UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN
Faculté des Sciences Appliquées
QUALITE DE L'ELECTRICITE
(Cours ELEC 2595)
Troisième Partie
DEFORMATIONS DE LA SINUSOIDE DE TENSION
Alain ROBERT
2006
ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007) 2/90
Ce syllabus est largement basé sur le cours de notre prédécesseur, le Professeur Michel Couvreur (ELEC
2595, édition 2000). Avec l'ambition de poursuivre sur la voie qu'il a tracée, nous nous efforçons d'en réaliser
une mise à jour permanente.
1 INTRODUCTION
Les déformations de la sinusoïde de tension se classent en deux catégories.
Les fréquences harmoniques constituent la première catégorie. Il s’agit, stricto sensu, des fréquences
multiples de la fondamentale.
Au départ, ce sont les spécialistes des machines électriques qui se sont surtout préoccupés de limiter les
harmoniques de denture des alternateurs et les harmoniques de flux dus à la saturation du fer dans les
transformateurs. Aujourd’hui, dans les réseaux, les problèmes les plus fréquents imputables aux
déformations harmoniques sont essentiellement provoqués par des charges présentant un caractère non
linéaire, entre autres avec l’avènement de l’électronique de puissance, mais restant périodique en régime en
présence de la f.é.m. fondamentale.
On a longtemps cru qu’il n’y avait lieu de se préoccuper que des déformations harmoniques, notamment
parce qu’on pensait que le tour de la question était fait avec la série de Fourrier. Les fréquences
interharmoniques, c'est-à-dire les fréquences non multiples de la fondamentale, sont apparues beaucoup
plus tard dans la problématiques des déformations de la sinusoïde.
On a commencé par utiliser intentionnellement quelques fréquences de ce genre pour la transmission de
signaux, parce qu’elles constituaient alors un terrain vierge. Toutefois, il a fallu prendre conscience de
l’existence, en présence de certaines charges industrielles modernes, de déformations significatives de la
sinusoïde dans le spectre interharmonique. Cela ne peut évidemment s’expliquer que par l’intervention
d'autres causes que les non-linéarités précitées.
Les harmoniques et les interharmoniques font l’objet de deux chapitres distincts.
Rappel théorique
Pour rappel, une fonction périodique quelconque est équivalente à la superposition d'une composante
continue et d'une série de sinusoïdes – le tout constituant une "série de Fourier" – comme suit :
=
++=
1
1
0sin)( kkk t
N
kcctf
ϕ
ω
avec :
=ϕ
+=+=
k
k
k
2
k
2
kkkk
b
a
arctan
bajabc
et :
ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007) 3/90
=
ϕ+ω=
ϕ+ω=
w
T
0
w
0
w
T
0k1
w
k
w
T
0k1
w
k
dt)t(f
T
2
c
dtt
N
k
cos)t(f
T
2
a
dtt
N
k
sin)t(f
T
2
b
où :
ω1 est la pulsation de la fondamentale (ω1 = 2πf1)
T
w est la durée de l'échantillon de fonction que l'on analyse1 ; quand il s'agit d'une tension ou d'un
courant, c.à.d d'une fonction dont la fréquence fondamentale est de 50 Hz, la durée de base est
la période ; on enregistre la fonction sur une "fenêtre" temporelle dont la largeur est de 20 ms ;
si la fenêtre est plus large, elle doit rester un multiple entier de la période : Tw = NT1
c
k est l'amplitude de la composante de fréquence fk = (k/N)f1
N est le nombre de périodes fondamentales T1 dans la fenêtre
c
0 est la composante continue
k est le rang de la raie spectrale
Une tension (ou un courant) périodique 50 Hz de forme quelconque est donc équivalente à la superposition
d'une sinusoïde 50 Hz (la fondamentale) et d'une série de sinusoïdes à des fréquences multiples de 50 Hz (les
harmoniques).
Le plus souvent,
- la composante continue (c0) est nulle (sauf événements particuliers tels que la mise sous tension d'un
transformateur),
- les alternances positive et négative restent quasi symétriques et les composantes paires (k=2,4,6....) sont
très faibles,
- les composantes multiples de 3 (k=3,6,9...) sont essentiellement homopolaires, ce qui en limite fortement
l'amplitude, comme on le verra.
On exprime le plus souvent les niveaux d'harmoniques par la valeur relative de chaque composante,
rapportée à la valeur fondamentale, soit pour la tension : uh = Uh/U1 (on utilise l'indice "h" plutôt que "k" du
fait qu'il désigne plus spécifiquement les harmoniques). Dans l'usage courant, on écrit souvent Uh pour uh,
car il n'y a pas d'ambiguïté.
La distorsion totale THD (total harmonic distortion) est fréquemment utilisée pour caractériser l'ensemble de
la déformation harmonique par un seul nombre :
=
=40
2h
2
h
uTHD .
Illustration
La Figure 1 donne un exemple simplifié où une sinusoïde de tension est déformée par un seul harmonique.2
1 En théorie, la fonction périodique f(t) est immuable. En pratique, elle ne reste pas immuable pour l'éternité, mais l'analyse de
Fourier se fonde sur l'hypothèse que l'échantillon enregistré se répète indéfiniment.
2 Par suite de phénomènes de résonance, il n'est pas rare qu'un seul harmonique soit largement prépondérant.
ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007) 4/90
Figure 1 : Distorsion provoquée par un seul harmonique (h=5)
La Figure 2 donne un exemple simplifié où une sinusoïde de tension est déformée par un seul
interharmonique.
Figure 2 : Distorsion provoquée par un seul interharmonique (h=3.5)
Principe de la mesure
Il y a une vingtaine d’années, l’usage d’appareils de mesure analogiques était encore le plus fréquent. Une
mesure fréquence par fréquence était effectuée avec un voltmètre sélectif, constitué par un filtre passe bande
à accord réglable associé à un voltmètre à valeur efficace.
Depuis lors, l’usage des analyseurs numériques de spectre s’est généralisé. Ceux-ci traitent un échantillon du
signal (“fenêtre” de une ou plusieurs périodes) et lui appliquent la transformation de Fourier (souvent
appelée FFT pour “Fast Fourier Transform”) donnant d’un coup tout le spectre des fréquences harmoniques
(et interharmoniques si la fenêtre comporte plusieurs périodes).
Il est important de bien comprendre que la transformation de Fourier s'applique à un signal rigoureusement
périodique. Si l'échantillon du signal ne comporte qu'une période (durée = 20 ms en 50 Hz), l'hypothèse
implicite est que toutes les périodes sont identiques. L'analyse donnera une fondamentale à 50 Hz et une
série d'harmoniques (fréquences multiples de 50 Hz). Cet échantillonnage n'est donc pas valable en présence
d'interharmoniques.
En présence d'interharmoniques, il est donc impératif de prendre un échantillon couvrant plusieurs périodes.
Si on en prend dix (fenêtre de 200 ms en 50 Hz), c'est cet ensemble de dix périodes qui est censé se
reproduire indéfiniment. En d'autres termes, la fréquence fondamentale de l'analyse devient 50/10 = 5 Hz. On
obtient alors tous les "harmoniques" de cette "fondamentale", c'est-à-dire tous les interharmoniques du 50 Hz
avec un intervalle de 5 Hz.
On trouvera plus de détails sur les méthodes de mesure en :
ANNEXE 1
MESURE ET EVALUATION.
ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007) 5/90
2 PROBLEME DES HARMONIQUES
2.1 NATURE DU PROBLEME
Au niveau des réseaux à HT, la source des harmoniques se manifeste essentiellement au niveau des
convertisseurs de la clientèle industrielle : sidérurgie, électrochimie et traction électrique. Le problème se
pose, non seulement pour les installations régulées à thyristors, mais aussi pour celles à diodes. En plus de
l’électronique de puissance, il faut aussi citer les fours à arc à courant alternatif.
A côté de la charge des usines, le problème peut aussi être imputable à des équipements du réseau, lorsque ce
dernier comporte des compensateurs statiques d’énergie réactive, ainsi surtout qu’en présence de stations de
conversion à courant continu implantées dans certains pays.
Au niveau de la distribution MT et BT, le problème des harmoniques a également surgi avec le
développement des applications électroniques avec redresseur, notamment les téléviseurs, divers appareils
électrodomestiques à thyristors, ainsi qu’à une moindre échelle avec l'éclairage fluorescent.
Sur le plan de leur propagation, les déformations de la sinusoïde de tension sont souvent conditionnées par la
présence de batteries de condensateurs shunt ou de réseaux de câbles souterrains (phénomènes de résonance).
En termes de conséquences, il n’est pas rare que les harmoniques soient à l’origine de certains
dysfonctionnements, voire de défaillances diélectriques dans les installations électriques, notamment au
niveau des batteries de condensateurs. Ainsi donc, celles-ci se révèlent à la fois comme cause de résonances
et comme équipements vulnérables.
2.2 PREDETERMINATION DES HARMONIQUES
2.2.1 Courants harmoniques
Les harmoniques sont principalement provoqués par des charges non-linéaires (cette non-linéarité peut être
intrinsèque, comme dans le cas d'un arc ou d'un noyau magnétique saturé, ou résulter des commutations
répétées de composants d'électronique de puissance). Soumise à une tension sinusoïdale, une charge non-
linéaire absorbe un courant déformé dont les composantes harmoniques ne dépendent, en première
approximation, que de ses caractéristiques propres et non de celles du réseau. Cette charge se comporte dès
lors comme une source de courants harmoniques.
Les principales sources d'harmoniques sont les alimentations ou régulateurs électroniques de puissance
(redresseurs, variateurs de vitesse pour moteurs, téléviseurs, ordinateurs, gradateurs) ou les arcs électriques
(lampes à décharge, soudeuses, fours à arc). Les fours à arc et les cycloconvertisseurs sont en outre des
sources importantes d'interharmoniques. Quelques exemples sont donnés ci-dessous, principalement pour les
applications industrielles.
2.2.1.1 Redresseurs (ou convertisseurs avec redresseur d'entrée)
Nous considérerons d'abord le cas des convertisseurs industriels triphasés à charge inductive. On sait que les
convertisseurs se comportent comme des sources des courants harmoniques ; ces derniers sont refoulés dans
le réseau, où ils engendrent à leur tour des tensions harmoniques.3
3 En supposant qu’il n’existe aucune tension harmonique dans le réseau avant le raccordement de la charge déformante (non
linéaire) du client, la situation peut être schématisée comme sur le schéma ci-après.
1 / 90 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !