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consciousness, voie d’introjection
de l’autre en soi mais également ouverture à la
reconnaissance du tout-autre, permet d’appréhender une pensée contemporaine de la
communauté toujours caractérisée par la béance (dans laquelle on renonce à la possibilité
de l’Unique, ou du moins pas autrement que comme une unicité toujours déjà duelle
)
que créé l’insondable dans le rapport à l’autre, insondable qui nous interroge chaque fois
personnellement sur ce que nous mettons dans le commun.
Voilà pourquoi il convient sans doute, au moment de commencer cette journée
d’étude, de laisser à vue cette première interrogation : qu’est-ce que la communauté
universitaire ? qu’apporte-t-elle au commun ? Questions premières, prémisses à tout
travail, que nous devrions peut-être avoir à l’esprit lorsque nous exposerons nos
réflexions aux autres, savoir ce qui nous pousse en tant qu’universitaires à réfléchir ce
sujet, et ce que dans un même temps ce sujet fait de nous en tant qu’universitaires. Dès
lors que ce sujet sera pris dans un parcours transdisciplinaire, un réseau de pensées
plurivoques et aporétiques sera mis en œuvre, un rhizome
qui permettra l’ouverture du
sujet et nous en fera également apparaître insensiblement la limite. Cette limite floue –
qu’on pourra voir comme un horizon, l’illimité d’une limite toujours déplacée dans sa
L’introjection est un terme introduit en psychanalyse dans un article de Sándor Ferenczi (« Introjection et
Transfert », 1909) repris, entre autres, par Mélanie Klein, décrivant un réflexe de protection face aux
angoisses ou correspondant à une augmentation des fonctions psychiques, consistant à intégrer sur un mode
fantasmatique un objet extérieur (bon ou mauvais) et ses qualités.
Barthes explique de quelle façon notre monde est sexuellement structuré sur une pensée de la bipartition
tenant à la logique de l’androgyne platonicien (Le Banquet). Il y a un double parcours entre l’unité divisée
et la reconstitution de la paire comme unité (image de la fusion amoureuse) par quoi l’on peut déterminer
que structurellement dans la pensée l’Un est fait de deux (divisé) et le deux est une unité (la paire, le duel),
Cf. Comment vivre ensemble, op. cit., p. 138. Cette trace n’est pas cependant la dominante d’une pensée de
la relation à l’autre qui devient apparemment problématique mais qui a l’avantage de ne plus jouer d’une
idéalisation impossible. Il s’agit de connaître l’autre tel qu’il est, non plus seulement comme un alter ego,
mais comme porteur également du tout-à-fait-autre, et d’accepter cet inaccessible. Cette difficulté est aussi
la condition de la communauté : « Dans le panorama actuel du monde, une grande question est celle-ci :
comment être soi sans se fermer à l’autre, et comment s’ouvrir à l’autre sans se perdre soi-même ? »
(Edouard GLISSANT, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996, p. 23).
Le rhizome est conceptualisé par Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI (Capitalisme et schizophrénie 2.
Mille Plateaux, Paris, Editions de Minuit, 1980) comme une réforme de la pensée hiérarchisante des
connaissances (système où tout tient sur une base/racine et se déploie en arborescences) dans la mesure où
il permet de penser, sur le modèle métaphorique de ces plantes à développement rhizomique dont les
ramifications peuvent naître en chaque point, un décentrement (ou une multiplication des centres)
interdisant la racine. S’agissant de communauté, on doit donc remettre en cause l’existence d’une base
stable, la pensée que le bien social est toujours suffisant pour valoir comme valeur supérieure, et penser la
diversité des éléments de la communauté comme autant de centres potentiels et jamais constitués en tant
que tels. Edouard Glissant insiste en outre sur le bienfait de la pensée-rhizome en notant que « La racine
unique est celle qui tue autour d’elle alors que le rhizome est la racine qui s’étend à la rencontre d’autres
racines. » (Édouard GLISSANT, Introduction à une poétique du divers, op. cit., p. 59).