l`islamisation des pays méditerranéens de l`est et du sud

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L’ISLAMISATION DES PAYS MÉDITERRANÉENS DE L’EST ET DU SUD .
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Introduction. Le Prophète et les premiers califes.
1. Naissance de la religion musulmane et unification de l’Arabie.
Alors que Byzance (Constantinople) prolonge pour près de dix siècles en Orient le Bas Empire
romain et chrétien, alors que la civilisation de l’Europe occidentale se met péniblement en place sur un triple
fondement gréco-romain, chrétien et germanique, une nouvelle religion va donner naissance à la civilisation
musulmane.
L’islam, religion monothéiste proclamée par Mahomet (Muhammad) et cimentée dans le Coran, se
présente comme le prolongement du message biblique - tout en refusant, comme les Juifs, la divinité du
Christ, considéré comme un grand prophète alors que Mahomet est considéré comme le plus grand et le
dernier. Axé sur la soumission absolue à la volonté de Dieu, la fraternité et l’égalité des croyants, la tolérance
(du moins en général, et essentiellement à l’égard des Juifs et des chrétiens), il se répandra à une vitesse
vertigineuse sous la conduite de chefs à la fois religieux et politiques, les califes, après que Mahomet ait
réalisé par les armes l’unité de la péninsule arabique.
2. La succession problématique.
Après la mort du Prophète (632), l’Oumma (communauté musulmane) se divise en deux camps (ou
partis) à propos de sa succession (califat). D’une part, il y a les partisans inconditionnels d’Ali, gendre de
Mahomet (il a épousé une de ses filles, Fatima) et seul à lui avoir donné une descendance mâle ; pour eux, la
fonction de calife doit être héréditaire et ne peut résider que dans la famille d’Ali. D’autre part, il y a ceux
qui prônent l’élection du calife par l’Oumma, qui aura à choisir le plus méritant, le plus fidèle à
l’enseignement du Prophète ; on les appellera les Sunnites , car ils se disent les vrais dépositaires de la
tradition (Sunna) de Mahomet.
Après Abou-Bakr et Omar, le troisième calife, Othman (644-656), autre gendre de Mahomet et
membre du clan des Ommeyades , élu par l’Oumma comme ses prédécesseurs (en réalité cette « élection »
s’est faite chaque fois par un conseil très restreint de notables, qui a ensuite réussi à imposer son choix à la
population), meurt assassiné, et c’est Ali (656-661) qui est désigné pour lui succéder. Cette élection est
aussitôt contestée par le parti sunnite, qui accuse Ali de complicité dans l’assassinat de son prédécesseur. Ce
parti est groupé autour d’Aïcha, veuve de Mahomet, et de Moawiya, parent d’Othman et ancien gouverneur
de Damas (il a été destitué par Ali). La querelle de succession entre ces deux partis arabes va bientôt
dégénérer en guerre civile. Partisan d’une solution pacifique, Ali accepte l’arbitrage d’une commission de
sages, mais celle-ci donne raison à ses accusateurs (658). La seule acceptation de cet arbitrage par Ali lui
aliéna une partie de ses partisans : ce groupe dissident créa le kharidjisme , premier schisme de l’islam
(657).
Par la suite, le sunnite Moawiya, porté au pouvoir par ses troupes, usurpe le califat (659), ce qui
déclenche un deuxième schisme : le chiisme . C’est la sécession des partisans d’Ali, qui refusent de
reconnaître le nouveau pouvoir.
Après la mort d’Ali (assassiné en 661 par un kharidjite), le califat, redevenu unique, restera pour un
peu moins d’un siècle (661-750) aux mains des Ommeyades sunnites qui, établis à Damas, imposeront
finalement un califat héréditaire à leur profit. Rejetés dès lors dans l’opposition, les chiites continueront à
soutenir les Alides contre le pouvoir en place ; ils seront régulièrement l’objet de persécutions, auxquelles
ils riposteront par des attentats, faisant de leurs combattants tués des martyrs de l’islam (et de leurs tombeaux
des lieux de pèlerinage). Exploitant l’opposition des populations non-arabes à la domination des
Ommeyades, ils auront désormais tendance, ayant été persécutés eux-mêmes, à se présenter en défenseurs
des opprimés. Ils profiteront de la désagrégation de l’Empire pour supplanter les Ommeyades, instaurant
(750) le califat des Abbassides (750-1258), établis à Bagdad, après avoir fait massacrer la quasi-totalité de la
famille au pouvoir (le seul rescapé ira fonder l’émirat de Cordoue, futur califat).
N.B. La division entre sunnites et chiites est donc avant tout d’ordre historique et politique
- même si le califat présente un caractère théocratique (surtout depuis qu’Omar, deuxième calife, s’est
proclamé commandeur des croyants) - et même totalitaire. Certes, dans le domaine religieux, les deux
groupes manifestent-ils un certain nombre de divergences, ou plutôt de spécificités (interprétation du Coran,
authenticité des hadiths - faits et gestes du Prophète -, lieux de pèlerinage, etc.), mais pour l’essentiel ils
partagent à peu de chose près la même foi ainsi que les pratiques religieuses les plus importantes.
D’abord parti politique purement arabe, le chiisme, sous l’influence des circonstances historiques,
deviendra un mouvement religieux extrémiste et recrutera la plupart de ses adeptes parmi les mawâli
(pluriel de mawla = client), c’est-à-dire les nouveaux convertis mécontents du joug arabe, surtout en Perse
(peut-être en partie suite au mariage d’Hussein, fils d’Ali, avec la fille du dernier roi sassanide).
Après l’avènement des Abbassides (750), le chiisme, persécuté par l’autorité temporelle, trouvera
des partisans parmi les peuples soumis, et surtout dans les classes inférieures de la population, dont
l’évolution économique accroissait la misère ; alors le chiisme va ajouter à son programme politique des
revendications sociales : il devient le parti des opprimés . A l’époque abbasside (VIIIe-XIe s.), le chiisme se
ramifiera en de multiples sectes - Zaïdites duodécimains et ismaéliens, Imâmites, Fatimides, Druzes,
Mostaliens, Nizaris dits Assassins, Noçaïris -, allant des plus modérés aux plus radicaux.
N.B. Il existe des courants extrémistes aussi bien dans le camp sunnite que dans le camp
chiite.
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LES GRANDES CONQUETES .
Au départ de l’Arabie (La Mecque), les guerriers musulmans vont entamer un vaste mouvement de
conquête, au détriment, avant tout, de l’Empire byzantin, pour arriver vers l’ouest jusqu’en Espagne (711714), et vers l’est jusqu’en Inde, aboutissant à la constitution d’un immense empire situé à la jonction des
trois continents de l’Ancien Monde. Cet empire, dirigé par un calife* (siège à Damas, 661-750, puis à
Bagdad, 750-1258), est néanmoins fragilisé par des divisions religieuses (voir ci-dessus), mais aussi par des
problèmes de succession récurrents ; il était en outre trop vaste pour résister à la fragmentation politique : des
califats indépendants verront le jour (Le Caire 909, Cordoue 929). Plus tard (dès le XIe siècle), il sera luimême envahi par les Turcs (Seljoukides, relayés au XIVe siècle par les Ottomans).
Du point de vue européen, il importe de relever que les invasions musulmanes seront
considérablement freinées par deux coups d’arrêt : à l’est en 717 devant Constantinople, et à l’ouest en 732
près de Poitiers (Charles Martel) - mais, pour des siècles encore, l’Espagne restera sous domination
musulmane et les côtes méridionales de l’Europe seront victimes de la piraterie ou de raids musulmans.
Par rapport au monde romain antique, les conquêtes musulmanes auront pour résultat de casser en
deux le monde méditerranéen. Dans la zone devenue musulmane, l’héritage de Rome ne sera pas repris
comme tel, au contraire de ce qui s’est passé en Europe : à la différence des Germains, qui se sont montrés
impressionnés, intimidés et admiratifs vis-à-vis de l’Empire romain comme aussi à l’égard de l’Eglise, les
musulmans auront généralement tendance à mépriser et à délaisser tout ce qui avait précédé Mahomet
(notamment des villes romaines d’Afrique du Nord). Cela ne les empêchera pas, dans les domaines
scientifique, littéraire et artistique, de faire de nombreux emprunts aux civilisations antérieures (Grèce,
Byzance, Perse et Inde). En effet, les vicissitudes politiques n’entameront pas l’éclat de la civilisation.
Grands commerçants et fondateurs de villes, les Arabes, sur base de ces emprunts, vont créer une nouvelle
civilisation d’une richesse remarquable, à laquelle l’Occident puisera largement : chiffres, chimie, médecine,
boussole, papier, poudre à canon, littérature, etc. L’apogée de la civilisation arabo-musulmane se situe entre
le VIIIe et le XIe siècle.
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