À propos de la performance humaine en entreprise - gregor-iae

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1999-15
À propos de la performance humaine en entreprise : pour une
philosophie de l’action et une philosophie d’action
Joseph Noone
D.E.S.S. Management avancé des Ressources Humaines et des relations d’emploi de l’IAE
Résumé : La question de la performance humaine est une préoccupation fondamentale
pour tous les managers des ressources humaines en entreprise aujourd’hui, d’autant plus que
le modèle classique de l’évaluation des performances, «le modèle taylorien», est sévèrement
mis à mal par les mutations actuelles du travail. Les entreprises sont à la recherche de nouveaux
paradigmes capables de guider l’action de leurs salariés mais elles hésitent encore à formuler
les règles qui pourraient gouverner ces nouvelles façons de travailler. Dans ce mémoire, nous
proposons un nouveau paradigme de l’action et d’action. Pour nous, la performance humaine
dépend surtout de l’élargissement des capacités d’action de l’ensemble des salariés et donc, du
développement des compétences techniques et professionnelles de toutes et de tous. La nature
«événementielle» du travail aujourd’hui s’impose et l’entreprise ne pourra plus répondre aux
défis qui l’attendent que si tous les salariés peuvent faire appel à leurs capacités cognitives et
intellectuelles qui ne sont encore, à notre avis que peu exploitées.
Mots clés : Performance humaine, évaluation des performances, modèle « taylorien »,
mutations actuelles du travail, paradigme de l’action et d’action, capacités d’action, nature
«événementielle» du travail, capacités cognitives.
Abstract : Today, a fundamental concern of all human resource managers is the question
of human performance in the workplace, especially as the traditional model used for evaluating
such human performance, the «Taylorist» model, has been severely put into question by the
ongoing transformations in work practices. Companies are in search of new guidelines which
will enable them to manage the activity of their employees but are slow to propose new rules
capable of governing these new work practices. In this study, we propose a new model for the
purpose of guiding employees’activity and action. In our opinion, human performance depends
above all on the widening of all employees’scope to act and, consequently, on the développent
of the latter’s technical and professional competencies at all levels. The unpredictable nature of
work today means that companies will no longer be able to meet the challenges facing them
unless their employees are able to call upon their cognitive and intellectual capacities which for
the moment are sorely underutilis.
Keywords : human performance in the workplace, evaluating performance, «Taylorist»
model, transformations in work practices, guidelines, new model guiding employees’action,
widening employees’scope to act, technical and professional competencies, unpredictable
nature of work, cognitive and intellectual capacities.
1
La performance humaine : une problématique de l’action et
d’action
1-1
La performance humaine : une préoccupation fondamentale en
entreprise
La question de la performance humaine est une préoccupation fondamentale de tous les
acteurs de l’entreprise aujourd’hui. La performance humaine est perçue, aussi bien du coté des
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2
dirigeants d’entreprises que du côté des salariés, comme le facteur essentiel contribuant à la
performance économique de l’entreprise.
Là où dans l’organisation du travail taylorienne, on n’exigeait du salarié que sa force de
travail, aujourd’hui, on exige du salarié une implication directe, intellectuelle et psychologique
dans son travail. Cette nouvelle exigence se traduit au niveau des ressources humaines par des
interrogations autour de notions comme la motivation, l’autonomie et la responsabilisation.
Cette question de la performance humaine est pour nous une problématique de l’action et
d’action. Du côté de l’entreprise, comment définir les nouvelles règles de conduite qui vont
guider l’action de ses salariés? La performance humaine en entreprise n’est pas une affaire des
salariés seuls mais dépend de la façon dont l’entreprise redéfinit les règles de sa propre action
«pour» et «sur» ses salariés. La problématique de la performance humaine implique une
remise en cause de la finalité même de l’action de l’entreprise.
Du côté des salariés, cette nouvelle exigence d’un plus grand investissement personnel et
intellectuel implique l’élaboration par les salariés de nouvelles règles pour gérer leurs rapports
avec l’entreprise. Comment doivent-ils faire pour élaborer ces règles ? Tant que les salariés
étaient « sous la tutelle » de l’organisation taylorienne du travail, il s’agissait plutôt de
«s’adapter» aux règles imposées par l’entreprise. Aujourd’hui, la performance humaine passe
par une redéfinition individuelle et collective des règles régulant les rapports entre les salariés et l’entreprise.
1-2
La performance : une vision rétrospective?
Cependant, si tout le monde semble être d’accord sur l’importance de l’enjeu de la performance humaine en entreprise, ce n’est pas pour autant que tout le monde soit d’accord sur ce
que cette notion signifie. À ce propos, Michel Lebas constate qu’il y a « peu d’accord sur ce que
recouvre le concept. On y trouve des idées qui vont de l’efficience, à la robustesse, à la productivité, au rendement des investissements, au résultat exceptionnel, à la durée, en passant par
bien d’autres acceptions qui, le plus souvent, ne sont pas définies explicitement par leurs
auteurs »1.
Si tant de définitions différentes existent concernant la notion de performance, peut-être estce le résultat du fait qu’on a trop souvent insisté sur les «effets» de la performance et non sur
les « causes » de la performance ? « Dans le domaine du management, dit Michel Lebas,
comme dans la définition des dictionnaires, l’usage courant semble considérer que la performance reflète le résultat d’actions passées »2. Pour nous, la clé de la performance se trouve,
non dans les résultats passés, mais plus en amont dans les capacités d’action des salariés, c’està-dire, dans leur capacité à mettre en œuvre leur sens de l’initiative pour faire face aux aléas du
travail.
1-3
La performance : un potentiel de réalisation
Pour nous, il est important d’aborder la question de la performance humaine non sur le plan
des résultats des actions de l’entreprise et des hommes mais plus en amont au niveau des
« conditions nécessaires pour permettre cette performance ». Donnons toute de suite une
autre définition de la performance : « La performance, selon Michel Lebas, et c’est cette définition qui va diriger nos réflexions dans ce mémoire, est une question de potentiel de
réalisation». Autrement dit, la performance est un concept qui a trait au futur et non au
passé.3
1. Lebas M., [20], p. 2.
2. Ibid., p. 2
3. Ibid., p. 2
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1-4
3
L’enjeu pour le manager des ressources humaines : connaître le
travail
Si la performance humaine est une question de «potentiel de réalisation», la question pour
le manager des ressources humaines devient alors « comment définir ce potentiel de réalisation humain » ? Cette question modifie la mission et le rôle du manager des ressources
humaines. Car, continue Michel Lebas, «le management est principalement concerné par le
futur. Manager, c’est obtenir des résultats à travers les autres afin de rendre l’organisation
ou la société plus conforme dans le futur avec ce qu’on considère comme son intention
stratégique »4 et Bernard GALAMBAUD ajoute : « La raison d’être du management n’est pas
d’obtenir d’autrui un travail. La raison d’être du management est d’obtenir une performance, une performance durable »5. C’est alors le rôle du manager des ressources humaines
d’opérer cette transformation du travail en performance. Si ce manager est le pilote de la performance humaine, son objectif doit être de faire en sorte que ce potentiel de réalisation humaine
soit capable dans le futur de réaliser la performance souhaitée.
C’est pourquoi pour nous, il est nécessaire d’aborder la question de la performance à ses
sources : c’est-à-dire autour de la question « qu’est-ce que le travail aujourd’hui? ». On ne
peut pas préparer la performance si on ne comprend pas la nature même du travail aujourd’hui
et de son évolution.
Nous avançons 2 idées à ce propos : d’abord, c’est la nature même du travail qui détermine
les conditions de la performance. Deuxièmement, c’est notre vision même du travail qui va
déterminer la façon dont nous aborderons la question de la performance et nos attentes visà-vis des salariés en termes de performance. La performance humaine est relative et dépend
surtout de notre vision de l’activité humaine censée générer cette performance.
1-5
Deux paradigmes pour analyser le travail et la performance humaine
Le travail aujourd’hui connaît de profondes mutations. Quels sont les défis que posent ces
mutations par rapport aux performances des salariés? Nous allons aborder cette question des
mutations du travail à partir de deux paradigmes qui proposent des grilles d’analyse nous
permettant de mieux comprendre les conséquences de ces mutations sur les salariés et sur leurs
performances.
Le premier paradigme est celui proposé par la démarche de Philippe Zarifian qui considère
le travail en termes d’événement. La performance se situerait au niveau de la gestion d’événements. L’autre paradigme est celui proposée par la vision ergonomique qui présente une vision
du travail et de la performance humaine comme activité et comme élaboration de compromis
entre travail prescrit et travail réel.
1-6
La question de la compétence
La question des mutations actuelles du travail pose à son tour la question de la compétence
(si on considère la notion de compétence en termes de capacités d’action). On sera tenté à
premier abord de faire coïncider les notions de performance et de compétence. Est performant
celui qui est compétent. Est compétent celui qui est performant. Mais il n’y a plus de lien
de causalité entre performance et résultats. Comment alors juger la compétence? Les réponses
à cette question dépendent encore de notre vision du travail. C’est la vision que l’on a du travail
qui détermine la vision que l’on donne de la compétence qui conditionne à son tour la vision
que l’on a de la performance. Nous aborderons la question de la compétence à partir de ces deux
paradigmes cités ci-dessus. Celui de Zarifian considère la compétence comme la capacité à faire
face aux événements. L’autre paradigme, ergonomique, considère la compétence en termes de
compromis opératoires entre tâche prescrite et travail réel. Ce qui unit les deux visions de la
4. Lebas M., [20], p. 2.
5. Bernard Galambaud, in Sandra Bellier, [3], 1998, p. 11.
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compétence est, à notre avis, cette idée que la compétence est une construction et non une disposition, un acquis et non une capacité innée. La performance humaine est alors à construire en
situation et non à reproduire.
1-7
La question de la formation : un projet de formation de formateurs
Ces deux paradigmes ne sont pas uniquement des approches théoriques mais représentent
des paradigmes d’action pour développer la performance humaine en entreprise. C’est pourquoi
nous présenterons dans ce mémoire 1 projet de formation de formateurs mis en place en entreprise qui s’inspire à la fois de cette notion du travail comme événement et de cette notion du
travail comme activité exprimant une confrontation entre travail prescrit et travail réel. Si nous
choisissons le terrain de la formation pour opérer le lien entre approche théorique et action, c’est
parce que de plus en plus d’entreprises considèrent la formation comme un enjeu primordial
dans la bataille pour développer la performance humaine. Par ailleurs, ce projet de formation de
formateurs vise à rendre les «apprenants» plus porteurs de leur propre apprentissage, objectif
qui est le vrai moteur de la performance humaine.
1-8
Le savoir-être et la performance
IL nous semblait difficile de parler de la performance humaine et de son développement sans
parler du savoir-être. Les entreprises font de plus en plus appel à cette notion pour évaluer les
performances de leurs salariés. Nous souhaitons dans cette étude revenir sur un projet d’évaluation des performances sur lequel nous avons travaillé pour le compte de la filiale française d’un
grand multinational européen : le projet de Development Centre destiné aux jeunes Hauts
Potentiels de cette entreprise. Notre objectif est d’examiner l’utilité de la notion du savoir-être
dans le développement des performances.
1-9
Pour une philosophie de l’action et une philosophie d’action
On peut peut-être s’étonner de l’utilisation du terme «Philosophie de l’action, philosophie
d’action» pour définir quelle devrait être la mission du manager des ressources humaines face
à la problématique de la performance humaine. Pour nous, la vision précède l’action et détermine non seulement la nature de cette action mais les outils méthodologiques auxquels on fera
appel pour structurer cette action. Si on a une vision «taylorienne» du travail, on considérera
l’action des salariés en termes de leur degré d’adaptation par rapport au poste de travail. Notre
position est que les mutations actuelles du travail d’un côté et la nature de l’acte de travail luimême de l’autre, font que la performance humaine exige une nouvelle philosophie de l’action
et d’action dont l’objectif doit être la libération du sens de l’initiative des salariés à tous les
niveaux.
2
Qu’est-ce que le travail aujourd’hui?
2-1
La finalité de la mission du manager des ressources humaines
C’est la transformation fondamentale de la nature de travail aujourd’hui qui fonde la nécessité d’une nouvelle logique de gestion des ressources humaines et, par conséquent, une nouvelle
vision de la finalité de la mission et du rôle du manager des ressources humaines.
2-2
Saisir d’abord le modèle du travail industriel
Pour saisir la nature du travail aujourd’hui, il faut d’abord examiner quel est le modèle du
travail ainsi bouleversé. Pour cette analyse, nous nous appuyons sur la démarche de Philippe
Zarifian. Dans un deuxième temps, dans ce chapitre, nous aborderons le paradigme du travail et
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5
de la performance proposé par la démarche ergonomique. Ce paradigme est pertinent selon nous
car il aborde le travail au niveau de l’individu aux prises avec l’acte de travailler et le problème
que cet acte lui pose, car l’homme ne peut pas être réduit à ce qu’il fait.
2-3
La révolution industrielle : une nouvelle conception du travail
Au début de l’émergence du capitalisme industriel, nous dit Philippe Zarifian, une nouvelle
conception du travail va s’imposer qui associe trois caractéristiques essentielles :
- Le travailleur est séparé du travail.
- Le débit devient le critère d’évaluation de la performance.
- Le travailleur est immobilisé dans le temps et dans l’espace et il travaille en co-présence avec d’autres travailleurs.
2-3.1
Le travailleur est séparé du travail
D’abord, le travailleur est séparé du travail. Le travail est défini comme un ensemble d’opérations élémentaires de transformation de la matière que l’on peut « objectiver, décrire, analyser,
rationaliser, organiser et imposer dans les ateliers »6. Le travailleur est « l’ensemble des capacités qui sont achetées sur le marché du travail et mobilisées pour réaliser une partie des
opérations ». Le travailleur apporte deux éléments : l’ensemble de ses capacités à exécuter les
opérations qu’on lui demande de faire et la discipline pour réaliser les opérations tel que
demandé.
2-3.2 Le débit devient le critère d’évaluation de la performance
Quelle est la conséquence de cette conception du travail pour notre propos concernant la
performance au travail? Le critère fondamental pour évaluer la performance deviendra le débit
qui se mesure par l’augmentation du nombre de produits sortis de l’usine en un temps donné.
Comme constate l’auteur, «la vitesse de travail, à chaque poste, et la vitesse de coordination
entre les postes déterminent le débit de la production et donc, l’efficacité économique des
usines. La productivité du travail, autrement dit, la performance au travail, devient donc l’organisation de la vitesse de travail et du débit de la production qui en résulte»7.
2-3.3
On immobilise le travailleur dans le temps et dans l’espace et on organise sa coprésence avec d’autres travailleurs
Cette nouvelle conception du travail fixe le travailleur dans un atelier, à un poste de travail.
Il doit respecter des horaires de travail, assimiler la discipline du temps industriel. Il doit être
présent en même temps et dans les mêmes locaux que ses camarades. Unité de temps, unité
d’action et unité de lieux deviennent 3 nouveaux critères de la performance industrielle.
C’est ces trois caractéristiques qui sont selon Philippe Zarifian aujourd’hui fondamentalement bouleversées et déstabilisées par les nouvelles mutations du travail. L’essentiel des mutations du travail actuelles se résume autour de trois notions : la notion d’événement, la notion
de communication et la notion de service. C’est autour de ces trois notions que désormais la
performance au travail doit être évaluée.
2-3.4 La première caractéristique de la mutation du travail : l’événement
Aujourd’hui, la transformation radicale des moyens et méthodes de production a bouleversé
le monde du travail. L’introduction des technologies informatiques et les conséquences de ces
technologies sur l’organisation du travail sont exemplaires de ce changement. Une partie « de
plus en plus croissante de ce qu’on appelait selon le modèle taylorien « les opérations de
travail » a été absorbée par les systèmes de machines, par l’automatisation des systèmes
industriels et/ou par la diffusion de l’informatique pour le traitement des calculs et de toutes
les opérations élémentaires touchant à l’information 8. Le travail n’est plus une question de
6. Zarifian P., [31], 1999, p. 33.
7. Ibid. p. 36.
8. Zarifian P., p. 33.
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6
réaliser une série d’opérations selon une suite logique mais de faire face à des événements et à
des aléas, qui exigent la recherche de solutions originales et créatives.
2-3.4.1 Approche «événementielle» et poste de travail
Que signifie cette approche «événementielle» du travail pour l’organisation du travail industrielle du type taylorien? Comme le dit l’auteur, l’événement signifie que « la compétence ne
peut plus être enfermée dans des prédéfinitions de tâches à effectuer dans un poste de
travail ». La compétence ne peut plus être inscrite dans du travail prescrit. La compétence dans
le travail n’est plus une affaire de tâches à remplir mais une capacité à réagir face aux événements.
2-3.4.2 Automobilisation de la compétence
Deuxième conséquence pour le travail face à l’événement, c’est l’individu qui doit
«s’automobiliser» dans la situation concrète et réexaminer ensuite l’efficacité de ses actions
dans l’analyse a posteriori de l’événement. Le salarié est acteur et moteur de sa propre performance.
2-3.4.3 Mobilisation d’un réseau d’acteurs
Troisième conséquence pour le travail : faire face à l’événement implique la mobilisation
d’un réseau d’acteurs car il sera de plus en plus rare qu’un individu singulier puisse résoudre
l’événement tout seul.
2-3.4.4 Rémobilisation des compétences
Quatrième conséquence, le travail n’est plus une suite d’événements programmés, routines
reproductibles mais une suite d’événements et de situations singulières. Chaque individu sera
amené à se mobiliser d’une manière nouvelle face à chaque événement.
2-3.4.5 Formation et l’événement
Finalement, dernière conséquence à noter, on ne peut plus considérer les apprentissages de
la même manière et le lien entre formation et performance est par conséquent modifié. Pour
développer la performance par la formation, il faut que l’acquisition de l’expérience et de la
compétence soit organisée en tant que telle autour du cycle : confrontation directe aux événements, analyse critique de ces événements, anticipation préventive de ces événements. Les
événements sont des moments d’apprentissage privilégiés.
2-3.5 La deuxième caractéristique de la mutation du travail : la communication
Ces mutations fondamentales du travail ont une deuxième caractéristique : le travail devient
une affaire de communication. On ne pourra pas faire face aux événements sans communiquer
avec les autres fonctions et autres niveaux de responsabilité car « la qualité des interactions est
déjà centrale pour améliorer la performance des organisations. Communiquer avec les autres
fonctions est donc devenu un enjeu important. Mais il faut comprendre ce qu’il faut entendre
par communiquer. Communiquer, c’est « construire une compréhension réciproque et les
bases d’accord qui seront le gage de succès des actions à menées en commun ». La question
de la communication est devenue une question organisationnelle centrale et ne peut pas être
réduite à des « aptitudes individuelles à communiquer ou être identifiée à la politique de
communication de la direction »9.
2-3.6 Troisième caractéristique de la mutation du travail : engendrer un service
Troisième et dernière caractéristique des mutations actuelles du travail : travailler, c’est
engendrer un service, c’est-à-dire, une « modification dans l’état ou des conditions d’activité
d’un autre humain ou d’une autre institution destinataire du service ». Le client achète
d’abord un service à travers le produit, service qui modifie ses conditions d’activité. Le produit
est « un service rendu à un client précis, par rapport à des usages clairement définis, à des
9. Zarifian P., [31], 1999, p. 44.
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7
applications concrètes que les clients peuvent faire du produit au sein de leurs propres
activités »10.
2-3.7 L’intention stratégique de l’entreprise
Ces trois caractéristiques de la mutation du travail ont un effet fondamental et restructurant
sur l’organisation du travail, sur les temps de travail, sur les rapports entre les fonctions dans
l’entreprise et sur les rapports avec les clients. D’abord, le travail perd sa texture «linéaire et
temporellement homogène». Il n’y a plus un temps de travail mais une pluralité de temps de
travail, consacrée à des activités différentes : préparation de projets, mis en œuvre, coordination, analyse, réunions de synthèse, etc. Devant une telle situation, la formation représente le
lieu fédérateur de création de sens autour des objectifs et de la finalité de l’action de l’entreprise.
D’où la nécessité de structurer le plan de formation à partir de la vision stratégique de l’entreprise et non en fonction de projets ponctuels car si les formations proposées ne font que
répondre à ces projets ponctuels, la gestion prévisionnelle des compétences ne sera plus
possible.
Deuxièmement, la co-présence instaurée par le taylorisme est remplacée par une disjonction
des présences individuelles qui a son tour impose des moments de mobilisation intense, à travers
des réunions et des communications et la formation joue le rôle de liant dans un contexte où les
appartenances professionnelles sont brouillées. Cependant, la formation seule ne peut pas
prétendre répondre aux exigences imposées par le travail aujourd’hui. Une nouvelle organisation s’impose autour de structures comme les groupes semi-autonomes, l’organisation en
réseau et l’organisation en projets. Comme le souligne Philippe Zarifian, face aux caractéristiques modernes du travail, il n’y a pas un seul de ces trois structures qui répond à ces trois
exigences et l’organisation du travail va de plus en plus s’articuler autour de la notion hybride
« d’organisation cellulaire en réseau, animée par des projets »11. Ce type d’organisation
combine les avantages des 3 types d’organisation précitées : d’abord, il remplace le contrôle
des tâches par un contrôle d’objectifs/résultats (cellule semi-autonome) ; ensuite, il permet
d’animer les interactions entre équipes et de gagner en performance grâce à la structuration
systématique d’une communication interéquipes et intermétiers (réseau) ; finalement, il polarise les compétences et l’investissement subjectif des membres du projet (organisation en
projets). Le travail est événement, communication et service. La performance ne peut plus être
prescrite.
Cependant, il y a un deuxième paradigme qui nous permet, à notre avis, d’avoir un autre
regard sur la performance, un paradigme qui souligne la séparation irréductible entre le travail
et l’homme et qui postule que l’homme ne sera jamais totalement intégré ni adapté au travail.
Cette approche ergonomique invite le manager des ressources humaines à définir sa mission,
non comme une tentative d’adapter les ressources à l’activité mais comme la gestion des
tensions entre ces ressources humaines et l’activité proposée. « Comprendre les difficultés que
l’homme rencontre dans son travail, nous dit François Hubault, les coûts qu’il supporte, les
risques qu’il prend, mais aussi les compétences qu’il forge, les relations qu’il noue, l’efficacité qu’il dégage, cela intéresse le management et la gestion d’entreprise»12.
2-4
Le paradigme ergonomique : le travail comme activité
Ce qui nous intéresse donc dans le paradigme ergonomique, c’est son analyse du concept du
travail lui-même. Cette analyse s’oppose à la vision taylorienne du travail. Travailler, ce n’est
pas «faire ce qu’on a prévu». Travailler, «c’est arbitrer entre «ce qu’on demande et ce que
«ça» demande»13. Cette notion d’arbitrage souligne, nous semble-t-il l’importance de l’activité cognitive de l’individu et c’est cette activité cognitive qui doit être la matière première du
manager des ressources humaines. Le travail, donc, est une activité qui implique un arbitrage
10. Ibid., p. 46.
11. Zarifian P., [31], 1999, p. 64.
12. Hubault F. in Noulin M., [25], 1992, p. 46.
13. Ibid., p. 44
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8
entre les contraintes de la tâche et celles de l’individu et celui-ci ajuste constamment son activité
par des compromis que l’ergonomie qualifie de « compromis opératoires », « parce qu’ils
servent à réaliser la tâche, c’est-à-dire, à opérer »14. Travailler est une activité qui est
«construite» et non «subie», qui procéderait d’une stratégie. C’est dans cette dimension constructiviste du travail que la démarche ergonomique rejoint la démarche proposée par Philippe
Zarifian. L’efficacité, la performance, est le résultat d’une construction entre ce que demande
l’entreprise et ce que «ça» demande au salarié.
2-4.1 Le paradigme ergonomique : viser l’efficience et non l’efficacité
Plusieurs remarques s’imposent concernant le paradigme ergonomique de la performance.
D’abord, comme le dit François Hubault, les performances d’une entreprise ne sont pas l’effet
d’une cause mais «la manifestation d’un système, l’expression des compromis, efficaces ou
inefficaces, faciles ou coûteux que l’homme est amené à construire pour répondre aux
exigences du travail ». Améliorer l’efficacité de l’entreprise devient une question de savoir
comment faire pour aider ces compromis à se réaliser et pour aider les personnes à faire ces
compromis.
Nous pensons que la première référence de la performance pour le manager des ressources
humaines, c’est donc l’activité humaine. L’enjeu devient «la nécessité d’objectiver les conditions de l’acte subjectif de travail» pour assurer une transformation réelle de ces situations. Il
ne s’agit plus de prendre comme indicateurs de la performance les seuls indicateurs de résultats,
qu’il s’agisse d’indicateurs de résultats économiques ou humains. Pour mesurer sa vraie performance, l’entreprise doit arriver à comparer ces indicateurs de résultats aux résultats d’activité.
Reprenons la distinction que nous propose Fiol et Lebas entre les notions d’efficacité et d’efficience. Si l’efficacité représente la capacité de l’entreprise à atteindre ses objectifs, sans tenir
compte des ressources utilisées pour atteindre ces objectifs, et si l’efficience représente la
meilleure utilisation possible des ressources pour atteindre ces objectifs, il nous semble que
l’entreprise ne peut pas se contenter d’être efficace là où il faut être efficient. Comme affirme
François Hubault, «il n’y a aucun avenir pour une entreprise dont la politique repose sur le
développement d’une ressource qu’elle épuise»15.
2-4.2 La performance des cadres?
Ceci pose la question de la performance des cadres. En quoi un cadre, est-il performant? Il
nous semble que la nature même du travail du cadre, sa performance, se résume à la réalisation
de compromis opératoires entre ce que sa direction lui demande et ce que son équipe attend de
lui. Dans son article intitulé «Le défi des cadres, Diriger et déléguer à la fois», Michel Fiol
présente une analyse du rôle du manager aujourd’hui qui illustre ces propos. Il voit le rôle du
manager comme double : vis-à-vis de ses partenaires de travail, le cadre doit à la fois générer
des performances individuelles et créer des situations de sens. Ces deux logiques s’opposent et
se complètent. Comment les cadres jouent-ils ce double rôle dans leurs relations avec leurs
supérieurs hiérarchiques et leurs subordonnés?16
Les subordonnés acceptent que leur supérieur soit un générateur de performance. Mais,
comme le dit Michel Fiol, ils souhaitent que le manager se manifeste d’abord à eux comme un
créateur de sens, c’est-à-dire, créer des situations qui font sens pour eux. Mais, continue Michel
Fiol, et ce point nous semble pertinent par rapport à notre propos sur la performance, «d’abord,
il n’y a pas de sens en soi, il n’y a que du sens pour soi et, ensuite, le sens est relation»17.
Michel Fiol définit six dimensions créatrices de sens chez les collaborateurs : la compréhension
(besoin de comprendre la finalité de leurs actions), l’utopie et l’idéalité (nécessité de se projeter
dans le futur), l’esthétique (recherche de perfection dans le travail), l’éthique (valeurs morales
de la vie collective), le plaisir (trouver de la joie dans ce que l’on fait, s’accomplir), la pulsion
14. Id., p. 44
15. Hubault F., [15].
16. Fiol M., [11], 1998, p. 6.
17. Ibid., p. 3.
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de vie (être certain de la survie de l’entreprise). Ces six dimensions nous proposent un autre
paradigme possible pour évaluer la performance d’une entreprise, de ses cadres et de ses salariés.
2-4.3 Le double rôle du cadre : générateur de performance et créateur de sens
Quelles sont les conséquences de l’analyse de Michel Fiol pour notre problématique concernant la performance des cadres et des non-cadres? Ce double rôle du cadre est à la fois contradictoire et complémentaire. Le cadre ne peut pas négliger ni l’un ni l’autre car «l’hypertrophie
de l’une d’elles inhibe le développement de l’autre». Michel Fiol identifie les relations que le
cadre doit entretenir avec son environnement selon la nécessité d’être générateur de performance ou créateur de sens. Là où le cadre «générateur de performance» pour sa hiérarchie est
«concret» (orienté vers l’action, le résultat), rétrospectif (capable de tirer les leçons du passé),
individuel (travaillant seul), endogène (au service de la performance de son entité), autonome
(par rapport à son supérieur) et délégateur (par rapport à ses collaborateurs), le cadre créateur
de sens pour ses subordonnés est abstrait (orienté vers la conceptualisation), prospectif
(sachant se projeter dans le futur), collectif, exogène (au service des clients), dirigé par le sens
par son supérieur et dirigeant par le sens vis-à-vis de ses collaborateurs. Nous avons ici le
canevas d’un référentiel de compétences permettant au cadre de mieux orienter son action en
fonction de ce double rôle contradictoire et complémentaire.
Cette question de la performance des cadres et du pilotage des performances de leurs collaborateurs pose un nouveau problème que nous n’avons pas abordé jusqu’ici dans ce mémoire :
le problème de la mesure. La question est de savoir comment mesurer la performance dans le
contexte d’un paradigme ergonomique du travail qui considère le travail comme une activité.
Comment faire pour prendre en compte les indicateurs d’activité? Quelle valeur leur donner?
Michel Lebas propose une analyse qui nous permet de proposer une ébauche de réponse par
rapport à cette question.
2-4.4 Le paradoxe de la mesure de la performance
Quand nous voulons mesurer la performance, nous dit-il, nous sommes confrontés à un
paradoxe : la mesure ne peut par définition refléter que le passé tandis que la performance est à
propos de réalisation future18. En même temps, cette mesure est relative : elle est toujours le
résultat d’un choix et est menée dans un but spécifique. La mesure, dit-il, définit ce qui est
mesuré. Si on ne choisit pas le but de la mesure, en premier, c’est la mesure qui va définir
l’objet. Avoir un but pour la mesure, poursuit-il, n’est pas suffisant pour appréhender le
paradoxe : il faudrait pouvoir créer un concept de l’objet à mesurer qui soit indépendant des
mesures19. Cependant, aujourd’hui, le constat que fait Michel Lebas est que les mesures utilisées dans l’évaluation de la performance sont essentiellement tournées vers l’entreprise ellemême et non vers la satisfaction du client, en termes de service global à fournir. Une entreprise
performante, poursuit Michel Lebas, est une entreprise qui serait capable d’atteindre ses
objectifs et non seulement une entreprise qui a atteint les objectifs qui lui ont été fixés à un
moment donné.
Cette opposition entre capacité à atteindre des résultats futurs et réalisation de résultats
passés a pour conséquence que la performance ne puisse être décrite que par des mesures portant
sur le futur. Et ces mesures ne pourront être définies qu’à partir du moment où l’entreprise, les
décideurs de la performance, auront défini les champs de la performance qui donnent réalité à
ces mesures. Ces champs reflètent, dit Lebas, «la perception que les managers ont des facteurs
clés de succès de leur industrie, de leur secteur pour la stratégie qu’ils ont retenu». Ces
champs sont une expression de la stratégie elle-même et «ils sont donc définissables avant que
les mesures ne soient choisies».
Michel Lebas propose un certain nombre de champs possibles : «création d’emploi, bienêtre de la société, sécurité de l’emploi, rentabilité du capital investi, innovation en processus et
18. Lebas M., [20], p. 2.
19. Ibid. p. 2.
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10
produits, etc.. L’important de notre point de vue est que l’identification de ces champs précède
le choix des descripteurs. Cette démarche démontre que nous pouvons tout à fait prendre comme
champs de la performance les facteurs qui nous semblent importants selon notre vision du
travail et notre modèle de la performance et ces facteurs ne sont pas déterminés uniquement par
l’environnement, par le marché ou par des critères économiques.
Cependant, le manager de la performance est toujours confronté à un dilemme. Les descripteurs de ces champs de la performance ne décrivent pas la performance mais un état de la performance dans le passé ou alors ils décrivent une performance souhaitée20. Celui qui souhaite
développer la performance ne sait toujours pas comment faire pour y arriver.
Le développeur de la performance doit élaborer un modèle de prévision à partir de données
historiques. Le problème, comme explique M. Lebas, c’est que les modèles de causalité qui sont
utilisés dans l’entreprise sont «assez agrégés», en particulier le modèle financier et comptable
qui «manipule des données très éloignées des causes réelles de la valeur des mesures observées que sont les actions des managers ou des personnels, c’est-à-dire, le travail réel des
salariés». En plus, ce modèle comptable et financier est un modèle à sens unique ; il permet de
passer des causes réelles à une représentation dans l’espace financier, mais il est impossible
comme le souligne M. Lebas, de remonter la chaîne à l’envers, c’est-à-dire, en partant des indicateurs financiers pour remonter aux causes réelles.
Pour vivre avec le paradoxe «données passées/performance future», dit M. Lebas, «il faut
développer un système de mesure qui soit capable de saisir les descripteurs à un point aussi
rapproché que possible des causes réelles afin de permettre des estimations rapides des paramètres «anticipatifs» utilisés dans le modèle de prise de décision». Autrement dit, il faut mesurer
les causes de la performance et non seulement la performance elle-même. Nous sommes donc
à la recherche de mesures «pour la performance» et non des mesures «de la performance»,
c’est-à-dire, des mesures qui préparent et permettent la performance future et non seulement des
mesures qui mesurent la performance passée. Au lieu de juger la performance à partir d’un seul
modèle causal, il faut mettre en place un modèle causal qui prend en compte tous les éléments
qui concourent à la création de la valeur, par exemple, renouvellement d’achats, acceptabilité
environnementale de la société, fatigue des salariés.
Pour M. Lebas, les coûts ne sont pas des données inévitables mais les résultats d’une série de
décisions et ces décisions sont définis à partir des exigences des clients. Les exigences du client
se décomposent en «attributs» valorisés par le client : qualité, adaptabilité, fiabilité, etc.. Ces
attributs sont produits par les « processus » de production qu’il faut identifier et c’est ces
processus qui sont les causes premières des coûts. Ces processus sont le résultat d’un choix par
l’entreprise et par les acteurs de l’entreprise. Pour fonctionner, chaque processus a besoin de
ressources et c’est la deuxième cause des coûts. Mais, nous dit M. Lebas, ces coûts de ressources
sont déjà le résultat de décisions quant à la manière de travailler, c’est-à-dire, les activités. Nous
voilà de retour à notre point de départ, le travail comme activité. Là où l’approche comptable
classique ne considère que les aspects économiques des résultats des activités, l’approche que
M. Lebas appelle «la logique de causalité des coûts» (ou Activity Based Costing) prend en
compte tout un ensemble d’éléments résultant des processus dont les conséquences économiques ne sont pas immédiates mais qui concourent à la création de valeur et de performance pour
le client. Entre l’approche comptable classique et l’approche ABC, il y a une différence de taille
«là où la méthode traditionnelle donnait comme objectif de performance la minimisation des
coûts, l’approche ABC cherche à construire les processus les plus appropriés à la livraison de
ce qu’attend le client»21.
2-4.5 L’économique : une contrainte et non une finalité
La méthode ABC, telle que nous la comprenons, essaie de fournir aux managers «une structure de raisonnement» pour leur permettre de construire l’entreprise qui donnera la «valeur»
20. Lebas M., [20], p. 8.
21. Ibid., [20], p. 18.
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11
que demande le client. Ce qui est important à souligner est la philosophie de l’action et d’action
qui fonde cette démarche. Selon cette approche, l’économique est considéré comme une
contrainte et non comme une finalité. Nous avons posé cette question ci-dessus : comment
faire pour élaborer des indicateurs d’activité qui seraient pertinents pour la performance? Nous
pouvons maintenant avancer que la réponse n’est pas dans le type d’indicateurs d’activité choisi
mais dans la façon dont on exploite les indicateurs d’activité existants : absentéisme, taux
d’accidents de travail, réclamations clients, créations d’emploi, etc. pour alerter l’entreprise sur
les obstacles à la création de valeur pour le client.
2-4.6 La performance n’est pas une «réalité en soi»
Les différents paradigmes de la performance examinés dans ce chapitre : celui de Philippe
Zarifian, celui de l’ergonomie et celui proposé par M. Fiol & M. Lebas, invitent le manager des
ressources humaines à affirmer que la performance n’est pas «une réalité en soi» mais une
coproduction et une relation (paradigme «Zarifian»), les manifestations d’un système (paradigme ergonomique), un potentiel à développer (Fiol & Lebas). Mais il ne suffit pas de définir
la performance : il faut agir positivement pour la développer. Le modèle compétence représente
la mise en œuvre, l’expression en action des fondements de la performance telle que celle-ci est
définie par ces différents paradigmes. La performance n’est pas une question de résultat
mais une question de capacité à produire ce résultat. Regardons comment les paradigmes
proposés par Zarifian et l’ergonomie offrent un modèle de la compétence et de l’action
humaines capable de nous sortir de ce modèle taylorien «rétrospectif et déterministe» dépassé
par les mutations actuelles du travail.
3
Qu’est-ce que la compétence?
3-1
La problématique compétence : libérer la capacité d’action des
salariés
Aujourd’hui, la prescription ne suffit plus pour travailler et faire travailler. La performance
repose désormais sur la volonté du salarié à agir et sur la volonté des entreprises à autoriser,
reconnaître et développer cet «agir».
Les entreprises sont elles-mêmes conscientes de la nécessité de développer cette capacité
d’action. L’évolution de la fonction «responsable formation» vers une fonction dont l’objectif
serait le «développement des compétences» témoigne de la préoccupation des entreprises à
trouver un nouveau paradigme de management des hommes qui reposerait sur cette volonté
d’agir. Au cœur de cette notion de compétence est la question de l’autonomie et de l’initiative
individuelle. « La compétence, dit Yves Lichtenberger, émerge donc dans le débat social
comme l’indice d’un nouveau défi productif : faire de l’initiative et de la créativité des individus une source de performance, y compris dans les activités d’exécution22». La problématique à laquelle sont confrontées les entreprises aujourd’hui n’est pas une problématique de
connaissances, savoirs ou de savoir-faire. Ce n’est pas non plus une problématique de savoirêtre. C’est à notre avis une problématique de capacité d’action.
Nous avons présenté dans le chapitre précédent les caractéristiques d’une vision nouvelle du
travail post-taylorien. Il faut maintenant définir quelle pourrait être la vision de la compétence
(et donc de la capacité d’action du salarié) qui découlerait de ces paradigmes. Il faut donc clarifier la notion de compétence.
3-2
Une clarification conceptuelle de la notion de compétence
Serge de Witte souligne, d’ailleurs, cette nécessité de clarification conceptuelle de la notion
de compétence quand il affirme qu’il est «essentiel de clarifier son contenu si l’on veut en faire
22. Lichtenberger Y., [21], 1998, p. 7.
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12
un outil de gestion partagé par tous et adapté au contexte économique que nous connaissons»23.
Tel était d’ailleurs l’objectif des journées internationales de la formation, conférence organisée
par le Medef à Deauville en octobre 1998. Le Medef a proposé la définition suivante de la
compétence :
« La compétence professionnelle est une combinaison de
connaissances, savoir, savoir-faire, expériences et comportements s’exerçant dans un contexte précis ; elle se constate
lors de sa mise en œuvre, en situation professionnelle, à
partir de laquelle elle est validable. C’est donc à l’entreprise
qu’il appartient de la repérer, de l’évaluer, de la valider et de
la faire évoluer». 24
Il nous semble important d’analyser cette définition de la compétence car elle représente en
quelque sorte le paradigme de la performance proposé par le patronat français. Cette définition
délimite la capacité d’action du salarié. Cette délimitation, est-elle suffisante pour générer la
performance?
3-2.1 Les limites de la définition
D’abord, cette définition marque, comme le souligne Philippe Zarifian, un progrès par
rapport à la vision taylorienne de la compétence car celle-ci est bien «celle d’un individu (et
non la qualification d’un emploi) et elle se manifeste et s’apprécie lors de sa mise en œuvre
en situation professionnelle25 ». Deuxièmement, la compétence n’est visible que dans les
actions qu’elle gouverne, c’est-à-dire, dans l’activité pratique. Cependant, cette définition manifeste certaines limites :
- elle ne dit rien sur les mutations du travail et des organisations et s’applique à n’importe
quelle organisation de travail, même taylorienne.
- elle a une dimension «néo-artisanale» et «in-situ». L’individu est «isolé» face à sa situation
Cette définition semble ignorer, donc, les caractéristiques du travail moderne. Cette définition, nous dit Zarifian, désignerait un vrai problème : la prise de responsabilité personnelle
mais utilise des termes faux : l’absence de référence au caractère hautement socialisé de
l’activité. Par ailleurs, cette définition insiste trop sur la validation des compétences par
les acteurs de l’entreprise, oubliant ainsi que les compétences s’appuient sur des connaissances qui se forment socialement. Si l’entreprise est le lieu de la mise en œuvre de la compétence, elle n’en est pas le lieu unique de production de la compétence. On ne peut pas réduire la
compétence à sa mise en œuvre in situ et l’évaluation de la compétence est aussi celle du
processus qui a autorisé son développement réussi et non seulement l’évaluation de l’individu
qui l’exerce. Tout écart de compétence identifié représente une mise en question de l’individu
mais également de l’organisation. Le modèle de la performance proposé par le Medef ne
nous semble pas, par conséquent, en mesure de répondre à la problématique de l’action
de l’individu, de la nécessité de mobiliser son initiative et créativité pour faire face aux
caractéristiques modernes du travail.
3-3
Le paradigme «Zarifian» de la compétence
Philippe Zarifian nous propose une autre définition de la compétence, un autre modèle donc
de la performance individuelle. Une première approche de la compétence, dit-il, considère celleci comme :
- la prise d’initiative et de responsabilité de l’individu sur des situations professionnelles
auxquelles il est confronté.26
23. de Witte S., [30], 1998, tome I, p. 4.
24. Le Medef, [22], 1998, tome I, p. 5.
25. Zarifian P., [31], 1999, p. 68
26. Zarifian P., [31], 1999, p. 70.
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13
• 1er point à souligner : la compétence «se prend ou ne se prend pas» et passe d’abord par
l’engagement personnel du sujet.
• 2e point : la compétence implique la prise d’initiative et de responsabilité et cette initiative se prend face aux événements imprévus où l’individu doit «inventer une réponse
adaptée pour faire face avec succès à ces événements».
• 3e point : il y a la notion de responsabilité, le salarié doit pouvoir répondre des initiatives
qu’il prend.
• 4e point : la compétence s’exerce dans une situation. Le comportement d’un salarié ne
peut pas être prescrit d’avance car ce comportement fait partie de la situation. On ne peut
pas isoler la situation du sujet qui l’affronte. Toute situation a trois aspects : les éléments
objectifs, les enjeux qui orientent les choix possibles et la façon subjective qu’a l’individu d’appréhender la situation et il est important de prendre en compte ces trois
aspects en évaluant et en développant la compétence. Selon cette première approche, la
compétence est moins un résultat et plus une façon de réagir face à un problème. Zarifian
propose une deuxième approche complémentaire de la compétence ainsi :
- C’est une intelligence pratique des situations qui s’appuie sur des connaissances acquises et les transforme, avec d’autant plus de force que la diversité des situations augmente.27
• 5e point : la compétence est une intelligence pratique qui a deux aspects : un aspect
cognitif et un aspect compréhensif. Il faut les connaissances techniques nécessaires pour
agir dans la situation mais ces connaissances techniques ne suffisent pas. Comprendre une
situation pour agir, c’est savoir l’apprécier en tenant compte des comportements de ses
éléments constituants, comprendre les enjeux de la situation.
• 6e point : la connaissance s’appuie sur des connaissances acquises : il n’y a pas d’exercice de la compétence sans un arrière-fond de connaissances qui pourront être mobilisées
en situation. Mais ces connaissances ne sont pas à appliquer ; elles sont à mobiliser, à
utiliser en fonction de la situation.
• 7e point : les connaissances et acquis se transforment : confronter des imprévus et des
aléas exige la recherche de solutions créatives et cette recherche impose la nécessité
d’aborder ces événements d’une autre manière. Philippe Zarifian propose ensuite une troisième façon de regarder la compétence :
- C’est la faculté à mobiliser des réseaux d’acteurs autour des mêmes situations, à partager des enjeux, à assumer des domaines de co-responsabilité28.
• 8e point : la compétence est la capacité à mobiliser un réseau d’acteurs car toute situation
complexe dépasse les compétences d’un seul individu.
• 9e point : la compétence implique le partage des mêmes enjeux car «les salariés ne
communiqueront entre eux et n’échangeront leurs compétences que s’ils ont le sentiment de partager les mêmes enjeux et d’être évalués par leur hiérarchie sur ces
enjeux».
• 10e point : la compétence est co-responsabilité. S’il n’y a pas de compétence sans
responsabilité et si cette responsabilité est toujours individuelle, néanmoins, le partage des
enjeux et le travail en réseau impliquent à la fois responsabilité individuelle et collective.
«Une équipe de travail sera d’autant plus efficace qu’elle saura à la fois définir les
objectifs dont elle doit collectivement répondre et personnaliser les engagements de
chacun en relation avec ces objectifs»29.
Ce n’est qu’à partir du moment où l’entreprise arrive à combiner ces trois approches de la
compétence qu’elle arrivera à mobiliser la compétence consciemment et élargir la capacité
d’action de ses salariés. Ces dix points représentent, nous semble-t-il, un nouveau canevas
de management de la performance individuelle et collective et un tableau de bord pour
piloter les axes du travail du manager des ressources humaines. La compétence, nous dit
27. Zarifian P., [31], 1999, p. 74.
28. Ibid., p. 75.
29. Zarifian P., [31], 1999, P. 80.
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14
Yves Lichtenberger, est «une responsabilité, à la fois capacité présumée et confiance donnée.
Est compétent celui qui assume la responsabilité d’une situation professionnelle qui lui a été
confiée. Explorer ce qui constitue la compétence revient donc à explorer les conditions même
d’une action professionnelle dans ses différentes dimensions30».
3-4
Les conditions nécessaires d’une action professionnelle
Quelles sont les conditions nécessaires d’une action professionnelle? Le point de vue d’Yves
Lichtenberger est un complément utile dans notre discussion. «D’abord, dit-il, l’action professionnelle s’appuie sur des savoirs» : c’est-à-dire, des connaissances ou des savoir-faire acquis
par la formation ou par l’expérience et qui constituent la base de toute qualification. «Ensuite,
la compétence s’appuie sur un pouvoir de faire» : un individu ne peut pas être compétent
seul : sa compétence dépend des moyens que lui donne l’organisation. L’évaluation de la
compétence, par conséquent, «ne peut pas être unilatérale, elle est une comparaison entre les
moyens fournis par l’organisation et des moyens mobilisés par le salarié. Elle est une évaluation réciproque entre le salarié et l’organisation31 ». La compétence est donc une co-production comme l’affirme P. Zarifian. Finalement, « la compétence repose sur un vouloir » qui
«traduit l’engagement du salarié à tenir et assumer la responsabilité qui lui est confiée».
Cette question du vouloir du salarié nous amène à la question de la motivation individuelle
du salarié. La motivation, et donc le vouloir, selon ce paradigme de l’action, dépendrait de la
relation «entre ce qui est offert par l’entreprise et réapproprié par chacun en fonction de son
propre système de valeurs et de références». Motiver, souligne Y. Lichtenberger, selon le sens
étymologique du mot, c’est «mettre en mouvement en donnant un sens à l’action32». Autrement dit, il n’y a pas de motivation sans sens. La motivation n’est pas uniquement une affaire
personnelle ou une disposition naturelle mais une relation à construire entre l’entreprise et les
salariés sur la base de la rencontre entre le sens de l’action proposé par l’entreprise et le sens de
l’action recherché par les salariés. La compétence et la performance sont donc les résultats
d’une relation entre l’entreprise et le salarié.
3-5
Travailler : gérer des logiques contradictoires
Le paradigme ergonomique du travail nous donne un autre moyen de modéliser la performance humaine au travail : dans une discontinuité fondamentale, celle qui oblige à distinguer
entre «ce que l’on demande à l’homme (la tâche) et «ce que ça lui demande» pour la réaliser.
Discontinuité, car l’Homme ne peut jamais être «totalement adapté» au travail. Cette discontinuité s’exprime autour d’un conflit entre deux logiques : une logique technico-organisationnelle et une logique humaine. Travailler, c’est gérer le conflit entre des logiques contradictoires
par la mise en œuvre de compromis opératoires. Les comportements manifestés au travail ne
sont que les manifestations externes de ce travail d’élaboration de compromis face à l’événement. La compétence du salarié dépend de la façon dont il élabore ces solutions face au
problème que lui pose le travail.
3-6
La compétence est une construction
L’activité de travail est un travail de construction de l’histoire d’un sujet actif qui arbitre entre
ces deux logiques, qui est divisé dans ses dimensions physiologiques, psychologiques et
sociales et qui doit construire son unicité en gérant le rapport qui le lie aux autres. Cette activité,
dit François Hubault, n’est pas tant la réalisation concrète de la tâche que sa «reconception»
par laquelle l’opérateur non seulement réalise sa performance et gère la variabilité mais
aussi construit sa compétence, sa santé, son identité33 ». La situation est donc complexe. La
30. Lichtenberger Y., [21], p. 21.
31. Ibid., p. 21.
32. Ibid., p. 22.
33. Hubault F. et al, [16].
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15
tâche prescrite «n’est pas une simple contrainte opératoire34». Elle est déjà la réalisation de
multiples activités préalables accomplies en elles par d’autres. L’activité de travail serait, donc,
la réponse à une tâche conçue mais aussi à travers elle «une question et une réplique aux activités de conception» réalisées par d’autres. L’analyse de la tâche effectuée par le salarié représente «la reconstruction du processus de son élaboration et pas seulement l’objectivation de
l’état auquel il aboutit»35.
Nous avons vu dans le chapitre précédent que selon le modèle de gestion traditionnel, «ce
qu’on demande à l’homme» conditionne ses comportements qui déterminent les résultats, la
performance. Si les résultats attendus ne sont pas obtenus, il faut agir sur la tâche : modifier
l’organisation, les procédures, les moyens techniques afin d’agir sur tout ce qui est censé
influencer significativement les comportements humains. On peut également agir directement
sur les comportements par les conditions de travail, la motivation ou la formation. Comme
explique François Hubault, « cette représentation du travail humain réduit l’activité au
comportement et se fonde sur une continuité entre tâche et comportement»36.
Notre objectif à travers ce mémoire serait de remettre en question cette représentation taylorienne du travail qui perdure encore dans les entreprises.
3-7
Travailler, c’est apprendre
Une des conséquences du travail aujourd’hui est que les salariés, quelles que soient leurs
fonctions et quels que soient leurs statuts, seront de plus en plus confrontés à des événements
«nouveaux» exigeant des solutions nouvelles et innovatrices. Cette exigence oblige le salarié à
devoir se maintenir constamment à niveau professionnellement. Ce constat exige qu’il ait la
possibilité de se confronter le plus souvent possible à des événements de plus en plus complexes
qui l’obligent à se remettre en question. La question n’est plus d’apprendre quelque chose mais
d’apprendre à apprendre, d’acquérir les moyens de suivre ces transformations technologiques et
de continuer à acquérir de nouvelles compétences pour suivre ces changements. Le salarié doit
être porteur de son propre projet de développement.
3-8
La question de l’adaptation de l’homme au travail et la «culture de
l’interprétation»
La question de l’adaptation de l’homme au travail est une question primordiale pour l’entreprise et pour la gestion des ressources humaines. Notre position ici dans ce mémoire est justement de défendre la thèse que l’homme n’est pas réductible à la tâche qu’on lui propose.
Seul le paradigme compétence, à notre avis, permettra à l’entreprise de faire coïncider ses
projets avec ceux de ses salariés. Si le travail est défini comme la gestion des événements, cette
gestion exige une nouvelle culture : une culture de l’interprétation.
En effet, pour agir, le salarié a besoin d’interpréter et de comprendre ces événements et cette
interprétation ne peut se faire que si l’organisation en donne au salarié les moyens et la possibilité. «Une information n’est traitée, nous dit François Hubault, que si elle a pu être interprétée
dans un contexte de connaissances qui lui donne sens». Les compromis opératoires des salariés et la façon dont ceux–ci se réalisent, dépendraient des capacités d’interprétation des salariés. Et ces capacités dépendent d’un rapport : «c’est un effet d’organisation, c’est la richesse
des situations de travail et pas seulement des qualités individuelles intrinsèques, ni d’ailleurs,
la vertu propre de l’information qui donne à l’homme la capacité de décider, d’anticiper,
d’interpréter, d’apprendre»37.
34. Clot Y., [6], 1998, p. 211.
35. Hubault F. et al, [16].
36. Hubault F. et al, [16].
37. Hubault F., in Monique Noulin, [25], 1992, p. 17.
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3-9
16
Gérer les écarts et non les nier
Comment gérer les écarts de «performance» par rapport aux attentes ou aux objectifs? Pour
l’ergonomie, cet écart, qui exprime un décalage entre travail prescrit et travail réel, est «moins
une performance réalisée par l’individu qu’un « processus », c’est-à-dire, la capacité des
opérateurs à trouver des compromis dans un système ouvert » 38 . Pour le manager des
ressources humaines qui se fixe comme mission de développer la performance humaine à
travers, par exemple, une action de formation, cette affirmation est importante. Cette affirmation nous invite à aborder les écarts non dans un but de les «réduire», de les «nier», mais
dans un but de les reconnaître, de les valoriser, de les gérer. Pour paraphraser Monique
Noulin, «nier l’écart», «c’est alors faire dépendre sa récupération des seuls opérateurs, des
seuls salariés».39
3-10
Le travail : une décision, un jugement orienté par des critères
L’ergonomie propose donc une autre vision de l’homme au travail et cet écart entre tâche
prescrite et activité réelle est, comme le souligne François Hubault, l’écho d’une hétérogénéité,
le lieu d’une confrontation entre l’ordre de l’homme et celui du monde du travail et que
«l’action humaine de travail ne peut converger avec les intentions du système que s’il lui est
précisément possible d’y faire reconnaître son ordre propre». L’homme ne pourra pas adhérer
aux objectifs de l’entreprise que si l’entreprise reconnaît ses intérêts légitimes, c’est-à-dire, se
réaliser, exercer son intelligence et son désir de faire. C’est dans ce sens que l’entreprise doit
«gérer les écarts» et non chercher à les «réduire» car en les gérant, elle reconnaît que ces intérêts sont légitimes et reconnus par elle et qu’«adhérer ne veut pas dire fusionner avec les finalités de l’entreprise. Cette notion d’écart comme ressource à gérer et non comme ressource à
nier est une distinction fondamentale pour le management des ressources humaines, la formation et la performance car elle définit comment il faut aborder l’homme, son activité au travail,
comment il faut agir sur lui, quels sens faut-il lui proposer pour orienter son action.
Nous voyons ici quelle doit être l’intention du manager des ressources humaines. Quand
l’ergonome nous affirme que « prescrire et diriger, c’est tout un. Ce qui inspire l’un (les
modèles, méthodes, démarches…) structure l’autre40, nous revenons à une de nos idées de
départ : «la vision que l’on a du travail détermine la vision que l’on aura de la compétence,
de ce qu’on attend de la compétence et comment on va la développer ou non». L’ergonome
continue ainsi : «selon ce à quoi le cadre s’attend à travers ce qu’il prescrit (conçoit, organise, prévoit), il dirige différemment ».41 Le manager des ressources humaines doit donc
d’abord décider comment il considère le travail, comment il considère les hommes qui réalisent
ce travail, comment il considère les écarts entre ce que font les hommes et ce qu’on leur
demande avant de se demander comment agir pour les rendre «plus performants».
Nous proposons ci-après (tableau 1, page 17) en synthèse un paradigme de la compétence
qui pourrait servir comme tableau de bord destiné au manager des ressources humaines pour
développer la performance.
4
Comment intégrer nos réflexions sur la compétence dans une
action de formation?
4-1
Une formation de formateurs : la démarche Problem-based Learning
Comment faire pour intégrer cette notion de la «compétence comme construction» dans une
action de formation? Comment faire si «la compétence se construit et ne se transmet pas»?42
38. Hubault F., [15], P. 10.
39. Noulin M., [25], 1992, p. 39.
40. Hubault F. , [15].
41. Ibid., [15]
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17
Tableau 1 : La compétence est
Une intention et un désir d’action. C’est au salarié d’exprimer cette intention et c’est à l’entreprise de la reconnaître.
Une construction, le résultat d’une démarche cognitive et mentale du sujet, agissant en situation pour répondre
aux exigences de l’entreprise.
Une stratégie élaborée face à une situation donnée, le résultat d’un choix. Le choix se modifie dans l’action.
Une co-production : ce n’est pas une adaptation à une tâche mais une reconception de la tâche. Tout l’enjeu pour
l’entreprise est d’admettre que cette reconception est non seulement nécessaire pour générer de la performance
mais constitue la dynamique même de la performance.
Une confrontation entre l’ordre du sujet et l’ordre de l’entreprise. La compétence se produit à travers un conflit
dialectique entre le sujet et l’entreprise..
Elle est dans l’action et l’action mobilise la compétence. Pour développer la compétence, l’entreprise doit autoriser et reconnaître l’action.
Un processus à mobiliser, à maintenir et à faire évoluer. On n’est jamais compétent face à une nouvelle tâche ou
mission. La compétence implique une «operationnalité future». Autrement dit, la compétence est un «potentiel à
mobiliser».
Une relation à organiser entre le sujet et l’entreprise.
Un lien à gérer entre le sens que le sujet donne à son action et le sens que l’entreprise veut lui en donner.
La compétence est savoir, pouvoir et vouloir faire face à une situation professionnelle dont la mobilisation est la
responsabilité du salarié et de l’entreprise.
Tableau 2 : La compétence n’est pas :
Dans la prescription d’une tâche
Dans l’exécution d’une tâche.
La compétence ne se constate pas. C’est les effets de la compétence qui se constatent.
La compétence ne s’évalue pas uniquement «in situ».
Elle n’est pas uniquement dans le «faire» ni dans «l’agir». La compétence implique une préparation a priori et
une analyse a posteriori.
Elle n’est pas innée.
Elle n’est pas dans le savoir-être.
Elle n’est pas déterminée par les besoins ponctuels de l’entreprise.
Elle n’est pas dans le poste de travail
La compétence n’est pas uniquement individuelle ni l’affaire d’un seul individu.
Il nous semble que la formation doit s’occuper d’abord de transmettre non seulement des
connaissances, des savoirs et des savoir-faire mais également et surtout des outils méthodologiques qui doivent être conçus à partir de cet objectif «d’apprendre à apprendre». Le problème
essentiel des entreprises aujourd’hui n’est pas un problème de connaissances, savoirs ou savoirfaire mais un problème concernant la capacité des salariés à suivre les révolutions technologiques et les modifications permanentes sur le plan de l’organisation du travail, des missions, des
outils de communication, des techniques et process etc, c’est-à-dire d’apprendre sans cesse de
nouvelles techniques et savoir-faire. Les salariés doivent constamment s’adapter à ces changements et porter leur propre projet de développement. Considéré de ce point de vue, la problématique de la compétence et de la performance est une problématique du changement.
Rendre les salariés plus porteurs de leur propre développement est pour nous le meilleur moyen
d’accompagner ce changement.
4-1.1 L’approche «Problem-based learning» ou «PBL»
Nous avons fait appel à cette démarche pédagogique pour mettre en place une formation de
formateurs dans une société d’ingéniérie, filiale d’un grand groupe français. Cette entreprise,
spécialisée dans le domaine des métiers de l’eau, fait appel à un réseau de formateurs internes
dans le cadre du déploiement de son Plan de Formation annuel. Ces formateurs internes ont
42. Hunot F., [17], 1996, p. 12.
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exprimé le besoin de rendre les destinataires de leurs formations plus actifs de leur propre
formation. La problématique était donc de trouver une méthodologie de formation qui aiderait
les formateurs à atteindre cet objectif. La démarche PBL nous semble intéressante par rapport
à cet objectif.
La démarche pédagogique PBL propose les éléments d’une réponse susceptible de mettre les
sujets dans un contexte d’apprentissage où ils seraient plus autonomes et porteurs de leur propre
apprentissage. L’origine de cette démarche se trouve dans l’enseignement de la médecine dans
les facultés américaines et européennes. Cet enseignement connaît aujourd’hui un mouvement
de réévaluation. Ce mouvement prend sa source dans le constat que la plupart des connaissances
en sciences de base et cliniques acquises par les étudiants sont des connaissances inertes et volatiles. La difficulté se trouverait au niveau de la mise en application des concepts appris en cours
car les étudiants qui ont du mal à transférer ces concepts dans la réalité face aux problèmes
auxquels ils sont confrontés.
L’apprentissage par les problèmes est une démarche qui a été créée pour répondre à
cette problématique. La caractéristique essentielle de l’APP est que le problème est présenté
avant que les étudiants n’aient appris les concepts cliniques et les sciences de base qui s’y rattachent. Une fois le problème posé, la séquence d’apprentissage est le suivant : en petits groupes,
discussion et identification des besoins en termes de connaissances nouvelles à acquérir ;
répartition de la tâche et travail individuel ; mise en commun des connaissances et utilisation de ces connaissances dans la résolution d’un problème. Le rôle du formateur est
d’accompagner les étudiants et de faciliter l’apprentissage. Le modèle PBL est structuré en 8
étapes (tableau 3, page 18).
Tableau 3 : La démarche Problem-Based Learning :
Etudiant
Tuteur
Etape 1 : clarifier les termes et les données dans l’énoncé du problème.
après une lecture individuelle puis commune, chaque veille à ce que les termes pertinents soient compris et
participant souligne les indices pertinents et départage identifiés.
les termes à clarifier immédiatement pour comprendre
l’énoncé des notions qui ne peuvent être comprises
qu’après analyse des problèmes
Etape 2 : reformulation du problème et liste des éléments à expliquer
après avoir reformulé le problème, ils dressent une liste s’assure que les étudiants dressent une liste seulement
de toutes les situations, manifestations ou phénomènes et n’entrent pas déjà dans l’analyse de ses éléments.
qui nécessitent des explications.
Etape 3 : expliquer le problème
veille à maintenir la discussion dans le droit chemin en
c’est une étape d’intense discussion où les étudiants
proposent autant d’explications que possible des phéno- rappelant les objectifs, encourage l’approfondissement
mènes et éléments identifiés pendant l’étape 2. Cette
de la discussion tout en essayant de réactiver leurs conétape correspond au segment "génération d’hypothèses" naissances antérieures.
du raisonnement clinique.
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19
Tableau 3 : La démarche Problem-Based Learning :
Etape 4 : discuter et organiser les explications proposées.
Organisent, classifient ou regroupent les hypothèses
par diverses stratégies, invite les étudiants à faire abouémises à l’étape précédente pour arriver à une synthèse tir leur synthèse.
du problème. Cette étape correspond aux points 3 et 4
du raisonnement clinique.
Etape 5 : formuler les objectifs d’apprentissage.
Identifient les connaissances qu’ils doivent acquérir
travail avec le groupe pour les aider à préciser et délimipour résoudre le problème et proposent un plan d’étude ter au mieux les objectifs du groupe.
en tenant compte des priorités, du temps et des ressources disponibles. Le travail est réparti entre les membres
du groupe.
Etape 6 : étude individuelle.
Chaque étudiant s’engage dans une activité d’enquête aucun rôle
individuelle afin d’apporter sa pièce à la solution du
puzzle.
Etape 7 : mise en commun des connaissances acquises et les appliquer au problème pour en tirer des explications.
veille à ce que cette rencontre reste une discussion où
en évitant que cette rencontre soit une suite de minicours, les étudiants échangent leurs découvertes et, à la les connaissances s’élaborent.
lumière de ces nouvelles connaissances, ré-expliquent
le problème. Ces échanges n’apportent pas forcément la
solution du problème, mais peuvent conduire vers des
objectifs d’études complémentaires.
Etape 8 : bilan du travail de groupe.
évaluent si les objectifs d’apprentissage ont été atteints stimule la réflexion et anime le débat sur la dynamique
et, le cas échéant, soulèvent des points qu’ils auraient du groupe.
aimer approfondir. On discute aussi du fonctionnement
du groupe.
Nous avons décidé de prendre cette méthode comme base d’une formation pilote d’un groupe
de formateurs du réseau de formation interne de cette entreprise d’ingénierie. Le point de départ
de cette formation est une situation-problème qui est présenté aux formateurs à l’ouverture du
stage (tableau 4, page 20).
Le sujet de la situation-problème était donc centré sur l’acte de former, d’abord, parce que
les participants étaient non seulement des formateurs mais aussi les responsables hiérarchiques
d’autres formateurs et il nous semblait utile d’aborder cette question d’une manière la plus
ouverte possible pour amener les participants à réfléchir sur cette question ensemble.43 Ce qui
est intéressant dans cette démarche est que les apprenants doivent élaborer ensemble les solutions possibles à partir des questions qu’ils se seraient posées en travaillant sur la situation
problème. Comme dit Gaston Bachelard, «avant tout, il faut savoir poser des problèmes».44
5
Le savoir-être et la performance : à propos de la démarche
développent centre et de l’utilisation d’un référentiel de
compétence
5-1
La performance et le savoir-être
De plus en plus d’entreprises cherchent à évaluer les performances de leurs cadres en termes
de savoir-être. Que faut-il penser du rapport savoir-être – performance? Nous avons travaillé
43. Voir Hunot F., [17], pour avoir plus de détails sur la démarche pédagogique PBL et sur sa pertinence dans un
contexte de formation en entreprise.
44. Bachelard G., [2], 1938, P. 22
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20
Tableau 4 : La situation-problème
Jeune ingénieur dans une grande entreprise industrielle, Myriam MICHELET est sollicité par son Directeur,
Xavier DELMOTTE, pour animer une formation d’une journée dans son domaine d’expertise technique. Flattée
par cette demande, elle repense à ses cours d’étudiante et s’en inspire tout naturellement pour préparer cette
journée : cela prend du temps de faire tous ces transparents mais elle ne voit pas comment y échapper…
Après un moment de trac en entrant dans la salle, elle suit les conseils de Xavier DELAMOTTE en commençant
par un tour de table des participants. A sa grande surprise, certains n’émettent aucune attente et deux d’entre eux
lui semblent même plutôt réticents, contraints d’être présents. Myriam déroule ensuite sa formation avec beaucoup de sérieux et de maîtrise de son sujet. Rassurée, elle regrette toutefois une faible participation des stagiaires
qui posent peu de questions.
Pour animer la fin d’après-midi, elle décide alors de présenter un exemple concret, photos à l’appui, qui relance
l’attention et la participation du groupe. A cette occasion, elle constate que deux termes techniques utilisés à plusieurs reprises tout au long de la formation ne sont pas maîtrisés par la moitié des participants.
Le lendemain, elle relate à X. DELMOTTE le déroulement de cette journée. Celui-ci lui répond :
«Il faudra que tu modifies cette formation pour la prochaine fois. De toute façon, tu devras l’animer en anglais
auprès de techniciens de différentes agences à l’étranger, donc un public pluri-culturel. Ton rôle de formateur, et
d’ailleurs de manager, c’est de développer la compétence individuelle et collective de tes stagiaires, de ton
équipe. Je te conseille de t’appuyer sur notre nouvelle politique de «knowledge management», comme ça, tu
développeras en plus leur autonomie!
Si tu repenses aux dernières formations que tu as suivies en tant que stagiaire, que t’en reste-t-il aujourd’hui? à
quoi attribues-tu les traces d’apprentissages qu’il te reste… et tout ce que tu n’as pas intégré? L’enfant et l’adulte
sont bien différents, il est donc logique d’adapter les méthodes pédagogiques aux personnes auxquelles on
s’adresse. Tu sais, contrairement à ce que l’on croit, dans une formation celui qui apprend le plus n’est pas celui
qui écoute mais celui qui parle!
D’ailleurs, Michel DA SILVA, notre responsable Formation, nous a demandé de réfléchir aux facteurs-clés de
succès d’une formation dans notre entreprise».
directement sur un projet qui concernait la mise en place d’un Development Centre pour le
compte d’une filiale française d’un grand groupe industriel européen. L’objectif de ce Development Centre était d’évaluer les performances de management des jeunes haut-potentiels du
Groupe, c’est-à-dire, d’évaluer le «savoir-être» de ces managers pour ensuite réduire l’écart
entre les comportements de management manifestés et les comportements de management
attendus. Nous proposons ici quelques remarques sur ce type de démarche et sur le rapport
Savoir-être/performance.
D’abord, nous affirmons que le comportement est une conséquence et non la cause des
performances des salariés. Est-il donc utile de vouloir modifier ces conséquences sans chercher à comprendre les causes. Peut-on faire l’impasse sur les effets de l’organisation sur la
performance des personnes qui influent sur la production de leur savoir-être? Si la compétence
est « pouvoir », « vouloir » et « savoir », peut-on réduire l’évaluation de la compétence à son
aspect purement comportemental? Ne faut-il pas essayer de «comprendre ces écarts pour les
gérer» plutôt que de chercher à les réduire ou de considérer que c’est la faute des individus?
Si le Taylorisme avait pour ambition d’adapter l’homme au poste de travail, penser les
performances en termes de savoir-être, n’est-ce pas rester fidèle à cette vision taylorienne
du travail qui considère que si les performances sont mauvaises, c’est les comportements
humains qui en sont la cause? Examinons l’outil qui fonde cette démarche, le référentiel de
compétences pour comprendre mieux le sens de nos remarques.
5-2
Le Development Centre et le référentiel de compétence
Ce Groupe a élaboré un référentiel de compétences qui représente «la norme» en quelque
sorte des comportements en termes de «compétences managériales» que le Groupe attend de
ses jeunes cadres. Ce référentiel est en quelque sorte un référentiel en «savoir-être».
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21
5-2.1 Le «leadership» comme compétence clé
Le concept clé qui fonde ce référentiel de comportement managérial est celui de Leadership.
Ce Groupe considère que le concept de leadership est le plus apte à développer la performance
de ses cadres. Choisir ainsi ce concept comme «indicateur de la performance humaine» est
fondé, nous semble-t-il, sur l’idée qu’il y a un lien direct de cause à effet entre leadership
et performance.
Cependant, le lien entre leadership et résultats n’est pas évident. On peut très bien faire
preuve de leadership et ne pas atteindre les résultats escomptés. Le Leadership est donc un
concept qui vaut plus par sa capacité à symboliser un désir de performance que par sa capacité
à définir une performance réelle.
Cette notion de leadership, prend-t-elle suffisamment en compte les caractéristiques des
mutations actuelles du travail qui nous amènent à considérer la performance en termes de coproduction et non en termes d’actions menées uniquement par un certain nombre de leaders,
aussi doués soient-ils? Une entreprise, peut-elle miser sur une population de «leaders» performants et une population de salariés «suiveurs» dépendants?
5-3
La compétence, à révéler ou à développer?
Quelle serait la conséquence de ce paradigme d’action pour le manager des ressources
humaines et pour le responsable formation ? Ce paradigme, ne considère-t-il pas que la
«compétence est à révéler et non à développer». On est leader ou on ne l’est pas! Le rôle du
manager des ressources humaines serait alors de traquer cette compétence, de révéler les leaders
et non de les développer. Le développement des compétences deviendrait donc une «enquête»
(d’où l’importance d’outils du type 360°) et non une construction. «Si de manière dite ou non
dite, nous explique Sandra Bellier, on privilégie l’idée d’inné, alors la fonction majeure du
management et des ressources humaines consiste à détecter les compétences en général et le
savoir-être en particulier. La logique est avant tout celle du repérage et non celle du développement de tous. Et Sandra Bellier continue : «la sélection des élites consiste donc à trouver
dans l’organisation celui ou celle qui est déjà porteur de compétences non utilisées….il s’agit
bien de mettre à jour, de dévoiler et non de créer ou de préparer. Le service des ressources
humaines est au service d’un conte (compte?) de fée (faits) très ancien : celui de l’enfant de
sang princier qui ignore son origine mais la découvrira au fil de l’aventure, celui de la force
cachée en soi que l’on n’avait pas expérimentée». 45
Le travail, selon ce paradigme, ne serait-elle pas une question de l’adéquation entre l’homme
et sa fonction et non une confrontation entre les deux pôles d’un rapport dialectique qui ne va
pas de soi? Séparer la performance technique de la performance «comportementale» n’at-elle pas pour effet de relativiser cette performance technique et de faire dépendre cette
performance technique d’une évaluation purement subjective et aléatoire de comportements qui sont foncièrement difficiles à cerner.
Il va de soi que nous ne pouvons pas adhérer à cette vision de l’homme, de l’intelligence,
de la compétence et du développement de la performance. Pour nous, la performance est
un «potentiel à développer» et non un «potentiel à repérer».
Quelle sera néanmoins la fonction d’une telle démarche pour l’entreprise? Les mutations
actuelles du travail, les nouvelles contraintes organisationnelles, déstabilisent le contrat entre
salariés et entreprise et pousse le concept du savoir-être et du comportement sur le devant de la
scène. Les entreprises ne peuvent plus promettre aux salariés un travail à vie, une évolution
constante, une amélioration salariale et ces problèmes se traduisent en termes de difficultés de
discipline et de management. Comment garantir l’adhésion des salariés au projet de l’entreprise
dans un tel contexte? «L’assimilation actuelle entre savoir-faire, savoirs et savoir-être, nous
affirme Sandra Bellier, a fait basculer le thème du comportement au cœur de la question de la
45. Bellier S., [3], 1998, p. 36.
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performance. En valorisant le savoir-être dans la gestion des hommes, on fait de ce qu’il y a
de plus privé, particulier, personnel, le ressort de la performance de l’entreprise. Les techniques, les savoirs et les habilités ne suffisent plus pour réussir»46. C’est par le biais donc du
savoir-être que l’entreprise va essayer de garantir cette adhésion à ses projets. Mais paradoxalement, cela passe par une mise en question des critères classiques d’évaluation de la performance (ou, en tout cas, des conditions nécessaires de sa réalisation), c’est-à-dire, les diplômes,
les savoirs, les métiers.
Cette démarche, peut-elle développer la performance des salariés de l’entreprise ? Si on
considère cette performance en termes de régulation (et la régulation des rapports serait de toute
façon toujours nécessaire pour préparer la performance), cette démarche va peut-être dans le
sens souhaité. Cependant, si on n’est pas clair concernant la finalité d’un projet de ce type, on
risque de ne pas atteindre les objectifs fixés. Notre hypothèse au sujet de cette démarche est que
les fondements philosophiques de cette démarche sont tels qu’elle ne peut pas développer les
performances réelles des participants impliqués dans ce processus.
C’est notre hypothèse que ce type de projet représenterait une espèce d’arrière-garde du
taylorisme et ne correspondrait plus aux exigences du monde du travail aujourd’hui. Ces
exigences nécessitent le développement réel des compétences des salariés à tous les niveaux. Ce
développement passe par un élargissement des capacités des uns et des autres. C’est pourquoi
il nous semble nécessaire que ce projet soit réorienté vers le développement réel des capacités
des participants à partir d’une co-évaluation de leurs besoins fondée sur une analyse réelle des
activités professionnelles des uns et des autres, des difficultés qu’ils rencontrent, les compromis
qu’ils sont amenés à réaliser, le contexte dans lequel ils exercent leur métier, etc.
Quelques remarques sur le référentiel de compétences utilisé dans ce Groupe s’imposent. Le
cœur de ce dispositif Development Centre est le référentiel de compétences intitulé «Leadership
Competencies». Le référentiel de compétences est donc central au dispositif car il va déterminer
comment les participants vont être évalués, comment les évaluateurs vont «évaluer» les participants et donc les rapports qui vont s’instaurer entre les uns et les autres.Ce référentiel est
censé repérer les compétences de leadership des participants et pour ce Groupe, ce concept de
leadership se décompose en six sous-compétences ; 3 sous-compétences liées à la performance
au niveau de la «tâche» et 3 sous-compétences au niveau de la gestion des «hommes». Voici les
6 compétences clés :
Tableau 5 : Les 6 Compétences clés
Tache
Faire preuve de détermination pour obtenir d’excellents résultats
Se «focaliser» sur le marché
Trouver de meilleures voies
Hommes
Exiger une performance de haut niveau
Stimuler l’engagement de chacun
Se développer et développer les autres
On remarque d’abord que ce référentiel est centré uniquement sur l’individu et ferait porter
toute la responsabilité de la situation sur cet individu. La personne est donc isolée de son
contexte, de son environnement, des enjeux de pouvoir existant dans son entreprise, des difficultés du marché. Deuxièmement, les compétences clés sont très subjectives et difficilement
identifiables d’une manière objective. Que veut dire « faire preuve de détermination » ?
Comment mesurer la détermination? La détermination ne nous semble pas exister intrinsèquement, à moins que l’on croie vraiment que la détermination soit vraiment une qualité innée,
détenue par certaines personnes et non par d’autres. Comment mesurer si la personne développe
les autres? «Se focaliser sur le marché», pour nous, est un rapport à construire non seulement
entre le salarié et le client, mais entre le salarié et ses collègues, subordonnés et responsable
hiérarchique et surtout entre le salarié et le client. En évaluant le salarié par rapport à ce critère,
n’y a-t-il pas un risque de lui faire porter la responsabilité des rapports avec le client, rapports
qui sont aussi le résultat de l’organisation? Ces rapports ne peuvent pas être le fait d’une seule
46. Bellier S., [3], p. 6.
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personne. Que veut dire «exiger une performance de haut niveau»? Suffit-il d’exiger une
performance pour que le collaborateur puisse l’atteindre? Quelle est la vision de la motivation
présentée dans la compétence «Stimule l’engagement de chacun»? Citons la manière dont le
référentiel qualifie cette compétence : « Gagne l’engagement personnel à un niveau
rationnel et émotionnel, mettant en pratique sa compréhension des individus pour les
motiver et tirer le meilleur d’eux-mêmes». Pourquoi «gagner» l’engagement personnel et
émotionnel»? Ne peut-on pas construire cet engagement à travers un sens partagé des objectifs
et de la finalité de l’action de l’entreprise et des individus?
Le problème que pose ce référentiel, et nous faisons l’hypothèse que ce problème est transversal à tous les référentiels et à toutes les démarches du type Development Centre, est que cette
pratique de l’évaluation identifie des écarts à réduire mais ne dit rien sur la façon de réduire ces
écarts et ni sur la façon de développer les savoir-être en question et cette lacune n’est pas surprenante car ce qui est fondamental pour la démarche et pour l’entreprise n’est pas d’identifier les écarts afin de les réduire mais d’identifier les écarts pour les « révéler » aux
participants. Il suffit que le participant accepte son bilan tel qu’on le lui donne pour que le
«contrat» soit conclu entre l’entreprise et le salarié et pour que le vrai objectif soit atteint : la
régulation des rapports entre entreprise et salariés. C’est notre hypothèse par conséquent que ce
référentiel joue plus comme outil de régulation des rapports entre le salarié et l’entreprise que
comme outil de développement des performances. Il nous semble que ce référentiel cherche
plus à discipliner les jeunes HP qu’à développer leurs compétences. «Les employeurs, nous dit
Bernard Galambaud, ne peuvent-ils plus se désintéresser du contrôle des cadres, de leur
productivité. De même, de très nombreux cadres n’encadrent plus personne. Ils ne participent plus eux-mêmes à la mise en œuvre de la discipline salariale sur d’autres salariés. De
nombreux cadres sont ce que les Nord-Américains appellent des professionnels, c’est-à-dire,
des spécialistes, des experts dans tel ou tel domaine et travaillent dans des bureaux d’études,
les centres de recherche, les équipes «projet»..Et bien entendu, ces cadres-là, ces professionnels, il faut les discipliner».47
Certes la régulation sociale a un rôle à jouer dans la production de la performance. Mais
comme on a dit ci-dessus, on doit se demander si une telle démarche est capable à elle seule de
générer la performance souhaitée par l’entreprise confrontée aux nouvelles confrontations du
monde du travail. Comme le souligne Bernard Galambaud, «la vraie question est de savoir si
en développant le savoir-être de leurs cadres, les entreprises réduiront le déficit de professionnalisme qui en habite plus d’une».48
Une des questions que ce projet d’évaluation a soulevée était justement l’élaboration et la
mise en place d’un Plan Individuel de Development pour les participants. La question était de
savoir comment faire pour permettre aux participants d’élaborer leur propre Plan Individuel de
Development en fonction du bilan élaboré pendant le Development Centre. Ce Plan Individuel
de Development pose un vrai problème car si on évalue les personnes selon un référentiel de
compétences, il faut être certain que l’on soit capable de leur dire quelles actions prendre pour
combler les écarts entre performances réelles et performances attendues. Cependant, comme
nous l’avons souligné, une démarche du type Development Centre est par principe, plus centrée
sur «la révélation d’une disposition» que sur «le développement d’une compétence». À partir
du moment que l’on a une vision du travail et de l’homme déterministe (et il nous semble que
cette vision n’est pas propre à cette entreprise mais est partagée par un grand nombre d’entreprises qui restent toujours sous l’emprise d’une vision taylorienne du travail), les actions à
mener pour combler ces écarts seraient moins importantes que le fait de les identifier. Ceci
est d’autant plus vrai du moment où, comme nous l’avons suggéré ci-dessus, un tel dispositif
sert plus à réguler les rapports entre cadres et entreprise que comme outil de développement des
compétences. Dans ce cas précis, le Plan Individuel de Developpement était justement difficile
à mettre en place parce que les actions à développer pour «réduire les écarts entre performance
souhaitée et performance réelle» auraient exigé une coopération entre le participant et l’organi47. Galambaud B., in Bellier S., [3], p. 13.
48. Ibid., p. 14.
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24
sation au niveau «systémique» : si les responsables hiérarchiques, DRH, opérationnels, collègues, subordonnés n’étaient pas d’accord pour jouer le jeu, comment le participant pourrait-il
mettre en pratique son Plan Individuel de Développement? Un contrôleur de gestion a très peu
de possibilités de «se focaliser sur le marché» si l’entreprise ne lui donne pas des missions
concrètes lui permettant de développer ses compétences dans ce domaine.
Certes, le savoir-être a sa place dans l’évaluation des performances. Certes, le manager des
ressources humaines doit l’évaluer et chercher à le développer. Il nous semble qu’il peut le faire
à partir du moment où il considère la valeur du travail humain comme un champ ouvert, le fruit
des dispositions naturelles (peut-être) et les résultats des compétences et des processus cognitifs
à encourager et à construire (sûrement). Nous ne souhaitons surtout pas dans ce mémoire
remplacer un déterminisme par un autre : le déterminisme de l’inné par le déterminisme de
l’acquis. Nous proposons ici l’ébauche d’une logique ET : pour développer la performance
humaine, les entreprises ont besoin du savoir-être ET des savoirs, savoir-faire et compétences.
Ces savoirs, savoir-faire et compétences peuvent faire évoluer les savoir-être. Notre opinion
est que les entreprises souffrent, non d’un trop plein de compétences techniques et professionnelles mais d’un «pas assez» de ces compétences. Notre opinion est que les entreprises souffrent, non d’un «pas assez» de savoir-être mais d’un trop plein de savoir-être. Nous plaidons ici
pour un rééquilibrage en faveur du développement des compétences techniques et professionnelles que les nouvelles mutations du travail imposent, rééquilibrage qui aura forcément une
conséquence sur le savoir-être.
Nous pensons que les paradigmes proposés par des auteurs comme Philippe Zarifian, François Hubault, Yves Lichtenberger, Michel Fiol, Michel Lebas, entre autres, peuvent nous aider
à sortir l’entreprise d’une vision de l’homme comme prédéterminée, une disposition à révéler
et non un potentiel à développer. Nous sommes convaincus que le développement des compétences techniques et professionnelles est plus apte à développer les savoir-être à long terme (si
tel est l’objectifs de l’entreprise) que le contraire, c’est-à-dire que le développement du savoirêtre, par sa nature même, a peu de chances de développer les compétences techniques et la
performance des hommes et de l’entreprise d’une manière durable.
6
Conclusion : Développer les compétences, une philosophie
de l’action et d’action
La gestion des ressources humaines, explique Sandra Bellier, ne peut se comprendre qu’en
rapport avec la stratégie de l’entreprise. Il est clair, poursuit-elle, que la sphère sociale, dans
laquelle elle se situe, n’est pas la sphère déterminante. Elle est au contraire largement dépendante des décisions qui sont prises dans les sphères politiques et de production. Ce que l’on
nomme la stratégie se joue donc à un autre niveau que celui de la sphère sociale, quelles que
soient les revendications auxquelles on a assisté pour positionner la gestion des ressources
humaines comme une fonction stratégique.49
Quel est alors le rôle du manager des ressources humaines? Son rôle est selon le même auteur
«d’organiser les échanges qui permettent la réalisation du travail». La gestion des ressources
humaines est donc une fonction de régulation de la sphère sociale au profit des deux autres
sphères. Nous avons vu qu’une démarche comme celle du Development Centre, fondé sur l’idée
du savoir-être comme compétence et comme critère d’évaluation, est une démarche qui cherche
à réguler les rapports entre une catégorie de personnel, les cadres et l’entreprise. Le savoir-être
aura toujours sa place dans l’entreprise. Mais nous pensons que réguler les rapports entre les
salariés n’est pas une base suffisante pour garantir la performance de l’entreprise à long terme
face aux mutations actuelles du travail et face aux exigences fondamentales de l’homme. À
notre avis, les rapports peuvent être régulés autrement et selon d’autres critères que le
savoir-être uniquement.
49. Bellier S. , [3], 1998, p. 171.
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L’organisation taylorienne du travail est dépassée par les évolutions des conditions de
production et de travail modernes. De nouvelles façons d’organiser le travail, de reconnaître et
de mobiliser les salariés s’imposent. Les entreprises hésitent encore à formuler les règles qui
pourraient gouverner les nouvelles façons de travailler et font appel à des notions comme le
savoir-être pour retarder leurs décisions. Ce savoir-être fait appel à la notion de «dispositions
innées» qui renvoie à un état immuable de la personne. Pour citer Sandra Bellier, «le savoir-être
n’aurait alors de sens de «compétence» mais de «don»..ce qui évidemment n’a pas les mêmes
conséquences en matière de gestion des hommes : on ne gère pas les dons, on les reconnaît
pour s’y plier».50
Nous avons adopté une autre position. Si le modèle taylorien n’est plus valable, nous nous
sommes posés la question : quel modèle alors pourrait améliorer la performance des hommes
au travail. Il nous semble que cette performance dépend d’abord de leur compétence et du développement de ces compétences. La compétence est pour nous un potentiel à développer chez
tous les salariés. La dimension événementielle du travail aujourd’hui s’impose et l’entreprise ne
pourra pas répondre aux défis qui l’attendent que si l’ensemble de ses salariés peut faire appel,
certes à leurs qualités innées, mais surtout à leurs capacités cognitives et intellectuelles qui ne
sont encore, à notre avis, que peu exploitées. Il nous semble que l’entreprise souffre aujourd’hui,
non d’une insuffisance du savoir-être mais d’un trop plein de savoir-être, non d’un trop plein de
savoirs et de savoir-faire mais d’un trop peu de savoirs et de savoir-faire.
Quel devrait être le rôle du manager des ressources humaines et du responsable formation?
Si le rôle du manager des ressources humaines est d’organiser les échanges sociaux au service
de la politique et de la production, la manière dont on organise ces échanges à notre avis dépend
de la vision que l’on a du travail et de la valeur du travail. Si on pense que la compétence est un
don, on cherche à révéler ce don, si on pense que la compétence est un potentiel, une ressource,
on gère cette ressource et on cherche à le développer. Nous estimons que tel est le rôle du
manager des ressources humaines et du responsable formation : gérer ce potentiel et organiser
le lien entre les hommes et l’entreprise pour prendre en compte à la fois les attentes et les espérances des hommes et des attentes et des exigences de l’entreprise.
C’est notre conviction que la vision que l’on a du travail détermine la vision que l’on a des
hommes et cette vision détermine comment on définit leurs compétences et la façon dont on gère
ces compétences. Nous estimons que le travail n’existe qu’à travers les hommes, par les hommes
et pour les hommes. C’est le lieu de confrontation de visions complémentaires et contradictoires. C’est dans la confrontation et le pilotage de ces visions contradictoires et complémentaires que les conditions de la performance seront mises en place.
7
Bibliographie
[1]
Amadieu J.F. & Cadin L., Compétence et organisation qualifiante, Paris, Editions Economica, 1996.
[2]
Bachelard G., La formation de l’esprit scientifique, Paris, Editions J. VRIN, 1938.
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IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 1999-15 -
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1999-15
À propos de la performance humaine en
entreprise : pour une philosophie de l’action et
une philosophie d’action
Joseph Noone
D.E.S.S. Management avancé des Ressources Humaines et des relations
d’emploi de l’IAE de Paris
Les papiers de recherche du GREGOR sont accessibles
sur INTERNET à l’adresse suivante :
http://panoramix.univ-paris1.fr/GREGOR/
Secrétariat du GREGOR : Claudine DUCOURTIEUX ([email protected])
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