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Jeudi 26 mars 2015 20h
Strasbourg, PMC Salle Érasme
Orchestre philharmonique de Strasbourg
Theodor Guschlbauer direction et récitant
Émile Waldteufel (1837-1915)
Pluie de diamants, valse op.160 11
Polka des tambourins op.147 (1876) 3’
Amour et printemps, valse (1880) 4’
Bella occa, polka op.163 (1879) 4’30
Les Patineurs, valse op.183 (1882) 8
L’Esprit français, polka française op.182 4’50
Bella, polka-mazurka op.113 3’50
La Très Jolie, valse op.159 (?) 7’50
Minuit, polka op.168 (1880) 4’50
Grande vitesse, galop op.146 (1876) 3’
España, valse op.236 (1886) 6’
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Première partie.
Dans une introduction au livre de Bernard Fischbach et Yves Waldteufel, La Valse au
cœur, le pianiste Alexandre Sorel écrit : « La Valse des patineurs est l’une des plus
célèbres et des plus belles valses qui furent jamais composées… Bien plus,
universellement fredonnée, sifflée, elle est si célèbre qu’il suffit d’en suggérer trois
notes pour que s’amorce un sourire, que s’esquisse un mouvement de danse… Et
pourtant, qui connaît le nom de son auteur, Émile Waldteufel ? Combien d’entre nous
pourraient dire que ce grand maître français de la valse composa une œuvre
immense, près de trois cents suites de valses et polkas ? »
C’est le 9 décembre 1837 qu’Émile Waldteufel voit le jour au 37 (84) de la Grand’Rue
à Strasbourg. Quelques décennies auparavant, son grand-père, Marcel Loyse, un
commerçant ambulant et violoniste amateur, s’était établi à Bischheim et avait
épousé Ève Lazare. De cette union naquirent six enfants, cinq garçons et une fille,
dont Louis, le père d’Émile. Mais pourquoi ce pseudonyme de Waldteufel (Diable de
la forêt) ? On a évoqué le surnom donné aux cherons dans le village de
Scherwiller. L’hypothèse la plus probable est cependant celle d’un instrument à
friction appelé « waldteufel ». « C’est un petit cylindre creux pourvu d’une mince
membrane en papier qui est attaché à un bâton à l’aide d’une longe corde. Lorsque
le cylindre tourne autour d’un bâton, les vibrations de la corde se transmettent à la
membrane provoquant ainsi un bourdonnement. » Ce surnom maintes fois répété par
les villageois a été adopté par Marcel.
Trois de ses enfants se distinguèrent par leurs aptitudes musicales : Salomon,
Nathan et Louis. Salomon fit une carrière de violoniste et de compositeur. Nathan fut
nommé, en 1855, professeur de violoncelle au conservatoire de Strasbourg et Louis,
excellent violoniste, enseigna la musique avec Flora, artiste lyrique qu’il épouse, le 9
juin 1831 Le couple s’installe au 26 rue des Dentelles (n°9, aujourd’hui).
D
e leurs
quatre fils (Achille, Léon, Édouard, Émile), Léon et Émile seront à leur tour
musiciens.
Peu de temps avant la naissance du petit dernier, les 21 et 23 octobre 1837, Johann
Strauss père fait étape à Strasbourg pour y donner deux concerts. Louis,
impressionné par son orchestre de vingt-six musiciens, rencontre Strauss et décide
de créer un ensemble de la même taille, qui acquiert rapidement une belle notoriété.
En 1839, Louis est nommé chef d’orchestre des bals du casino de Baden-Baden et
obtient le même poste un an après à Strasbourg.
Pour donner plus d’éclat à sa carrière, Louis estime qu’il doit tenter sa chance à Paris
et, le 13 décembre 1844, il quitte Strasbourg pour s’installer dans la capitale avec
son épouse, Léon et Émile. Très vite, l’orchestre de Louis s’impose dans la vie
musicale parisienne malgré les soubresauts politiques. Par ailleurs, il composera une
cinquantaine de pièces.
On sait peu de choses sur le parcours d’apprenti musicien du jeune Émile.
Marmontel, éminent professeur de piano au Conservatoire, l’auditionne et accepte de
le prendre dans sa classe dès qu’une place se libèrera. Émile reçoit néanmoins
l’enseignement de Joseph Heyberger, jeune pianiste et organiste alsacien, lui-même
élève de Marmontel. Le 26 décembre 1853, Émile entre au Conservatoire de Paris,
il aura pour condisciples Jules Massenet et Georges Bizet, et passe avec succès
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le concours en juillet 1856. Son professeur note sur son dossier qu’il « est un bon
musicien ». Toutefois, le 31 mars 1857, il est renvoyé du Conservatoire après une
absence de deux mois. Sa fille dira plus tard : « Il voulait approfondir la composition
et la travailla seul avec le Traité de composition de Berlioz, dont il était un grand
admirateur. Il se délectait de l’interprétation de Beethoven. Il jouait avec grand
succès les œuvres de Chopin. Peut-être Émile Waldteufel eût-il composé une toute
autre musique s’il avait pu poursuivre ses cours sans l’exigence de gagner sa vie. »
Émile quitte le domicile familial et, pour subvenir à ses besoins, doit donner des
leçons de piano « pas toujours bien rémunérées » dit-il –, copier de la musique.
C’est à l’âge de dix-sept ans qu’il compose sa première œuvre, une polka-mazurka
intitulée Cadita. Quelques années plus tard, Charles Gounod entend sa première
valse, Joies et peines, et l’encourage : « Vous avez une inspiration heureuse et un
toucher délicat. Votre talent est immense. Je vais vous ouvrir les salons de la
princesse de Mouchy et des Talleyrand-Périgord ! Vous y ferez merveille ! » Charles
Gounod tint parole.
Le Second Empire consacrera pour Émile la reconnaissance de ses talents de
musicien et de compositeur. Chaque année, l’impératrice Eugénie et l’empereur
Napoléon III séjournent à Biarritz qui devient le lieu de rendez-vous de l’aristocratie,
de la haute-bourgeoisie et des personnalités étrangères les plus marquantes, telles
Bismarck, Metternich. Pour agrémenter ses après-midis, l’Impératrice a besoin d’un
pianiste. Prosper Mérimée lui recommande Émile qui, en 1865, est nommé Pianiste
personnel attaché à l’impératrice de France. Il joue Chopin, Beethoven, ses propres
compositions qu’il dirige. Plus tard, il aura pour obligation d’instruire le prince
impérial. C’est à cette époque qu’il écrit la plupart de ses valses de jeunesse
(Souvenirs de Biarritz, Carolinen-Walzer, Nina, Les Cloches,…) mais aussi des
polkas (Les Sauterelles), des marches (Alexandre Marche).
À Compiègne, au château, les fêtes sont aussi majestueuses qu’à Biarritz. Le monde
culturel (Alexandre Dumas, Alfred de Vigny, Flaubert, Gounod, Berlioz, les Pourtalès,
le Baron Haussmann) côtoie les grands de ce monde (le roi de Hollande Guillaume
III, l’empereur Guillaume Ier, Victor-Emmanuel II). Le 6 décembre 1866, Émile
Waldteufel devient chef d’orchestre des bals de la cour. Son orchestre est composé
d’Alsaciens venus le rejoindre ou qui avaient fait le voyage avec son père. D’ailleurs,
Émile continue de parler le dialecte en famille ou avec ses amis.
La guerre de 1870 met fin aux réjouissances impériales. Émile, qui s’est engagé, est
particulièrement éprouvé par la perte de l’Alsace-Lorraine. Toutefois, il reprend ses
activités et dirige à Biarritz les concerts de l’été 1871. Le 21 janvier 1872, l’Espagne
le fait Chevalier d’Isabelle la Catholique, unique distinction qu’il acceptera. Le 15
mars 1873, il épouse celle qui partage sa vie depuis des années, Célestine Dufau, et
trois enfants naîtront de cette union.
La même année, le président Mac-Mahon autorise de nouveau les bals. Deux sont
organisés à l’Élysée, les 14 et 28 janvier 1874, « sous la direction de Waldteufel et
de Desgranges, les successeurs de Strauss et les chefs dorchestre en titre des fêtes
officielles ».
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En octobre, Émile Waldteufel est invité à tenir le piano lors du dîner que le prince de
Sagan donne dans son château de Mello. Parmi les invités se trouve le prince de
Galles, futur Edouard VII, qui, charmé par la valse Manolo, demande à rencontrer
l’auteur et le licite. La musique de Waldteufel fait son entrée à la cour d’Angleterre,
est éditée et, en signe de gratitude, le compositeur dédie au prince ritier la valse
Bien aimés.
Comme le Second Empire, la Troisième République célèbrera Émile Waldteufel. En
1878, l’année de l’Exposition universelle, il fera valser les invités du président Mac-
Mahon. L’éditeur Durand-Schoenewerk publie ses œuvres. En octobre 1889, il est
invité à se produire à Berlin, au Königsbau. Soixante-quinze concerts sont
programmés ; une première série était dirigée par Johann Strauss, la seconde par
Waldteufel. Le triomphe fut égal pour l’un comme pour l’autre. D’ailleurs, les deux
musiciens s’appréciaient et « se félicitaient mutuellement pour la qualité de leurs
compositions ».
Jusqu’en janvier 1899, Émile Waldteufel animera la vie musicale française et sera
invité à l’étranger (Berlin, Londres). Il refusera une proposition américaine. Puis, à
l’âge de soixante-deux ans, il cide de quitter la scène pour ne se consacrer qu’à la
composition. Il détruira dans un accès de colère deux opérettes : Le Veau à deux
têtes et La Marchande d’éponges. Il regrettera que les éditeurs ne le cantonnent
qu’à la musique de bal, alors qu’il était tout à fait capable de sortir des sentiers
battus. Pour la première communion de sa fille, en 1895, il composera une pièce
d’orgue : O Salutatis.
Le lendemain de la déclaration de guerre, on donne au Prater de Vienne une
opérette, Teresita, pour laquelle l’auteur, Béla von Ujj, s’est inspiré de valses de
Waldteufel : bel hommage à celui qui fut le roi de la valse et qui ne verra pas
l’Alsace-Lorraine revenir à la France. Il meurt des suites d’une congestion cérébrale,
le 2 février 1915.
Deuxième partie.
Entretien avec Theodor Guschlbauer
« Waldteufel est un homme curieux avec une vie étonnante et une musique d’une
très grande qualité. » Theodor Guchlbauer
2015 est l’année du centenaire de la mort d’Émile Waldteufel. Il vous tenait à cœur
de rendre hommage à ce compositeur dont vous avez déjà enregistré des œuvres
avec la complicité des musiciens de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg…
Non seulement je l’ai enregistré mais je me souviens aussi d’une émission que nous
avions faite dans les salons de la préfecture de Strasbourg, pour FR3, en 1987, à
l’occasion du 150
ème
anniversaire de sa naissance et d’un concert donné dans le
cadre du Festival de musique de Strasbourg. Puis, en 1993, Michel Garcin d’Erato,
qui adorait cette musique, m’a demandé d’enregistrer ce disque. Seuls quelques
disques d’œuvres de Waldteufel avaient été gravés avant le nôtre. J’aime cette
musique depuis ma tendre enfance et j’essaye de transmettre mon amour et mon
enthousiasme. Nous avions à la maison un recueil pour piano avec des pages de
Gounod, de Delibes et il y avait aussi Estudiantina, Les Patineurs et d’autres pièces
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de Waldteufel. Je savais qu’il était français mais je ne savais pas qu’il était
strasbourgeois d’une famille de Bischheim. La qualité de ses œuvres me fascine et
savez-vous qu’il les composait toutes au piano avant de les orchestrer ? Ses
orchestrations sont d’une qualité absolument égale aux grandes œuvres des
Strauss.
Vous citez Strauss. Quelles différences musicales faites-vous entre les œuvres des
Strauss et celles de Waldteufel ?
Waldteufel n’a pas vraiment écrit de polkas rapides, alors que Johann Strauss mais
aussi ses frères, Joseph et Edouard, en ont composé énormément. Waldteufel a écrit
des galops, des polkas, des polkas-mazurkas, des polkas françaises. La plupart de
ses pages sont empreintes d’un esprit français. Prenez Amour et printemps qui est
une valse à la française, ritière des valses de Gounod ou de Delibes.
Musicalement, il n’y a pas ce petit retard sur le deuxième temps de la valse. En
revanche, d’autres sont très viennoises, si j’ose dire, dans le phrasé initial. On peut
même parfois les confondre. Toutefois, les mélodies sont très françaises. Et n’oubliez
pas une chose, les valses ont été écrites pour être dansées !
De quelle manière avez-vous conçu votre programme ?
Waldteufel est connu comme le grand compositeur français de valses. C’est vrai
mais c’est un peu réducteur. Si je commence et si je conclus cet hommage avec une
grande valse, le reste du programme permettra d’écouter des polkas de style
différent, alternant avec d’autres valses. J’ai évité de diriger deux valses à la suite
pour mieux souligner les caractères différents des danses. Je ne me lasse pas de
louer la grande qualité de la musique de Waldteufel.
N’aimeriez-vous pas diriger à Strasbourg un grand bal avec la musique de
Waldteufel ?
Bien sûr et avec plaisir, mais ce n’est pas prévu à Strasbourg. Dans le temps, il y
avait un grand bal du consulat autrichien à l’université. L’été dernier, à Salzbourg, j’ai
dirigé le bal de la fin du festival et j’ai insisté pour programmer Amour et printemps de
Waldteufel.
Propos recueillis par Olivier Erouart, le 2 février 2015
Orientations bibliographiques
Le lecteur pourra satisfaire sa curiosité en se reportant à l’ouvrage suivant :
La Valse au cœur, Émile Waldteufel, le Strauss français, Bernard Fischbach et Yves
Waldteufel, Les Editions Ronald Hirlé
Orientations discographiques
Émile Waldteufel
Valses et Polkas
Orchestre philharmonique de Strasbourg
Direction : Theodor Guschlbauer
Virgin Classics
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