atomique, il est nécessaire de se poser
différemment la question de l’espace et du temps.
Distorsion
du temps
Dans le deuxième tableau, dans le monde quantique, nous avons l’impression d’assister
d’
à
une distorsion, de l’espace et du temps. En effet, la relativité est introduite par Dali par la
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différence d’heure présentée sur chaque horloge. L’une indique 6h00 l’autre 5h50. Le temps
dépend du référentiel, de la position. L’Espace-temps est distordu.
5. Les trous noirs donnent l’heure !
Champ gravitationnel infini
Une des découvertes fondamentale du 20ème siècle en astrophysique est bien évidemment
l’existence des trous noirs.. Leur existence a été expliquée par la théorie de la relativité
générale d’Einstein puis mise en évidence
évidence par Stephen Hawking dont Dali était un grand
admirateur. Le trou noir est un champ gravitationnel si intense qu’il empêche toute forme
de matière de s’en échapper.
noir : les
Dans « la désintégration de la persistance de la mémoire », on distingue 2 trous noirs
deux montres (celle posée sur le socle ainsi que celle posée dans l’olivier mort). Les éléments
constitutifs du socle qui passent dans l’environnement des montres sont « happés » par le
champ gravitationnel et ne poursuivent plus leur course vers le
le point de fuite initial. L’effet
de distorsion (allongement) à l’approche des trous noirs confirme la métaphore imagée de
la montre et du trou noir.
6. Principe de la cohérence
Principe de la cohérence
Au niveau atomique les particules n’ont peu ou pas d’interactions avec l’environnement, on
dit qu’elles sont en « cohérence » avec le monde quantique. A l’inverse, notre monde est
composé de milliards de particules où les interactions sont fréquentes. Il se produit la
« décohérence ». C’est pourquoi
rquoi à notre échelle le phénomène quantique n’est pas
observable et que notre tasse de café ne traverse pas notre bureau…
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Dans son tableau, Dali intègre fortement ce phénomène de cohérence notamment en
faisant traverser le sol à une des montres. Cette montre
mo
est « la montre de Newton » du
précédent tableau, la seule rigide, qui maintenant
maintenant indique également l’heure ? Dali a-t-il
voulu ici exprimer que sans être observable dans notre univers de solidité « Newtonien », la
physique quantique est néanmoins fondamentale
fon
ntale à l’explication du cosmos ?
7. « L’art c’est moi, la science c’est nous. » - Claude Bernard
« Durant la période surréaliste, j’ai voulu créer l’iconographie du monde intérieur, le monde
merveilleux de mon père Freud et j’y suis arrivé. À partir des années 1950, le monde extérieur
— celui de la physique — a transcendé celui de la psychologie. Mon père, aujourd’hui, est le
Docteur Heisenberg ». Dans
ans le préambule de
de son Manifeste de l’Antimatière,
l’Antimatière Dali annonce la
différence fondamentale entre ses deux tableaux : la place qu’il donnee à son individualité.
individualité
Dans « Laa persistance de la mémoire », Dali se positionne,, au travers du fœtus, au centre de
l’œuvre. C’est
’est une approche égoïste et psychologique qui a pour but l’exploration du monde
intérieur de l’artiste, de la recherche du soi : « L’art c’est moi… »
a désintégration de la persistance de la mémoire », Dali entreprend une approche
Dans « La
scientifique, il ne se positionne plus comme étant le centre de l’œuvre, la distorsion du
fœtus ne permet plus de reconnaitre l’aspect humain de la forme. Cet objet est devenu
amorphe et transparent.
Une approche scientifique ne laisse aucune place à l’individualité. Dali l’a bien compris, il
s’efface de l’œuvre, il ne se positionne plus au centre de l’œuvre, il veut donner une
dimension scientifique à ses travaux il a rejoint la vision de Claude Bernard
rd : « …La science,
c’est nous. »
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Conclusion
« La persistance de la mémoire » est un des tableaux les plus célèbres de Dali. Les
interprétations sont nombreuses et couvrent principalement l’analyse « freudienne » du
tableau. « La désintégration de la persistance de la mémoire » est en revanche beaucoup
moins célèbre et célébré. Peu d’analyses, d’articles de presse existent. Une des explications
à ce décalage est sans doute le niveau de compétence scientifique nécessaire à la
compréhension du deuxième tableau. En effet, Dali était un passionné, à la pointe de la
connaissance scientifique (il fut abonné jusqu’à sa mort aux plus grands journaux
scientifiques de l’époque et passa de longs moments à décrypter les travaux des grands
physiciens de son temps). Ainsi cette œuvre est-elle moins accessible à l’amateur d’art
classique.
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