Laphotométriedesmilieuxtroubles Avertissement:cetravailrésulted’unesynthèsededonnéesbibliographiquesetdetravauxd’enseignantsdebiotechnologiequel’inspectiongénéraleremercievivement. Les solutions hétérogènes telles que les solutions macromoléculaires dispersées (anciennement appelée solutions colloïdales) ou les suspensions de fines particulesoudecellulesdéveloppentaveclalumièredesinteractionscomplexesquel’œilinterprèteparlavisiond’untrouble. Dansunmilieutrouble,chaqueparticulesecomportecommeunesourcesecondairedelumière. Auseind’unmilieutrouble,lalumièresubittroiscatégoriesdephénomènesprincipaux: - desdiffusionsfonctionsdelaforme,lataille,lacompositiondesparticules; - desréflexions(phénomènemineurquiseranégligéici)enlienaveclanaturedeleursurface; - uneabsorptionselonletauxd’opacitédesparticules. Lerestedelalumièreestsimplementtransmisdansl’axedelalumièreincidente. Les phénomènes sont bien plus complexes encore mais on considère qu’ils obéissent à la loi de Rayleigh dont l’expression, elle aussi complexe, peut être simplifiéesous la forme (avec I = intensité de lumière, exprimée en candela (cd) selon le système international, ou en lumen (lm) pour l’unité dérivée du flux lumineux): Iincidente=Iabsorbée+Itransmise+Idiffusée Lesprincipalesméthodesdemesuredesinteractionsentrelalumièreetunmilieutroublesont: - laTURBIDIMETRIE; - l’OPACIMETRIE; - laNEPHELEMETRIEouNEPHELOMETRIE. Alertesémantique: Danslesouvragesderéférence,laturbidimétrieestdéfiniecommelamesuredudegrédeturbiditéd'unesuspension,c'est-à-direl'évaluationdelaquantitéde substancesinsolublesouensuspensiondansunliquide. L’opacimétrieestdéfiniecommela«mesuredel'opacitéd'unesubstanceparmesuredel’atténuationdurayonnementtransmis.»Onpeututilisermaintenantle terme«atténuance»(1),notée«D»,pourexprimerlerésultatenopacimétrie(SourceIUPAC(2)GoldBook2012). Le terme absorbance(3) est réservé à la photométrie d’absorption moléculaire en milieu homogène et transparent, couramment appelée spectrophotométrie d’absorptionmoléculaire. Leterme«DO»(densitéoptique)n’aplusd’existenceofficielle:ilestrecommandédeneplusl’utiliserdepuis1996(sourceIUPAC). Ilsembleraitmêmequeletermeturbidimétriesoittrèsgénérique(mesuredutrouble)etenglobeenfaitlesdifférentestechniques(notammentopacimétrieet néphélémétrie). InspectionGénéraledeBiochimie-GénieBiologique–groupeSTVST [Tapezletexte] 1 Afin d’harmoniser les contenus d’enseignement et nuancer ces concepts complexes, les repères du tableau ci-dessous peuvent être apportés aux élèves du cycle terminalSTL-biotechnologiesetdessectionspost-baccalauréat(CPGE-TB&STS). Cycleterminal méthodologie définition Appareilde mesure Application Expressiondurésultat Turbidimétrie Appréciationvisuelle, parfoismesurée,dela concentrationoude l’épaisseurd’unmilieu selonsontroubleen comparaisonàdes suspensionsétalon. Lecturevisuelle, parfoismesurée. -Préparationde suspensionmicrobienne parcomparaisonavec lesétalonsMacFarland -Testdeséropositivité auvirusEbolaparPCR Enrepèreavecl’étalon correspondant. Présenceounond’un trouble. Opacimétrie(6) Mesurelalumière transmisedansla mêmedirectionquela lumièreincidente. Spectrophotomètreà unelongueurd’onde prochede600nmle plussouvent(7). Estimationdela concentrationcellulaire d’unesuspension (bactéries,levures,...). Onutiliseaussileterme atténuance(D). Danscertaines conditions(6)onpeut appliqueruneloide proportionnalitédutype: D=k·CN·l D:atténuance k:coefficientde proportionnalité l:trajetoptiquedela lumière(épaisseurdela cuve) CN(5):concentrationdes macromoléculesou particulesàl’originedu trouble InspectionGénéraledeBiochimie-GénieBiologique–groupeSTVST [Tapezletexte] Notionscomplémentaires post-baccalauréat Enfonctiondeslaboratoires d’analyses,lesappellationsdes méthodologiesutilisantla photométriedesmilieuxtroubles peuventêtredifférentes.La turbidimétrieeffectuéedansles laboratoiresd'analysesbiologiques surdesprélèvementsdeliquides biologiquesestessentiellement réaliséeavecdesappareilsoptiques dehauteprécision,reliésàun ordinateur;ainsi,danslaplupart desouvragestechniquesmédicaux lesdeuxtermesturbidimétrieet néphélémétriesontutilisésdefaçon équivalente. Dansdenombreuxd’ouvrages,les termeopacimétrieouturbidimétrie sontutiliséssansdistinction: «mesuredelalumièretransmise danslemêmesensquelalumière incidente,àl’aided’unappareil,par exempleunspectrophotomètre.». Limitesduconceptd’atténuance(1) 2 Néphélémétrie(8) Techniquedemesure Néphélémétreou ou delalumièrediffusée néphélomètre. néphélométrie parles macromoléculesou particulesàl’origine dutrouble. Particulièrement sensible(4)et présentantune meilleure détectabilité(5),elle estutiliséepourle dosagedesubstancesà l’étatdetraces. Dosagedemoléculesou departiculesàl’étatde trace. - Particulesen suspensiondansun gaz,unliquide (puretédel’eau), - antigènes, - anticorps, - mesurede concentrationsde certainesprotéines sériquespar immunoprécipitation… Elles’exprimeleplus souventenUTN(Unitéde Turbidité Néphélométrique),en anglaisNTU(Nephelometric TurbidityUnit). Encoreappeléenéphélectomètrie. Onmesurelalumièrediffusée,le plussouventà90°maisc’est variableselonlacomplexitédes appareilsdemesure(certains prenantunemesureplusieurs anglesdediffusiondifférents). Onpeutconstruirelamême définitionquepourl’opacimétrie(cf. ci-avant):«mesuredutrouble (turbidité)parmesurededu rayonnementdiffusé.» Dansledomainedel’eau,ontrouve égalementdesFNU(Formazine NephelometricUnit)ouFTU (FormazineTurbidityUnit),carla référence-étalonétaitlaformazine (substancesynthétique). D’autresunitésexistent(notamment auxUSAetenEurope)pourmesure laturbiditédesboissons(dansle domainealimentaire).Ellessont reliéesauxunitésofficiellesde référence(UTN,FNU). Letermeatténuanceestmoinsspécifiqueetplutôtemployédanslescasoùladiminutiondelatransmittance(del’intensitétransmise)n’estpasseulement dueàl’absorptionmaisaussiàd’autresphénomènes(notammentladiffusion,«scattering»enanglais)…;maisatténuanceetabsorbanceontbienlamême I définition mathématique ( D = – Log T = Log 0 = A ), et c’est donc strictement la même grandeur qui est rendue par le spectrophotomètre (qui mesure IT seulementlefluxtransmisdansl’axeetquilecompareaufluxincidentavantlacuve:lespectrophotomètrenemesurepasvraimentlalumièreabsorbée,il mesurecequ’ilresteaprèstouslesphénomènesquiontpusepasserdanslacuve,sanspréjugerduphénomènemajoritaireresponsabledel’atténuationde l’intensitédurayonnementlumineux). € Letermeatténuanceaaussiseslimites:ilimpliquejustequelalumièreincidenteest«atténuée»sanspréciserlesmécanismesmisenjeu. IUPAC:InternationalUnionofPureandAppliedChemistry. (1) (2) InspectionGénéraledeBiochimie-GénieBiologique–groupeSTVST [Tapezletexte] 3 (3) (4) (5) (6) Letermeabsorbance(A),sansdimensionouexpriméarbitrairementenUA(unitéd’absorbance)esttoujoursutilisable(puisquec’estl’indicationrenduepar lespectrophotomètre).Maisilestplutôtréservéàl’expressiondelaphotométried’absorptionmoléculairedanslesmilieuxhomogènesisotropes(solutions vraies,limpides),alorsqueletermeatténuance(D)estréservéauxcasoùilyaaussipriseencomptedeseffetsdediffusion,donctypiquementlecasdes milieuxtroubles. Ne pas confondre la sensibilité (capacité à distinguer deux concentrations proches) et la détectabilité (capacité à détecter voire doser des concentrations faibles). Pourlesconcentrationsennombre(donclesconcentrationsdecellulesoudeparticules),lesymboleofficiel(IUPAC)estCN(Cmajuscule,Nenindice);alors quepouruneconcentrationd’uneespèceensolution,lesymboleestuncminuscule. CONDITIONSETLIMITESD’UTILISATIONDEL’OPACIMÉTRIE: LetracéD=f(CN)donneunecourbecroissanteàconcavitédirigéeverslebas;pourlesfaiblesconcentrations,lacourbepeutseconfondreavecsatangente: ilexistealorsunerelationdeproportionnalitédirecteentreDetCN,commedéfiniedansletableauci-avant. Cette loi de proportionnalité entre l’atténuance D en milieu trouble et la concentration CN n’est pas la loi de Beer-Lambert (réservée à l’absorption moléculaire).Danscecas,ilestpossibled’utiliserleterme«coefficientd'atténuation»(plutôtqueseulementde«proportionnalité»,quiesttropgénérique, maisc’estlamêmeidée).Iln'yapasdesymboleofficielrecommandépourlecoefficientd'atténuation(onpeutdoncutiliserunsymboleauchoix,parexemple unkminuscule...). Cette proportionnalité entre D et la concentration CN en particules (macromolécules, ou plus souvent cellules microbiennes) s’observe dans certaines conditionspourunappareildonné: • lumièremonochromatique; • concentrationfaibleenmicroorganismes(doncau«début»delacourbe); • suspensionhomogène(d’oùl’importancedesétapesd’homogénéisation); • tailledesparticulesvoisinedelalongueurd'ondedelalumièreincidente. Deplus,lecoefficientd’atténuation(k)dépenddenombreuxfacteurs: • lanaturedelasouche(bacille,coque,levure…):ilestdoncàétablirpourchaquesouche,maisonpeutprendredesvaleursglobales; • la nature du milieu de culture: un milieu riche peut permettre la constitution de réserve (glycogène ou PHB) qui changent l'absorbance de la suspension; • laprésenceounond'unespore,vacuoleouautresinclusions; • laprésenceounondeciliature:laciliaturepeutavoiruneffettrèsimportantcarellevacontribueràunefortediffusiondelalumière. L’opacimétrie présente d’autre part des limites, en particulier, la relation linéaire entre D et CN n’est valable que dans une zone limitée de valeurs d’atténuance,comprisesentre: InspectionGénéraledeBiochimie-GénieBiologique–groupeSTVST [Tapezletexte] 4 • un seuil de détection, en dessous duquel les valeurs n’ont pas de valeur significative (ce seuil de détection dépend notamment de l’appareil de mesure):ainsi,detropfaiblesconcentrationscellulairesneserontpascorrectementdétectéesparlespectrophotomètre; • une limite de linéarité, au-delà de laquelle la proportionnalité n’est plus valable: cette limite dépend de la valeur du coefficient d’atténuation, qui dépendenpartiedelaformedesbactériesétudiées.Eneffet,s’ilyatropdebactéries(concentrationsélevées),lalumièredéviéeunepremièrefoispar unecellule(etquinedevraitalorspasêtrepriseencomptecarnontransmise),peutêtredéviéeunesecondefoisparuneautrecelluleetêtrealors transmise(donclavaleurdufluxtransmisneserapas«correcte»). Ainsi,lazone de linéaritédelarelationdeproportionnalitéestplusoumoinsétendue:ilsuffiraalorsdediluerunéchantillontropconcentrépour l’amenerdanscettezoneeteffectuerunemesurecorrecte. Hormisceslimitesdelinéarité,ilexisted’autrescontraintesàprendreencompte: • lemilieuutilisédoitêtreliquide,etexemptdeparticulesautresquelesmicroorganismes(doncméthodepeuadaptéeàl’eauderivièreouaulait,ou encoreàunbroyatd’aliment); • le milieu ne doit pas absorber aux longueurs d’onde utilisées: cela peut se compenser par le réglage du zéro de l’appareil sur du milieu stérile, mais privilégierlessuspensionseneauet/oueffectuerunchoixjudicieuxdelongueurd’onde(voirci-dessous); • lemilieudoitcontenirsuffisammentdemicroorganismespourêtredétectés; • latechniquenepermetpasdedistinguerlesmicroorganismesvivantsdesmorts:elleévaluelabiomassetotale. (7) CHOIXDELALONGUEURD’ONDE(extraitd’undocumentdeJPPerré): Iln'yaaucunpicdûàlasuspensionbactérienne:sonabsorbancediminuerégulièrementlorsquelalongueurd'ondeaugmente. Plus la longueur d'onde est élevée, plus le flux transmis est fort et plus l'absorbance est petite (et inversement)... Si on veut augmenter la sensibilité en opacimétrie(c’est-à-direobteniruneabsorbanceplusgrandepouruneconcentrationdonnée),onpeutdiminuerlalongueurd'ondeutilisée. Dans le rouge (vers 700-800nm), le flux transmis par une suspension de particules sera plus grand et donc l'absorbance plus petite. Inversement, l'absorbancedanslebleu(vers400nm)seraplusgrande.L’opacimétrie aura donc une meilleure sensibilité dans le bleu que dans le rouge et donc aussiunemeilleuredétectabilitédanslebleu. Cecidit,onn’apassouventdesproblèmesdedétectabilitéaveclessuspensionsbactériennes,etdeplus,lemilieuutilisé(jaunâtre)absorbeaussidanslebas duvisible(versleviolet):ilnefautdoncpasallerdanslesrégionsspectralesoùlemilieuabsorbe Ilvautmieuxdanscecasresterverslerouge,entre550et700nm(lesabsorbancesserontd'autantpluspetitesquelalongueurd'ondeaugmente).Deplus c’estaussicohérentaveclefaitquelatailledesparticulesnedoitpas«dépasser»lalongueurd'ondedesradiationsutilisées(oudumoins,êtredumême ordredegrandeur).Apartirduspectred'absorptiond'unmilieustérileetceluidumêmemilieuensemencé,onréaliseunchoixleplusjudicieuxpossible. InspectionGénéraledeBiochimie-GénieBiologique–groupeSTVST [Tapezletexte] 5 € (8) NOTIONSFONDAMENTALESSURLANÉPHÉLOMÉTRIE(extraitd’undocumentdeJPPerré): Ilestfaciled'observerladiffusiond'unrayonnementpardesparticulesensuspension:c'estl'EFFETTYNDALL.SilaconcentrationCenparticulesdansune suspensionestfaible,lefluxΦ DdurayonnementdiffuséselonunangleθestreliéàlaconcentrationparlaLOIDERAYLEIGH: ΦD(θ ) 1 = K (n,θ ) ⋅ Φ0 ⋅ V ⋅ 4 ⋅ C = k'⋅ C λ0 2 Φ 0 V fluxdurayonnementincident volumemoyendesparticules K(n,θ ) facteurquidépenddeθetdesindicesderéfractiondumilieuetdelaparticule Onremarqueque: • Φ Ddépenddel’angledemesureθ,vialefacteurK. • Φ DdépenddeΦ 0:unesourcelumineusepuissantepermettrad’augmenterlasensibilité. • Φ Daugmentecommelecarréduvolumedesparticules. • Φ Daugmentequandλ 0diminue:ladiffusionestplusimportanteauxfaibleslongueursd’onde.Parexemple,ladiffusionestenviron10foisplusgrande danslebleuquedanslerouge:(710/400)4=9,9. En conséquence, pour augmenter la sensibilité en néphélométrie, on pourra utiliser des longueurs d'onde plus petites, mais attention aux interférencesd'absorption(qu'ilestfacilededécelerentraçantlespectred'absorptiondumilieunonensemencéutilisé). • Φ DaugmenteavecC:laproportionnalitéentrecesdeuxtermesexistepourdessuspensionsdeparticuleshomogènes,dontlevolumeetl’indicede réfractionsontconstants. Si ces conditions ne sont pas respectées, la proportionnalité risque de ne plus exister, mais le flux diffusé augmentera quand même avec la concentration.C’estlecasaveclessuspensionsdemicroorganismes. InspectionGénéraledeBiochimie-GénieBiologique–groupeSTVST [Tapezletexte] 6