DEFORMATIONS DE LA SINUSOIDE DE TENSION

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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN
Faculté des Sciences Appliquées
QUALITE DE L'ELECTRICITE
(Cours ELEC 2595)
Troisième Partie
DEFORMATIONS DE LA SINUSOIDE DE TENSION
Alain ROBERT
2006
ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Ce syllabus est largement basé sur le cours de notre prédécesseur, le Professeur Michel Couvreur (ELEC
2595, édition 2000). Avec l'ambition de poursuivre sur la voie qu'il a tracée, nous nous efforçons d'en réaliser
une mise à jour permanente.
1 INTRODUCTION
Les déformations de la sinusoïde de tension se classent en deux catégories.
Les fréquences harmoniques constituent la première catégorie. Il s’agit, stricto sensu, des fréquences
multiples de la fondamentale.
Au départ, ce sont les spécialistes des machines électriques qui se sont surtout préoccupés de limiter les
harmoniques de denture des alternateurs et les harmoniques de flux dus à la saturation du fer dans les
transformateurs. Aujourd’hui, dans les réseaux, les problèmes les plus fréquents imputables aux
déformations harmoniques sont essentiellement provoqués par des charges présentant un caractère non
linéaire, entre autres avec l’avènement de l’électronique de puissance, mais restant périodique en régime en
présence de la f.é.m. fondamentale.
On a longtemps cru qu’il n’y avait lieu de se préoccuper que des déformations harmoniques, notamment
parce qu’on pensait que le tour de la question était fait avec la série de Fourrier. Les fréquences
″interharmoniques″, c'est-à-dire les fréquences non multiples de la fondamentale, sont apparues beaucoup
plus tard dans la problématiques des déformations de la sinusoïde.
On a commencé par utiliser intentionnellement quelques fréquences de ce genre pour la transmission de
signaux, parce qu’elles constituaient alors un terrain vierge. Toutefois, il a fallu prendre conscience de
l’existence, en présence de certaines charges industrielles modernes, de déformations significatives de la
sinusoïde dans le spectre interharmonique. Cela ne peut évidemment s’expliquer que par l’intervention
d'autres causes que les non-linéarités précitées.
Les harmoniques et les interharmoniques font l’objet de deux chapitres distincts.
Rappel théorique
Pour rappel, une fonction périodique quelconque est équivalente à la superposition d'une composante
continue et d'une série de sinusoïdes – le tout constituant une "série de Fourier" – comme suit :
∞
⎛ ω
⎞
f (t ) = c0 + ∑ ck sin ⎜ k 1 t + ϕ k ⎟
⎝ N
⎠
k=1
avec :
c k = b k + ja k = a 2k + b 2k
⎛a
ϕ k = arctan⎜⎜ k
⎝ bk
⎞
⎟⎟
⎠
et :
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Tw
bk =
⎛k
⎞
f ( t ) ⋅ sin ⎜⎜ ω1 t + ϕ k ⎟⎟dt
Tw 0
⎝N
⎠
ak =
⎛k
⎞
f ( t ) ⋅ cos⎜⎜ ω1 t + ϕ k ⎟⎟dt
Tw 0
⎝N
⎠
c0 =
2
2
2
∫
Tw
∫
Tw
∫ f (t ) dt
Tw 0
où :
ω1
Tw
ck
N
c0
k
est la pulsation de la fondamentale (ω1 = 2πf1)
est la durée de l'échantillon de fonction que l'on analyse1 ; quand il s'agit d'une tension ou d'un
courant, c.à.d d'une fonction dont la fréquence fondamentale est de 50 Hz, la durée de base est
la période ; on enregistre la fonction sur une "fenêtre" temporelle dont la largeur est de 20 ms ;
si la fenêtre est plus large, elle doit rester un multiple entier de la période : Tw = NT1
est l'amplitude de la composante de fréquence fk = (k/N)f1
est le nombre de périodes fondamentales T1 dans la fenêtre
est la composante continue
est le rang de la raie spectrale
Une tension (ou un courant) périodique 50 Hz de forme quelconque est donc équivalente à la superposition
d'une sinusoïde 50 Hz (la fondamentale) et d'une série de sinusoïdes à des fréquences multiples de 50 Hz (les
harmoniques).
Le plus souvent,
- la composante continue (c0) est nulle (sauf événements particuliers tels que la mise sous tension d'un
transformateur),
- les alternances positive et négative restent quasi symétriques et les composantes paires (k=2,4,6....) sont
très faibles,
- les composantes multiples de 3 (k=3,6,9...) sont essentiellement homopolaires, ce qui en limite fortement
l'amplitude, comme on le verra.
On exprime le plus souvent les niveaux d'harmoniques par la valeur relative de chaque composante,
rapportée à la valeur fondamentale, soit pour la tension : uh = Uh/U1 (on utilise l'indice "h" plutôt que "k" du
fait qu'il désigne plus spécifiquement les harmoniques). Dans l'usage courant, on écrit souvent Uh pour uh,
car il n'y a pas d'ambiguïté.
La distorsion totale THD (total harmonic distortion) est fréquemment utilisée pour caractériser l'ensemble de
la déformation harmonique par un seul nombre : THD =
40
∑ u 2h
.
h =2
Illustration
La Figure 1 donne un exemple simplifié où une sinusoïde de tension est déformée par un seul harmonique.2
1
En théorie, la fonction périodique f(t) est immuable. En pratique, elle ne reste pas immuable pour l'éternité, mais l'analyse de
Fourier se fonde sur l'hypothèse que l'échantillon enregistré se répète indéfiniment.
2
Par suite de phénomènes de résonance, il n'est pas rare qu'un seul harmonique soit largement prépondérant.
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Figure 1 : Distorsion provoquée par un seul harmonique (h=5)
La Figure 2 donne un exemple simplifié où une sinusoïde de tension est déformée par un seul
interharmonique.
Figure 2 : Distorsion provoquée par un seul interharmonique (h=3.5)
Principe de la mesure
Il y a une vingtaine d’années, l’usage d’appareils de mesure analogiques était encore le plus fréquent. Une
mesure fréquence par fréquence était effectuée avec un voltmètre sélectif, constitué par un filtre passe bande
à accord réglable associé à un voltmètre à valeur efficace.
Depuis lors, l’usage des analyseurs numériques de spectre s’est généralisé. Ceux-ci traitent un échantillon du
signal (“fenêtre” de une ou plusieurs périodes) et lui appliquent la transformation de Fourier (souvent
appelée FFT pour “Fast Fourier Transform”) donnant d’un coup tout le spectre des fréquences harmoniques
(et interharmoniques si la fenêtre comporte plusieurs périodes).
Il est important de bien comprendre que la transformation de Fourier s'applique à un signal rigoureusement
périodique. Si l'échantillon du signal ne comporte qu'une période (durée = 20 ms en 50 Hz), l'hypothèse
implicite est que toutes les périodes sont identiques. L'analyse donnera une fondamentale à 50 Hz et une
série d'harmoniques (fréquences multiples de 50 Hz). Cet échantillonnage n'est donc pas valable en présence
d'interharmoniques.
En présence d'interharmoniques, il est donc impératif de prendre un échantillon couvrant plusieurs périodes.
Si on en prend dix (fenêtre de 200 ms en 50 Hz), c'est cet ensemble de dix périodes qui est censé se
reproduire indéfiniment. En d'autres termes, la fréquence fondamentale de l'analyse devient 50/10 = 5 Hz. On
obtient alors tous les "harmoniques" de cette "fondamentale", c'est-à-dire tous les interharmoniques du 50 Hz
avec un intervalle de 5 Hz.
On trouvera plus de détails sur les méthodes de mesure en :
ANNEXE 1
MESURE ET EVALUATION.
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2 PROBLEME DES HARMONIQUES
2.1 NATURE DU PROBLEME
Au niveau des réseaux à HT, la source des harmoniques se manifeste essentiellement au niveau des
convertisseurs de la clientèle industrielle : sidérurgie, électrochimie et traction électrique. Le problème se
pose, non seulement pour les installations régulées à thyristors, mais aussi pour celles à diodes. En plus de
l’électronique de puissance, il faut aussi citer les fours à arc à courant alternatif.
A côté de la charge des usines, le problème peut aussi être imputable à des équipements du réseau, lorsque ce
dernier comporte des compensateurs statiques d’énergie réactive, ainsi surtout qu’en présence de stations de
conversion à courant continu implantées dans certains pays.
Au niveau de la distribution MT et BT, le problème des harmoniques a également surgi avec le
développement des applications électroniques avec redresseur, notamment les téléviseurs, divers appareils
électrodomestiques à thyristors, ainsi qu’à une moindre échelle avec l'éclairage fluorescent.
Sur le plan de leur propagation, les déformations de la sinusoïde de tension sont souvent conditionnées par la
présence de batteries de condensateurs shunt ou de réseaux de câbles souterrains (phénomènes de résonance).
En termes de conséquences, il n’est pas rare que les harmoniques soient à l’origine de certains
dysfonctionnements, voire de défaillances diélectriques dans les installations électriques, notamment au
niveau des batteries de condensateurs. Ainsi donc, celles-ci se révèlent à la fois comme cause de résonances
et comme équipements vulnérables.
2.2 PREDETERMINATION DES HARMONIQUES
2.2.1
Courants harmoniques
Les harmoniques sont principalement provoqués par des charges non-linéaires (cette non-linéarité peut être
intrinsèque, comme dans le cas d'un arc ou d'un noyau magnétique saturé, ou résulter des commutations
répétées de composants d'électronique de puissance). Soumise à une tension sinusoïdale, une charge nonlinéaire absorbe un courant déformé dont les composantes harmoniques ne dépendent, en première
approximation, que de ses caractéristiques propres et non de celles du réseau. Cette charge se comporte dès
lors comme une source de courants harmoniques.
Les principales sources d'harmoniques sont les alimentations ou régulateurs électroniques de puissance
(redresseurs, variateurs de vitesse pour moteurs, téléviseurs, ordinateurs, gradateurs) ou les arcs électriques
(lampes à décharge, soudeuses, fours à arc). Les fours à arc et les cycloconvertisseurs sont en outre des
sources importantes d'interharmoniques. Quelques exemples sont donnés ci-dessous, principalement pour les
applications industrielles.
2.2.1.1
Redresseurs (ou convertisseurs avec redresseur d'entrée)
Nous considérerons d'abord le cas des convertisseurs industriels triphasés à charge inductive. On sait que les
convertisseurs se comportent comme des sources des courants harmoniques ; ces derniers sont refoulés dans
le réseau, où ils engendrent à leur tour des tensions harmoniques.3
3
En supposant qu’il n’existe aucune tension harmonique dans le réseau avant le raccordement de la charge déformante (non
linéaire) du client, la situation peut être schématisée comme sur le schéma ci-après.
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Les courants harmoniques d'une source sont caractérisés par leur rang et par leur amplitude.
2.2.1.1.1
Rang
Le courant appelé en régime établi par un convertisseur tel que précisé présente une symétrie par rapport à
l'axe horizontal du temps. Il en résulte, par la décomposition en série de Fourrier, que le courant se compose
d’une sinusoïde fondamentale et d’harmoniques impairs.
Pour un convertisseur triphasé, les harmoniques d'ordre 3 et 3k forment des systèmes homopolaires. En effet,
les 3 courants fondamentaux sont déphasés de 120°, ou accusent de l’un à l’autre des retards de 6,7 ms en 50
Hz. Cela correspond, pour les courants harmoniques de rang 3, à une période complète de retard, soit des
déphasages de 3 x 120° = 360°. Cela étant, supposons que la connexion entre le convertisseur et le réseau
d'alimentation triphasé ne comporte pas de fil neutre. Des courants homopolaires ne peuvent pas circuler
dans un circuit sans fil neutre. Donc, le courant global ne peut pas comporter d'harmoniques 3k dans ce cas.
Tel est notamment le cas avec un convertisseur triphasé en pont, ainsi qu'avec l'absence de connexion du
neutre au primaire du transformateur de certains convertisseurs industriels4.
Après que les harmoniques 3k aient été éliminés, il subsiste les harmoniques 5, 7, 11, 13, ... Ceux-ci
définissent les harmoniques dits réguliers, ceux qu'on rencontrent d'habitude sur les réseaux.
Dans ces conditions, les rangs des harmoniques de courant engendrés par un convertisseur sont déterminés
par le couplage du transformateur et le nombre de commutations ressenties par période sur le réseau triphasé,
ce qui caractérise le comportement du système. Par exemple, un redresseur en pont triphasé subit 6
commutations par période, il a un comportement "hexaphasé (6-pulse)" et il génère tous les harmoniques
réguliers 5, 7, 11, 13, ... (exemple de redresseur hexaphasé à la Figure 3).
Un convertisseur plus sophistiqué qui engendre 12 commutations réparties régulièrement pour neutraliser les
harmoniques 5, 7, 17, 19, ... a un comportement pratiquement "dodécaphasé (12-pulse)" (exemple de
redresseur dodécaphasé à la Figure 12). Une justification en est donnée sous 2.2.1.1.3 plus loin pour un type
pratique de réalisation.
En général, en désignant par p le nombre de commutations ou "indice de pulsation (pulse number)" par
période, les harmoniques présents sont ceux d’ordre kp ± l, où k vaut successivement 1, 2, ...
2.2.1.1.2
Amplitude
Lissage inductif du courant continu
L'amplitude du courant harmonique d'ordre h, soit Ih, se détermine par étapes successives.
Ih
Zh
Uh
Bien qu’elle soit alimentée par une tension purement sinusoïdale au départ, cette charge absorbe un courant déformé (fondamentale
+ harmoniques) et est responsable de la circulation de courants harmoniques dans le réseau. Elle se comporte donc comme une
source de courants harmoniques. En vertu de la loi d’Ohm, des tensions harmoniques apparaissent alors aux bornes de la charge,
pour chaque rang h d’harmonique : Uh = Zh⋅Ih.
4
Remarque: Dans un transformateur avec enroulement en triangle, l'harmonique 3 peut donner lieu à un courant de circulation dans
le triangle, sans entraîner de courant dans les fils de ligne. C'est ainsi que, comme on le verra dans la 4ème partie, l'existence
fréquente d'un enroulement triangle (éventuellement un tertiaire) dans les gros transformateurs HT présente l'avantage d'absorber les
harmoniques multiples de 3 d'origines diverses (saturation du fer, charges déformantes), à condition que ces harmoniques existent sur
les 3 phases de façon symétrique. Avec une charge ferroviaire monophasée, un harmonique 3 non-homopolaire peut cependant se
retrouver en amont d'un transformateur.
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En partant du diagramme de courant de phase en créneau correspondant au cas théorique où la commutation
des phases serait instantanée (voir Figure 3), et en désignant par I1 la composante fondamentale de courant,
le développement en série de Fourrier donne :
Ih =
I1
⎯⎯
h
(1)
Figure 3 : Redresseur hexaphasé (pont de Graetz)
Allure des tensions et courants avec différentes hypothèses
En réalité, il y a lieu de tenir compte d'un certain effet atténuateur, dans lequel deux phénomènes
contradictoires interviennent:
-
-
lorsque la commutation entre phases successives s'effectue de façon non contrôlée, notamment dans
un redresseur à diodes, l'inductance du circuit impliqué dans la commutation, constituée
principalement par celle du transformateur du redresseur, a pour effet de donner un caractère
progressif à la commutation ; cela rend progressive la commutation du courant d’une phase à l’autre,
ce qui lisse l’onde de courant et réduit l'amplitude des harmoniques correspondants ;
dans un redresseur à allumage contrôlé, la commutation est provoquée à un moment où la tension
entre les phases concernées est majorée; par suite, l'adoucissement susdit de la commutation s'en
trouve diminué, les harmoniques reprennent des niveaux plus importants que dans le cas précédent et
ce, d'autant plus que la réduction exercée sur la tension continue en augmentant l'angle de retard est
profonde.
En désignant par mh le coefficient réducteur relatif au rang considéré, on peut écrire :
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I1
Ih = mh ⎯
h
(2)
Pour les applications pratiques, les coefficients réducteurs relatifs aux différents harmoniques peuvent être
relevés aisément sur des diagrammes établis à cet effet, en fonction de la réactance du circuit et de l'angle
d'allumage à prendre en considération. Les abaques des Figure 4 et Figure 5 sont extraits de la Norme
Française correspondante et donnent les courbes relatives aux harmoniques 5, 7, 11 et 13 en pour-cent. La
variable dxl en abscisse est définie par la réactance de chacune des deux phases entre lesquelles une
commutation s'opère (soit la moitié de la réactance du circuit parcouru par le courant de commutation) et elle
est exprimée en pour-cent dans la base de la puissance nominale triphasée du transformateur du redresseur.
On peut comprendre que, si la Ucc du transformateur est égale à 8%, la contribution de l’appareil au dx1
vaut 4%, à quoi s’ajoute une petite majoration imputable au reste du circuit.
Figure 4
Figure 5
Notons qu'une imprécision dans les angles d'allumage de convertisseurs contrôlés peut parfois introduire des
courants harmoniques de rang pair.
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Lissage capacitif de la tension continue
Ce qui précède est lié à la simplicité de la décomposition de Fourrier dans le cas d'un courant redressé lissé
par un circuit inductif, ce qui est notamment d'application pour les alimentations industrielles de moteurs à
courant continu. Par contre, lorsqu'on a affaire à un circuit avec condensateur de filtrage comme dans les
variateurs de vitesse pour moteur à courant alternatif, la brève accumulation d'énergie dans le condensateur
conduit à une conduction de brève durée dans le redresseur au moment des maximums des f.é.m. Les
coefficients mh deviennent alors des coefficients de majoration et leur valeur peut atteindre 2, voire 3 ou 4
pour les premiers harmoniques réguliers.
La Figure 7 montre la forme du courant absorbé par un grand nombre de charges BT : lampes fluorescentes
avec ballast électronique, téléviseurs, ordinateurs… Le point commun est l'usage d'un redresseur, avec
condensateur de lissage de la tension continue (Figure 6) : à chaque alternance, on enregistre une pointe de
courant lorsque le module de la tension du réseau devient supérieur à la tension résiduelle du condensateur.
+
-
Figure 6
Figure 7
La Figure 8 montre la forme du courant, ainsi que le spectre associé, pour un variateur de vitesse classique de
moteur asynchrone triphasé utilisé dans l'industrie (le circuit intermédiaire à tension continue alimente un
onduleur de type "PWM" – pulse width modulation). Il s'agit de la variante triphasée du courant de la Figure
7 (notons qu'il s'agit d'un cas de tension à 60 Hz : la fréquence de l'harmonique 5, par exemple, est donc de
300 au lieu de 250 Hz).
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Figure 8
On constate ainsi que le lissage capacitif (de la tension continue) donne lieu à des courants harmoniques
beaucoup plus importants que le lissage inductif (du courant continu).
2.2.1.1.3
Effets cumulatifs ou compensateurs
Lorsque plusieurs convertisseurs similaires fonctionnent en parallèle, il faut s’attendre a priori à ce que les
courants harmoniques qu'ils engendrent tendent normalement à s'additionner.
Il peut en aller tout autrement si l’on met en oeuvre des différences intentionnelles de couplage entre les
unités respectives, ce qui constitue un point important pour l’ingénierie.
Figure 9
La Figure 9 illustre le cas où le primaire du transformateur d'un premier pont redresseur non contrôlé est
couplé en étoile, le deuxième en triangle et les enroulements secondaires de même type, par exemple en
triangle. Il en résulte que, par rapport au redresseur 2, les tensions secondaires fondamentales de ligne au
redresseur 1 sont déphasées de - 30° et qu’il en va de même pour les courants correspondants, soit avec un
retard de 30 360èmes de période de 20ms, soit 1,7 ms.
Un raisonnement courant consiste à dire que ce délai est le même pour le courant d’harmonique 5
accompagnant le courant fondamental. Mais à un délai de 1,7 ms pour un courant à 250 Hz ayant une
périodicité de 4 ms, il correspond vectoriellement un déphasage de 5 x 30°, soit 150°. De même, pour
l'harmonique 7, on trouve 7 x 30° ou 210°. C’est dire qu’il y a pratiquement opposition de phase pour ces
harmoniques. Donc, ils disparaissent pratiquement du courant de ligne au primaire. Il en va de même pour les
harmoniques 17 et 19. Il en résulte un comportement quasi dodécaphasé de la charge.
Ce raisonnement n'est cependant pas correct. Regardons de plus près l'allure des courants alimentant deux
redresseurs hexaphasés raccordés aux secondaires de transformateurs respectivement étoile-étoile et étoiletriangle (Figure 10).
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Figure 10
Si l'on calcule les composantes d'harmonique 5 dans les deux cas (ce qui est un peu fastidieux), on s'aperçoit
qu'elles sont en opposition de phase. Il ne subsiste donc pas d'harmonique 5 dans le courant total.
Intuitivement, on peut comprendre que la passage par zéro des différentes composantes harmoniques ne
coïncide pas avec le passage par zéro de la fondamentale. De façon imagée, on peut dire que les phases des
différentes composantes prennent exactement la valeur qu'il faut pour que la forme du courant soit ce qu'elle
est (des rectangles avec le premier redresseur, des escaliers avec le second).
Il y a cependant lieu de noter qu'en pratique, par suite de certains déséquilibres de circuits, on retrouve par
exemple un résidu d’harmoniques 5 et 7 avec un redresseur dodécaphasé, mais de façon très atténuée (une
réduction d'un facteur 5 est généralement prise en compte).
Un cas de figure intermédiaire est celui où les deux transformateurs alimentent des entraînements industriels
voisins mais différents. Il apparaît des différences aléatoires de charge et d'angles de commutation des
convertisseurs contrôlés, sous l'effet des conditions d'exploitation différentes. Le caractère vectoriel de la
combinaison des courants 5, 7, ... cesse alors de procurer pleinement la compensation du cas précédent, mais
l’effet atténuateur n’en est pas à négliger.
A titre d'illustration, les Figure 11 et Figure 12 montrent des arrangements possibles respectivement pour
deux ponts hexaphasés en parallèle (cas de la Figure 10) et pour un pont dodécaphasé.
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Figure 11
Figure 12
2.2.1.1.4
Allure dans le temps
L'allure des courants harmoniques en fonction du temps dépend du type et du mode d'exploitation des
convertisseurs. Elle est pratiquement constante si l'on a affaire à des redresseurs non contrôlés débitant sur
une charge industrielle en régime (usine d'électrolyse).
Elle peut accuser des variations d'une certaine amplitude lorsque des redresseurs non contrôlés alimentent
une charge variable (traction ferroviaire à courant continu).
Elle peut présenter une allure extrêmement fluctuante, voire abrupte, en particulier lorsque des convertisseurs
contrôlés assurent l'alimentation de charges industrielles cycliques (laminoirs, en particulier ceux du type
réversible).
2.2.1.2
Réglage de phase (gradateurs)
Le principe le plus fréquemment utilisé est le décalage de l'angle d'amorçage des thyristors, voir Figure 13. Il
peut s'appliquer aux soudeuses, aux fours et - en vue d'économies d'énergie - aux moteurs à induction. Pour
le cas d'un équipement triphasé à 6 thyristors, la Figure 14 donne des courbes typiques de l'évolution des
courants harmoniques en fonction de l'angle d'amorçage α des thyristors. On constate que seuls les rangs
h=k6±1 sont présents (k=1,2,3...) et que l'amplitude maximale des courants harmoniques est d'environ Imax/h
(Imax = le courant 50 Hz maximal, correspondant à un angle nul d'amorçage).
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Figure 13 : Principe du réglage de phase
(α = angle d’amorçage des thyristors)
Figure 14 : Cas d'un four triphasé à résistances avec réglage de phase :
évolution de l'amplitude des courants harmoniques en fonction de l'angle d'amorçage α.
2.2.1.3
Trains d'alternances
Le réglage par trains d'alternances peut remplacer le réglage de phase pour les fours ou les soudeuses.
Lorsque le cycle est court, des composantes basse fréquence (harmoniques et interharmoniques) apparaissent
dans le courant, voir un exemple typique à la Figure 15. Les systèmes triphasés peuvent également engendrer
des composantes continues.
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Figure 15 : Spectre des courants harmoniques engendrés par
le réglage à trains d'alternances avec γ = 6/8 (où γ = rapport entre
nombre d’alternances de conduction et nombre total d’alternances du cycle)
2.2.1.4
Fours à arc
En raison du caractère non-linéaire de l'arc et de son comportement fluctuant, cet équipement provoque des
courants avec composantes harmoniques et interharmoniques. La Figure 16 donne un exemple de spectre.
Figure 16 : Exemple de spectre de courant d'un four à arc :
- raies individuelles pour les harmoniques
- courbe enveloppe pour les interharmoniques
2.2.2
Tensions et courants harmoniques, cas de la résonance parallèle
En 2.2.1, on s'est soucié des courants harmoniques parce que le principales installations non linéaires (ou
"déformantes") peuvent être, en première approximation, assimilées à des sources de courants harmoniques.
Cependant, on sait que le réseau possède une impédance non nulle, variable avec la fréquence ("impédance
harmonique"), et que les courants injectés donnent inévitablement naissance à des tensions harmoniques. La
dégradation de la qualité de la tension qui en résulte se trouve aggravée en cas de résonance.
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Il convient d'envisager successivement trois cas de figure, comme suit :
- soit que le réseau alimentant les redresseurs soit par ailleurs à vide et soit uniquement constitué
d’éléments inductifs ;
- soit que le réseau à vide comporte des capacités shunt à proximité (principalement des batteries de
condensateurs, ou éventuellement des réseaux de câbles souterrains étendus) ;
- soit que le réseau soit en outre chargé.
2.2.2.1
Réseau à vide constitué d'éléments inductifs
Dans ce cas, le réseau vu de l'installation de redresseurs peut, à la fréquence fondamentale, être assimilé à
une impédance R+jX (la f.é.m. de Thévenin est nulle si on suppose qu'aucune f.é.m. n’existe dans le réseau
source pour les fréquences harmoniques).
On désigne par ″impédance harmonique″, l'impédance relative à toute fréquence harmonique. Pour un
harmonique d'ordre h, elle est donnée par R + jhX. De plus, comme X est habituellement au moins du même
ordre de grandeur que R, on peut, en première analyse, faire abstraction de R vis-à-vis de hX.
A partir des courants harmoniques injectés dans le réseau et de l'impédance harmonique de ce dernier pour
les rangs correspondants, le calcul des harmoniques de tension résulte de l'application de la loi d'Ohm, soit en
tension étoilée comme suit :
Vh = h X Ih
(3)
Soit ensuite en termes industriels de tension de ligne par :
_
Uh = √3 h X Ih
(4)
Les tensions harmoniques peuvent en outre être exprimées en valeur réduite uh, en divisant les deux
membres par la tension fondamentale :
_
Uh
√3 h X Ih
uh = ⎯⎯ = ⎯⎯⎯⎯⎯
(5)
U
U
Cette relation peut encore être modifiée en utilisant la formule (2) et en multipliant le numérateur et le
dénominateur du second membre par U, ce qui donne :
_
√3 U X mh I1
uh = ⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯
(6)
U²
Or, en première approximation :
Scc =
U²
⎯⎯
X
(7)
D’autre part, définissons par S la puissance apparente appelée par le convertisseur à la fréquence
fondamentale et ce, au régime d’utilisation.
On a donc :
_
S = √3 U I1
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D’où :
S
uh = mh ⎯⎯
Scc
(9)
Pour caractériser de façon synthétique l'importance globale des harmoniques dans les cas pratiques, il est
avantageux de considérer le taux de la ″distorsion de tension″ en valeur efficace, en abrégé la THD (Total
Harmonic Distorsion).
Cette grandeur est donnée en per unit (ou en %) par rapport à la tension fondamentale U et ce, en appliquant
la formule suivante :
______
d = √ Σ uh²
pour h ≠ 1
(10)
h
2.2.2.2
Réseau à vide comportant des capacités
Le cas le plus typique à envisager se présente lorsqu'une batterie de condensateurs est installée sur le même
jeu de barres que les convertisseurs. Il en va exactement de même en présence d’un réseau de câbles
souterrains en raison de leur capacité linéique importante, voire de longues lignes aériennes à THT.
Comme le montre la Figure 17, la source des courants harmoniques se trouve alors branchée sur un circuit
équivalent comportant en parallèle l'impédance inductive du réseau extérieur, soit X en module à la
fréquence fondamentale, et la réactance capacitive de la batterie, soit Xc en module à la fréquence
fondamentale.
Figure 17
2.2.2.2.1
Première étape de l’analyse en négligeant la résistance du circuit
Si l'on néglige en première analyse la résistance du réseau, le module de l'impédance globale pour un rang h
quelconque est donné par l'expression :
Zgh =
X Xc
⎯⎯⎯⎯⎯
hX - Xc/h
(11)
Comme le montre graphiquement la Figure 18, il s'agit d'un circuit résonnant parallèle qui est caractérisé par
une fréquence propre correspondant au rang hr, entier ou pas, donné par :
______
hr = √ Xc / X
(12)
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Figure 18
La formule précédente peut recevoir une forme beaucoup plus pratique pour les calculs quantitatifs. En effet,
X peut être exprimé en fonction de Scc, l'apport de puissance de court-circuit du réseau au noeud étudié, dont
on sait qu’elle peut être assimilée en première approximation à sa composante inductive largement
dominante :
U²
X = ⎯⎯
Scc
(13)
De même, Xc peut être exprimé en fonction de la puissance réactive produite par la capacité à la tension de
service :
U²
Xc = ⎯⎯
Qc
on peut donc écrire simplement :
________
hr = √ Scc / Qc
(14)
(15)
Si un courant harmonique engendré par le convertisseur est de rang proche de la fréquence propre hr du
circuit, il va exciter une résonance. Comme l’impédance harmonique y est très élevée, une tension
harmonique de grande amplitude va apparaître aux bornes du circuit, qui serait infinie si l'accord était parfait
et si l'amortissement du circuit était nul. En même temps, il s'établit dans les branches en parallèle des
courants en opposition de phase, soit un courant de circulation dans la boucle, et ce avec une amplitude
beaucoup plus importante que le courant injecté par le convertisseur pour la fréquence d’accord, car chaque
branche soumise à une tension élevée a une impédance individuelle modérée.
2.2.2.2.2
Deuxième étape de l’analyse en tenant compte de la résistance du circuit
Pour être complet, il s’agit de tenir compte, en deuxième analyse, de la résistance du réseau amont. Il faut
toutefois reconnaître que, en pratique, le rôle joué par cette résistance est généralement négligeable en regard
du rôle joué par la résistance des charges (voir 2.2.2.3).
Pour simplifier, négligeons d’abord le fait que la résistance des lignes varie comme la racine carrée de la
fréquence à cause de l'effet pelliculaire, ce qui nous permet de considérer provisoirement que la résistance du
réseau est constante.
On peut écrire que l'impédance du réseau vu du redresseur est donnée à la fréquence fondamentale par
l’expression complexe :
_
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Z = jX+R
(16)
A une fréquence harmonique, elle vaut :
_
Zh = j h X + R
(17)
L'impédance globale devient donc :
_
Zgh =
(j hX + R) (-j Xc/h)
⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯
j hX + R - j Xc/h
(18)
Introduisons à présent la valeur de h qui minimalise le dénominateur, c’est à dire celle trouvée par le calcul
effectué en premier stade. Cela donne le résultat pratique suivant :
_
Zghr =
Xc ( X - j R/hr)
⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯
R
(19)
Dans les réseaux à THT et à HT, R est généralement petit vis-à-vis de X. A fortiori, il en va de même pour j
R/hr.
Par suite, la deuxième terme du numérateur est négligeable vis-à-vis du premier, ce qui, directement en
module, permet d'écrire :
Zghr =
X Xc
⎯⎯⎯
R
(20)
En comparaison avec la première étape de l’analyse où R était négligé, la formule ainsi obtenue met en
évidence le plafonnement du maximum de Zgh à la faveur de l'amortissement du circuit (écrêtement du pic
de la Figure 18).
On peut encore introduire facilement, à ce stade-ci de l’analyse, un fait supplémentaire. On sait qu’avec
notamment l’effet pelliculaire des conducteurs de grosse section, la résistance en courant alternatif croît par
rapport à la résistance Ro en courant continu et que cette croissance est pratiquement proportionnelle à la
racine carrée de la fréquence.
__
Cela étant, ayant calculé par (15) la valeur de hr, on peut calculer Rhr par Ro√hr et affiner (20) en :
Zghr =
2.2.2.3
X Xc
⎯⎯⎯
Rhr
(21)
Prise en compte de la charge du réseau
En troisième stade, il y a également lieu de tenir compte de la présence fréquente de charges supplémentaires
en parallèle avec le convertisseur et les condensateurs, comme à la Figure 19. Cela constitue une cause
supplémentaire de modification des impédances et ce, sur deux plans :
- dans le sens du plafonnement de la pointe de résonance ;
- dans le sens d’un infime glissement de la fréquence de résonance.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
R
Xp
Xs
Figure 19
La prise en compte quantitative des charges raccordées en parallèle constitue un problème délicat sur le plan
de la modélisation.
Si l'on se trouvait en présence d'une charge purement résistive, on pourrait la modéliser par une résistance
pure. Toutefois, cette éventualité est généralement théorique pour un réseau autre qu'à basse tension,
notamment parce que les charges sont alimentées par l'intermédiaire de transformateurs. Or, une réactance
en série affaiblit considérablement l'effet d’écrêtement procuré par une résistance, d’autant plus que la
fréquence à considérer croît.
Le modèle inclus à la Figure 19 a été élaboré par le CIGRE. On n’en retiendra que la logique des formules,
dont les coefficients numériques ne sont données qu’à titre indicatif.
A partir de la puissance active appelée à la fréquence fondamentale, P, on déduit la résistance :
U²
R = ⎯⎯
P
(22)
La réactance de la branche shunt correspond aux courants magnétisants et assimilés. Sa valeur est, à la
fréquence fondamentale, d’autant plus petite que le cos ϕ est faible, ou que la tan ϕ est grande. Cela aide à
admettre de façon plausible une formule telle que ci-dessous :
Xp =
hR
⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯
6,7 tanϕ - 0,74
(23)
Enfin, il est normal qu’une réactance soit interposée entre le noeud du réseau et la résistance équivalente de
la charge, que sa valeur soit proportionnée à celle de la résistance et que, rapportée à la puissance, elle soit de
l’ordre de grandeur de la tension de court-circuit d’un transformateur intermédiaire. D’où la vraisemblance
de la formule ci-après :
Xs =
0,073 h R
(24)
2.2.3
Tensions et courants harmoniques, cas de la résonance série
Un autre cas à considérer est celui où, sous l'effet de charges non-linéaires diverses, la tension du réseau
général accuse une certaine déformation harmonique. Certains harmoniques de la tension peuvent subir une
amplification locale sous l'effet de condensateurs, comme indiqué à la Figure 20.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Figure 20 : Exemple de cas de résonance série
- à gauche: réseau local où des charges non-linéaires sont présentes
- à droite: réseau local où l'amplification se produit
- Uh est la tension harmonique de rang h au point de couplage commun.
A cette situation correspond le schéma équivalent simplifié de la
Figure 21, lequel permet de situer le
problème en première approximation, en supposant que le circuit local à étudier est trop peu puissant pour
pouvoir exercer une interaction sur le point de couplage commun.
Figure 21 : Schéma équivalent simplifié du réseau de la Figure 20
- Xi est la réactance inductive située entre le point de couplage commun et le condensateur,
- Xc est la réactance capacitive du condensateur
Ce schéma montre que, notamment en l'absence d'une charge en service au secondaire du transformateur du
circuit local, ce dernier se prête à l'excitation d'une résonance série, comme illustré par le diagramme de la
Figure 22.
Figure 22
Il y correspondrait donc une impédance tendant vers zéro à la résonance, s'il n'y avait la résistance associée à
l'impédance propre du réseau.
En désignant par Xi l'impédance intermédiaire du réseau depuis le point de couplage commun avec la source
des harmoniques et par Xc celle de la batterie de condensateurs, on trouve aisément qu'un tel circuit est
accordé sur un rang harmonique donné par :
_____
hr =
√ Xc/Xi
(25)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
En désignant par Scci la résultante en série des puissances de court-circuit des éléments constitutifs de la
liaison intermédiaire, on trouve une formule plus pratique :
_______
hr = √ Scci/Qc
(26)
Dans certains cas, on peut devoir évaluer les possibilités d'excitation d'une telle résonance secondaire dans
des circuits complexes tels que celui de la Figure 23.
Figure 23
2.2.4
2.2.4.1
Considérations complémentaires sur l’impédance harmonique du réseau
Généralités
Par les divers calculs effectués plus haut, on perçoit que la grandeur Zgh présente une importance centrale
dans les problèmes d’harmoniques. De fait, tous les calculs pratiques doivent passer par la détermination de
l’impédance harmonique du réseau.
Dans le cas de circuits maillés, on est amené à recourir à des logiciels de calcul de propagation
d'harmoniques dans le réseau. Le premier programme belge du genre a été élaboré à l’UCL au cours d’un
travail de fin d’études. Il a ensuite été mis à la disposition de Laborelec qui l’a rénové et rendu convivial
(logiciel HIP).
2.2.4.2
Evaluation particulière : la capacité totale d’un réseau de distribution
Lorsqu’on modélise un réseau de distribution à moyenne tension, un élément très important est la capacité
totale résultant de la présence de condensateurs de compensation d’énergie réactive et de câbles souterrains.
Comme un jeu de données complet est généralement difficile à obtenir, une méthode simple de mesure peut
être recommandée, pour évaluer la susceptance capacitive globale du réseau à la fréquence fondamentale.
La mesure de la tension et du courant fondamental, au secondaire du transformateur HT/MT d’un poste,
donne l’admittance globale Y1 = g1 + j.b1 du réseau de distribution aval. En répétant plusieurs fois cette
mesure, il est possible d’étudier la corrélation entre la conductance g1 et la susceptance b1. Par exemple, la
Figure 24 montre les résultats obtenus à l’aide de mesures durant 4 jours consécutifs dans un poste 6,6 kV.
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Figure 24 : Exemple de corrélation entre g1 et b1 d’un réseau de distribution à 6,6 kV.
De telles mesures effectuées dans des zones rurales, résidentielles, tertiaires et industrielles, ont toujours
révélé une relation linéaire qui peut s’exprimer par
b1 = α1 - β1.g1
(3.4.h)
où α1 fournit l’estimation de la susceptance capacitive du réseau. Par exemple, dans le cas de la Figure 24, α1
= 0,0246 Ω-1 et β1 = 0,08484. La puissance réactive évaluée, provenant des batteries de condensateurs et des
câbles de puissance, est ensuite donnée par α1 ⋅ U1² = 0,0246 ⋅ 6,6² = 1,072 Mvar.
N.B. Il faut effectuer une telle évaluation avec prudence. Il est nécessaire de disposer d’une information
complète sur les filtres éventuels ; leur puissance réactive à la fréquence fondamentale doit être retranchée de
la puissance estimée ci-dessus (il faut évidemment les modéliser séparément). Si les batteries de
condensateurs sont déconnectées pendant les périodes de faible charge, de telles périodes doivent être
identifiées (par exemple à partir de la courbe de corrélation).
2.2.5
Coefficient d’amplification
En se référant à la Figure 18, on peut définir, en module, un coefficient d'amplification caractérisant la
modification apportée à l'impédance harmonique par l’adjonction de la capacité. Soit donc :
Ah =
Zgh
⎯⎯
hX
(27)
Il en résulte que, partant de (9), l'expression des tensions harmoniques en valeur réduite peut être transformée
sous la forme ci-après :
S
uh = mh Ah ⎯⎯
Scc
(28)
La notion de coefficient d’amplification est très révélatrice et s’analyse comme suit en se référant toujours à
la Figure 18 :
- la présence d’une capacité entraîne toujours, pour les fréquences inférieures se rapprochant de la
résonance, un coefficient Ah supérieur à l'unité, c'est-à-dire une majoration des tensions harmoniques des
raies spectrales présentes dans les courants ;
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
- juste au delà de la fréquence d’accord, il en va exactement de même dans une certaine plage de
fréquence ;
- toutefois, pour les fréquences encore plus élevées, on obtient au contraire un effet atténuateur.
Compte tenu de l’effet de la charge du réseau, on trouve habituellement pour le coefficient d'amplification
Ah des valeurs de l'ordre de 3 à 5 à la résonance. Ces valeurs sont d'autant plus élevées que les charges en
dérivation sont faibles, ce qui est d’une importance pratique considérable pour les régimes de nuit ou de
dimanche.
Un autre aspect important est de constater que, pour la problématique des harmoniques, la présence de
capacités conduit à se méfier d’une caractérisation d’un réseau par la seule puissance de court-circuit. Il est
des cas où cela peut conduire à des malentendus.
2.2.6
Influence du rang des harmoniques sur le risque de résonance aiguë.
Il est inévitable qu'il existe des fréquences de résonance et qu'elles puissent parfois se situer dans le spectre
des harmoniques engendrés par les redresseurs. Heureusement, à mesure qu'elles correspondent à des rangs
plus élevés, le phénomène perd de sa gravité, parce que l'amplitude des courants harmoniques à la source
diminue et que le coefficient d'amplification décroît.
En pratique, certains auteurs estiment que, pour une batterie connectée à un jeu de barres commun avec une
installation de redresseurs, le danger de résonance aiguë pour un harmonique présent devient rare si l'ordre
correspondant est supérieur à 14 ou 15. Cela ne signifie pas que l'absence de difficulté avec les rangs plus
élevés soit garantie, mais bien que les risques sont alors réduits et qu'ils pourraient être maîtrisés plus
facilement s'ils venaient à se concrétiser.
En fait, bien qu’on ait déjà relevé des pointes inattendues d’harmoniques jusque dans les rangs au delà de 60,
les cas usuels de résonance harmonique vraiment aiguë se rapportent aux rangs 5, 7, 11 et 13.
2.2.7
Sommation des harmoniques (foisonnement)
L'expérience permet d’adopter une loi de sommation assez générale. La tension harmonique résultante de
rang h est donnée par 5 :
Uh =
α
∑ ι U hiα
où :
Uh = amplitude de la tension harmonique résultante (de rang h), pour les sources considérées (valeur
probabiliste),
Uhi = amplitude des divers niveaux d'émission individuels (de rang h) à sommer;
α = exposant dépendant principalement de deux facteurs :
- la probabilité choisie pour que la valeur effective totale n’excède pas la valeur calculée ;
- le degré de variation aléatoire, en amplitude et en phase, des tensions harmoniques individuelles.
On tient compte des faits suivants:
• La coordination des émissions d’harmoniques fait principalement référence à des valeurs de nondépassement probables à 95%;
5
D'un point de vue théorique, on peut établir la probabilité P de non dépassement de l'amplitude
A = ∑ A i2 :
- P = 63 % pour des vecteurs d'amplitude fixe Ai et de phase aléatoire,
- P = 95 % pour des vecteurs d'amplitude aléatoire inférieure à Ai et de phase aléatoire.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
•
•
•
Les sources que l'on doit combiner correspondent à celles des charges principales sur les réseaux MT et
HT, au transfert des perturbations d'un niveau de tension du réseau à l’autre et à l'émission globale due à
la multiplicité des équipements BT de grande diffusion;
Les harmoniques impairs de rang faible ont :
des amplitudes significatives en pratiquement tous les points des réseaux, demeurant généralement
stables pendant de longues périodes ;
une plage de variation des phases relativement étroite (variations limitées à la source et variations
limitées au cours de la propagation sur le réseau, s'il n'existe pas de résonance à basse fréquence).
Les harmoniques de rang élevés varient largement en amplitude et en phase.
On peut adopter les valeurs du Tableau 1, sur la base des informations actuellement disponibles.
Tableau 1 : Exposants de sommation pour les harmoniques
α
1
1,4
2
Rang harmonique
h<5
5 < h < 10
h > 10
NOTE - Lorsque l'on sait que les harmoniques sont vraisemblablement en phase (déphasés en fait de moins
de 90°), il est souhaitable d’utiliser un exposant a = 1 pour les rangs considérés.
2.3 IMPORTANCE ADMISSIBLE DES TENSIONS HARMONIQUES
Sur un réseau, bien que la source des phénomènes se situe en termes de courant, ce n’est qu’en termes de
tension qu’on peut traiter le problème de la compatibilité avec des tiers.
Plusieurs types d’équipements sujets à des limitations vont devoir être passés en revues. Parmi eux, il a déjà
été annoncé que les condensateurs industriels, utilisés largement pour l’amélioration du facteur de puissance,
constituent une source très spéciale de vulnérabilité.
2.3.1
Pertes dans les condensateurs
2.3.1.1
2.3.1.1.1
Pertes diélectriques
Principes
Les pertes d'énergie dans les condensateurs (ordre de grandeur : entre 0,1 et 1 W/kvar, soit entre 0,01 et
0,1 %) sont constituées en grande partie de pertes diélectriques. Dans un condensateur monophasé, le courant
purement capacitif Ic s'accompagne d'une composante réelle Ip représentant les pertes du diélectrique.
Partant de Ip = I sin δ et Ic = I cos δ, il vient Ip/Ic = p/Q = tg δ, ou
p = Q tg δ
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
(29)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Elles sont donc proportionnelles à la puissance réactive, vu que tg δ est pratiquement indépendant de la
tension. Selon les normes traditionnelles6, un condensateur industriel doit permettre, au point de vue
thermique, une surcharge telle qu'il puisse produire 135 % de sa puissance nominale, donc dissiper 135 % de
ses pertes diélectriques au régime nominal.
Une majoration de Q peut être due à deux causes :
- une tension fondamentale supérieure à la valeur nominale (justification originelle de la nécessité d’une
tolérance);
- une ou plusieurs tensions harmoniques se superposant à la fondamentale.
Ces deux causes peuvent intervenir simultanément. Dans le cadre actuel, il s’agit de s'assurer que la marge de
tolérance de 35 % ne soit jamais dépassée de façon imputable aux harmoniques.
Si la puissance réactive du condensateur présente une composante Qh par suite de la présence d'harmoniques,
les pertes qui s'y produisent accusent aussi un supplément. Or, la valeur de tg δ est indépendante de la
fréquence dans la gamme des harmoniques usuels. Dès lors, les pertes dues aux harmoniques sont
proportionnelles à Qh et ce, à la même échelle que les pertes à la fondamentale.
Par ce biais, le taux d'harmoniques tolérable pourra être calculé. Il sera d'autant plus faible que la tension
fondamentale sera majorée par rapport à sa valeur nominale.
Par ailleurs, on sait que, alors que les valeurs efficaces de courants et tensions de fréquences différentes
s'additionnent de façon quadratique, les puissances correspondant aux diverses fréquences s'additionnent
linéairement (par exemple, les échauffements s’ajoutent arithmétiquement). Cette propriété vaut aussi bien
pour les puissances réactives que pour les puissances actives.
2.3.1.1.2
Evaluation
Déterminons tout d'abord l'importance admissible d'un harmonique unique en présence de la tension
fondamentale.
Désignons par des lettres minuscules les valeurs réduites des diverses grandeurs, en les rapportant aux
valeurs nominales correspondantes7 : u = U/Un , i = I/In.
En désignant par h le rang d'un harmonique supposé présent dans la tension appliquée aux bornes du
condensateur, on peut écrire :
i1 = u 1
(30)
ih = h.uh
(31)
q = q1 + qh = u1.i1 + uh.ih = u1² + h.uh²
(32)
La marge autorisée de pertes additionnelles conduit à la relation:
u1² + h.uh² = 1,35
(33)
Celle-ci permet de déterminer, pour chaque valeur de u1 et pour tout rang h, le taux maximal admissible pour
uh et ensuite pour ih, comme indiqué ci-après :
6
7
Les normes précisent généralement trois limites d'utilisation des condensateurs : U<1,1Un ; I<1,3In ; Q<1,35Qn.
Ceci revient à utiliser le système "per unit", avec la puissance nominale du condensateur comme puissance de base.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
h. uh² = 1,35 - u1²
(34)
(d'où u h ≤
u h = 1,35 − u1 ² / h
1
1,35 − u12 )
h
(35)
__ ________
ih = h.uh = √ h . √ 1,35 - u1²
(36)
Dans le cas où u1 est égal à la tension nominale, on trouve:
________
√ 1,35 - u1² = 0,6
Ce qui donne par exemple:
- pour h = 5, uh = 0,27 et ih = 1,34 ;
- pour h = 11, uh = 0,17 et ih = 2,Il apparaît ainsi que le courant harmonique absorbé de façon individuelle par un condensateur pourrait être
étonnamment élevé avant d'atteindre le seuil de surcharge.
D'autre part, le taux d'harmoniques de tension que le condensateur peut supporter diminue lorsque l'ordre de
l'harmonique croît.
____
Considérons maintenant le cas ou la tension fondamentale atteindrait √ 1,35 = 1,16 . A ce moment, le
condensateur ne supporterait aucune tension harmonique, parce que la majoration de la fondamentale aurait
épuisé toute la réserve de 35 % de Q.
Réciproquement, un surdimensionnement des condensateurs en tension élargit la marge de tolérance.
2.3.1.2
Pertes Joule
Indépendamment des pertes diélectriques, les condensateurs sont aussi le siège de pertes Joule dans les
connexions internes et dans les armatures.
De ce fait et notamment avec le développement de condensateurs à très faibles pertes diélectriques, les pertes
Joule interviennent aussi comme critère de surcharge. Cela explique que la normalisation a introduit la
prescription que la valeur efficace du courant absorbé ne doit pas dépasser une certaine valeur, en
l'occurrence 1,3 fois la courant nominal.
Ce critère conduit au développement ci-après pour le maximum de ih en présence d'un harmonique unique:
i² = i1² + ih²
(37)
ih² = i² - i1²
(38)
Appliquons cette relation au cas de la valeur limite admissible :
ih² = (1,3)² - i1²
d'où
i h ≤ 1,7 − i12
et
uh ≤
1
1,7 − u 21
h
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Pour u1 = 1 et i1 = 1, on trouve:
ih² = 1,7 - 1 = 0,7
___
ih = √ 0,7 = 0,84
Il y correspond, suivant le rang concerné, les valeurs de tension harmonique ci-après :
- pour h = 5, uh = 0,17
- pour h = 11, uh = 0,08
Comme la distorsion d (ou THD = "total harmonic distortion") s'identifie à uh dans le cas d'un seul
harmonique présent, on voit apparaître ici, pour la première fois, qu'elle peut devoir être limitée à quelques
pour-cent.
Dans l'exemple traité, le critère des pertes Joule est donc plus contraignant que le critère des pertes
diélectriques.
2.3.1.3
Généralisation
A la lumière de la discussion qui précède, il faut retenir qu’en pratique, sous l'angle des harmoniques, le
critère de surcharge en intensité est généralement déterminant.
Par ailleurs, les cas réels sont à examiner en tenant compte de l’ensemble des harmoniques présents. Les
critères considérés plus haut se généralisent alors par les expressions ci-après :
Σ h.uh² = 1, 35 - u1²
(40)
Σ ih² = Σ h².uh² = (1,3)² - i1²
(41)
En ajoutant le critère sur la valeur maximale de la tension et en exprimant tout en termes de tensions, les trois
conditions classiques des normes peuvent s'exprimer comme suit :
∑ u h ≤ 1,1 − u1
∑ h ⋅ u 2h ≤ 1,35 − u12
∑ h 2 u 2h ≤ 1,69 − u12
(avec h = 2, 3, 4, 5...)
Toutefois, en pratique, la présence de taux élevés d'harmoniques est généralement liée à un effet de
résonance. Il existe alors un harmonique dominant, ou deux si la résonance est une fréquence intermédiaire,
ce qui permet de simplifier les sommations indiquées.
Si un phénomène harmonique est d'allure brève ou impulsionnelle, les deux conditions sont à tempérer, vu
qu'elles sont physiquement liées à des échauffements internes dont l'effet n'est pas instantané.
En pareil cas, le problème de la tenue des condensateurs se reporte sur le plan de la tenue diélectrique. Il
rentre alors dans le cadre du point 3.2., au même titre que d’autres équipements.
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2.3.1.3.1
Remarque relative au matériel de manoeuvre des condensateurs
Avec la réduction d'impédance des condensateurs en fonction de la fréquence, un faible taux de tension
harmonique engendre un courant harmonique d’autant plus significatif que le rang est élevé.
Pour cette raison, la prise en compte des harmoniques peut devoir intervenir dans le choix d'un
surdimensionnement significatif de l’intensité assignée pour le matériel de manoeuvre concerné.
2.3.1.3.2
Remarque relative aux câbles de puissance
Du fait de leur grande capacité linéique, les câbles de puissance posent, vis-à-vis des harmoniques, un
problème de pertes théoriquement comparable à celui des condensateurs.
Il existe cependant une différence, à savoir, que les câbles sont surtout dimensionnés en intensité pour
dissiper des pertes Joule importantes sous l'effet du courant de charge. Par suite, leur sensibilité relative aux
harmoniques en est réduite et on trouve une valeur de distorsion admissible de 10%. Néanmoins, des
industriels ont eu à se préoccuper d’élévations perceptibles de la température extérieure de gaines de câbles
en présence d’harmoniques.
2.3.2
Tenue diélectrique des installations en général
Indépendamment de niveaux d'isolement beaucoup plus élevés pour des sollicitations occasionnelles et très
brèves, la tension efficace la plus élevée pour laquelle les matériels électriques sont garantis pour fonctionner
en durée correspond à 5 ou 10% de plus que la tension normale d'exploitation. Toutefois, il faut bien prendre
garde d'éviter un malentendu sur cette spécification. Celle-ci correspond originellement à ce que les
installations peuvent tolérer en termes de variations de la tension fondamentale. Dans quelle mesure, une
tolérance relative aux harmoniques peut-elle en être déduite?
Physiquement, la marge disponible sur la tension de crête peut être partagée entre les variations de la tension
fondamentale et les harmoniques. Toutefois, la spécification indiquée plus haut est exprimée en termes de
valeur efficace. Elle ne peut donc pas avoir de signification directe pour la superposition de la fondamentale
et d’un harmonique. En effet, l'addition des valeurs efficaces des tensions considérées est quadratique et
l'impact d'un harmonique d’amplitude plus petite que la fondamentale est négligeable.
Au contraire, les contraintes diélectriques sont conditionnées par la tension de crête. A cet égard, on devrait
donc fixer, pour les harmoniques, une limitation sur la somme des valeurs instantanées maximales plutôt que
sur la distorsion globale. (Cela a été effectivement le cas jusqu'à une époque récente pour les machines
tournantes).
Une autre approche consiste à considérer la forme de l'onde de tension plutôt que les composantes
harmoniques individuelles. On définit alors le "facteur de crête" (crest factor) : CF = Vcr/Vrms. Pour une
sinusoïde parfaite, ce facteur vaut évidemment √2. Pour une onde déformée de même valeur efficace, un
facteur de crête supérieur implique une sollicitation diélectrique supérieure, dans la proportion de CF/√2.
2.3.3
Echauffement des machines tournantes
L'absorption de courants harmoniques par des machines tournantes entraîne pour celles-ci des flux et des
échauffements additionnels. Ces derniers ne sont pas toujours négligeables, en particulier pour les
turboalternateurs et les moteurs asynchrones à HT.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Dans le passé, un taux maximal de 5% a été cité dans les normes pour la déformation instantanée de la
tension, soit pour l'expression Σ Uh pour h>1. Il est toutefois à souligner que les effets impliqués ci-dessus se
rapportent, en fait, à des échauffements en durée. D'où une nouvelle norme qui fixe une limite à l'expression :
Σ (uh²/h²)
pour h>1
(42)
A titre purement indicatif, une étude américaine a mentionné que la charge alimentés par des
turboalternateurs en réseau isolé ne devrait pas comporter des redresseurs contrôlés à couplage hexaphasé
pour plus de 25% du total, sous réserve de consulter le constructeur et éventuellement réduire la puissance.
2.3.4
Interférences entre redresseurs contrôlés
Pour les redresseurs, l'onde de tension déformée sur le jeu de barres à moyenne tension concerné se présente
avec des creux impulsionnels d'une profondeur appréciable durant les périodes de commutation entre phases,
ainsi qu'il apparaît sur la Figure 25. Le phénomène est qualifié de "commutation notches" (encoches de
commutation) dans la terminologie internationale. Il se comprend par le fait que la commutation d'une phase
à l'autre n'est pas instantanée : pendant un court moment, les deux diodes (ou thyristors) concernées sont
simultanément en état de conduction, ce qui implique un court-circuit entre les deux phases
Figure 25
Le cas le plus sévère est celui où des ponts redresseurs à BT sont branchés sur un jeu de barres sans
transformateur intermédiaire, avec simple interposition d'une faible réactance.
Lorsque deux redresseurs contrôlés sont connectés en parallèle et que leurs commutations risquent d’être
commandées à peu près simultanément, les déformations provoquées par le premier peuvent être ressenties
par le système d'allumage du deuxième. Elles peuvent en perturber le fonctionnement, en étant perçues
comme de faux passages par zéro de la sinusoïde. La situation se dégrade encore davantage en présence de
redresseurs plus nombreux, car la superposition éventuelle de plusieurs périodes de commutation entraîne
des déformations de tension d'autant plus profondes.
Un bon critère d'appréciation du problème est donné par la profondeur relative des entailles dans la
sinusoïde. On voit aisément que celle-ci est égale au quotient de deux grandeurs :
- au numérateur, l'impédance du réseau en amont du jeu de barres commun (Zcc) ;
- au dénominateur, l'impédance combinée des circuits transformateur-redresseur concernés au moment où
deux phases sont en court-circuit (Zcc.ch).
Au moment de la commutation, la tension instantanée aux bornes de la charge est de
Zcc.ch
U – Ucomm
Zcc + Zcc.ch – Zcc.ch
Zcc
Scc.ch
Ucomm = ⎯⎯⎯⎯⎯ U Æ ⎯⎯⎯⎯⎯ = ⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯
≅ ⎯⎯⎯ = ⎯⎯⎯
Zcc + Zcc.ch
U
Zcc + Zcc.ch
Zcc.ch
Scc
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Plus ce rapport est petit, moins profondes sont les déformations de tension et moindre est le risque
d'interférences entre redresseurs voisins.
C'est ainsi qu'une norme américaine et certains constructeurs estiment que cette grandeur ne doit pas être
supérieure à 20%.
2.3.5
Perturbations dans les installations à courants faibles
Divers équipements à courants faibles présentent une sensibilité marquée aux harmoniques. Il s'agit de
certains systèmes de télécommande à fréquence vocale dans les réseaux de distribution publique (on y
reviendra au chapitre 3), des ordinateurs, des systèmes de régulation industrielle, de certains équipements de
laboratoire, etc.
Le taux de distorsion globale de la tension constitue en cette matière un critère d'appréciation fréquemment
utilisé, notamment en raison de sa concision. Un maximum de 5 à 8 % est mentionné dans de nombreux cas.
Une attention particulière doit être portée au risque de multiples passages par zéro de l'onde de tension
déformée (voir Figure 26).
0.6
0.5
Per-Unit Voltage
0.4
0.3
0.2
0.1
47
45
43
41
39
37
35
33
31
29
27
25
23
21
19
17
15
13
9
11
7
5
3
1
0
Harmonic Order
Figure 26 : Per-unit harmonic voltage required to produce multiple voltage zero crossings
Un cas classique et spécial est celui des réseaux téléphoniques, dans des pays où ils sont encore aériens et
présentent de longs parallélismes avec des lignes d’énergie. Le problème est celui du bruit de fond des
communications. Il conduit à une limitation de la "tension psophométrique", paramètre par lequel les
harmoniques sont pondérés en fonction de la courbe physiologique de sensibilité de l'oreille :
________
Ups = √ Σ ah Uh²
(43)
2.3.6
Limites globales usuelles
On a discuté ci-dessus des causes physiques de limitation des harmoniques en termes de catégories
d'équipements. On en retient notamment qu'il est impossible d'en dégager des valeurs admissibles qui
conviennent pour tous les cas. En particulier, il n'existe pas de seuil minimum qui garantisse absolument que
toute batterie de condensateurs soit à l'abri de la moindre surcharge, si elle se trouve dans les plus mauvaises
conditions de fonctionnement à la fréquence fondamentale.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
La nécessité en découle de fixer des niveaux de compatibilité, dont la signification est celle d'un niveau
d'arbitrage définissant qui doit prendre en charge d'éventuelles mesures préventives ou curatives en cas de
besoin (Tableau 2).
Tableau 2 : Niveaux de Compatibilité pour les tensions harmoniques individuelles
dans les réseaux à basse et moyenne tension (CEI 61000-2-2 et 61000-2-12)
On a vu dans la Première Partie que deux jeux de valeurs limites avaient été définis à partir des Niveaux de
Compatibilité :
- Les Caractéristiques de la Tension (EN 50160) qui définissent la qualité à laquelle tout utilisateur a droit
(Tableau 3).
- Les Niveaux de Planification (CEI 61000-3-6) sur la base desquels des règles de "partage" des émissions
individuelles ont été élaborées (Tableau 4).
Tableau 3 : Caractéristiques de la Tension pour les harmoniques individuels
dans les réseaux à basse et moyenne tension (EN 50160)
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Tableau 4 : Niveaux de planification (valeurs indicatives) pour les tensions
harmoniques individuelles dans les réseaux MT, HT et THT (CEI 61000-3-6)
On a également vu dans la Première Partie que deux jeux d'indices de qualité étaient utilisés pour les
harmoniques, en vue de comparer les résultats des mesures avec les valeurs qui figurent dans les tableaux :
- EN 50160 : pour toute période d'une semaine, le percentile 95 des valeurs moyennes quadratiques 10 min
de chaque tension harmonique individuelle (soit UhSh95) 8 est l'indice de qualité à comparer à la
Caractéristique de la Tension correspondante ;
- CEI 61000-3-6 9 : pour toute période d'une semaine minimum,
- le percentile 95 des valeurs moyennes quadratiques 10 min de chaque tension harmonique individuelle
(soit UhSh95) est l'indice de qualité à comparer à comparer à son Niveau de Planification (indice de
qualité identique à celui de EN 50160),
- la plus grande des valeurs journalières à 99% de Uh,vs (soit Uhvs99DM) est à comparer au même Niveau
de Planification mais multiplié par le facteur khvs relatif aux effets à très court terme des harmoniques :
0.7
k hvs = 1.3 +
(h − 5)
45
2.4 MOYENS DISPONIBLES POUR LIMITER LES PERTURBATIONS
2.4.1
2.4.1.1
Choix judicieux des caractéristiques des redresseurs
Redresseurs industriels
C'est évidemment sur le plan des caractéristiques des redresseurs qu'il convient d'agir en premier lieu en cas
de besoin, d'autant plus que plusieurs possibilités d'améliorations sensibles se présentent.
La première d'entre elles consiste à réaliser les redresseurs avec un nombre de phases suffisant compte tenu
de leur puissance, notamment en couplage hexaphasé ou dodécaphasé dans l'industrie, ce qui a pour effet
d'éviter en grande partie les harmoniques de rang peu élevé et d'amplitude importante. Pour arriver à un
couplage dodécaphasé bien équilibré, la SNCB utilise actuellement des transformateurs à deux secondaires à
couplages différenciés qui alimentent deux ponts avec sorties en série.
D'autre part, lorsque l'installation comporte plusieurs unités en parallèle, un principe élémentaire est d'utiliser
des couplages différents pour leurs transformateurs, notamment avec des enroulements primaires ou
secondaires respectivement en triangle et en étoile, comme déjà évoqué plus haut avec la Figure 9. Il est
8
L'abbréviation "Sh" renvoie à un intervalle court ("Short"), c-à-d 10 min. L'abbréviation "vs" renvoie à un intervalle très court
("very short"), c-à-d 3 s.
9
Nous nous référons ici au tout dernier projet de révision de la Publication CEI 61000-3-6 Ed.2 (document 77A/501/CD du
29/07/2005).
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
regrettable que ce principe soit parfois méconnu par des industriels qui installent des transformateursredresseurs à couplage identique en parallèle.
Des couplages résultants à indice de pulsation supérieur à 12 peuvent être obtenus en utilisant des
transformateurs à primaire ou secondaire en zig-zag comme illustré par la Figure 27, avec des branches de
longueur appropriée, notamment pour réaliser des déphasages de ± 15 ° électriques.
Figure 27
2.4.1.2
Applications électrodomestiques
Des précautions similaires sont à appliquer avec les appareils électrodomestiques à régulation électronique.
Le problème se complique d'ailleurs dans ce cas, parce que les appareils sont fabriqués en série, sont vendus
partout en plus ou moins grand nombre et qu'il n'est pas possible d'en corriger les caractéristiques a posteriori
en cas de besoin.
C'est pourquoi, le degré de déformation du courant prélevé par ces appareils doit être réglementé de façon
uniforme, ce à quoi la CEI s'est employée efficacement.
Son action a notamment permis de limiter la commercialisation d'appareils avec redresseur mono-alternance
qui sont responsables d'harmoniques pairs très gênants pour certains réseaux (Royaume Uni).
De même, considérant le cas des gradateurs ("dimmers") monophasés à thyristors provoquant une onde de
courant lacunaire ou hachée comme à la Figure 28 ("réglage de phase"), on tend à en proscrire l'emploi pour
des applications qui ne justifient pas cette souplesse de réglage et dont la mise sur le marché ne risque pas de
pâtir d’une réglementation.
Figure 28
Cela a notamment été le cas pour les plaques régulées de cuisinières électriques, pour lesquelles l'inertie
thermique permet de se contenter d'un réglage par trains d'alternances entières.
2.4.2
Interposition de selfs anti-harmoniques sur les batteries de condensateurs
La présente rubrique concerne les batteries de condensateurs qui sont installées dans les réseaux et chez les
consommateurs pour améliorer le facteur de puissance de la charge.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Des « selfs anti-harmoniques » peuvent être installées en série avec les condensateurs pour ramener la
fréquence de résonance parallèle en deçà des fréquences de l'harmonique préoccupant et du plus petit
harmonique pouvant le devenir.
Leur rôle est illustré à la Figure 29, dans le cas d'une résonance à éviter à la source (jeu de barres d'usine
avec redresseurs et condensateurs), à mettre en regard de la Figure 18.
Figure 29
Le calcul des selfs pose un problème, à savoir, que l'interposition de celles-ci entraîne un déplacement du
point de résonance parallèle vers une fréquence plus basse.
Pour être sûr que celui-ci ne risque pas d'être excité à son tour par un courant harmonique susceptible d'être
présent avec une amplitude significative, il faut dans tous les cas qu'il tombe en dessous de l'harmonique
caractéristique inférieur, donc l'harmonique 5.
Pour ce faire, on s'imposera généralement de réaliser la résonance série entre 200 et 225 Hz, soit entre 4 fn et
4,5 fn. (Il arrive parfois qu’on doive la positionner entre 2 et 3 fn pour une raison discutée plus loin).
Considérant la valeur de 4,5 fn, calculons la réactance Xs qui permet d'assurer la condition indiquée à la
fréquence fondamentale :
On peut écrire en module :
4,5 Xs = Xc / 4,5
(44)
D'où :
Xs = Xc / (4,5)²
(45)
Xs = 0,05 Xc
(46)
Donc, on a un comportement inductif assuré pour toutes les fréquences supérieures à la fréquence d'accord.
Pour pouvoir adopter la valeur 0,05 Xc pour Xs il faut que les condensateurs se prêtent à un relèvement de 5
% de la tension appliquée à la fréquence fondamentale, donc que leur tension nominale ait été choisie en
conséquence. En effet, si l'on considère la Figure 30,
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
0.05 Xc
Xc
Figure 30
VC = V
XC
1
=V
= V ⋅ 1.0526
X C (1 − 0.05)
0.95
Les selfs anti-harmoniques ont un rôle passif par rapport à la source des harmoniques, contrairement à leur
appellation. En effet, elles n'éliminent pas les courants harmoniques primaires, mais évitent seulement une
résonance avec les condensateurs et, partant, l'amplification des courants harmoniques primaires.
Remarque
En dépit de ce qui est indiqué plus haut, il peut exister des circonstances exceptionnelles où il faut se méfier
du point de résonance parallèle en deçà du point de résonance série.
C'est par exemple le cas lorsqu'on est en présence d'une source de déformation de la sinusoïde à large spectre
(four à arc, voir chapitre 2).
Il peut aussi arriver qu’on doive se préoccuper d'un résidu d'harmonique 3 (éventuellement de façon
inattendue en cas d’harmonique 3 non homopolaire, par exemple dans l’alimentation de la traction
ferroviaire à courant alternatif). Or, dans un réseau à très faible puissance de court-circuit, il faut tenir
compte du relèvement de la droite Xh à la Figure 29, ce qui entraîne un déplacement sensible du point de
résonance parallèle vers la gauche.
2.4.3
2.4.3.1
Filtres passifs
Principe du filtre résonnant
Tout en étant constituées qualitativement de la même façon que les selfs anti-harmoniques, des selfs mises en
série avec les condensateurs peuvent être calculées de manière à réaliser des filtres d'harmoniques, en
assurant un accord sur un harmonique gênant.
Toujours suivant le principe de la Figure 29 mais cette fois avec un point d'accord ciblé sur un harmonique à
filtrer, le filtre d'harmonique présente la propriété de réaliser une sorte de court-circuit presque parfait sur la
fréquence gênante.
Il permet d'absorber cette fois le courant harmonique et d'éviter sa propagation dans le réseau.
Dans la plupart des cas, on désigne ce type de circuit sous le nom abrégé de filtre d’harmonique, car il est le
plus utilisé. On lui donne la dénomination plus explicite de filtre résonnant, lorsqu’il y a lieu de le distinguer
par rapport à d’autres filtres passifs dont question plus loin.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
2.4.3.2
2.4.3.2.1
Implications techniques
Dimensionnement
L’adjonction de selfs accordées implique que les selfs et les capacités soient spécialement dimensionnées
pour absorber le courant harmonique présent (contrairement au cas des selfs anti-harmoniques).
2.4.3.2.2
Prévention de dérives
Si la puissance de court-circuit est très élevée par rapport à la puissance du filtre, le point d'anti-résonance est
très proche de celui de résonance, ce qui présente un danger de dérive intempestive de l'un à l'autre, si la
fréquence varie ou à cause d'une variation de la capacité avec le temps. Pour limiter la pointe d'antirésonance et les surtensions auxquelles la dérive précitée donnerait lieu, le facteur de qualité de la self du
filtre (L.ωr / R) est à limiter à une valeur modérée, généralement de 30 à 50, au prix d'une résistivité
suffisante du fil de la bobine ou d'une résistance auxiliaire en série (au prix d'un surplus de pertes Joule).
Certains constructeurs calculent leurs filtres avec un léger désaccord intentionnel.
Il faut aussi mettre en oeuvre des protections élaborées avec des relais de fréquence, lorsqu'il s'agit
d'installations très importantes, notamment sur un réseau de transport.
2.4.3.2.3
Nécessité fréquente d’un filtrage de plusieurs fréquences
Un autre problème se présente si l’on installe un filtre accordé sur une fréquence suspecte supérieure au plus
petit harmonique présent sur le réseau.
Supposons par exemple qu'on installe une batterie de condensateurs qui, prise isolément, créerait une
résonance sur l'harmonique 7. Ceci implique donc la relation ci-après :
Scc
Xc
7² = ⎯⎯ = ⎯⎯
Qc
X
(47)
Supposons qu'en conséquence, on installe un filtre d'harmonique 7, lequel sera donc caractérisé comme suit :
Xc
7 Xs = ⎯⎯
7
Xc
Xs = ⎯⎯ = 0,02 Xc
49
(48)
(49)
Interrogeons-nous à présent sur la comportement du système à la fréquence de l'harmonique 5. On trouve
successivement
Xs5 = 5Xs = 5x0,02Xc = 0,1Xc
(50)
Xc5 = 0,2 Xc
(51)
Xc5 - Xs5 = (0,2-0,1) Xc
(52)
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Or,
Xc
X5 = 5X = 5 ⎯⎯ = 0,l Xc
49
(53)
Donc, X5 et (Xc5 - Xs5) sont en anti-résonance, en constituant une impédance théoriquement infinie vue de
la source de courant d'harmonique 5, généralement présente en même temps que celle de rang 7.
Donc, en cas de résonance prévue de la capacité pure sur le rang 7, on ne peut pas l'accorder en filtre de rang
7, sans y adjoindre un filtre de rang 5, comme illustré à la Figure 31.
Figure 31 A
Figure 31 B
Figure 31 C
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Celle-ci montre aussi que les filtres passifs ne peuvent filtrer des fréquences données sans créer des antirésonances sur des fréquences intermédiaires.
Habituellement, lorsqu'on doit recourir à un ou des filtres passifs de rang moyen, on prévoit des séries de
filtres sur les harmoniques réguliers inférieurs. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’il est possible de surseoir
à cette règle sur base d’une étude très approfondie.
Mais alors, l'abscisse de l'anti-résonance inférieure résulte de la combinaison des branches capacitives
asymptotiques des divers filtres. Or, la puissance capacitive globale peut devenir considérable notamment
pour une charge industrielle compensée par un SVC. Donc, il faut contrôler que la fréquence d'antirésonance ne s'approche pas dangereusement du rang 3 ou même du rang 2.
Suivant la relation (15), les réseaux à faible puissance de court-circuit sont plus sensibles que les autres aux
grosses concentrations de puissance réactive, que ce soit au titre de l'amélioration du facteur de puissance, du
filtrage des harmoniques ou de la compensation du flicker par SVC.
Il ne faudrait pas croire que les puissances de court-circuit relativement faibles par rapport à la charge ne
concernent que les petits réseaux d’outremer, car cela peut être le cas de réseaux internes d’usines très
puissantes en aval du poste de transformation.
Lorsque des courants harmoniques non-réguliers sont présents sur le réseau, on peut devoir ajouter un filtre
de rang 3 (voire un filtre de rang 2).
Soulignons enfin que l'on ne peut mettre en parallèle des filtres de même rang sans précaution. En effet, les
fréquences d'accord ne seront jamais rigoureusement identiques et l'on va créer une anti-résonance très
dangereuse. Cela peut se résoudre en reliant les points intermédiaires des deux filtres (Figure 32).
Figure 32
2.4.3.3
Autres données sur les filtres passifs et les séries de filtres
Jusqu'à présent, la discussion a porté uniquement sur les filtres LC série qui sont accordés sur une fréquence
donnée, encore appelés filtres du premier ordre. Il existe également d'autres types de filtres plus complexes.
Lorsque le problème à résoudre implique un spectre d'harmoniques jusqu'au delà du rang 13, il arrive qu'on
installe un filtre passe-haut pour absorber les fréquences supérieures, à côté de filtres de fréquence pour les
rangs 5,7, 11 et 13, conformément aux Figure 33 A et Figure 33 B.
Figure 33 A
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Figure 33 B
Certains constructeurs réalisent aussi des filtres d'ordre 2 ou 3 en combinant 3 ou 4 constituants en parallèle
et en série, afin de réaliser des filtres de bande.
On verra aussi au chapitre 3 qu'on doit parfois installer des filtres LC parallèle ou circuits bouchons.
Tout ce qui précède suggère que la technique des filtres passifs est particulièrement sophistiquée. Elle est très
encombrante sur le terrain. Sa fiabilité vis-à-vis des phénomènes transitoires exige des soins particuliers.
D'un point de vue technologique, elle implique l'emploi de selfs dont l'exécution la plus fréquente est celle
des selfs dans l'air 10.
D'un point de vue énergétique, les selfs de filtrage entraînent des pertes d'énergie active dont les industriels
ne réalisent pas toujours l'importance.
Par contre, un facteur important est à souligner au bénéfice des filtres passifs. Ils consistent habituellement à
réaliser une disposition spéciale pour des batteries de condensateurs qui sont généralement nécessaires pour
l'amélioration du facteur de puissance de la charge.
2.4.4
2.4.4.1
Filtres actifs
Principe
Par filtre actif, on désigne un équipement qui génère des courants harmoniques de même fréquence, de même
amplitude et en opposition de phase avec ceux d’une charge non-sinusoïdale. Ce principe est illustré par la
Figure 34 A. Le filtre est alors juxtaposé en dérivation à une charge déformante, suivant le schéma de
principe de la Figure 34 B
Le constituant essentiel du filtre actif est un onduleur mettant en oeuvre la technique de "modulation à
largeur d'impulsions" (MLI, ou – en anglais – PWM = pulse width modulation), en combinaison avec une
accumulation de tension continue (Cf. cours d’électronique de puissance). Par un tel équipement, il est
possible de générer un courant haché tel qu’il reproduise, en négatif, l’image du courant déformé engendré
par la charge à filtrer. De la sorte, le courant résultant peut être ″nettoyé" des harmoniques gênants.
10
Celles-ci impliquent, dans l'espace avoisinant, la création d'un champ magnétique susceptible de causer certains problèmes (cf.
cours ELEC 2631). Dans certains cas en HT, des blindages de type magnétique ou amagnétique sont utilisés pour s'en prémunir.
Certains constructeurs réalisent aujourd'hui des selfs à noyau magnétique d’une linéarité suffisante pour des selfs de filtrage, ce qui
confine le champ à l'intérieur (Mangold / Aachen pour la BT/MT, etc).
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Figure 34 A
Figure 34 B
Figure 34 C
Ce dispositif est schématisé à la Figure 34 C. Celle-ci indique accessoirement l’interposition d’un circuit
d’interface, pour filtrer les composantes HF (quelques kHz à quelques dizaines de kHz) générées par les
commutations de l’onduleur.
Une régulation très pointue par microprocesseur est à mettre en oeuvre pour générer les signaux de
commande de l’onduleur. En plus de l’analyse de Fourrier à effectuer à tout moment, il s’agit de moduler le
pilotage du filtre en fonction de l’évolution dynamique de la charge polluante.
Un ensemble de fréquences peuvent être traitées par un seul filtre, vu qu’on peut fixer la séquence et la
chronologie des commutations. La limite pratique du spectre fréquenciel est liée à la vitesse de commutation
accessible avec le type de semi-conducteurs envisagés (thyristors GTO ou transistors IGBT). Elle se traduit
en termes de plage supérieure des rangs accessibles d’harmoniques, soit en pratique quelques dizaines.
Le filtre actif peut même subvenir à produire de la puissance réactive de compensation. En effet, on peut
inclure un courant de fréquence fondamentale dans le spectre émis, mais il faut être conscient de l’impact de
l’opération sur le dimensionnement.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
2.4.4.2
Interfaces de branchement
En BT, le branchement d’un filtre actif peut se pratiquer sur le circuit qui alimente la charge polluante et ce,
sans séparation galvanique au travers de l’interface auxiliaire. La Figure 34 C correspond à des équipements
industrialisés de ce type (ABB Jumet).
En plus haute tension, une séparation galvanique est, en outre, nécessaire. L’interposition d’une capacité peut
éventuellement y suffire en MT.
Un grand avantage des filtres actifs est leur souplesse d'utilisation et leur modularité. Ils ne causent pas
d'anti-résonance. On peut ajouter un module à côté d'un autre sans risque aigu d'incompatibilité.
Un autre facteur de supériorité sur les filtres passifs est que l'encombrement est moindre, ce qui constitue un
facteur de compétitivité pour des locomotives et autres installations mobiles.
En contrepartie, le coût d’un équipement à base d’électronique de puissance n’est pas nécessairement
compétitif en HT par rapport à des batteries de condensateurs aménagées.
Dans certains cas, une combinaison de filtres passifs et de filtres actifs peut être pratiquée.
2.4.5
Aménagements de la structure des réseaux.
Pour de grandes installations industrielles, il ne faut pas exclure certaines solutions pratiques qui consistent à
éviter les difficultés, en faisant choix d'une structure de réseau plus favorable.
A titre d'exemple, il peut être envisagé de raccorder les redresseurs au jeu de barres d'arrivée à haute tension
plutôt qu'en aval de transformateurs abaisseurs, de raccorder une usine à un niveau de tension supérieure, etc.
Par ailleurs, au sein d'un réseau d'usine, on peut pratiquer la séparation des TGBT (tableaux généraux basse
tension), en discriminant les charges perturbatrices et les charges sensibles.
Il en résulte notamment que les limites fixées sous 3.6. dans le tableau des niveaux de planification en
distribution publique ne doivent pas être appliquées nécessairement au sein des réseaux d'usines et que ceuxci font l'objet de recommandations spécifiques.
Une règle empirique que certains constructeurs indiquent à leurs clients industriels, à tort ou à raison, est
qu'un ratio minimum entre la puissance de court-circuit et la puissance d'un redresseur industriel devrait être
assuré pour assurer la compatibilité. Une valeur de 50 a parfois été citée.
Dans le cas des réseaux de distribution publique à basse tension, l'apparition de perturbations effectives sous
l'effet d'appareils électrodomestiques agréés par les normes ne peut souvent être maîtrisée que par une
restructuration du réseau de distribution, notamment par réduction des impédances du circuit au prix de
l'implantation de cabines intermédiaires.
2.4.6
Correction décentralisée de la tension pour certains équipements sensibles
Suivant la même ligne de conduite que celle évoquée pour les variations brusques de tension, un remède
économique ou une solution ponctuelle peut consister à améliorer un filtrage d'entrée pour des équipements
qui le justifient en raison de leur sensibilité. Ceci concerne notamment diverses catégories d'équipements de
faible puissance (appareils de laboratoire, installations de radiographie médicale, etc).
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
2.4.7
Transformateurs HT/MT à tension de court-circuit réduite
En cas de situation difficile dans un réseau intérieur d'usine en aval d'une sous-station de transformation, il
peut être envisagé d'adopter une tension de court-circuit réduite pour les transformateurs de raccordement.
Cette solution apporte une augmentation locale de la puissance de court-circuit, d'où une réduction
d'amplitude des tensions harmoniques, ainsi qu’un accroissement de la fréquence de résonance en présence
de condensateurs.
Elle a notamment été appliquée pour respecter les prescriptions en matière de "commutation notches" lors du
raccordement de grosses installations industrielles.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
3 SIGNAUX ET PERTURBATIONS INTERHARMONIQUES
3.1 NATURE DES PROBLEMES
Les signaux et les perturbations interharmoniques se caractérisent par le fait qu'ils ne peuvent pas être
intégrés dans une onde périodique de fondamentale 50 Hz. En effet, Ils ne peuvent pas apparaître dans le
développement de Fourrier d'une onde présentant une périodicité correspondant à 50 Hz. C'est d'ailleurs
pourquoi on ne s'attend pas à les voir dans les réseaux.
Ces phénomènes sont cependant possibles, en étant le fait de causes ne répondant. pas aux conditions
précitées de périodicité, notamment comme suit :
- signaux de télécommande injectés dans le réseau (fréquence "vocale" indépendante de la
fondamentale à 50 Hz);
- phénomènes transitoires ("excitation par choc" à proximité de fours à arc à courant alternatif);
- phénomènes transitoires entretenus par une instabilité de boucle de rétroaction (alimentation d'un four
à arc à courant continu);
- charges périodiques à fréquence fondamentale inférieure à 50 Hz (cycloconvertisseurs).
L'analyse de ces perturbations se prête partiellement à une transposition directe de la théorie qui a été
développée pour les harmoniques et qui n'est plus à reprendre ici. En particulier, les considérations sur
l'impédance harmonique sont immédiatement transposables, parce qu'elles n'étaient aucunement liées, quant
à elles, à la décomposition en série de Fourrier.
La démarche adoptée dans ce chapitre sera structurée en conséquence, en discutant les problèmes concrets
cas par cas. On notera que le concept de distorsion harmonique est biaisé par l’existence d’un
interharmonique significatif, vu le caractère entier des termes intervenant dans la définition de la distorsion.
3.2 TELECOMMANDE CENTRALISEE DANS LES RESEAUX DE DISTRIBUTION
3.2.1
Principes de la télécommande centralisée des réseaux de distribution
Au départ de l'Europe, les réseaux de distribution publique se sont équipés de systèmes de télécommande
centralisée de la charge (TCC), dont la fonction est d’agir sur les installations des consommateurs dans
plusieurs buts, comme suit :
- pour automatiser la commutation des tarifs jour-nuit des clients concernés, en supprimant les horloges
individuelles sujettes à des dérives de l'heure;
- pour commander l'enclenchement et le déclenchement de certaines charges, telles que l'éclairage
public et certaines applications thermiques de clients (chauffe-eau, etc).
Le principe de cette télécommande, dont une des exécutions est illustrée par la Figure 35, est basé sur
l'émission de brefs télégrammes codés à fréquence vocale sur les réseaux de distribution à MT et BT, sur leur
transmission à courant porteur sur les circuits, ainsi que sur leur enregistrement par des récepteurs placés
chez les clients et dans les services publics.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Figure 35
Vu la multitude des points à desservir, il fallait concevoir des systèmes aussi peu coûteux que possible en
termes de niveau de puissance à l'émission, d'affaiblissement dans la transmission et de prix unitaire des
appareils récepteurs. A cet effet, on a choisi des fréquences supposées non polluées par des parasites, soit le
plus souvent des fréquences interharmoniques dans le spectre 175, 180, 217, 283, 317 ... 1350 Hz.
L'émission est réalisée à un niveau de quelques pour-cent de la tension fondamentale. Le seuil de
fonctionnement des récepteurs se situe à quelques dixièmes de pour-cent de celle-ci, moyennant une clé de
codage simplifié. On distingue habituellement
- un "seuil de fonctionnement garanti" des récepteurs, par exemple : 0.5 %,
- un "seuil de non-fonctionnement garanti", par exemple : 0.3 %.
3.2.2
Vulnérabilité de la télécommande centralisée aux perturbations interharmoniques
A la base de la conception des systèmes de télécommande centralisée, l'hypothèse avait été faite que la
tension du réseau soit dépourvue de toute composante déformante aux fréquences utilisées.
En particulier, le fait que le seuil de sensibilité des récepteurs se situe à quelques dixièmes de pour-cent de la
tension nominale situe le caractère critique de l'hypothèse précédente, pour le bon fonctionnement du
système.
On verra au paragraphe 3 un exemple de cas vécu de dérangement d'origine aléatoire.
D'autre part, des dispositions doivent être prises pour qu'une fréquence donnée ne soit pas utilisée à des
endroits trop rapprochés de réseaux différents, compte tenu de la diaphonie des signaux remontant au travers
d'un étage de réseau à tension supérieure.
3.2.3
Vulnérabilité à la proximité de condensateurs
La présence d'une batterie de condensateurs dans le réseau peut constituer un "piège à harmonique" pour la
fréquence utilisée par la télécommande.
En effet, supposons que l'impédance inductive du réseau entre l'émetteur et la batterie de condensateurs
constitue un circuit résonant série pour une fréquence proche de la fréquence considérée, conformément à la
Figure 22 étudiée précédemment.
En pareil cas, plutôt que de se propager dans la réseau et de ne s'y atténuer que d'une façon progressive, la
tension de l'émetteur se trouve court-circuitée par le circuit capacitif. Elle tend à devenir imperceptible pour
les récepteurs, ce qui obligerait d'augmenter le niveau d'émission de façon totalement disproportionnée.
Le remède à apporter à ce problème consiste à installer des selfs "bouchons" sur les batteries de
condensateurs, à l'instar des selfs anti-harmoniques. En effet, cela permet de reporter la fréquence de
résonance série en deçà de celle de la télécommande centralisée.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Lorsque les condensateurs responsables du court-circuitage de l'émetteur se trouvent à l'étage supérieur de
tension, on doit interposer les selfs bouchons sur le circuit de puissance, en amont du jeu de barres où est
raccordé l'émetteur de la télécommande.
Lorsque la fréquence utilisée par la télécommande centralisée est élevée (1350 Hz comme dans la région
d'Anvers), c'est à des circuits bouchons LC parallèles qu'il faut faire appel.
3.2.4
Vulnérabilité de charges extérieures à la télécommande centralisée
Il arrive que certaines installations sensibles aux déformations de la sinusoïde soient affectées par les signaux
de télécommande présents dans la tension du réseau.
Un cas devenu fréquent est celui de l'éclairage fluorescent (tubes de type "mince") vis-à-vis de signaux à 175
ou 180 Hz) : papillotement (flicker).
Des solutions techniques appropriées doivent alors être élaborées de commun accord par le distributeur et par
le consommateur affecté, dans une approche cas par cas.
3.3 FOURS A ARC A COURANT ALTERNATIF SANS OU AVEC SVC
L'analyse de ce problème sera effectuée sur la base d’une étude de cas, sur base du schéma général
représenté à la Figure 36.
Figure 36
3.3.1
Caractérisation d’un four comme tel en tant que charge déformante
Considérant les harmoniques proprement dits (multiples entiers de la fondamentale), les fours à arc appellent,
surtout en régime perturbé de démarrage, des courants harmoniques primaires de quelques pour-cent de la
fondamentale.
A leur tour, ceux-ci se traduisent par des tensions harmoniques qui, dans le cas considéré, se situent à
l'échelle de 1 % de la fondamentale au jeu de barres à la tension intermédiaire
(Figure 37). Celles-ci se retrouvent au PCC en amont du transformateur THT/MT au prorata du rapport des
impédances de court-circuit.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Figure 37
Il semblerait donc que les fours à arc ne constituent pas des sources majeures d'harmoniques. En particulier,
leur influence paraît à première vue négligeable par rapport à celle des redresseurs hexaphasés qui
engendrent près de 20 % de courant harmonique de rang 5.
Cependant, les fours à arc ne représentent pas une charge périodique durant les premières minutes de leur
cycle de fusion. Ils manifestent alors des allumages tout à fait irréguliers d'arc au cours de la sinusoïde
fondamentale (voire des allumages sur une alternance et pas sur l’autre). Dès lors, les déformations d'onde
qu'ils provoquent ne se résolvent pas entièrement en une décomposition harmonique. Au contraire, elles
accusent des transitoires à fréquences interharmoniques, avec des amplitudes faibles mais non négligeables
par rapport aux harmoniques.
3.3.2
Effet de la présence de condensateurs
Lorsqu'une batterie de condensateurs est installée en parallèle avec un four à arc pour améliorer le facteur se
puissance, elle peut être responsable d'une amplification sensible des déformations dues au four et constituer
la cause déterminante de perturbations extérieures.
En effet, l'addition de condensateurs crée une résonance qui n'existait pas au préalable. De plus, sa fréquence
se situe malencontreusement dans les environs de l'harmonique 5 (notamment pour les gros fours dont on
veut amener le cos ϕ à 0,95).
L'oscillogramme de la Figure 38 illustre le comportement défavorable analysé ci-dessus.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Figure 38
Remarque: En outre, il est apparu, dans l'étude de cas considérée, que cette résonance pouvait aussi exciter
un harmonique 5 de flux du transformateur THT/MT travaillant sous une induction élevée (ce dernier effet se
marquait de façon de plus en plus sensible en cas de changement de prise du réglage en charge dans le sens
de la saturation).
La présence de la résonance dans la situation ci-dessus s’est manifestée par des perturbations dans des
systèmes de télécommande centralisée dans des réseaux de distribution à plus ou moins grande distance. (Ces
perturbations ont d’ailleurs permis d’attirer l’attention sur le comportement interne de l’usine).
En effet, la fréquence de résonance condensateurs-réseau varie en fonction de la prise du transformateur
THT/MT et peut se trouver dans la gamme des fréquences de télécommande.
Il en était résulté que les variations brusques de tension du four provoquaient une excitation par choc de la
résonance précitée, sous la forme de parasites transitoires.
En effet, pour déranger des récepteurs de télécommande, il suffit que l'amplitude de ces parasites atteigne, au
point de couplage commun en HT, quelques dixièmes de pour-cent. Certains récepteurs de télécommande
peuvent enregistrer certains des parasites comme des télégrammes codés et ce, compte tenu du degré
sommaire de codage d'anciens récepteurs.
3.3.3
Transformation des condensateurs en filtres d'harmoniques
Vis-à-vis des phénomènes décrits sous 3.2, un remède provisoire immédiat avait consisté à déconnecter
temporairement une tranche des condensateurs du four, afin d'en déplacer la résonance. Sachant que la
fréquence de résonance est égale à la fondamentale multipliée par
_______
hr = √ Scci/Qc
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
une diminution de la capacité provoque une augmentation de cette fréquence. Le premier effet fut de
supprimer les interférences avec la télécommande centralisée locale à 283 Hz. Malheureusement, des
interférences se produisirent alors avec un système de télécommande à 317 Hz, situé à une centaine de km
plus loin.
La solution ultérieure avait consisté, au niveau de l'équipement de compensation réactive du four, à
interposer des selfs dimensionnées pour constituer un filtre. L'effet de selfs accordées sur l'harmonique 5 est
illustré par la Figure 39. Les perturbations de télécommande centralisée disparurent alors définitivement.
Figure 39
Accessoirement, la figure montre une augmentation des taux d'harmoniques inférieurs à 5 par rapport à
l'absence de condensateurs. Cela illustre le fait qu'en adaptant une batterie de condensateurs en filtre accordé
sur une fréquence, on déplace vers le bas la fréquence de résonance inhérente aux condensateurs.
L’atténuation de cette nouvelle résonance déplacée est assurée par la résistance des selfs. Celle-ci aurait pu
être renforcée, en cas de besoin, par l'addition de résistances en série avec les selfs pour en réduire le facteur
de qualité.
Une solution plus élaborée a été appliquée ultérieurement en fractionnant l'équipement de filtrage. A
l’occasion d’une augmentation de la taille du four et de ses besoins de compensation réactive, deux filtres ont
été installés, respectivement sur les harmoniques 3 et 5.
3.3.4
Effet d’un SVC sur un autre site industriel
Dans un cas de figure d’usine avec recours à un SVC très puissant et à une compensation réactive majorée en
conséquence, l'étude du constructeur et les modélisations correspondantes ont conduit à redouter une
résonance sur l'harmonique 2, de façon subséquente à l’installation prévue d’un filtre sur l’harmonique 3. De
ce fait, un filtre supplémentaire accordé sur l’harmonique 2 a dû être prévu pour prévenir des surtensions
Ceci illustre le fait que le filtrage des harmoniques peut conduire à des dépenses en cascade.
3.4 FOURS A ARC A COURANT CONTINU AVEC SVC ET STATIONS HVDC
3.4.1
Caractérisation des fours à courant continu
Dans la partie du cours consacrée aux variations brusques de charge, on a évoqué la technologie du four à
courant continu sous l'angle du flicker usuel affectant la valeur efficace de la tension fondamentale.
Il nous faut maintenant en reparler en termes d'effet indirect. A cet effet, considérons d'abord le four seul.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
L'installation comporte un système de redresseurs assurant un comportement dodécaphasé. Les redresseurs
sont pourvus d'une régulation dont une fonctionnalité essentielle est d'assurer la durée de vie des thyristors et
de leurs fusibles de protection et ce, compte tenu du fait qu’un circuit secondaire de four présente de
fréquents courts-circuits (début du cycle de fusion avec allumages d'arcs par contacts répétés entre l'électrode
et la masse de ferraille). Pour atteindre cet objectif, la régulation doit détecter l'apparition d'un courant de
court-circuit et réagir suffisamment vite sur l'angle d'allumage des thyristors, de telle manière que le courant
soit réduit par variation d'angle dès les toutes prochaines commutations.
La régulation doit donc avoir une fonction de transfert très prompte, endéans quelques ms, soit avec une
fréquence propre au delà de la fréquence fondamentale du réseau, par exemple entre les harmoniques 2 et 3.
Cette même régulation doit aussi assurer la régulation du régime de courant du four.
Pris isolément, le fonctionnement d'un tel four s'accompagne d'une légère densité spectrale de fréquence
incluant un certain contenu interharmonique.
3.4.2
Effet de l'addition de condensateurs ou d'un SVC
Une puissance capacitive importante est généralement prévue sur le jeu de barres de l'usine pour améliorer le
facteur de puissance, ainsi que pour y implanter un SVC anti-flicker.
Un effet secondaire est de générer, dans l'impédance harmonique, un point d'anti-résonance entre les
harmoniques 2 et 3.
De ce fait, un cercle vicieux risque de s'établir dans le système.
Considérons un résidu de courant interharmonique du four qui soit injecté à la fréquence litigieuse sur le jeu
de barres industriel. Il rencontre une impédance harmonique majorée à cette fréquence. Une tension
interharmonique majorée va s'établir. La commande des impulsions des thyristors risquera d'en être quelque
peu désynchronisée et d'engendrer un peu plus de distorsion de courant. En définitive, le processus risquera
de provoquer un effet "boule de neige".
3.4.3
Flicker harmonique
La manifestation la plus tangible du phénomène ci-dessus (c'est aussi la meilleure sonnette d'alarme de la
nécessité d’intervenir) est un effet de battement à basse fréquence sur la valeur de crête de la tension dans le
réseau de distribution voisin (Figure 40).
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Figure 40
Pour le comprendre sur le plan théorique, considérons une fonction du temps composée de la fondamentale
et d'un interharmonique dont les amplitudes respectives sont U et Ui et dont les pulsations sont ω et ωi, de
telle sorte que ωi = hω + Δω, avec h= 1 ou 2 ou 3, etc.
Alors, on peut écrire (en supposant, pour alléger l'écriture, qu'il n'y a pas de déphasage à l'origine des
temps) :
f(t) = U sinωt + Ui sin(hω + Δω)t
f(t) = U sinωt + Ui cos(Δωt).sin(hωt) + Ui sin(Δωt).cos(hωt)
(1)
(2)
Pour Δω = 0,
f(t) = U sinωt + Ui sin(hωt)
(3)
on a donc une simple superposition de la fondamentale et de l'harmonique h.
Pour Δω ≠ 0, les termes relatifs de l'harmonique h sont modulés à la basse fréquence Δω. Cela signifie
physiquement qu'un battement apparaît, sur l'onde résultante, à la pulsation Δω résultant de la fréquence
sous-harmonique. Supposons par exemple que l'interharmonique se situe à 110 Hz. On observera donc la
présence de l'harmonique 2 et son amplitude sera modulée à 10 Hz.
Si Ui représente 1% de U, la valeur efficace de la résultante n'est pratiquement pas affectée, pas plus que le
flux lumineux d'une lampe à incandescence. En effet :
_________
______
√ 1² + 0,01² = √ 1,0001 = 1,00005 ≈ 1
Par contre, le flux lumineux d'une lampe fluorescente est conditionné, sans inertie thermique, par la valeur de
crête du courant de la décharge. Il subira donc des variations cycliques à 10 Hz avec, en termes de tension,
une amplitude de variation crête à crête de 2%. C'est ainsi que peut apparaître un "flicker harmonique" de
nature différente du flicker usuel. Il est beaucoup plus rare et ponctuel.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Le phénomène analysé ci-dessus a aussi été observé depuis quelques années à la mise en service de quelques
fours dans le monde. Pour le faire disparaître, il a été nécessaire de modifier les conditions intrinsèques de
fonctionnement des installations concernées.
3.4.4
Stations de conversion alternatif-continu (HVDC)
Le même type de phénomène s’est aussi présenté et a également dû être maîtrisé à proximité de station de
conversion HVDC, notamment dans des réseaux à puissance de court-circuit limitée et sujet au phénomène
de « second harmonic instability ».
3.5 INFLUENCE DES CYCLOCONVERTISSEURS
La théorie du cycloconvertisseur ressortit à l'enseignement de l'électronique de puissance et n'est pas à
rappeler ici. Indiquons toutefois que ce type de convertisseurs fait l'objet de certaines applications dans
l'industrie, notamment pour l'entraînement direct de machines à faible vitesse de rotation sans réducteur de
vitesse, notamment des fours de cimenteries.
Figure 41
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Le cycloconvertisseur est une source complexe de perturbations harmoniques et interharmoniques, avec un
large spectre de fréquence. On démontre que celui-ci se décompose comme suit:
fcy = (Pm ± 1) fo ± 6nF
où :
fcy est l'une des fréquences du courant engendré par le cycloconvertisseur;
fo, la fréquence du réseau;
F, la fréquence fondamentale de sortie du cycloconvertisseur;
p, l'indice de pulsation des convertisseurs constituant le cycloconvertisseur;
m, les nombres entiers 1, 2, 3...
n, les nombres entiers 0, l, 2...
Comme un des objectifs de pareilles installations est de réaliser un entraînement à vitesse régulée, la
fréquence sous-harmonique F est variable.
Par suite, non contents de constituer des raies latérales autour des fréquences harmoniques, les termes
interharmoniques 6nF correspondent en fait à des bandes latérales de fréquence.
La Figure 42 donne des exemples de spectre de courant d'entrée (composantes principales) pour un
cycloconvertisseur (ponts hexaphasés, sortie triphasée) dont la fréquence de sortie est de 5 Hz. On remarque
que, selon l'amplitude de la tension de sortie, les composantes de bandes latérales peuvent être supérieures ou
inférieures aux harmoniques, et que les amplitudes relatives des harmoniques restent un peu inférieures à
celles d'un redresseur normal.
Figure 42 : Cycloconvertisseur avec ponts hexaphasés, sortie triphasée,
fréquence de sortie = 5 Hz. Exemples de spectre de courant d'entrée
Les cycloconvertisseurs sont donc des équipements très préoccupants sous l'angle des perturbations. Ils
exigent souvent de recourir d'office à des installations sophistiquées de filtrage. A proximité d'un système de
télécommande à fréquence vocale, il peut être nécessaire d'installer un filtre supplémentaire accordé à la
fréquence d'émission correspondante.
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Par ailleurs, comme F peut se situer dans la gamme de 5 à 10 Hz, une modulation de la charge à cette
fréquence risque encore d'être responsable de phénomènes de flicker, d’où importance accrue d’un niveau
élevé de puissance de court-circuit.
La technique actuelle des variateurs de vitesse avec passage par le stade du courant continu évite les
difficultés inhérentes aux cycloconvertisseurs.
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4 ANNEXE 1
MESURE ET EVALUATION
4.1 EXIGENCES POUR L’APPAREIL DE MESURE
Il y a une vingtaine d’années, l’usage d’appareils de mesure analogiques était encore le plus fréquent. Une
simple analyse fréquence par fréquence était effectuée avec un voltmètre sélectif, constitué par un filtre passe
bande à accord réglable, associé à un voltmètre à valeur efficace. La distorsion totale pouvait être obtenue
par un voltmètre à valeur efficace muni d’un filtre passe haut qui éliminait la composante fondamentale. Il
était fréquent d’effectuer des mesures ponctuelles à l’aide d’un voltmètre sélectif et de les compléter par un
enregistrement de longue durée de la distorsion totale ; le plus souvent, les mesures ponctuelles permettaient
de mettre en évidence une fréquence dominante et l’enregistrement de longue durée permettait d’apprécier
l’amplitude maximale atteinte par la composante harmonique correspondante.
Depuis lors, l’usage des analyseurs numériques de spectre s’est généralisé. Ceux-ci traitent un échantillon du
signal (“fenêtre” de une ou plusieurs périodes) et lui appliquent la transformation de Fourier (souvent
appelée FFT pour “Fast Fourier Transform”) donnant d’un coup tout le spectre des fréquences harmoniques
(et interharmoniques si la fenêtre comporte plusieurs périodes).
Une différence importante des appareils numériques par rapport aux appareils analogiques est que toutes les
composantes sont obtenues simultanément et non successivement. Une autre différence est que les
harmoniques peuvent être mesurés de façon rigoureusement instantanée - à l’échelle de la période - alors que
les appareils analogiques étaient munis d’une constante de temps destinée à stabiliser la mesure (de l’ordre
de 1 à 10 s). La question s’est dès lors posée de faire une distinction entre phénomènes transitoires et
harmoniques et au sein du GT CIGRE/CIRED CC02, nous avons convenu de considérer comme valeur
instantanée d’une composante harmoniques sa valeur efficace moyenne sur des intervalles de temps Δt de
3 s. Cette notion de “valeur instantanée 3 s” s’est généralisée depuis (elle a été reprise par la CEI, notamment
dans la Publication 1000-4-7 sur les mesures d’harmoniques et interharmoniques).
Afin de couvrir toutes les situations envisageables, les instruments devront être à même de gérer le cas le
plus critique, à savoir ce que le guide de la CEI appelle "les harmoniques à variations rapides": la fenêtre
d'échantillonnage doit être rectangulaire, avec une largeur (Tw) de 80 à 160 ms (pour la mesure des
interharmoniques, des fenêtres plus larges, par exemple de 500 ms, sont préférables pour obtenir des bandes
de fréquence plus étroites).
Des temps morts (de quelques centaines de ms) entre les fenêtres sont acceptables pour les mesures de
surveillance de la qualité de tension étendues sur des périodes assez longues (plusieurs jours): étant donné le
grand nombre de mesures, il ne fait aucun doute que les résultats statistiques finaux donnent une évaluation
satisfaisante de la qualité.
4.2 NOTE SUR LES TRANSFORMATEURS DE MESURE
Il est habituellement nécessaire d’utiliser des transformateurs pour effectuer des mesures d’harmoniques sur
les réseaux à haute tension. Ils sont conçus et construits pour fonctionner correctement à la fréquence
industrielle et leur qualité de réponse en régime harmonique n’est pas évidente :
• les transformateurs de courant et les diviseurs capacitifs de tension sont fidèles dans toute la gamme des
fréquences harmoniques usuelles ;
• les transformateurs inductifs de tension peuvent être utilisés jusqu'à des fréquences d'au moins 1 kHz s'ils
sont du type à "montage en cascade" (la Figure 43 en donne un exemple de courbe de réponse)
• et d'au moins 2 kHz si le noyau magnétique est mis à la terre (voir exemple à la Figure 44).
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Figure 43 : Réponse fréquentielle d’un transformateur inductif de tension
dont le circuit magnétique est isolé (montage en cascade).
Figure 44 : Réponse fréquentielle d’un transformateur inductif de tension
dont le circuit magnétique est mis à la terre.
• Les transformateurs capacitifs de tension (Figure 45) offrent une opportunité particulière.
Figure 45 : Schéma de principe d'un transformateur de tension capacitif
Leur comportement est inadéquat au-delà de 500 Hz, en raison de la résonance interne inévitable. Il est
cependant possible d'utiliser ces transformateurs capacitifs moyennant un dispositif auxiliaire, dont le
principe est le suivant : la mesure du courant dans les deux connexions de terre (Figure 45) nous donne
respectivement Ic2 et (Ic1-Ic2). On en déduit :
V=
Ic1
Ic 2
+
jωC1 jωC 2
relation valable dans un large domaine de fréquence (certainement jusqu'aux rangs d'harmoniques 40 ou
50).
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
4.3 ANALYSE STATISTIQUE
Le caractère éminemment variable des harmoniques impose de procéder à une analyse statistique des
mesures si l’on veut obtenir des indices de qualité en vue d’une gestion rationnelle. Dès 1986, nous avons
proposé une approche au GT CIGRE/CIRED CC02 ; celle-ci devait faire l’objet de quelques publications,
avant d’être reprise par le GT CC02 en 1992 et enfin par la CEI en 1996.
Pour la compression des données (voir aussi la Publication CEI 1000-4-7) divers intervalles temporels ont
été considérés :
-
Intervalle très court (TVS)
Intervalle court (TSH)
Intervalle long (TL)
Intervalle d'une journée (TD)
Intervalle d'une semaine (TWK)
3s
10 min
1h
24 h
7j
Jusqu'à l'intervalle très court (TVS), les fonctions nécessaires peuvent être incluses dans l'instrument FFT luimême. A partir de l'intervalle court (TSH), elles font généralement partie du système informatique associé (le
traitement des données à partir des résultats correspondant à TVS peut être considéré comme faisant partie du
procédé d'évaluation et non plus de mesure proprement dite).
4.3.1
Intervalle très court (première intervalle temporel d'intégration)
La valeur quadratique moyenne
U h VS =
1 ⎛⎜ N 2 ⎞⎟
⋅ ∑u
N ⎜⎝ k =1 h ,k ⎟⎠
(A1.2.b)
de toutes les N valeurs uh calculées en FFT doit être déterminée sur un intervalle de temps Tvs = 3 s pour les
harmoniques individuels (de préférence jusqu'à h = 50).
Le choix de TVS = 3 s est en accord avec une publication antérieure du groupe de travail CIGRE 36.05. Ce
point est important car les "valeurs existantes" des harmoniques dans les réseaux, indiquées en et
correspondant à cet intervalle de temps, ont été choisies par la suite par la CEI comme niveaux de
compatibilité. Tous les traitements statistiques ultérieurs utiliseront les valeurs UhVS correspondantes comme
données de base.
Remarque. Pour résoudre certains problèmes particuliers liés à des harmoniques de très courte durée, les
résultats originels des fenêtres temporelles (80-160 ms) devraient être utilisés.
4.3.2
Intervalle court (deuxième intervalle temporel d'intégration)
L'intervalle court TSH a été choisi égal à 10 min. La valeur quadratique moyenne UhSH sur chaque intervalle
temporel d'observation successif de 10 minutes devra être calculée à partir de toutes les valeurs UhVS
correspondantes mesurées pendant cet intervalle de 10 minutes. La détermination de ces valeurs UhSH semble
intéressante, car elles donnent une estimation des effets thermiques (impliquant une certaine durée) de
chaque harmonique sur les équipements.
4.3.3
Intervalle long (troisième intervalle temporel d'intégration)
La CEI considère comme optionnelle la sélection de l'intervalle long Tl. S'il est utilisé, il doit correspondre à
une durée d'observation de 1 heure.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Cet intervalle long TL ne semble pas essentiel à une évaluation de routine de la qualité de la tension et peut
donc être omis.
4.3.4
Intervalle d'un jour (24 h)
Conformément aux recommandations CIGRE/CIRED, la CEI considère cet intervalle comme essentiel à la
présentation des données statistiques sous une forme utilisable dans les évaluations d'harmoniques de la
tension d'alimentation.
Si l'on considère les effets à court terme, la valeur maximale de toutes les valeurs quadratiques moyennes
enregistrées pour les intervalles Tvs (UhVS) doit être conservée pour l'intervalle d'un jour.
De plus, la probabilité cumulative (CP) de toutes ces valeurs quadratiques moyennes intégrées sur Tvs doit
être calculée, par exemple la valeur CP 95 % (ou CP 99 %) (probabilité de ne pas dépasser la valeur
correspondante sur l'intervalle de 24 heures).
La Figure 46 donne un exemple des valeurs maximale et CP 95 % dans un réseau à moyenne tension (10
kV).
Figure 46 : Valeurs journalières des tensions harmoniques dans un réseau 10 kV:
- Gauche: valeur CP 95 % (UhVS.95%)
- Droite: valeur max. (UhVS.max)
De plus, la valeur maximale de toutes les valeurs UhSH (valeur quadratique moyenne intégrée sur TSH = 10
min), c'est-à-dire UhSH.max, peut être utile (les intervalles de 10 min successifs pour la détermination de TSH ne
sont pas mobiles et ne se chevauchent pas). Il a été jugé utile d'ajouter cette valeur UhSH.max, car la CP 95 %
donne une valeur qui est dépassée pendant 1 heure au cours de la journée (CP 99 % est dépassée pendant
environ 15 min), mais ne donne aucune indication quant à savoir si cela s'est produit pendant une période
continue de 1 heure ou pendant un grand nombre d'intervalles distincts répartis sur la durée totale de 24
heures.
Les représentations graphiques résumant les données (basées de préférence sur un intervalle TSH) sur une
durée d'une journée sont très utiles, car elles montrent la variation d'un harmonique donné ou de la distorsion
totale (THD). La Figure 47 illustre un tel graphique, montrant la variation journalière de THD correspondant
au même cas que la Figure 46.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Figure 47 : Variation journalière de THD dans un réseau 10 kV
4.3.5
Intervalle d'une semaine ou plus
Pour tenir compte du fait que de grandes différences peuvent apparaître entre les jours ouvrables et les weekends, il a été suggéré en CIGRE/CIRED (et adopté en CEI) que la mesure de la qualité de la tension dure au
moins plusieurs jours, incluant un week-end, et de préférence une semaine complète.
4.3.6
Résumé des recommandations concernant la méthode de mesure
- Les différentes valeurs FFT des harmoniques de tension uh peuvent être calculées avec des fenêtres
d'échantillonnage de TW = 80-500 ms, en admettant des temps morts entre les fenêtres.
- La grandeur de base pour l'analyse est la valeur quadratique moyenne UhVS de toutes les valeurs
individuelles uh déterminée sur une durée d'observation TVS = 3 s (intervalle très court).
- La valeur quadratique moyenne UhSH sur chaque durée d'observation successive TSH = 10 min (intervalle
court) peut être calculée à partir de toutes les valeurs UhVS correspondantes enregistrées pendant ces 10
minutes.
- Les paramètres les plus significatifs sont obtenus après chaque intervalle d'un jour:
UhVS.max, UhVS.95%, UhVS.99% et UhSH.max
où - "vs" fait référence à TVS = 3 s,
- "95%" représente la "valeur de probabilité cumulative 95 %" (95 % étant la probabilité de ne pas
dépasser la valeur correspondante),
- "sh" fait référence à TSH = 10 min.
- Les représentations graphiques résumant les données sur un intervalle d'une journée sont très utiles car
elles indiquent les variations d'un harmonique donné ou de la distorsion totale.
- La durée d'observation totale doit être au moins de quelques jours, incluant un week-end, et de préférence
une semaine.
4.4 INDICES DE QUALITE
Avant que le concept de “niveau de planification” ait été défini, le raisonnement suivant a été tenu pour le
choix des indices de qualité :
A la fin de la durée d'observation, il reste à déterminer une valeur unique, pour chaque fréquence
d'harmonique ou d'interharmonique, qui puisse être considérée comme représentative de la qualité de la
tension et être comparée au niveau de compatibilité.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Les quatre "paramètres les plus significatifs" étant obtenus pour chaque intervalle d'une journée, une
première sélection pourrait consister à ne conserver que la valeur la plus élevée pour chacun d'entre eux
(c'est-à-dire de ne prendre en compte que la "pire journée" sur toute la durée d'observation).
Il semble de plus évident que ni UhVS.max ni UhVS.99% ne puissent être comparés au niveau de compatibilité: la
CEI indique clairement qu'il "semble raisonnable de définir le niveau de compatibilité non pas comme la
valeur maximale d'une perturbation, mais plutôt comme le niveau de perturbation ayant été dépassé dans un
petit nombre ou dans un très petit nombre de cas - l'objectif étant pour le niveau de compatibilité de couvrir
au moins 95 % des cas".
Par contre, UhVS.95% semble approprié à une comparaison avec le niveau de compatibilité, bien que "95 % de
24 h" puisse paraître bien plus restrictif que "95 % des cas" (qui peut couvrir un large éventail dans le temps
et dans l'espace).
Etant donné son importance physique (effets à long terme), UhSH.max ne doit pas être écarté sans analyse. Des
années de mesure ont montré que les valeurs UhSH.max sont généralement proches des valeurs UhVS.95%. La plus
élevée des deux pourrait être conservée et comparée au niveau de compatibilité.
Bien entendu, ni UhVS.95% ni UhSH.max ne prennent en compte les éventuels effets à court terme, alors que
UhVS.max le fait. En termes statistiques, il est nécessaire de considérer les derniers 5 % de la "fonction de
probabilité cumulée" (CPF) dont UhVS.95% ne représente qu'un point: la forme de la fonction CPF peut varier
d'un cas à l'autre et ne peut être définie par un seul point.
Les mesures effectuées dans les réseaux montrent que UhVS.max est souvent 1,5 à 2 fois plus grand que UhVS.95%.
Si UhVS.max doit être utilisé comme paramètre de la qualité de la tension, il doit être comparé à une valeur
supérieure au niveau de compatibilité (par exemple, 150 % ou 200 %).
Les propositions qui en découlaient, formulées par le GT CIGRE/CIRED CC02, ont été par la suite adoptées
pratiquement telles quelles par la CEI, en relation avec les niveaux de planification, comme suit :
Afin de comparer les niveaux harmoniques réels aux niveaux de planification, on recommande la
procédure d’évaluation suivante sur une durée minimale de mesure d’une semaine.
- Il convient que la plus grande valeur journalière, à 95 % de probabilité, des UhVS (valeur de chaque
composante harmonique, prise en moyenne quadratique sur une période “très courte” de 3 s) ne
dépasse pas celle du niveau de planification.
- Il convient que la valeur maximale hebdomadaire des UhSH (valeur de chaque composante
harmonique, prise en moyenne quadratique sur une période “courte” de 10 min) ne dépasse pas celle
du niveau de planification.
Il convient aussi que la valeur maximale hebdomadaire des UhVS (valeur de chaque
composante harmonique, prise en moyenne quadratique sur une période “très courte” de 3 s) ne dépasse pas
1.5 à 2 fois celle du niveau de planification.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
5 ANNEXE 2
EVALUATION DE L'IMPEDANCE HARMONIQUE DU RESEAU
Définition. Impédance harmonique du réseau = la composante directe de l’impédance, fonction de la
fréquence, du réseau public d'alimentation, vue du point de couplage commun (PCC).
Commentaire. Il est souvent utile d’évaluer non seulement l’impédance du réseau public, mais aussi
l’impédance complète comprenant celle de l’utilisateur.
5.1 METHODES DE MESURE
5.1.1
Principes généraux
Le principe de base consiste à utiliser des courants (inter)harmoniques Ih injectés dans le réseau au point où
l'on doit mesurer l'impédance (inter)harmonique Zh et à appliquer la loi d'Ohm,
Zh =
Uh
Ih
(A1.4.a)
en supposant qu'il n'existe aucune tension (inter)harmonique dans le réseau avant l'injection de courant
Ih
Zh
Uh
(
Figure 48). Dans le cas ou cette hypothèse n’est pas valable, il faut remplacer Uh et Ih par ΔUh et ΔIh.
Ih
Zh
Uh
Figure 48 : Principe de base des méthodes de mesure
N.B. Zh , Uh et Ih sont évidemment des grandeurs complexes, mais afin de simplifier la notation, les
caractères n’ont pas été soulignés ni mis en gras.
Cependant, en pratique, le système d’alimentation triphasé n’est pas symétrique. De plus, dans la plupart des
cas, les courants harmoniques injectés sont loin d’être équilibrés. Ainsi, même si l’on suppose que le système
est symétrique, nous devons étudier la possibilité d’évaluer la composante directe de l’impédance en utilisant
une injection de courant asymétrique.
Avec les notations matricielles, les grandeurs des phases sont :
⎡ U ha ⎤
[U hp ] = ⎢⎢U hb ⎥⎥
⎢⎣ U hc ⎥⎦
⎡I ha ⎤
and
[I hp ] = ⎢⎢I hb ⎥⎥
⎢⎣ I hc ⎥⎦
Si le réseau d’alimentation est supposé symétrique, la matrice d’impédance triphasée pour les grandeurs des
phases est :
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
[Z hp ]
⎡ Z hs
= ⎢⎢ Z hm
⎢⎣ Z hm
Z hm
Z hs
Z hm
Z hm ⎤
Z hm ⎥⎥
Z hs ⎥⎦
où Zhs correspond à l’inductance propre d’une phase au rang harmonique h et Zhm correspond à
l’inductance mutuelle entre les phases au même rang harmonique.
L’équation (A1.4.a) devient :
[U hp ] = [Z hp ]⋅ [I hp ]
La méthode classique pour étudier l’effet des courants déséquilibrés consiste à introduire les composantes
symétriques :
2π
j
3
a = e 3 = −0.5 + j
2
⎡1
[A] = 1 ⎢⎢1
1
a
3
⎢⎣1 a 2
1⎤
a 2 ⎥⎥
a ⎥⎦
⎡ U ha ⎤
⎡U h0 ⎤
⎢ U ⎥ = [A ]⋅ ⎢ U ⎥
⎢ hb ⎥
⎢ h1 ⎥
⎢⎣ U hc ⎥⎦
⎢⎣ U h 2 ⎥⎦
[Z hseq ] = [A]⋅ [Z hp ]⋅ [A]−1
ce qui donne :
Zh0 = Zhs + 2 Zhm (impédance homopolaire)
Zh1 = Zhs - Zhm (impédance directe)
Zh2 = Zhs - Zhm (impédance inverse)
D’une manière générale, la mesure de la tension et du courant harmoniques sur la phase “ a ” donne
l’évaluation suivante de l’impédance harmonique :
Z hmeas =
U ha
I ha
Cependant, la signification de Zhmeas peut changer selon la façon dont les courants harmoniques sont
injectés dans le réseau. Quatre cas seront pris en considération :
Cas A : injection équilibrée en courant
Courants injectés : Iha = Ih, Ihb = a²Ih, Ihc = aIh
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
⎡ Z hs
U hp = ⎢⎢ Z hm
⎢⎣ Z hm
[ ]
Z hm
Z hs
Z hm
Z hm ⎤ ⎡ I h ⎤
Z hm ⎥⎥ ⋅ ⎢⎢a 2 I h ⎥⎥
Z hs ⎥⎦ ⎢⎣ aI h ⎥⎦
Uha = ZhsIh + Zhma²Ih + ZhmaIh
Z hmeas =
Z hs I h + Z hm a 2 I h + Z hm aI h
Ih
Zhmeas = Zhs - Zhm
(car a² + a = -1)
⇒ Zhmeas = Zh1
et l’évaluation est correcte.
Cas B : injection déséquilibrée biphasée
Courants injectés : Iha = Ih, Ihb = - Ih, Ihc = 0
Zhmeas = Zhs - Zhm
⇒ Zhmeas = Zh1
et l’évaluation est correcte.
Cas C : injection déséquilibrée triphasée
Courants injectés : Iha = Ih, Ihb = - Ih/2, Ihc = - Ih/2
Zhmeas = Zhs - Zhm
⇒ Zhmeas = Zh1
et l’évaluation est correcte.
Cas D : injection déséquilibrée monophasée
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Courants injectés : Iha = Ih, Ihb = 0, Ihc = 0
Zhmeas = Zhs
Zhmeas ≠ Zh1
et l’évaluation n’est pas correcte.
Ainsi, les cas A, B, C donnent des résultats corrects pour les impédances directes. Le cas D donne des
résultats erronés en raison de la présence de courants homopolaires.
Cependant, sur les réseaux THT, les impédances peuvent être loin de la symétrie. En fait, la nature
dissymétrique du réseau de transport a été abondamment décrite dans la littérature. Le déséquilibre est
généralement faible à la fréquence fondamentale, mais augmente vers la première résonance parallèle, qui
peut se produire entre le quatrième et le cinquième rang harmonique, avec des différences d’amplitude de
l’ordre de 30 %. L’effet est surtout dû aux différences des impédances mutuelles entre phases, résultant de la
dissymétrie des conducteurs de la ligne de transport. En outre, aux fréquences harmoniques, la transposition
des conducteurs n’améliore pas nécessairement la symétrie. C’est pourquoi, une injection de courant
équilibré est préférable. Si l’on veut évaluer l’impédance directe, à l’aide d’une source de courant
monophasée, le couplage du cas C est préférable à celui du cas B.
Pour résumer, la source de courant harmonique peut être déséquilibrée et même monophasée. La mesure sur
la phase concernée donne une estimation correcte de l’impédance harmonique directe, à condition que les
impédances directe et inverse soient égales et qu’il n’y ait pas de courant homopolaire.
5.1.2
Précision des méthodes de mesure
Pour chaque rang (inter)harmonique, Uh et Ih peuvent être obtenus à l’aide de la transformée de Fourier
rapide (FFT) des enregistrements temporels de la tension et du courant : la première divisée par la seconde
donne l’impédance (“ méthode FFT ”). En présence d’un signal bruité, la précision des calculs peut être
améliorée en appliquant une analyse de corrélation conjointement avec la FFT (“ Méthode du spectre de
puissance ”).
Appelons uh un échantillon de valeurs de tension et ih un échantillon de valeurs de courant, où h est le rang
harmonique. Afin d’éliminer les signaux apériodiques et de filtrer le bruit, la technique de corrélation est
utilisée pour obtenir en premier lieu une intercorrélation entre les échantillons de tension et de courant
mesurés, Ruhih. Pour la même raison, une autocorrélation est réalisée sur les échantillons de tension, Ruhuh.
Une transformation de Fourier appliquée à Ruhih fournit la densité spectrale croisée de puissance, Suhih,
grandeur vectorielle. La transformée de Fourier de Ruhuh donne l’auto-densité spectrale de puissance Suhuh,
grandeur scalaire.
La relation entre Suhuh et Suhih fournit l’impédance du réseau, à chaque fréquence pour laquelle la fonction
de cohérence est forte :
Zh =
Su h u h
Su h i h
(A1.4.b)
Dans le cas où l’amplitude des densités spectrales est faible, la précision du calcul de l’impédance devient
limitée.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
5.1.3
Exemples de méthodes de mesure utilisées en pratique
Trois méthodes peuvent être distinguées selon l’origine des courants harmoniques : 1) utilisation des
courants (inter)harmoniques des installations existantes ; 2) analyse des transitoires pendant la commutation
d’équipements du réseau ; 3) injection directe de courants (inter)harmoniques.
5.1.3.1
5.1.3.1.1
Courants harmoniques provenant d'installations existantes (méthodes non intrusives)11
Charges non-linéaires comme sources uniques de courants harmoniques
On sait que les charges non-linéaires injectent des courants harmoniques dans le réseau électrique.
L’équation (A1.4.a) peut être appliquée pour obtenir l’impédance harmonique (un analyseur de spectre à
deux voies peut par exemple être utilisé ; il fournit directement la fonction de transfert requise).
L'inconvénient de la méthode de l’injection de courants harmoniques est que des sources déjà présentes sur
le réseau produisent des tensions harmoniques aux mêmes fréquences que les courants injectés (les résultats
de l’analyseur de spectre ne sont significatifs que pour les fréquences où la “ fonction de cohérence ” est
élevée). Afin d’utiliser l’équation (A1.4.a) de façon satisfaisante, il faut que la tension harmonique
engendrée soit discernable du bruit de fond. Des charges non-linéaires comme les cycloconvertisseurs ou les
fours à arc présentent l’avantage de produire également des interharmoniques, lesquels dépassent
généralement de beaucoup le bruit de fond.
Avantages :
- Utilisation d’une source (inter)harmonique existante.
- Injection de fortes amplitudes.
- Test non intrusif.
Inconvénients :
- La présence de fortes charges perturbatrices est nécessaire.
- Influence des autres sources aux fréquences harmoniques (mais cette erreur peut être éliminée, voir §
A2.1.3.1.2).
- Gamme de fréquences limitée.
5.1.3.1.2
Utilisation de sources harmoniques multiples préexistantes
Lorsqu'on utilise une charge non-linéaire comme source de courants harmoniques, par exemple un
redresseur, on peut éliminer l'erreur due aux harmoniques préexistants en les prenant en compte, voir Figure
49.
Zh
Ih
Uh1
Uh2
Figure 49 : Mesure d'impédance harmonique tenant compte des tensions harmoniques préexistantes
Avant de raccorder le redresseur (ou toute autre charge), la tension harmonique au noeud considéré est égale
à Uh1, en raison d'autres charges non-linéaies présentes sur le réseau. Lorsque la charge est enclenchée, un
11
Une méthode est dite “intrusive” lorsqu’elle implique le raccordement d’un générateur spécial (un intrus) dans le réseau.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
courant harmonique Ih circule de la charge vers le réseau et la tension harmonique devient Uh2 (où Uh2 = Uh1
+ Zh⋅Ih) à ses bornes. On obtient alors l'impédance harmonique du réseau à l'aide de :
Zh = (Uh1 - Uh2)/Ih
(A1.4.c)
où toutes les grandeurs sont complexes.
On peut même utiliser cette méthode sans débrancher la charge perturbatrice, en changeant son point de
fonctionnement et en enregistrant les variations de courant et de tension harmoniques, à l’aide de la formule
plus générale :
Zh = ΔUh / ΔIh
(A1.4.d)
En outre, on peut observer que tout ceci demeure valable si l'on utilise une charge linéaire au lieu d'une
charge non-linéaire : des tensions harmoniques préexistantes provoquent alors la circulation de courants
harmoniques dans la charge linéaire et des commutations ou des variations de charge provoquent des
variations de courants et de tensions harmoniques. La méthode la plus précise pour en déduire une valeur de
Zh consiste à réaliser une régression linéaire sur un certain nombre de mesures de Uh et Ih.
Par exemple, une batterie de condensateurs utilisée en tant que charge linéaire est particulièrement bien
adaptée à cet usage, car son impédance décroît lorsque la fréquence augmente (à la Figure 49, la source de
courants harmoniques doit être remplacée par la batterie de condensateurs) : l'enregistrement des
harmoniques de tension et de courant avec la batterie en service et hors service et l'application de la formule
(A1.4.c) constituent un moyen commode de mesurer l'impédance harmonique du réseau, à toutes les
fréquences auxquelles les tensions Uh existent dans le réseau.
Avantages :
- Les batteries de condensateurs et les charges non-linéaires sont très répandues et leur commutation est
une opération courante.
- La distorsion due au bruit de fond est mise à profit au lieu d’être un inconvénient.
Inconvénients :
- ΔUh et ΔIh étant des grandeurs complexes, il faut évaluer le déphasage existant entre des signaux qui sont
mesurés à des instants différents (avant et après enclenchement).
- La présence d’un banc de condensateurs ou d’une forte charge non-linéaire est nécessaire.
- Les résultats ne sont significatifs qu’aux fréquences où des sources sont présentes.
5.1.3.2
5.1.3.2.1
Transitoires d'enclenchement ou variations naturelles (méthodes non intrusives)
Enclenchement de batteries de condensateurs
L'enclenchement d'une batterie de condensateurs revient à peu près à provoquer un court-circuit instantané,
entraînant un courant dont la transformée de Fourier donne un spectre très riche. L'enregistrement des
tensions et des courants dans une fenêtre temporelle incluant les transitoires permet d'évaluer l'impédance
harmonique du réseau, vue au point de raccordement de la batterie de condensateurs, à l’aide de l’équation
(A1.4.b).
La Figure 50 montre des exemples de spectres de courant et de tension obtenus en commutant une batterie de
condensateurs (montage en étoile à neutre isolé) sur un réseau 11 kV et la fonction de transfert associée (Zh).
Ces résultats ont été obtenus à l’aide d’un analyseur de spectre à deux voies.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Figure 50 : Manoeuvre d'une batterie de condensateurs sur un réseau 11 kV
(Largeur de fenêtre pour la FFT : 400 ms)
1) spectre de courant, 2) spectre de tension, 3) fonction de transfert
En général, les résultats ne sont pas valables pour les fréquences fondamentale et harmoniques (au moins
dans les cas où les tensions harmoniques préexistantes sont importantes). Il est toutefois possible de tenir
compte des harmoniques préexistants en appliquant le même principe que celui évoqué au paragraphe
A2.1.3.1.2 pour des signaux de régime permanent.
Avantages :
- Spectre riche en fréquences (inter)harmoniques.
- Les batteries de condensateurs sont d'un usage courant et leur enclenchement constitue une opération
classique n'impliquant généralement pas de problèmes pour le réseau.12
Inconvénients :
- Signaux de très courte durée.
- La présence de batteries de condensateurs est nécessaire.
- Les courants sont déséquilibrés et varient avec l’instant de la manoeuvre.
5.1.3.2.2
Enclenchement de transformateurs
12
Ceci est malheureusement de moins en moins vrai : la prolifération de variateurs de vitesse (ASD) sensibles dans les usines fait
que le risque est devenu important de provoquer des déclenchements de processus chez la clientèle, lorsque l’on enclenche une
grosse batterie de condensateurs sans précaution particulière (importante self série ou enclenchement synchronisé).
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Après l’enclenchement, un transformateur se trouve dans un état saturé qui varie avec la rémanence et
l’instant de la manoeuvre. Les courants transitoires de mise sous tension - différents sur les trois phases sont alors caractérisés par une composante apériodique importante, un spectre riche et une valeur élevée,
pendant quelques secondes. On peut les utiliser pour des mesures d'impédance harmonique. La Figure 51
donne un exemple de spectres de courant et de tension, dont on a établi la moyenne sur dix secondes après
l’enclenchement d'un transformateur.
Figure 51 : Exemple de spectres de courant et de tension lors d'un enclenchement de transformateur
(durée de moyennage : 10s)
Il faut analyser soigneusement les formes d'ondes du courant : si les transformateurs de mesure sont saturés
(par les composantes apériodiques élevées), la mesure n'est évidemment pas valable. Bien sûr, les tensions
harmoniques préexistantes influencent la mesure de la même façon que pour la commutation des batteries de
condensateurs.
Avantages :
- Niveaux de courant très élevés par rapport aux harmoniques préexistants.
- Courant contenant tous les harmoniques jusqu'à environ 700-1000 Hz.
Inconvénients :
- Courants très déséquilibrés variant avec l’instant de la manoeuvre.
5.1.3.2.3
Variations naturelles
Au lieu de commuter un élément du réseau, il est possible de mettre à profit les variations naturelles des
courants et tensions harmoniques dans le réseau. Le concept est expliqué à la Figure 52. Un départ est
caractérisé par une admittance Yh (au rang harmonique h) et une source de courant harmonique Jh ,
raccordées au reste du réseau, lequel est caractérisé par son impédance harmonique Zh et une source de
tension harmonique Eh .
Zh
Ih
Jh
Eh
Uh
Yh
Figure 52 : schéma équivalent d’un départ et du réseau amont
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
La tension résultante Uh(t) et le courant Ih(t) à l’interface entre réseau amont et départ (une charge ou un
ensemble de charges) peuvent être échantillonnés à intervalles réguliers, par exemple toutes les minutes. En
supposant un fonctionnement stationnaire et surtout une faible corrélation entre la tension “bruit de fond”
Eh(t) et le signal d’entrée Ih(t), le signal de sortie Uh(t) est essentiellement dû à Ih(t). L’impédance
harmonique du réseau en fonction du temps, Zh(t), est obtenue par la transformée inverse de Fourier à partir
de :
Z h ( f ) = Z h ( f ) e jϕ ( f ) =
G hiu (f )
G hii (f )
(A1.4.e)
où
• Ghii(f) est le spectre de la fonction complexe d’autocorrélation du signal d’entrée Ih(t),
• Ghiu(f) est le spectre de la fonction complexe d’intercorrélation entre les fonctions d’entrée Ih(t) et de
sortie Uh(t).
La fonction d’autocorrélation :
g hii (τ) = lim T → ∞
1
2T
T
∫ I h (t ).I h (t + τ)dt
(A1.4.f)
−T
est par exemple approximée par la somme de N=60 valeurs discrètes observées à une cadence de
1/Δt = 1/min, sur une période d’une heure :
g hii ( τ) ≈ g hii (μΔt )
≈
1 N/2
∑ Ih (υΔt ).Ih ((υ + μ)Δt )
N υ= − N / 2
≈
1 N −μ
∑ Ih (υΔt ).Ih ((υ + μ)Δt )
N υ=1
(A1.4.g)
Pour appliquer la fonction d’intercorrélation, l’équation (A1.4.g) est utilisée en remplaçant Ih((ν+μ)Δt) par
Uh((ν+μ)Δt). Pour obtenir les densités spectrales Ghii(f), resp. Ghiu(f), nécessaires à l’équation (A1.4.e), on
applique la transformation de Fourier discrète à la somme dans l’équation (A1.4.g). Il faut noter que Zh(f)
n’est pas l’impédance du réseau en fonction de la fréquence, mais décrit les variations horaires de
l’impédance harmonique de rang h au cours d’une journée. Enfin, la transformée inverse de Zh(f) donne Zh(t)
dans le domaine temporel.
Avantages :
- Cette méthode n’est pas du tout intrusive,
- elle peut être appliquée n’importe où.
Inconvénients :
- Une bonne précision est difficile à atteindre en l’absence de charges perturbatrices prédominantes.
- Il faut interpréter les résultats avec discernement.
5.1.3.3
5.1.3.3.1
Injection directe de courants harmoniques (méthodes intrusives)
Utilisation spéciale de matériels comme générateurs de courants (inter)harmoniques
Plusieurs idées ont été concrétisées avec succès. On en trouvera ci-après quelques exemples.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Chemin de fer électrique. Il est possible de modifier le redresseur d'une locomotive monophasée 50 Hz et
de l’utiliser en mode demi-onde, de manière à obtenir des harmoniques pairs en plus des harmoniques
impairs. L’injection de ces courants harmoniques dans le réseau 110 kV par l'intermédiaire d'un
transformateur de chemin de fer 110/27 kV a permis la mesure des impédances harmoniques des réseaux 110
kV, 220 kV et 400 kV jusqu'à h = 20.
Condensateur BT et transformateur MT/BT. On a expliqué au point A2.1.3.2.1 le principe de la mesure
d’impédance harmonique à l'aide de l’enclenchement de condensateurs. On peut utiliser un condensateur BT
monophasé, raccordé au secondaire d’un transformateur MT/BT, comme source de courants
(inter)harmoniques pour la mesure de l’impédance harmonique d’un réseau MT.
Transformateur saturé. Une source importante d'harmoniques peut être constituée par un transformateur de
puissance, saturé par l'injection de courant continu dans sa connexion de neutre. Par exemple, la Figure 53
montre les courants harmoniques produits par un transformateur 400/120/21 kV de 400/400/125 MVA,
saturé par un courant continu dans le neutre de 80 A.
Figure 53 : Exemple de courants harmoniques produits par un transformateur
saturé par un courant continu dans le neutre
Ces courants harmoniques ne sont évidemment pas équilibrés, du fait de la construction asymétrique du
transformateur.
Avantages :
- La totalité des courants harmoniques est produite jusqu'à plus de 1000 Hz.
- On peut produire des courants relativement élevés pendant de longues périodes (par exemple 20 min.).
Inconvénients :
- Il est nécessaire de disposer d'un transformateur avec circuit magnétique saturable par un courant
homopolaire, par exemple un appareil à cinq colonnes ou à modules monophasés.
- De grosses installations sont nécessaires, avec une source CC puissante ; il faut en outre des
condensateurs série de blocage sur la connexion de neutre de tous les transformateurs saturables situés à
proximité.
- Les courants injectés sont fortement déséquilibrés, bien que la connexion soit symétrique ; dans le cas
d’un couplage étoile-étoile, avec neutre à la terre des deux côtés du transformateur, des courants
harmoniques homopolaires sont généralement présents.
- On doit tenir compte des harmoniques préexistants.
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5.1.3.3.2
Utilisation de générateurs de courants interharmoniques
Des générateurs de courants interharmoniques ont été spécialement conçus pour la mesure des impédances
harmoniques. On les a utilisés avec succès sur des réseaux BT, MT et même (rarement) HT. A notre
connaissance, ces générateurs sont disponibles sur le marché uniquement pour les réseaux BT.
Avantages :
- On peut mesurer la presque totalité du spectre (0-2,5 kHz). Les fréquences harmoniques sont en outre
obtenues par interpolation.
- Les harmoniques préexistants sont pratiquement sans effet sur les mesures aux fréquences
interharmoniques, de sorte que des niveaux de signal très faibles peuvent suffire.
Inconvénients :
- Il est nécessaire de disposer de générateurs de signaux relativement puissants, en particulier pour les
niveaux de tension plus élevés.
- Des transformateurs de raccordement appropriés, avec faible réactance, sont nécessaires (les
transformateurs MT/BT peuvent parfois être utilisés).
- Les courants injectés ne sont pas toujours symétriques, selon le générateur utilisé.
5.2 METHODES DE CALCUL
5.2.1
5.2.1.1
Calcul manuel (réseaux BT et MT)
Approche par la méthode de la "courbe d'impédance la plus défavorable"
Sur la base d'un grand nombre de mesures, les “courbes d'impédance les plus défavorables" ont été définies
au Royaume-Uni. Si des calculs utilisant ces courbes indiquent que l'on peut raccorder une charge, ceci peut
être fait au moindre risque. Toutefois, si ces calculs donnent des résultats légèrement en dehors des limites, il
faudra utiliser une approche plus fine.
En basse tension, la courbe d'impédance la plus défavorable est déduite de la puissance de court-circuit (Scc)
et considérée comme variant directement avec le rang harmonique selon une relation linéaire (application de
la formule (3.4.i) donnée au § A2.2.1.2).
Au niveau 11 kV, la courbe d'impédance la plus défavorable est représentée à la Figure 54 pour un poste
urbain typique (UK) ne comprenant ni gros condensateurs ni filtres. Cette courbe est déduite de la Scc et
considérée comme s'élevant à partir d'une valeur à 50 Hz sur une droite de pente égale à deux fois le rang
harmonique jusqu'à 400 Hz. Puis elle retombe sur la droite liée directement à l'impédance fondamentale par
le rang harmonique (plus de danger d’amplification par résonance au-delà de 400 Hz).
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Figure 54 : Courbe d'impédance la plus défavorable à 11 kV
Jusqu'à h = 8 : Zh = 2hX1
au dessus, de h = 8 : Zh = hX1
Au niveau 33 kV, les valeurs de la courbe d'impédance la plus défavorable sont prises égales à 1,25 fois
celles qui seraient déduites directement de la Scc jusqu'à 800 Hz. Il peut être nécessaire d’effectuer des
mesures particulières si l’on s’intéresse aux fréquences dépassant ce niveau.
5.2.1.2
Recommandations CEI
La CEI a publié un projet de recommandations concernant les "Impédances de réseau pour le calcul de la
propagation et l'évaluation des composantes de tension harmonique" dans le contexte des "Réseaux
industriels et autres réseaux non publics et matériels qui y sont raccordés". Nous résumons ci-après les
parties concernant le calcul manuel, applicables aux réseaux publics à moyenne tension.
Zh est directement proportionnel à la fréquence. Dans des installations simples ne comprenant aucun gros
condensateur de compensation et aucun grand réseau de câbles, il est peu vraisemblable de rencontrer des
conditions de résonance à des fréquences inférieures au treizième harmonique. Dans ce cas, on peut
considérer que Zh est principalement inductif et vaut environ :
(3.4.i)
Zh = h x Z1
On peut utiliser cette approche avec une précision raisonnable (normalement meilleure que ± 20 %) si :
- on alimente le jeu de barres MT par un transformateur dont la réactance Xt est élevée par rapport à celle
du réseau haute tension XHT :
- Xt/XHT > 10, si une résonance en réseau HT est possible dans la gamme de fréquences étudiées,
- Xt/XHT > 4, s’il est peu vraisemblable de rencontrer une résonance en réseau HT dans la gamme de
fréquences étudiées,
- la capacité totale raccordée au réseau MT est suffisamment faible pour que la fréquence de résonance soit
au moins 2,5 fois supérieure à la fréquence harmonique étudiée la plus élevée.
On calcule la fréquence de résonance selon :
fr =
1
(3.4.j)
2π LC
où L représente l'inductance par phase correspondant à Z1, compte non tenu des capacités, et C représente la
capacité totale par phase, provenant des condensateurs de compensation et des câbles. La capacité par phase
d'un câble triphasé est en général égale à 0,3-0,4 µF/km.
On peut encore écrire
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f r = f1 ⋅
Scc
Q
(3.4.k)
où f1 représente la fréquence fondamentale, Scc la puissance de court-circuit de l'alimentation et Q la
puissance réactive totale produite par les condensateurs et les câbles du réseau.
Zh avec résonance simple. Si la capacité totale est supérieure à celle indiquée ci-dessus, mais si l'on peut
considérer que les éléments capacitifs sont raccordés en un même noeud électrique, on peut calculer la valeur
de Zh comme résultant de L en parallèle avec C , L et C étant les valeurs définies ci-dessus.
Au voisinage de la résonance, cependant, cette méthode donnera une valeur d'impédance résultante bien trop
élevée. Pour calculer une valeur plus réaliste, il faut tenir compte de la composante résistive des impédances
de réseau. Il est toutefois très difficile de déterminer en pratique ces composantes résistives aux fréquences
harmoniques. C’est pourquoi on recommande de calculer Zh avec seulement L et C, en négligeant la
composante résistive, mais en limitant la valeur obtenue de telle sorte que l’amplification à la résonance,
Zh/hZ1 ne dépasse pas une valeur de 2 ou 3. La valeur la plus basse est valable pour les réseaux très chargés
et la valeur la plus élevée pour les réseaux peu chargés.
En général, l’amplification à la résonance ne dépasse pas un facteur 5 dans les réseaux publics, mais peut
atteindre une valeur de 8-10 dans certains réseaux industriels faiblement chargés.
5.2.2
Calculs manuels détaillés
Des calcul “manuels” plus précis sont réalisables à condition de disposer d’outils de calcul appropriés, par
ex. les tableurs.
5.2.3
Logiciels monophasés
On ne tient généralement pas compte de l'asymétrie des réseaux lorsque l'on étudie la propagation13 des
courants harmoniques. Dans cette hypothèse, on peut réaliser l'étude de la propagation des harmoniques à
l'aide d'une représentation monophasée du réseau (composantes directes).
Le calcul de la répartition des courants et des tensions harmoniques nécessite la connaissance du
comportement de chaque élément du réseau aux fréquences harmoniques.
Nombre de logiciels ont été développés. Ils offrent différentes possibilités de calcul telles que :
- L'impédance harmonique vue d'un noeud du réseau.
- Le coefficient d'influence, lié à la fréquence, d'un noeud donné sur un autre noeud (une tension d'une
unité étant injectée au premier noeud, le coefficient d'influence est donné par la tension résultante au
second noeud).
- Une prédétermination de la propagation des harmoniques de courant et de tension injectés par des charges
non-linéaires données.
- Une prévision de l'influence de modifications du réseau sur des harmoniques existants.
- Une prédétermination de la propagation des signaux de télécommande centralisée.
- Une représentation du réseau dans le plan R/X (voir Figure 55), de même qu’une estimation de la
distorsion de tension maximale qui peut apparaître. La représentation du réseau, dans le cas de réseaux
étendus, se traduit par une zone d’impédances possibles pour des fréquences individuelles ou des
fourchettes de fréquences, qui correspondent à différentes conditions d’exploitation. Le programme
13
Notons que “propagation” revêt ici le sens d’”écoulement d’harmoniques à (relativement) basse fréquence” et non de
“propagation d’ondes à hautes fréquences”.
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choisit ensuite dans cette zone, une impédance qui donne, en tenant compte du reste du réseau,
l’impédance correspondant à la distorsion de tension maximale au point de raccordement. Cette fonction
est utile à l’étude des variantes d’une installation particulière, lorsque l’on veut considérer l’impédance la
plus défavorable du réseau d’alimentation.
Figure 55 : Exemple de zone d’impédance dans une bande de fréquences donnée
5.2.4
Logiciels triphasés
Pour certaines études harmoniques, une représentation monophasée est insuffisante. Par exemple, on peut
citer les cas suivants :
Interférence téléphonique : l'influence des harmoniques homopolaires est importante.
- Batteries de condensateurs monophasées.
- Sources d'harmoniques monophasées ou non équilibrées.
- Amélioration de la conception de filtres pour grosses installations devant être raccordées en THT (très
haute tension), par ex. les stations de redressement HTCC (HVDC).
La ligne de transport est l'élément du réseau qui présente le plus souvent une dissymétrie importante. Le
déséquilibre des paramètres électriques à la fréquence fondamentale n'est pas élevé pour des lignes de
longueur modérée (disons inférieure à 100 km). Mais à certaines fréquences (fréquences de résonance de la
ligne), la différence d’amplitude des impédances mutuelles des phases peut provoquer un déséquilibre de
tension et de courant important. Pour des lignes longues, la transposition réduit effectivement le déséquilibre
pour les fréquences fondamentale et adjacentes immédiates mais accentue les déséquilibres au voisinage des
fréquences de résonance de la ligne. On ne peut modéliser cet effet par une représentation monophasée.
L'augmentation du déséquilibre des impédances mutuelles à des fréquences de résonance plus élevées
provoque l'écoulement de courant dans le neutre d'un réseau mis à la terre en plusieurs points et par
conséquent, l’écoulement de courant dans le sol. L'impédance des voies de retour par le sol joue également
un rôle. La Figure 56 illustre le déséquilibre de tension (Vi/Vd %) et l’asymétrie de tension (V0/Vd %)
rencontrés à l'extrémité émettrice d'une ligne de 200 km non transposée, avec injection de courants
harmoniques équilibrés, pour le cas où l’impédance Z raccordée à l’extrémité réceptrice est égale à
l’impédance caractéristique de la ligne Zc.
Dans le cas d’une ligne transposée, le déséquilibre Vi/Vd dépasse 30 %.
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Figure 56 : Déséquilibre de tension (V2/V1 ou Vi/Vd) et asymétrie de tension (V0/V1 ou V0/Vd)
à l'extrémité émettrice d'une ligne non transposée
de 200 km (Z = Zc) en fonction de la fréquence
Lors de l’étude d'un réseau THT, il peut être nécessaire de modéliser un très grand nombre d'éléments, pour
déterminer un nombre parfois important de fréquences de résonance. A titre d'illustration, la courbe en
pointillé de la Figure 57 montre l'impédance harmonique d’un réseau d’interconnexion (400 kV) où seuls 22
noeuds ont été modélisés ; ceci inclut les lignes 400 kV les plus proches, terminées par des circuits
équivalents, et les transformateurs et gros alternateurs de la zone. Dans la même figure, la courbe continue
montre la même impédance lorsque la représentation du réseau englobe 1733 noeuds, incluant la totalité des
réseaux 400 kV, 220 kV et 110 kV, plus les alternateurs à partir de 1 MVA (les différences sont cependant
surestimées, par suite de l'utilisation de modèles simplifiés pour le réseau à 22 noeuds).
Figure 57 : Modélisation d'un réseau THT
Effet de taille du réseau : ------- = 22 noeuds, ⎯⎯ = 1733 noeuds
Remarques.
• Avec le logiciel triphasé, on ne peut généralement pas modéliser la totalité du réseau électrique, étant
donné que le nombre de données à recueillir et les exigences de calcul sont énormes. Il est donc souhaitable
de ne modéliser que les parties du réseau qui ont une grande influence sur l'impédance. La meilleure
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approche consiste à utiliser le logiciel monophasé, pour déterminer la partie du système qu’il faudra
modéliser pour l’étude triphasée.
• En général, on juge acceptable d’ignorer les petites charges, en particulier si elle sont situées à une grande
distance de la zone étudiée. Cependant, ceci peut entraîner une erreur importante en raison de l’effet d’onde
stationnaire : aux fréquences harmoniques, la ligne peut avoir une longueur proche de ¼ ou ¾ de la longueur
d’onde ; une petite charge (forte impédance) est alors vue comme une faible impédance du point d’injection
de la ligne de transport, ce qui affecte fortement l’impédance du réseau. C’est pourquoi, à des fréquences
harmoniques particulières, une faible charge alimentée par une ligne de transport peut être un facteur
déterminant de l’impédance harmonique du réseau. L’utilisation d’un logiciel monophasé, qui modélise les
effets des longues lignes, est la méthode la plus commode pour déterminer l’impact de l’élimination d’une
charge ou d’un élément sur l’impédance harmonique du réseau, dans le domaine fréquentiel considéré.
5.3 CHOIX PRATIQUE DE LA METHODE ADEQUATE
En général, les mesures et les calculs sont des méthodes complémentaires et non rivales. Les mesures sont
utiles pour valider les calculs. Elles permettent de corriger le modèle du réseau, pour tenir compte des
données inconnues. Les calculs demeurent nécessaires pour prévoir les effets de situations futures.
En pratique, le choix de la méthode d'évaluation dépend de plusieurs facteurs, principalement la nature du
réseau électrique, la nature de la charge perturbatrice et la méthode disponible.
5.3.1
Réseaux BT
Dans les réseaux BT, l’approche simple du paragraphe A2.2.1.1 (courbe d’impédance la plus défavorable)
suffit généralement mais, en cas de doute, c'est également le cas où une mesure précise est la plus accessible,
car des générateurs de courants interharmoniques sont disponibles sur le marché.
5.3.2
Réseau MT
Dans les réseaux MT, la méthode la plus simple est l’approche "de la courbe d'impédance la plus
défavorable" (§ A2.2.1.1). On peut recommander de l'utiliser dans les réseaux publics ne comportant pas de
gros condensateurs ou filtres. Si cette approche montre un risque de dépassement des limites d'émission pour
une charge perturbatrice en projet, on procédera à une évaluation plus fine.
On peut utiliser en variante l'approche de la CEI (§ A2.2.1.2) et la considérer comme suffisante lorsqu'elle
montre que les limites d'émission seront largement respectées.
Si une étude plus détaillée semble nécessaire, un logiciel monophasé (§ A2.2.2) sera très utile, car il offre la
possibilité d'analyser l’influence de la configuration du réseau, de prévoir des niveaux futurs de tensions
harmoniques basés sur des mesures actuelles, d'étudier le comportement des différentes dispositions de
filtres, etc..
Toutefois, la difficulté avec les logiciels est la collecte des données, complètes et correctes, concernant les
éléments du réseau et les charges. Par conséquent, une mesure directe de l'impédance harmonique du réseau
reste souhaitable. Il sera souvent possible de déduire des résultats de mesure certaines améliorations du
modèle du réseau, tenant compte des données manquantes, rendant ainsi les calculs informatiques plus
fiables. Plusieurs méthodes de mesure sont disponibles, comme indiqué au § A2.1.
N.B. Dans certains cas particuliers (interférences téléphoniques, élément de réseau monophasé ou source
harmonique monophasée), il peut être préférable d'utiliser un logiciel triphasé (§ A2.2.3) plutôt que
monophasé.
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5.3.3
Réseaux HT
Des approches simples telles que la recommandation CEI (§ A2.2.1.2) ou les "courbes d'impédance les plus
défavorable" (§ A2.2.1.1) ne conviennent pas pour les réseaux HT.
Les logiciels monophasés (§ A2.2.2) constituent l'approche la plus fréquente, nécessitant la modélisation
d'une partie étendue du réseau, selon le niveau de tension :
- HT : On doit modéliser le réseau au moins jusqu'à deux noeuds à partir du point considéré (les liaisons
entre les noeuds successifs étant constituées de câbles, de lignes ou de transformateurs), le réseau au-delà
des points frontières étant représenté par des impédances de court-circuit (on utilise parfois une fourchette
de valeurs au lieu d’une valeur unique). Il est préférable d’évaluer également la capacité des lignes audelà du 2ème noeud. Pour les réseaux électriques fortement maillés, la dimension du circuit résultant est
généralement de l’ordre d’une centaine de noeuds.
- THT : une modélisation précise de tout le réseau de transport primaire au moins semble souhaitable. En
outre, il est recommandé d’analyser les charges du réseau de transport secondaire, pour décider si ces
charges devront faire l'objet d'une modélisation détaillée ou être représentées par un circuit équivalent. Si
l'on place directement ces charges au secondaire des transformateurs, on risque de surestimer leur
amortissement en utilisant des schémas équivalents trop simples.
Il faut recommander dans certains cas des logiciels triphasés (§ A2.2.3) :
- Risque d'interférences téléphoniques (influence des harmoniques homopolaires).
- Sources harmoniques monophasées ou non équilibrées, lorsqu’il y a des courants homopolaires, ou si les
impédances directe et inverse ne sont pas égales.
- Etude approfondie des filtres AC pour les grosses installations devant être raccordées aux réseaux THT,
par exemple les stations de redressement HTCC (HVDC).
Il faut toujours se rappeler que le domaine de validité en fréquence des modèles est limité. Les faibles valeurs
d’impédance à certaines fréquences doivent être utilisées avec précaution : les tensions harmoniques prévues
sont alors faibles, mais des valeurs plus élevées peuvent apparaître à des endroits éloignés en raison de
phénomènes de résonance.
De plus, les difficultés dans l’évaluation de l’impédance harmonique d’un réseau ne se limitent pas au choix
de la méthode ou du modèle utilisé. La récolte de données suffisamment précises et complètes présente
également des difficultés, car la précision de tout calcul ne peut être meilleure que celle des données sur
lesquelles il s’appuie. Pour obtenir des résultats précis, une connaissance complète de la dépendance des
éléments du circuit vis-à-vis de la fréquence est nécessaire, et ceci n’est pas toujours aisément accessible.14
Le 20ème rang harmonique semble être une limite pour des résultats de calcul fiables dans les réseaux HT et
THT.
14
Il n’y a pas de bon programme. Il n’y a que de bons modèles et de bonnes données.
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6 ANNEXE 3
EVALUATION A POSTERIORI DU NIVEAU D'EMISSION D'UN CLIENT
6.1 INTRODUCTION
Fixer des limites d’émission ne prend tout son sens que si l’on est capable de vérifier a posteriori que cellesci sont bien respectées. Or il est très difficile d’isoler la contribution particulière d’un client donné alors
qu’en tout point du réseau, le niveau d’harmoniques est la résultante de toutes les sources - très nombreuses simultanément présentes à tous les étages de tension.
Une simple mesure de courants harmoniques ne suffit pas, même si leurs phases sont mesurées par rapport
aux tensions harmoniques concomitantes en vue d’en détecter l’origine. Dans le cas général, les courants
harmoniques circulant dans la connexion d’un client au réseau sont les résultantes de courants circulant du
client vers le réseau et du réseau vers le client.
Nous avons alors profité de la présence d’un doctorant chinois, M. Honggeng Yang, au service du Professeur
Pirotte de l’Université de Liège, pour développer en collaboration les idées que nous avions sur le sujet.
Cette collaboration a abouti à trois publications et à la thèse de doctorat de M. Yang. Cette approche est
résumée ci-après.
6.2 PRINCIPES DE BASE ET ESTIMATION
6.2.1
Définitions - Exigences
Pour chaque fréquence (inter)harmonique, le niveau d'émission d'une charge perturbatrice spécifique est
défini comme étant la tension (ou le courant) (inter)harmonique qui serait produite par cette charge au point
de couplage commun (PCC) en l'absence de toute autre charge perturbatrice.
En vue de comparer l'émission du courant harmonique de la charge totale d’un utilisateur avec les limites
d'émission, il convient d’adopter une période minimale de mesure d'une semaine.
• Il est souhaitable que la plus forte valeur journalière à 95 %, en moyenne quadratique des échantillons sur
période très courte de 3 s, pour chaque rang harmonique (Ih,vs quotidien à 95 %), ne dépasse pas la limite
d’émission.
• Il est souhaitable que la plus forte valeur hebdomadaire, en moyenne quadratique des échantillons sur
période courte de 10 min, pour chaque rang harmonique (Ih,sh hebdomadaire), ne dépasse pas la limite
d’émission.
• Il est souhaitable que la plus forte valeur hebdomadaire, en moyenne quadratique des échantillons sur
période très courte de 3 s, pour chaque rang harmonique (Ih,vs hebdomadaire), ne dépasse 1.5 à 2 fois la
limite d’émission.
6.2.2
Principe de la méthode
En supposant que tant l'installation de l’utilisateur que le réseau d'alimentation sont représentés par des
schémas équivalents de Norton (Figure 58) constitué d’une source de courant et d’une impédance en
parallèle pour chacune des fréquences harmoniques, nous obtenons
Ve =
ZsZc
Zs
Ic = (Vo + ZcIo)
Zs + Zc
Zs + Zc
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(3.9.a)
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où
Zs = ⏐Zs⏐∠α est l'impédance du réseau d'alimentation,
Zc est l'impédance des charges de l’utilisateur,
Ic est la source de courant équivalente représentant les charges perturbatrices de l’utilisateur,
Vo = ⏐Vo⏐∠0 est la tension harmonique au PCC,
Io = ⏐Io⏐∠β est le courant harmonique au PCC.
L'estimation de l'émission harmonique de l’utilisateur à partir de (3.9.a) implique clairement quatre quantités
complexes inconnues (Zs, Zc, Vo, et Io) alors que seuls Vo et Io sont habituellement mesurés.
Figure 58 : Injection harmonique au PCC - Circuit équivalent
Cependant, comme il est indiqué dans la référence, la fluctuation naturelle des tensions et courants
harmoniques au PCC dans un intervalle de temps donné peut être utilisée pour déterminer les impédances
harmoniques, soit Zs ou Zc.
Les variations de tension et de courant pendant un intervalle de temps tk (ΔVok, ΔIok ) sont utilisées en vue
de déterminer l'impédance Zk en sorte que
Zk =
ΔVo k
ΔIo k
(3.9.b)
Dans l'hypothèse où seul Ic ou Is varie à cet instant, Zk sera égal respectivement à Zs ou Zc.
De plus, vu la réalité physique des impédances Zs et Zc, leur partie réelle doit être positive. En conséquence
et compte tenu des conventions de signe reprises à la Figure 58, si sa partie réelle est positive, Zk sera admise
comme impédance du réseau d'alimentation. Inversement, si sa partie réelle est négative, Zk correspondra à
l'opposé de l'impédance de l’utilisateur.
Cependant, en plus de ce principe simple, des techniques davantage élaborées ont été proposées en vue d'une
meilleure discrimination entre Zc et Zs.
6.3 DETERMINATION DE ZC
Dans de nombreuses applications pratiques, l'émission harmonique de l’utilisateur en question est plus
fluctuante que le niveau de base. De plus, pour la plupart des fréquences, l'impédance de l’utilisateur est
significativement supérieure à celle du réseau. Ceci rend plutôt malaisée la détermination de Zc.
Si on considère le réseau de l’utilisateur comme une entité comportant des charges linéaires et perturbatrices,
l'examen de l'effet d'une injection de courant au PCC au niveau du jeu de barres, conduit à l'équation
suivante :
Vo = Iz Zs = Is Zs + Io Zs = Vs + V’e
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(3.9.c)
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Figure 59 : Injection harmonique au PCC - Diagramme phasoriel
Vo comporte deux composantes (Figure 59) :
• Vs = Zs Is, la tension harmonique de base (à l'origine) du réseau d'alimentation proprement dit, en l'absence
du raccordement de l’utilisateur,
• V’e = Zs Io, une composante additionnelle de la tension en liaison avec le courant Io injecté dans le réseau
et résultat de la charge de l’utilisateur. Cette composante harmonique de la tension sera égale à la valeur
obtenue à l'aide de l'équation (3.9.a), Ve, lorsque ⎮Zc⎮ tend vers l’infini.
V’e = Vo - Vs = Io Zs ≅ Ve
(3.9.d)
L'erreur relative résultant de l'application de la formule simplifiée (3.9.d) par rapport à la formule précise
(3.9.a) est donnée par
ε=
1
Io ⎛ Zc ⎞
1+ ⎜ 1+ ⎟
Is ⎝ Zs ⎠
(3.9.e)
La situation la plus défavorable qui détermine la borne supérieure de l'erreur relative est donnée à la Figure
60, c'est-à-dire lorsque le dénominateur de l'équation (3.9.e) vaut 1+
Io ⎛ Zc
⎜ 1−
Is ⎜⎝ Zs
⎞
⎟
⎟
⎠
Les deux sources d'erreur sont mises en évidence :
- l'importance relative de la charge perturbatrice de l’utilisateur comparée au niveau de base du réseau seul
(rapport ⏐Io⏐/⏐Is⏐).
- l'amplitude de l'impédance de l’utilisateur par rapport à celle du réseau (rapport ⏐Zc⏐/⏐Zs⏐).
Comme annoncé précédemment, l'erreur est nulle lorsque l'impédance de l’utilisateur tend vers l'infini, quel
que soit le niveau harmonique de base. D'un autre côté, il est également confirmé que l'impact de Zc est le
moins important tant que le niveau harmonique de base est faible comparé au niveau d'émission de
l’utilisateur (rapport ⏐Io⏐/⏐Is⏐ élevé).
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Figure 60 : Erreur relative entre l’approche rigoureuse et l’approche simplifiée
Les conditions précédentes peuvent ne pas être rencontrÈes lorsque l'installation de l’utilisateur comporte des
filtres. Dans ce dernier cas, l'utilisation de la formule précise (3.9.a) est requise en lieu et place de la formule
simplifiée (3.9.d). Néanmoins, si la détermination expérimentale de Zc s'avère malaisée, il est suggéré de
faire usage d'une valeur calculée, en prenant en compte exclusivement les filtres et en admettant que
l'impédance en parallèle du reste de l'installation tend vers l'infini. L'impédance des filtres sera
habituellement obtenue à partir des données du concepteur.
6.4 DETERMINATION DE ZS COMME ETAPE DE L'EVALUATION DU NIVEAU
D'EMISSION
6.4.1
Valeur moyenne de résultats successifs
A partir de l'équation (3.9.c), si la tension et le courant mesurés varient pendant un court intervalle de temps,
il vient
ΔVo = Zs ( ΔIo + ΔIs)
ΔVo / ΔIo = Zs ( 1 + ΔIs / ΔIo )
ΔVo / ΔIo = Zs ( 1 + σ )
(3.9.f)
Dans la plupart des situations pratiques, les fluctuations de la source de courant harmonique côté utilisateur
sont plus importantes que celles côté réseau. ΔVo/ΔIo représente dès lors une estimation de l'impédance du
réseau pendant l'intervalle de mesure (quelques secondes en pratique), alors que σ = ΔVs/ΔIo est le
coefficient d'interférence. Il représente l'impact des variations de la source harmonique dans le réseau (Is) sur
la mesure de la fluctuation du courant résultant Io au PCC.
Clairement, une meilleure estimation de l'impédance nécessite la réduction de l'effet du coefficient
d'interférence. La procédure suivante peut être envisagée :
• Ignorer les estimations non significatives.
Vu que la partie réelle de l'impédance du réseau est toujours positive, Re(ΔVo/ΔIo) < 0 exprime qu'un trop
grand coefficient d'interférence σ est présent pendant l'intervalle de temps. Dans ce dernier cas, l'utilisation
du rapport ΔVo/ΔIo pour l'estimation de l'impédance conduirait à une erreur inacceptable. La valeur
estimée pour cet intervalle de temps est de ce fait inutile et sera ignorée pour la suite des calculs.
• Sommer N équations (3.9.f) donne :
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
⎛ 1 N ⎞
1 N ΔVo i
= Zs ⎜⎜ 1+ ∑ σ i ⎟⎟ ≅ Zs
∑
N i=1 ΔIo i
⎝ N i=1 ⎠
(3.9.g)
Vu les variations de phase du coefficient d'interférence σ, son effet est amoindri lorsque N augmente.
6.4.2
Covariance des fluctuations
L'emploi de la covariance des fluctuations pour estimer le courant de court-circuit est présenté dans la
référence. Une technique similaire sera utilisée ici en vue d'estimer Zs, l'impédance harmonique du réseau
d'alimentation.
Considérons de petites variations du signal dans l'équation (3.9.c) et négligeons les variations du second
ordre :
ΔVo=ZsΔIs+IsΔ Zs+ ZsΔIo+IoΔ Zs
En multipliant les deux membres de l'équation précédente par ΔIo*, le conjugué complexe de ΔIo, il vient
ΔVoΔI o*=ZsΔIsΔI o*+IsΔ ZsΔI o*+ ZsΔIoΔI o*+IoΔ ZsΔI o*
et en effectuant la moyenne sur un grand nombre de points, on obtient
R VoIo = ZsR IsIo + IsR ZsIo + ZsR IoIo + IoR ZsIo
où RVoIo, RIsIo et RZsIo sont les covariances respectivement des vecteurs Io et Vo, Is et Zs respectivement et
RIoIo est l'auto-covariance de Io.
En supposant que les variations des paramètres côté réseau et côté charge sont statistiquement indépendantes
l'une de l'autre, on a
RIsIo = RZsIo = 0
Dès lors, la valeur moyenne de l'impédance du réseau est donnée par
Zs =
R VoIo
R IoIo
(3.9.h)
L'indépendance statistique entre Io et Is ainsi que entre Io et Zs est à la base de l'équation (3.9.h).
L'indépendance entre Io et Zs est aisée à vérifier. L'autre requiert que ΔIc >> ΔIs. Cette condition est
similaire à celle qui sert de base à la méthode par estimation de la valeur moyenne.
6.4.3
6.4.3.1
Précision de l’estimation
Valeur de ΔIo
Les équations (3.9.f) et (3.9.h) indiquent qu'une meilleure estimation de l'impédance du réseau implique une
plus grande variation du courant mesuré au PCC que dans le réseau (ΔIo>>ΔIs).
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Ceci est illustré à la Figure 61 qui reprend des résultats expérimentaux à partir de 1440 mesures indiquant la
relation en fonction de ΔIo pour l'harmonique de rang 3. Lorsque ΔIo est suffisamment important, les
estimations sont concentrées dans une bande étroite entourant l'impédance harmonique du réseau.
Figure 61 : Variation de ΔVok / ΔIok en fonction de ΔIo pour l’harmonique 3
Pour des utilisateurs de petite taille comportant des charges perturbatrices, cette condition est difficile à
satisfaire. La tension au jeu de barres Vo, le courant total Io (injecté dans le réseau restant) et les courants
injectés à partir des utilisateurs (Io1,..., Iok) seront mesurés de manière synchrones pendant la période
d'observation (Figure 62)
Les fluctuations du courant total Io seront utilisées en vue de déterminer Zs et le niveau d'émission de chaque
utilisateur pourra alors être estimé à l'aide de l'équation (3.9.d), dans laquelle Io est remplacé par Iok.
Figure 62 : Circuit équivalent pour la représentation de plusieurs utilisateurs et du réseau restant
6.4.3.2
Instrumentation
Les méthodes présentées ici requièrent des mesures précises de la tension et du courant, une attention toute
particulière devant être portée à la mesure des angles de phase. L'emploi d’instruments basés sur la FFT
(transformée de Fourier rapide) implique le recours à la correction des erreurs dues au biais (skewing error)
et à l’utilisation de fenêtres appropriées, qui ont été employées dans nos mesures.
Cependant, des erreurs ont pour origine le bruit dans la mesure, par exemple produit par les capteurs et le
câblage. A un signal pseudo-aléatoire gaussien dans le domaine temporel, correspondra une composante
d’amplitude constante, superposée à toutes les raies dans le domaine fréquentiel. Un bruit à haute fréquence
peut également donner lieu à un repliement de spectre (aliasing), en raison du théorème d’échantillonnage.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Une solution à ces problèmes est la réduction du bruit au niveau des transducteurs et du câblage, en soignant
particulièrement les blindages. Le recours à un filtrage adéquat (filtres passe-bas) peut aussi s’avérer
nécessaire pour les canaux d’entrée.
6.4.4
Résultats pratiques
Des calculs et analyses mettant en oeuvre les méthodes présentées dans ce rapport ont été effectués en vue
d'estimer les niveaux d'émission harmonique de charges industrielles (fours à arc).
La Figure 63 donne les relations impédance-fréquence obtenues à l'aide des deux méthodes présentées
(valeur moyenne de l'impédance pendant une heure, entre 4 et 5 heure du matin, pendant 3 journées
successives, vue à partir du niveau 150 kV).
- Figure 63a, méthode “valeur moyenne”,
- Figure 63b, méthode “covariance des fluctuations”.
(a) Méthode “valeur moyenne”
(b) Méthode “covariance des fluctuations”
Figure 63 : Impédance harmonique en fonction de la fréquence
courbe 1: premier jour
courbe 2: deuxième jour
courbe 3: troisième jour
La Figure 63 indique une très bonne coïncidence des caractéristiques phase-fréquence de l'impédance
pendant la même période de trois jours, pour les deux méthodes d'estimation. Pour les courbes amplitudefréquence, la méthode "valeur moyenne" présente une bonne coïncidence jusqu'à l'harmonique de rang 25 et
la méthode "covariance des fluctuations" jusqu'à l'harmonique de rang 50. Les résultats obtenus par les deux
méthodes sont comparables jusqu'à l'harmonique de rang 25.
La méthode "covariance des fluctuations" semble présenter une meilleure précision que l'autre méthode.
Cependant, elle nécessite un très grand nombre d'échantillons de mesure et une période de temps importante
pendant laquelle l'impédance est stationnaire. Cependant, elle est très sensible à une erreur de phase dans la
mesure, comme discuté plus loin.
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
6.5 NIVEAU D'EMISSION HARMONIQUE DES CHARGES INDUSTRIELLES ANALYSE STATISTIQUE
6.5.1
Intervalle de temps entre les mesures
Pour limiter le risque de fluctuations simultanées dans les réseaux fournisseur et utilisateur (qui affectent
grandement la précision de la mesure), il est nécessaire de respecter un très court intervalle de temps entre les
mesures successives. Un intervalle de 3 secondes est habituel.
En, pratique, lorsque la méthode de la valeur moyenne (3.9.g) est utilisée avec un tel intervalle temporel pour
déterminer l'impédance du réseau Zs, il est recommandé de calculer une moyenne glissante sur environ 20
données.
6.5.2
Niveau d’émission en tension harmonique
Connaissant les valeurs suivantes de 3 en 3 secondes :
- l'impédance du réseau Zs,
- l'impédance de l’utilisateur Zc (soit mesurée par la méthode proposée soit calculée à partir des données du
concepteur),
- les courant et tension harmoniques au PCC (Vo, Io),
le niveau d’émission de tension harmonique peut être calculé par l’équation (3.9.a). Si l’influence de Zc peut
être considérée comme négligeable (⎮Zc⎮→∞), l’évaluation est simplifiée et est fournie par l’équation
(3.9.d).
6.5.3
Niveau d’émission en courant harmonique
Quoique l'attention ait été portée dans les paragraphes précédents sur l'estimation de la tension harmonique,
le niveau d'émission en courant harmonique pourra également être obtenu par la même méthode.
Nous avons, en se référant à la Figure 58,
Ie =
Zc
Vo+ ZcIo Ve
=
Ic =
Zs+ Zc
Zs+ Zc
Zs
(3.9.i)
Cette équation se simplifie si Zc est négligeable (⎮Zc⎮→∞) :
Ie = Io
6.5.4
(3.9.j)
Mesures sur site
Des mesures sur site ont été entreprises au niveau d'un jeu de barres 150 kV alimentant un four à arc DC de
100 MVA. L'expérience a été menée pendant trois jours.
La Figure 64 reprend les courbes de probabilités cumulées de la tension harmonique totale au jeu de barres
(A) et le niveau d'émission de l’utilisateur (B) pour les harmoniques de rangs 7 et 11.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
(a) harmonique 7
(b) harmonique 11
Figure 64 : Probabilité de non-dépassement des tensions harmoniques
Courbe A : tension au jeu de barres
Courbe B : niveau d’émission de l’utilisateur
On peut déduire de ces diagrammes des informations intéressantes quant à la distorsion en tension. Pour
l'harmonique de rang 7, par exemple, le niveau harmonique total au jeu de barres présente une distribution
bimodale, qui est attribuable à la présence d'une charge perturbatrice additionnelle.
D’autre part, la distribution bimodale du niveau d'émission de l’utilisateur pour l'harmonique de rang 11 est
la conséquence d'une modification significative de l'impédance harmonique du réseau d'alimentation
(coupure d'une batterie de condensateurs dans le voisinage).
Des mesures furent également conduites au jeu de barres 220 kV alimentant un autre four à arc à courant
continu de 125 MVA. Les niveaux d'émission harmonique calculés à l'aide de l'équation (3.9.d) sont donnés
aux Figure 65 et Figure 66. L'estimation de l'impédance du réseau d'alimentation (Zs) résultait de
l'application de la méthode "valeur moyenne".
La Figure 65 reprend les valeurs à 95% de probabilité de non-dépassement, pour les tensions harmoniques
totales au jeu de barres et les contributions harmoniques de la charge perturbatrice considérée (à comparer
aux limites d'émission correspondantes).
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Figure 65 : Valeurs à 95% de probabilité de non-dépassement (en fonction du rang harmonique)
( Gauche : niveau total jeu de barres / Droite : niveau émission utilisateur )
Les valeurs efficaces maximales pour des périodes de 10 minutes sont reprises à la Figure 66. Ces valeurs
représentatives des effets thermiques “à long terme” dûs aux harmoniques sont à comparer aussi aux limites
d’émission correspondantes.
Figure 66 : Moyennes quadratiques maximales sur des périodes de 10 minutes (en fonction du rang harmonique)
( Gauche : niveau total jeu de barres / Droite : niveau émission utilisateur )
Ces graphiques illustrent le fait que les niveaux d'émission d'une charge perturbatrice importante sont très
voisins des tensions harmoniques totales au jeu de barres, pour la plupart des fréquences. Ils peuvent
cependant être supérieurs pour certaines fréquences, par exemple l'harmonique de rang 9, résultat d'une
combinaison favorable des phases entre les sources du réseau et la charge particulière examinée (voir
également les Tableau 5 et Tableau 6).
6.5.5
Approches simplifiée et rigoureuse
Il est important d'avoir à l'esprit que l'emploi de la formule simplifiée (3.9.d) pour l'estimation du niveau
d'émission peut conduire à des erreurs non négligeables, dès que l'impédance de la charge de l’utilisateur Zc
n'est pas nettement supérieure à celle du réseau (par exemple en présence de filtres). Dans de tels cas,
l'utilisation de la formule précise (3.9.a) est recommandée. Cependant, la détermination expérimentale de Zc
s'avère habituellement plutôt malaisée et on suggère de faire usage d'une valeur calculée, obtenue à partir des
données du transformateur et du filtre (constructeurs).
Pour comparaison, les Tableau 5 et Tableau 6 donnent les résultats obtenus à l'aide de la formule simplifiée
(3.9.d) et de la formule précise (3.9.a), dans laquelle la valeur de Zc a été calculée, en tenant compte des
filtres seuls (le reste de l'installation de l’utilisateur est supposée d'impédance infinie).
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Tableau 5 - Probabilité de non-dépassement de 95 %
Rang
harm.
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
Tension
harm.
totale
j.d.b.
(%)
0.49
0.58
0.11
0.40
0.08
0.36
0.08
0.23
0.25
0.32
0.08
0.25
Niv.
émission
Formule
rigoureuse
(3.9.a)
0.47
0.45
0.10
0.08
0.07
0.08
0.06
0.30
0.24
0.23
0.07
0.17
Niv.
Émission
Formule
simplifiée
(3.9.d)
0.47
0.52
0.10
0.13
0.08
0.11
0.06
0.31
0.25
0.24
0.07
0.19
Tableau 6 - Moyenne quadratique maximale pour 10 minutes
Rang harm.
Tension
harm.
totale j.d.b.
(%)
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
0.48
0.66
0.12
0.43
0.07
0.35
0.07
0.20
0.22
0.30
0.08
0.30
Niv.
émission
Formule
rigoureuse
(3.9.a)
0.45
0.53
0.13
0.08
0.09
0.07
0.07
0.32
0.24
0.22
0.06
0.20
Niv.
Émission
Formule
simplifiée
(3.9.d)
0.46
0.66
0.13
0.13
0.09
0.10
0.07
0.31
0.26
0.25
0.07
0.19
Les niveaux d'émission harmonique sont clairement inférieurs aux tensions totales au jeu de barres pour les
fréquences influencées par les filtres (harmoniques de rangs 3, 5, 7 et 12). Pour ces fréquences également, les
erreurs résultant de l'emploi de l'approche simplifiée ne sont pas négligeables.
COMMENTAIRES
La méthode proposée nécessite uniquement l’enregistrement de la tension et du courant à l’interface réseauutilisateur. Aucune manoeuvre particulière n’est nécessaire. Un sous-produit de grand intérêt est l’évaluation
de l’impédance harmonique du réseau.
L'influence de l'impédance de l’utilisateur sur l'estimation des niveaux d'émission harmonique et la
possibilité de la négliger ont été envisagées. Les deux méthodes d'estimation ont été discutées. Une solution
pratique est proposée pour prendre en compte la présence de filtres en vue d'améliorer la précision de
l'estimation.
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Deux voies sont proposées pour estimer l'impédance du réseau d'alimentation : valeur moyenne et covariance
des fluctuations. La seconde conduira à une meilleure estimation si les mesures sont très précises (en
particulier les mesures de phase).
Le niveau de bruit influence particulièrement la précision des mesures (spécialement la mesure des
déphasages). Outre la correction du biais et l’utilisation de fenêtres, un soin particulier doit être apporté tant à
la réduction du bruit au niveau des transducteurs et du câblage, qu’à l’utilisation de filtres pour éviter le
repliement spectral (anti-aliasing).
Plusieurs applications indiquent que la méthode proposée semble adéquate en vue de déterminer les niveaux
d'émission harmonique d'une charge industrielle spécifique et de les comparer aux valeurs limites.
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7 TABLE DES MATIERES
1
2
INTRODUCTION ...................................................................................................................................................... 2
PROBLEME DES HARMONIQUES ........................................................................................................................ 5
2.1
Nature du problème ............................................................................................................................................ 5
2.2
Prédétermination des harmoniques ..................................................................................................................... 5
2.2.1
Courants harmoniques ................................................................................................................................ 5
2.2.2
Tensions et courants harmoniques, cas de la résonance parallèle............................................................. 14
2.2.3
Tensions et courants harmoniques, cas de la résonance série................................................................... 19
2.2.4
Considérations complémentaires sur l’impédance harmonique du réseau................................................ 21
2.2.5
Coefficient d’amplification....................................................................................................................... 22
2.2.6
Influence du rang des harmoniques sur le risque de résonance aiguë. ..................................................... 23
2.2.7
Sommation des harmoniques (foisonnement)........................................................................................... 23
2.3
Importance admissible des tensions harmoniques ............................................................................................ 24
2.3.1
Pertes dans les condensateurs ................................................................................................................... 24
2.3.2
Tenue diélectrique des installations en général......................................................................................... 28
2.3.3
Echauffement des machines tournantes .................................................................................................... 28
2.3.4
Interférences entre redresseurs contrôlés .................................................................................................. 29
2.3.5
Perturbations dans les installations à courants faibles .............................................................................. 30
2.3.6
Limites globales usuelles .......................................................................................................................... 30
2.4
Moyens disponibles pour limiter les perturbations........................................................................................... 32
2.4.1
Choix judicieux des caractéristiques des redresseurs ............................................................................... 32
2.4.2
Interposition de selfs anti-harmoniques sur les batteries de condensateurs.............................................. 33
2.4.3
Filtres passifs ............................................................................................................................................ 35
2.4.4
Filtres actifs .............................................................................................................................................. 39
2.4.5
Aménagements de la structure des réseaux............................................................................................... 41
2.4.6
Correction décentralisée de la tension pour certains équipements sensibles ............................................ 41
2.4.7
Transformateurs HT/MT à tension de court-circuit réduite...................................................................... 42
3 SIGNAUX ET PERTURBATIONS INTERHARMONIQUES............................................................................... 43
3.1
Nature des problèmes ....................................................................................................................................... 43
3.2
Télécommande centralisée dans les réseaux de distribution............................................................................. 43
3.2.1
Principes de la télécommande centralisée des réseaux de distribution ..................................................... 43
3.2.2
Vulnérabilité de la télécommande centralisée aux perturbations interharmoniques ................................. 44
3.2.3
Vulnérabilité à la proximité de condensateurs.......................................................................................... 44
3.2.4
Vulnérabilité de charges extérieures à la télécommande centralisée ........................................................ 45
3.3
Fours à arc à courant alternatif sans ou avec SVC ........................................................................................... 45
3.3.1
Caractérisation d’un four comme tel en tant que charge déformante ....................................................... 45
3.3.2
Effet de la présence de condensateurs ...................................................................................................... 46
3.3.3
Transformation des condensateurs en filtres d'harmoniques .................................................................... 47
3.3.4
Effet d’un SVC sur un autre site industriel............................................................................................... 48
3.4
Fours à arc à courant continu avec SVC et stations HVDC ............................................................................. 48
3.4.1
Caractérisation des fours à courant continu .............................................................................................. 48
3.4.2
Effet de l'addition de condensateurs ou d'un SVC.................................................................................... 49
3.4.3
Flicker harmonique ................................................................................................................................... 49
3.4.4
Stations de conversion alternatif-continu (HVDC)................................................................................... 51
3.5
Influence des cycloconvertisseurs .................................................................................................................... 51
4 ANNEXE 1 MESURE ET EVALUATION............................................................................................................. 54
4.1
Exigences pour l’appareil de mesure ................................................................................................................ 54
4.2
Note sur les transformateurs de mesure ............................................................................................................ 54
4.3
Analyse statistique ............................................................................................................................................ 56
4.3.1
Intervalle très court (première intervalle temporel d'intégration) ............................................................. 56
4.3.2
Intervalle court (deuxième intervalle temporel d'intégration)................................................................... 56
4.3.3
Intervalle long (troisième intervalle temporel d'intégration) .................................................................... 56
4.3.4
Intervalle d'un jour (24 h) ......................................................................................................................... 57
4.3.5
Intervalle d'une semaine ou plus............................................................................................................... 58
4.3.6
Résumé des recommandations concernant la méthode de mesure............................................................ 58
4.4
Indices de qualité .............................................................................................................................................. 58
5 ANNEXE 2 EVALUATION DE L'IMPEDANCE HARMONIQUE DU RESEAU............................................... 60
5.1
Méthodes de mesure ......................................................................................................................................... 60
III Déformations de la sinusoïde de tension (édition 2006-2007)
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ELEC 2595 : Qualité de l'Electricité
Principes généraux.................................................................................................................................... 60
5.1.1
5.1.2
Précision des méthodes de mesure............................................................................................................ 63
5.1.3
Exemples de méthodes de mesure utilisées en pratique............................................................................ 64
5.2
Méthodes de calcul ........................................................................................................................................... 70
5.2.1
Calcul manuel (réseaux BT et MT) .......................................................................................................... 70
5.2.2
Calculs manuels détaillés.......................................................................................................................... 72
5.2.3
Logiciels monophasés............................................................................................................................... 72
5.2.4
Logiciels triphasés .................................................................................................................................... 73
5.3
Choix pratique de la méthode adéquate ............................................................................................................ 75
5.3.1
Réseaux BT............................................................................................................................................... 75
5.3.2
Réseau MT................................................................................................................................................ 75
5.3.3
Réseaux HT .............................................................................................................................................. 76
6 ANNEXE 3 EVALUATION A POSTERIORI DU NIVEAU D'EMISSION D'UN CLIENT ................................ 77
6.1
Introduction ...................................................................................................................................................... 77
6.2
Principes de base et estimation ......................................................................................................................... 77
6.2.1
Définitions - Exigences............................................................................................................................. 77
6.2.2
Principe de la méthode.............................................................................................................................. 77
6.3
Détermination de Zc ......................................................................................................................................... 78
Détermination de Zs comme étape de l'évaluation du niveau d'émission ......................................................... 80
6.4
6.4.1
Valeur moyenne de résultats successifs .................................................................................................... 80
6.4.2
Covariance des fluctuations ...................................................................................................................... 81
6.4.3
Précision de l’estimation........................................................................................................................... 81
6.4.4
Résultats pratiques .................................................................................................................................... 83
6.5
Niveau d'émission harmonique des charges industrielles - analyse statistique................................................. 84
6.5.1
Intervalle de temps entre les mesures ....................................................................................................... 84
6.5.2
Niveau d’émission en tension harmonique ............................................................................................... 84
6.5.3
Niveau d’émission en courant harmonique............................................................................................... 84
6.5.4
Mesures sur site ........................................................................................................................................ 84
6.5.5
Approches simplifiée et rigoureuse .......................................................................................................... 86
7 TABLE DES MATIERES........................................................................................................................................ 89
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