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Première partie.
Dans une introduction au livre de Bernard Fischbach et Yves Waldteufel, La Valse au
cœur, le pianiste Alexandre Sorel écrit : « La Valse des patineurs est l’une des plus
célèbres et des plus belles valses qui furent jamais composées… Bien plus,
universellement fredonnée, sifflée, elle est si célèbre qu’il suffit d’en suggérer trois
notes pour que s’amorce un sourire, que s’esquisse un mouvement de danse… Et
pourtant, qui connaît le nom de son auteur, Émile Waldteufel ? Combien d’entre nous
pourraient dire que ce grand maître français de la valse composa une œuvre
immense, près de trois cents suites de valses et polkas ? »
C’est le 9 décembre 1837 qu’Émile Waldteufel voit le jour au 37 (84) de la Grand’Rue
à Strasbourg. Quelques décennies auparavant, son grand-père, Marcel Loyse, un
commerçant ambulant et violoniste amateur, s’était établi à Bischheim et avait
épousé Ève Lazare. De cette union naquirent six enfants, cinq garçons et une fille,
dont Louis, le père d’Émile. Mais pourquoi ce pseudonyme de Waldteufel (Diable de
la forêt) ? On a évoqué le surnom donné aux bûcherons dans le village de
Scherwiller. L’hypothèse la plus probable est cependant celle d’un instrument à
friction appelé « waldteufel ». « C’est un petit cylindre creux pourvu d’une mince
membrane en papier qui est attaché à un bâton à l’aide d’une longe corde. Lorsque
le cylindre tourne autour d’un bâton, les vibrations de la corde se transmettent à la
membrane provoquant ainsi un bourdonnement. » Ce surnom maintes fois répété par
les villageois a été adopté par Marcel.
Trois de ses enfants se distinguèrent par leurs aptitudes musicales : Salomon,
Nathan et Louis. Salomon fit une carrière de violoniste et de compositeur. Nathan fut
nommé, en 1855, professeur de violoncelle au conservatoire de Strasbourg et Louis,
excellent violoniste, enseigna la musique avec Flora, artiste lyrique qu’il épouse, le 9
juin 1831 Le couple s’installe au 26 rue des Dentelles (n°9, aujourd’hui).
D
e leurs
quatre fils (Achille, Léon, Édouard, Émile), Léon et Émile seront à leur tour
musiciens.
Peu de temps avant la naissance du petit dernier, les 21 et 23 octobre 1837, Johann
Strauss père fait étape à Strasbourg pour y donner deux concerts. Louis,
impressionné par son orchestre de vingt-six musiciens, rencontre Strauss et décide
de créer un ensemble de la même taille, qui acquiert rapidement une belle notoriété.
En 1839, Louis est nommé chef d’orchestre des bals du casino de Baden-Baden et
obtient le même poste un an après à Strasbourg.
Pour donner plus d’éclat à sa carrière, Louis estime qu’il doit tenter sa chance à Paris
et, le 13 décembre 1844, il quitte Strasbourg pour s’installer dans la capitale avec
son épouse, Léon et Émile. Très vite, l’orchestre de Louis s’impose dans la vie
musicale parisienne malgré les soubresauts politiques. Par ailleurs, il composera une
cinquantaine de pièces.
On sait peu de choses sur le parcours d’apprenti musicien du jeune Émile.
Marmontel, éminent professeur de piano au Conservatoire, l’auditionne et accepte de
le prendre dans sa classe dès qu’une place se libèrera. Émile reçoit néanmoins
l’enseignement de Joseph Heyberger, jeune pianiste et organiste alsacien, lui-même
élève de Marmontel. Le 26 décembre 1853, Émile entre au Conservatoire de Paris,
où il aura pour condisciples Jules Massenet et Georges Bizet, et passe avec succès