Publié sur CERI (http://www.sciencespo.fr/ceri)
La révolution des hydrocarbures non conventionnels
aux Etats-Unis : quelles leçons pour l'Europe ?
Mathilde Mathieu, Olivier Sartor, Thomas Spencer
01/2014
Depuis 2005, le développement des technologies d’extraction a permis l’augmentation rapide de la
production de gaz et de pétrole non conventionnels et ses effets sont déjà fortement ressentis aux
Etats-Unis : baisse du prix du gaz naturel -alors que dans les autres pays il tend à augmenter- ;
réduction de la dépendance aux importations d’hydrocarbures ; création de nouveaux emplois dans
les secteurs d’extraction de gaz et pétrole et certains secteurs manufacturiers ; amélioration de la
compétitivité de certaines branches d’activité très énergivores ; réduction des émissions de dioxyde
de carbone.
Outre Atlantique, l’Union européenne (UE) s’interroge sur sa future stratégie énergétique. Les
négociations sur le prochain Paquet Energie-Climat 2020-2030 débuteront lors du Conseil des
ministres de l’énergie et de l’environnement, qui se tiendra au mois de mars 2014. Plusieurs
défis attendent les Européens : mettre en place des objectifs de réduction des émissions de gaz à
effet de serre cohérents avec les niveaux préconisés par la communauté scientifique, répondre à
l’augmentation des prix de l’énergie et réduire leur dépendance aux importations d’énergies fossiles.
Hormis ces défis, les négociations se dérouleront dans un contexte économique difficile, où le taux
de chômage de la zone euro avoisine 12,1% à la fin de l’année 2013 et où les Etats membres
éprouvent des difficultés à financer leurs objectifs climatiques.
Dans cette conjoncture, la révolution américaine des hydrocarbures non conventionnels incite l’UE à
mettre les gaz non conventionnels au centre des débats. Pour certains acteurs, l’avantage que tirent
les Etats-Unis des prix très bas du gaz (avoisinant les 4$/million de btu1), bien plus faibles que les
prix européens (proches des 10$/million de btu), remet en question la capacité de l’Europe à
supporter le coût de certains de ses objectifs énergétiques et climatiques. Des interrogations se
posent sur l’ordre des priorités à prendre en compte : la durabilité, la sécurité d’approvisionnement
énergétique et la compétitivité, plusieurs acteurs souhaitant un rééquilibrage en faveur de la
compétitivité. Dans quelle mesure l’UE devrait-elle remettre en question sa stratégie énergétique
actuelle ? Une analyse des effets de la révolution des hydrocarbures non conventionnels aux
Etats-Unis peut permettre à l’UE de mieux estimer les implications de ces changements et mieux
définir sa propre stratégie énergétique.
La « révolution des hydrocarbures non conventionnels » américaine
L’expression « hydrocarbures non conventionnels » renvoie aux procédés d’extraction de gaz ou de
pétrole, stockés de manière diffuse à des profondeurs qui rendent difficile leur exploitation. Les
techniques conventionnelles ne permettant pas de les extraire, des techniques spécifiques, comme
le forage horizontal et la fracturation hydraulique2 sont nécessaires. Pour le gaz non conventionnel,
on trouve: le gaz de schiste qui correspond au gaz piégé dans la roche mère ; le gaz de réservoir
compact (tight gas) qui correspond au gaz disséminé dans la roche lorsque le réservoir dans lequel il
était contenu a perdu sa perméabilité ; et enfin, le gaz de houille, piégé dans les micropores du
charbon des veines souterraines profondes. De la même manière, il existe le pétrole non
conventionnel issu de formations géologiques similaires, mais dans des quantités plus limitées.
Le terme “révolution” s’est imposé face au développement très rapide et à grande échelle de la
production de ces hydrocarbures. A titre d’exemple, en 2008, l’Energy Information Agency (EIA)
américaine prévoyait un déclin de la production de gaz de 568 bcm3 à 544 bcm en 2030. Mais en
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