Spectroscopie de fluorescence induite par diodes laser : Application

Plasmas Froids : Systèmes d’analyse, Modélisation et Rayonnement, Publications MRCT du CNRS, p. 67 (2009)
1
Spectroscopie de fluorescence induite par diodes laser :
Application au diagnostic des plasmas.
S. Mazouffre
Institut de Combustion Aérothermique Réactivité et Environnement – CNRS
1c Avenue de la recherche scientifique, 45071 Orléans
1 Introduction
La spectroscopie de fluorescence induite par laser (LIF pour Laser-Induced Fluorescence) offre un large
domaine d'applications [1, 2, 3]. En chimie et chimie des plasmas, elle est utilisée pour identifier des
composés et mesurer des concentrations absolues d'atomes et de molécules dans un état électronique,
ou rovibrationnel donné. Elle permet de déterminer localement la température et la vitesse d'un
ensemble de particules, ou, d’une manière plus générale, la fonction de distribution en vitesse qui
fournit des renseignements sur l'état thermodynamique du système exploré. Cette technique offre
également la possibilité d’étudier des processus collisionnels tels que les réactions chimiques, les
transferts d’énergie par impact électronique ou la photodissociation, de mesurer le temps de vie radiatif
d'un état quantique et de terminer l’amplitude d’un champ électrique (effet Stark) et d’un champ
magnétique (effet Zeeman). Enfin, elle permet d'obtenir des informations sur la structure interne d'un
atome ou d'une molécule en particulier le diagramme d'énergie ou la courbe de potentiel.
Dans le domaine des plasmas froids, la spectroscopie de LIF est principalement employée pour
mesurer la concentration d’atomes et de molécules, la température de translation, de rotation et de
vibration de différentes espèces ainsi que la vitesse, ou plus généralement la fonction de distribution en
vitesse. Dans cet article, nous allons nous focaliser sur la tection d’espèces et sur la mesure de
paramètres et de grandeurs physiques à l’aide de sources laser à semi-conducteurs, ou diodes laser.
Les avantages offerts par ces sources de rayonnement cohérent continu comme leur faible
encombrement, leur accordabilité, leur pureté spectrale…, les rendent en effet attractives et
performantes pour le diagnostic d’un milieu plasma par spectroscopie.
2 Spectroscopie de fluorescence induite par laser
2.1 Principe physique de base
Le schéma de principe de la spectroscopie de fluorescence induite par laser est illustré sur la Figure 1.
Le transfert de population d'un niveau │i vers un niveau │j réalisé par pompage optique est observé
en mesurant le flux de photons de fluorescence produit lors de la désexcitation du niveau │j vers un
niveau k. La population du niveau │i est transférée vers │j lorsque l’énergie des photons de
pompage correspond à la différence d’énergie entre les niveaux │i et │j : on parle d’excitation de la
transition atomique ou moléculaire│i j. L’intensité de la radiation de fluorescence émise au cours
de la désexcitation du niveau │j permet d’obtenir des informations sur la population de l’état initial │i.
Le niveau │j se désexcite radiativement mais aussi sous l’impact des collisions avec les particules
environnantes que sont les atomes, les molécules et les électrons. On parle du phénomène de
quenching. Ce processus de désexcitation non radiative doit être pris en compte en particulier lorsque
l’on s’intéresse à la densité de particules dans l’état │i.
Lorsque la longueur d'onde des photons de fluorescence correspond à la longueur d'onde du faisceau
laser de pompage, on qualifie la spectroscopie de fluorescence induite par laser de résonnante. C’est
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un cas particulier qui nécessite des précautions particulières du point de vue expérimental car les
photons du faisceau laser et les photons de fluorescence ont la même longueur d’onde.
Un traitement rigoureux du processus de fluorescence induite par laser nécessite de se placer dans le
cadre de la mécanique quantique ou d’utiliser le formalisme des équations différentielles de Bloch [4].
Néanmoins, dans le cas limite de faible énergie laser, une approche classique ou semi-classique basée
sur des équations de bilan est possible et donne un résultat identique à celui obtenu par l’approche
quantique [5, 6].
La mesure du flux de photons de fluorescence permet de déterminer la densité de particules N
i
dans
l'état │i ainsi que la fonction de distribution en énergie associée à cet état. Dans le cas N
i
>> N
j
, on
montre que le nombre total de photons de fluorescence n
fluo
est proportionnel à l’intégrale dans l’espace
des fréquences et dans le temps du produit de convolution entre le profil spectral de la transition
optique │i │j et le profil spectral du laser :
dtdtI
h
PP
QA
A
NKn
L
t
Labs
ij
jj
jk
ifluo
)(
ν
ν
σ
ν
+
=
, (1)
K est une constante de proportionnalité liée au système optique de détection, A est le coefficient
d’Einstein d’émission spontanée, Q est la fréquence de quenching,
σ
est la section efficace
d’absorption, P
abs
est le profil spectral de la transition, P
L
est le profil spectral du faisceau laser, h est la
constante de Planck,
ν
est la fréquence et I
L
est l’intensité laser.
L’équation (1) montre que le signal de fluorescence dépend :
de la durée de vie du niveau │j :
(
)
1
+=
jjj
QA
τ
avec
=
k
jkj
AA
,
Le terme de quenching Q peut s’écrire sous la forme
×=
c
cc
knQ
, l’indice
c
fait
référence à un corps qui entre en collision avec la particule sondée,
n
est la densité et
k
est le taux de relaxation par collision entre l’espèce
c
et l’espèce étudiée.
de la section efficace d’absorption,
de la population
N
i
de l’état sondé,
du profil d’absorption et du profil laser,
de l’intensité laser.
Figure 1
: Schéma de principe de la spectroscopie de LIF. I correspond à l’intensité du faisceau laser
et
σ
est la section efficace d’absorption. A représente la probabilité de transition spontanée. Le terme
Q représente le « quenching », c'est-à-dire le phénomène de désexcitation non radiative par collisions.
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En régime d'absorption linéaire [2, 5], le signal de fluorescence varie linéairement avec l'intensité du
faisceau laser. Toutes les informations relatives au niveau │j sont en réalité contenues dans le profil
d’absorption
P
abs
: structure de la transition optique et fonction de distribution en vitesse des particules
dans le niveau │j à partir de laquelle on peut obtenir la température et la vitesse, comme on le verra
par la suite. La grandeur
P
abs
contient aussi des renseignements sur les propriétés des champs
électrique et magnétique locaux, sur la fréquence des collisions et sur la transparence du milieu
(absorption des photons).
Deux exemples de spectres de LIF sont présentés dans la Figure 2 avec le diagramme d’énergie
correspondant. Dans le cas de l’ion Xe II, la transition mesurée sulte de la superposition de 19
composantes isotopiques et hyperfines car l’atome de xénon possède 9 isotopes stables et
abondants [7]. La détection du niveau métastable
3
P
2
(1s
5
en notation de Paschen) de l’atome Ar est
réalisée à l’aide d’un schéma de LIF résonnante [8,9]. Dans les conditions de l’expérience (faible
pression, absence de champ électrique et magnétique) le spectre mesuré correspond à la Fonction de
Distribution en Vitesse (FDV) des atomes métastables d’argon dans le volume sondé.
834.718 834.720 834.722 834.724 834.726
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Fluorescence (u.a.)
Longueur d'onde (nm)
-1 0 1 2 3 4 5 6
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Fluorescence (u.a.)
Vitesse axiale (km/s)
b)
a
)
2
: a) Spectre de fluorescence de la transition à 834,7233 nm de l’ion Xe II obtenu dans une
décharge RF inductive à basse pression (2×10
-3
mbar). La transition résulte de la superposition de 19
composantes isotopiques et hyperfines. Le niveau sondé 5d
2
F
7/2
est un niveau métastable. b) Spectre
de LIF résonnante de la transition à 811,531 nm de l’atome Ar obtenu dans un écoulement raréfié de
plasma. Dans les conditions de l’expérience, le profil de fluorescence correspond à la FDV des
atomes d’argon métastables.
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2.2 Méthode et grandeurs accessibles
Contrairement à de nombreux outils de diagnostics d’un milieu plasma comme une sonde de Langmuir
ou de Faraday, un analyseur d’énergie à champ retardateur ou bien un spectromètre de masse, la
spectroscopie de LIF est une technique faiblement intrusive qui perturbe relativement peu le milieu à
étudier. Un apport local d’énergie à l’aide d’un laser engendre certes une modification de l’équilibre
thermodynamique local. Mais si la fluence laser est faible, la perturbation introduite sur les grandeurs
mesurables est négligeable. Cependant, même à faible puissance laser il est possible de modifier la
répartition de la population dans les différents niveaux atomiques et/ou moléculaires. A très forte
fluence, on arrive à produire localement un plasma ce qui perturbe grandement la fonction de
distribution en énergie des électrons et par suite l’ensemble des propriétés du milieu ainsi que la
chimie ; on peut également dissocier des molécules.
En plus de son aspect faiblement intrusif, la spectroscopie de LIF offre d’autres avantages :
elle permet la sélection
d’une espèce,
d’un niveau,
elle offre une excellente résolution spectrale grâce à l’emploi de source laser,
il est possible d’atteindre une bonne résolution spatiale et temporelle,
elle offre une sensibilité élevée : la limite de détection en densité est voisine de 10
14
m
-3
.
En contre partie, il existe plusieurs inconvénients qu’il est important de détailler :
la mesure de la densité est en fait relative car la constante
K
de l’Equation (1) est souvent
mal connue. Il est donc nécessaire de réaliser des expériences de calibration du signal de LIF
afin d’obtenir une valeur absolue de la densité d’espèce dans l’état │i. Plusieurs méthodes de
calibration sont possibles :
- on peut tout d’abord déterminer un à un les paramètres qui contribuent à la valeur de
K
(voir chapitre 4). Cette méthode est cependant délicate et peu précise.
- on peut réaliser des mesures par absorption laser qui donne la valeur de la densité
intégrée sur la ligne de visée. Si le milieu est homogène, on peut relier la densité
mesurée au signal de fluorescence. Si le milieu n’est pas homogène, il devient
nécessaire de mesurer le profil spatial de la densité par LIF : l’intégrale de la
distribution est égale à la densité obtenue par absorption.
- on peut déterminer le paramètre
K
par diffusion Rayleigh à la longueur d’onde de la
fluorescence [10]. L’expérience de diffusion doit être conduite avec la branche de
détection du banc LIF à l’aide d’un gaz à pression constante et dont la section efficace
de diffusion à
λ
fluo
est connue.
- dans certains cas, il est possible d’obtenir la densité de l’espèce par titration chimique
ce qui permet de relier l’aire du profil de fluorescence à la densité [11]. La titration
chimique peut parfois être avantageusement remplacée par l’emploi d’un gaz de
référence dont le diagramme d’excitation-fluorescence est proche de celui du gaz
sondé [10,12,13].
le processus de LIF est un processus incohérent dont le rapport S/B est relativement faible,
il n’existe pas de source laser « prête à l’emploi » dans les domaines UV, VUV, XUV ce qui
rend parfois compliqué et coûteux l’accès à un état fondamental qui est pourtant l’état le plus
peuplé, et donc le plus actif, dans un plasma froid. On peut cependant générer des sources
cohérentes de photons avec
λ
< 250 nm à l’aide de techniques d’optique non-linéaire [14,15].
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plusieurs effets parasites compliquent l’interprétation de la mesure :
- absorption du faisceau laser dans le plasma,
- absorption des photons de fluorescence au cours de leur trajet vers le détecteur ; cela
correspond au cas d’un milieu optiquement épais,
- désexcitation non radiative par collisions ; il est important de connaître ou de mesurer
les taux de quenching si l’on s’intéresse à la mesure de la densité,
- ionisation du gaz et/ou dissociation de molécules : ces effets sont principalement
observés à forte fluence laser et/ou lors de l’utilisation de photons UV et VUV,
- diffusion du faisceau laser par des composants du montage expérimental : cette
source de bruit est problématique dans le cas de la LIF résonnante,
- saturation de la transition optique [2] ; si la transition optique est saturée, la densité
n’est plus proportionnelle à la puissance laser et le profil de fluorescence est
artificiellement modifié : on parle d’élargissement « de puissance » [2,4].
afin de pouvoir balayer la longueur d’onde autour de la résonance (voir Figure 2), il faut
disposer d’une source laser accordable. Il existe trois types de laser accordables en fréquence :
- les lasers à colorant [16],
- les sources de lumière cohérentes et monochromatiques à solide de type Oscillateur
Paramétrique Optique (OPO) [16],
- les diodes laser à semi-conducteurs [16].
Pour conclure cette partie sur la spectroscopie de LIF, il est intéressant de lister l’ensemble des
grandeurs locales accessibles :
la FDV d’atomes, de molécules et d’ions atomiques et moléculaires,
associée à un état quantique (niveau d’énergie) spécifique
la densité d’une espèce,
la vitesse moyenne et la dispersion en vitesse,
la température,
le champs électrique (décalage Stark),
le champ magnétique (séparation Zeeman),
la durée de vie radiative d’un état,
le taux de quenching.
Il est possible de remonter à la densité électronique à partir de l’élargissement Stark d’une raie de
fluorescence induit par les micro-champs électriques associés aux électrons libres. Toutefois l’effet n’est
observable que pour une densité électronique relativement élevée de l’ordre de
n
e
> 10
20
m
-3
[17,18]
3 Les diodes laser
3.1 Propriétés
Une diode laser est un composant optoélectronique à base de matériaux semi-conducteurs [16]. Elle
émet de la lumière monochromatique cohérente destinée soit à transporter un signal contenant des
informations (domaine des télécommunications) soit à apporter de l'énergie à un milieu (pompage de
certains lasers, spectroscopie).
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