1
Une seule alliance dans toute la Bible, Ancien comme
Nouveau Testament selon Klaas Schilder.
Souveraine, unilatérale et inconditionnelle de la part de Dieu.
Responsable, bilatérale et conditionnelle de la part de l’homme.
En 1990, des pasteurs et professeurs de théologie des milieux réformés
confessants canadiens, proches de l’Église réformée (libérée) des Pays-Bas à
laquelle appartenait Klaas Schilder (1890-1952), ont décidé de célébrer le centième
anniversaire de sa naissance en publiant, sous la direction de J. Geertsema une série
de conférences traitant de divers aspects de sa pensée, ayant pour titre, « Toujours
obéissant. Essais sur les enseignements de Klaas Schilder »
1
. On y trouve les études
suivantes : Sa vie et son œuvre (J. Faber) ; Schilder sur l’Alliance (S. A. Strauss) ;
Schilder sur Christ et la Culture (N. H. Gootjes) ; Schilder sur l’Église (J. M.
Batteau) ; Schilder sur le Ciel (J. Kamphuis) ; Schilder sur la Révélation (J. De
Jong). Nous nous pencherons exclusivement ici sur la contribution du théologien
sud-africain S. A. Strauss consacrée au thème, Schilder sur l’Alliance.
Ce thème paraît partout dans l’œuvre du grand théologien néerlandais, si peu
connu, malheureusement, en dehors de son pays. Parlant de la pensée de Klaas
Schilder sur l’alliance, Strauss fait remarquer qu’on y trouve une double critique : la
première est adressée au théologien « scolastique »
2
néerlandais, Abraham Kuyper ;
la deuxième vise le théologien dialectique suisse, Karl Barth. Citons d’emblée S. A.
Strauss :
1
J. Geertsema (Direction), Always Obendient. Essays in the Teachings of Dr. Klaas Schilder, Presbyterian
and Reformed, Phillipsburg, 1995.
2
Ce terme de « scolastique », attaché par toute une branche de la pensée réformée néerlandaise à
Abraham Kuyper, nous paraît assez bizarre pour un théologien dont la pensée n’a pas grand
rapport avec la tradition scolastique réformée des Pays-Bas, tel qu’elle se manifeste au XVIIe
siècle chez un Voetius ou un Witsius. Le collègue de Kuyper à l’Université Libre d’Amsterdam,
Herman Bavinck était bien plus proche des méthodes de la théologie scolastique réformée que ne
le fut Kuyper lui-même, dont la pensée, par bien des côtés très originale, portait plutôt une
marque intuitive et mystique.
2
Schilder, un théologien très actif dans les combats doctrinaux de son temps, se
confronta tout d’abord à la pensée dite « scolastique » d’Abraham Kuyper et
de ses disciples ; puis à celle du théologien dialectique suisse, Karl Barth
3
.
Schilder observa la même faiblesse dans ces deux écoles de penser, bien que
ce défaut eût une origine bien différente. Par rapport à la doctrine de
l’alliance, tous les deux raisonnaient si fortement dans la perspective des
décrets éternels de Dieu que la responsabilité des hommes dans l’alliance était
sous-accentuée. Par contraste, cette responsabilité humaine était l’un des
thèmes essentiels de la théologie de Schilder : dans l’alliance Dieu traite
l’homme comme un être responsable et le confronte avec le choix : « tout ou
rien », pour Dieu ou contre Lui. Schilder, en conséquence, fit tout ce qui était en
son pouvoir pour toujours définir l’alliance de telle manière à ce que justice
soit faite à la responsabilité de l’homme
4
.
Pour Schilder l’alliance n’était aucunement une simple métaphore, mais une réalité
agissant dans l’histoire humaine. L’homme connaît les décrets de Dieu à travers ses
actes dans l’histoire, dont les principaux sont la création, les malédictions de la
chute, l’Inscripturation de la Bible, l’Incarnation du Fils éternel de Dieu, l’expiation
du Fils de Dieu à la croix, sa résurrection et son ascension. L’alliance a une réalité
éternelle, partant, comme elle le fait, du décret souverain de Dieu hors du temps ;
mais elle possède aussi une réalité dans le temps de l’histoire, appelant l’homme à
exercer ses responsabilités temporelles. Strauss nous précise ainsi la pensée de
Schilder :
3
La dialectique de Barth provient essentiellement de sa dépendance philosophique à l’égard de la
tradition de Kant, de Hegel et surtout de Kierkegaard.
4
J. Geertsema (Direction), Always Obendient. Essays in the Teachings of Dr. Klaas Schilder, Presbyterian
and Reformed, Phillipsburg, 1995, p. 21. Toutes nos citations (traduites par nos soins)
proviendront de cette étude de Sybrand A. Strauss, « Schilder et l’Alliance ». La pensée du
professeur Sybrand A. Strauss est plus pleinement développée dans sa thèse de doctorat : Alles of
niks : K. Schilder Oor die Verbond (Tout ou rien : K. Schilder sur l’Alliance), Bloemfontein, Afrique
du Sud, Patmos, 1989.
3
Quiconque écoute avec soin le propos tout entier de Schilder sur l’alliance
divine, l’entend affirmer sans relâche ses deux aspects : le conseil éternel de
Dieu et l’acte de Dieu dans l’histoire. Quoique ces deux vérités ne puissent
être séparées, elles ne doivent pas non plus être confondues. C’est pour cette
raison que Schilder choisit d’appeler sa méthode théologique « Trinitaire-
historique », afin d’éviter tout discours qui serait purement unilatéral
5
.
Voici comment Schilder justifie la double accentuation donnée à sa théologie de
l’alliance dans un discours important prononcé peu après son entrée en fonction à
Kampen en 1934 comme professeur de dogmatique. Strauss écrit :
Dans cette allocution il croisa le fer avec la théologie transcendantale,
culturellement critique et dialectique, de K. Barth et d’autres. Il déclara que
ceux qui tenaient une perspective théologique réformée défendaient une
appréciation entièrement différente de l’histoire. Si, appuyés sur les Canons de
Dordrecht, nous professons bien la régénération et la persévérance des saints,
d’une part nous croyons, premièrement, que Dieu, en sa grâce, intervient
verticalement dans nos vies ; mais, deuxièmement, nous affirmons qu’il nous
accompagne également d’une manière horizontale. La grâce de Dieu ne
touche pas simplement la réalité comme une ligne toucherait, de manière
tangentielle, un cercle, mais elle entre dans notre existence elle-même ; la grâce
de Dieu suscite en nous un salut qui reste présent. De même, en s’opposant
aux disciples de Kuyper, pour prendre un exemple, celui de leur point de vue
sur la justification considérée depuis l’éternité, Schilder cherchait plutôt à
défendre une justification dans le temps, justice divine qui nous est accessible
par la foi
6
.
Strauss continue :
5
Geertsema, op. cit. p. 22.
6
Geertsema, op. cit. p. 22.
4
Les réflexions de Schilder sur l’importance du sens de l’histoire le conduisirent
à mettre l’accent sur l’unité de toute l’histoire de la révélation. L’histoire du
Paradis, avant la chute dans le péché, ne constituait aucunement un temps
préhistorique à part ! En conséquence, c’est en se fondant sur « les
présuppositions de la foi » que Schilder trace l’histoire de l’alliance jusqu’à sa
racine dans la prétendue alliance des œuvres. Dans la doctrine de l’alliance
comme dans tous les autres chapitres de la dogmatique , il nous faut
commencer par le commencement. C’est que nous découvrons la structure
fondamentale de l’alliance. Ce qui devait suivre par exemple l’alliance avec
Abraham, ou avec Israël au Sinaï, avec l’alliance nouvelle en Christ n’est
aucunement une alliance autre, mais uniquement les phases ultérieures d’une
seule et même alliance.
Puis Strauss en vient à citer une formulation caractéristique de la pensée de Schilder
à ce sujet :
L’alliance de grâce n’est pas une seconde alliance, car Dieu n’agit pas par
dédoublement. En fait des duplications contredisent le caractère même de
l’alliance une ; une alliance tient ou tombe avec le précepte « tout ou rien », et
en conséquence aussi avec celui de « toujours ou jamais », de même qu’avec
l’expression : « une fois et pour toujours »
7
.
Ce qu’entend Schilder par ces formules si concises est qu’il n’existe, en quelque
sorte, qu’une seule alliance qui grandit et croit en ses diverses phases à partir de la
même et unique alliance divine. Strauss nous explique ceci avec le plus grand soin :
L’insistance de Schilder sur la réalité du caractère historique de l’alliance lui
permet de percevoir de manière correcte ce qui peut être décrit comme la
7
Klaas Schilder, Wat is Hemel ?, Kok, Kampen, 1935, p. 252. Cité dans Geertsema, op. cit. p. 23.
5
catégorie de continuité entre les différentes phases de l’alliance. Par cette
expression je voudrais indiquer que Schilder ne voyait aucunement la relation
entre les différentes phases de l’alliance comme étant celle d’une identité. Car
ceci aurait contredit la ligne progressive de l’histoire de l’alliance, ligne qui va
du proton, le véritable commencement dans le Paradis, à l’eschaton, la fin ultime
dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre. Mais il refusa également de voir la
moindre contradiction entre les diverses dispensations de l’alliance, car cela
aurait à nouveau conduit à ignorer l’unité fondamentale de l’histoire de
l’alliance
8
.
C’est pour cette raison que Schilder se donna une telle peine à considérer la nature
véritable de ce qu’on appelle « l’alliance des œuvres ». Suivons ici encore la
description que donne Strauss de la pensée de Klaas Schilder :
Il était convaincu que nous ne pouvons pas comprendre grand-chose à
l’alliance de grâce à moins de commencer par le commencement, c’est-à-dire
avec l’alliance des œuvres. L’alliance de grâce, en fait, constitue une
continuation de l’alliance des œuvres. C’est ainsi que Schilder relève un certain
nombre de ressemblances entre l’alliance des œuvres et l’alliance de grâce. En
fait il n’y a pas de différence essentielle entre les deux ; on y trouve seulement
des différences de méthode et de moyens. Cette différence concerne la
manière dont l’alliance se réalise. Depuis la chute dans le péché, elle
s’accomplit au travers du Médiateur promis (Genèse 3 : 15) et par la voie de la
foi en Lui
9
.
8
Geertsema, op. cit. p. 23.
9
Geertsema, op. cit. p. 24.
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