SUJET 3
: Bergson, La pensée et le mouvant
Analyse du sujet : « il faut et il suffit que l'explication rende compte par la compréhension précise du texte du problème dont il est question »
précise la consigne qui accompagne le texte.
Problème :
La vérité est une notion que nous utilisons au quotidien: "oui, c'est vrai", "non, je ne suis pas d'accord,
c'est faux". Mais comment définir la vérité, "Qu'est-ce qu'un jugement vrai"? Telle est la question à laquelle
Bergson nous invite à réfléchir dans ce texte, qui est l'occasion pour lui de remettre en question la définition
commune de la vérité selon laquelle la vérité consiste dans une ressemblance avec la réalité.
Argumentation :
Son argumentation s'organise autour de trois étapes. Pour commencer Bergson énonce la définition commune de
la vérité: la vérité désignerait la qualité des jugements qui ressemblent à leur objet, comme un portrait copie son
modèle. Une vérité serait une image fidèle de la réalité. Bergson souligne alors dans un second temps que cette
définition de la vérité n'est applicable qu'à un nombre très réduit de vérités et il justifie cette affirmation. En
effet, la vérité désigne la qualité de certains jugements, de certaines affirmations or leur nature est tellement
hétérogène à celle de leur objet qu'elles ne peuvent pas prétendre en être la copie. En effet, comment prétendre
copier par des mots et des idées la réalité puisque les mots et les idées sont des généralisations et des abstractions
alors que chaque chose est singulière et concrète? Pour nous permettre de bien le comprendre Bergson finit par
nous donner un exemple: "la chaleur dilate les corps". Il s'agit bien d'une vérité mais si on y réfléchit bien ce ne
peut pas être une copie de la réalité puisque la dilatation de chaque corps sous l'effet de la chaleur ne ressemble à
aucune autre en tous points, est unique alors que cette affirmation généralise, ne rend pas compte de la
particularité de chacun de ces phénomènes.
"ce qui est réel (...) c'est du singulier, c'est du changeant"
Ici Bergson souligne que la réalité désigne l'ensemble de toutes les choses qui existent. Il précise leur spécificité:
d'une part, chaque chose qui existe est singulière, c'est à dire unique en son genre, il n'y a pas une chose qui
ressemble en tout point à une autre. D'autre part, chaque chose qui existe change, c'est à dire est en perpétuelle
évolution, pas identique à elle-même.
"nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet"
Par cette affirmation Bergson va mettre en valeur l'hétérogénéité de nature entre le réel et les affirmations que
sont les vérités. En effet, la vérité désigne la qualité de certaines affirmations, de certains jugements. Or ces
affirmations sont générales, nous parlons de "la chaleur" qui dilate "les corps", nous énonçons par là une idée qui
généralise, c'est à dire que le mot de "chaleur", de "corps" représente l'idée de la chaleur, l'idée du corps mais pas
telle ou telle chaleur en particulier. Par nos affirmations nous figeons dans des concepts, ce qui pourtant est en
perpétuelle évolution.
Faut-il alors renoncer à connaître ce qui est changeant?
Vouloir connaître le réel, atteindre la vérité c'est prétendre pouvoir définir et expliquer ce que sont les choses. Or
comme le souligne Bergson, si nous reconnaissons que les choses sont en perpétuelle évolution, on peut
légitimement se demander si nous ne sommes pas nécessairement conduits à reconnaître l'impossibilité de la
connaissance. En effet comment prétendre connaître ce qui est changeant puisque connaître suppose de figer ce
que sont les choses dans une nature, dans une définition? Pourtant l'homme prétend posséder des connaissances,
des vérités à propos de ce qui est changeant, telle est en particulier la prétention des sciences de la nature .
Le changement semble bien être un obstacle à la connaissance
* si les choses sont en perpétuelle évolution, si elles sont soumises à un changement perpétuel, si ce qui est réel
c'est tel fait déterminé s'accomplissant en tel point de l'espace et du temps, comme l'écrit Bergson, on voit mal
comment nous pourrions les connaître. En effet prétendre connaître quelque chose ou quelqu'un, au sens propre
ce n'est pas seulement en constater l'existence, c'est plus précisément pouvoir déterminer les qualités propres de
cette chose, ce qui la définit en propre, ce qui fait que cette chose est ce qu'elle est et qui permet de ne pas la
confondre avec les autres. Or si les choses sont en perpétuelle évolution dès que je vais énoncer ce qui la définit
cette qualité disparaît pour laisser place à une nouvelle qualité. Le changement semble bien être un obstacle
indépassable à notre connaissance.
* ce que nous appelons la connaissance n'en serait donc pas vraiment une; nous voilà conduit au scepticisme.
Telle est d'ailleurs la conclusion de l'empirisme de D.Hume: les prétendues vérités scientifiques ne sont en
définitive que des généralisations non fondées.