le diabete de type 1 a marche lente

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LE DIABETE DE TYPE 1 A MARCHE LENTE
(DIABETE LADA). DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE
par
CH. THIVOLET1
1Service d’Endocrinologie, Hôpital Édouard Herriot, INSERM 449, Faculté Laennec, Lyon.
1
INTRODUCTION
Le diabète de type 1 à marche lente est une nouvelle entité clinique qui se définit par la présence de marqueurs
immunogénétiques spécifiques du diabète de type 1 chez des patients initialement considérés comme des diabètes de
type 2. Cette entité n’apparaît pas dans la classification proposée par le groupe d’experts de l’ADA [1]. L’amélioration
des conditions de dépistage par la réalisation de bilans systématiques ou ciblés dans les populations à risque, conduit à
la découverte du diabète de type 2 à un âge de plus en plus jeune. Ceci pose de toute évidence des problèmes de
classification du fait de chevauchement des tranches d’âge avec le diabète de type 1. Les progrès dans la recherche des
marqueurs immunogénétiques rendent possible actuellement un dépistage sur une large échelle afin d’obtenir une
classification reposant sur des bases physiopathologiques. Les vrais enjeux sont de déterminer si un dépistage précoce
améliorerait la prise en charge et le pronostic de ces patients. Dans cette revue générale, nous examinerons les données
actuelles provenant de différentes études épidémiologiques, de façon à définir des conduites à tenir pour la pratique
quotidienne.
CARACTERISTIQUES CLINIQUES DES DIABETES
DE TYPE 1 A MARCHE LENTE (LADA)
Le LADA se définit par la présence d’anticorps spécifiques du diabète de type 1 [2]. Ce type de diabète partage des
caractéristiques métaboliques avec les diabètes de type 2 notamment la présence d’une insulino-résistance, mais avec un
déficit de la sécrétion d’insuline plus marqué [3]. Les diabètes LADA ont un BMI plus faible avec une moindre
répartition androïde et sont plus jeunes que les diabétiques de type 2 [4]. Il est toutefois difficile d’identifier le diabète
LADA uniquement sur des considérations cliniques. La fréquence du LADA est estimée entre 5 à 10 % des diabétiques
de type 2 (tableau I) en fonction de l’existence d’anticorps anti-glutamate décarboxylase ou anticorps anti-GAD65 [5].
Une étude rapporte une prévalence de plus de 20 %, mais il existait un biais de sélection puisque les sujets concernés
étaient plus jeunes et avaient un indice de masse corporelle normal [8]. La phase précoce de sécrétion d’insuline après
IVGTT est réduite de 40 % chez les apparentés du 1˚ degré de LADA, notamment chez les apparentés avec les allèles
DQB*1 qui confèrent un haut risque de diabète de type 1 [9]. La révélation clinique du diabète LADA est donc moins
brutale que dans les diabètes de type 1, et les agents hypoglycémiants oraux donnent habituellement de bons résultats
cliniques dans les premières années d’évolution. Ceci explique le délai habituel avant la mise en place de l’insuline.
TABLEAU I. – PREVALENCE
DES AUTOANTICORPS SPECIFIQUES DU DIABETE DE TYPE
1
DANS
DIFFERENTES POPULATIONS DE DIABETES DE TYPE 2
N
3672
1122
785
130
ICA
%
6
7,6
34
GAD
%
10
9,3
2,8
22
REFERENCE
6
7
8
ASPECTS IMMUNOGENETIQUES
2
Il existe des marqueurs immunologiques de la destruction des cellules bêta, notamment les anticorps anti-GAD, antiIA2 et anti-insuline [10]. Chez les diabétiques de type 1 après 40 ans, la prévalence des anticorps anti-IA2 et antiinsuline à la découverte du diabète est plus faible [11]. Chez les apparentés du 1˚ degré de diabétiques de type 1, les
anticorps anti-GAD augmentent la valeur prédictive des ICA [12], et des anticorps anti-IA2 [13]. Les anticorps antiGAD persistent pendant des années après la découverte d’un diabète de type 1, comme nous l’avons observé chez des
patients avant transplantation pancréatique [14]. Les ICA et les anticorps anti-IA2 disparaissent plus rapidement. Il
semble que les anticorps anti- GAD soient les meilleurs marqueurs du dépistage du LADA, à l’exception d’une étude
ou les ICA étaient plus fréquents [7]. La facilité de la détermination des anticorps anti-GAD, notamment à l’aide de
recueil des échantillons sur taches de sang, impose logiquement ce marqueur dans le test de 1˚ intention. La négativité
habituelle des anticorps anti-IA2 est surprenante. Il reste à déterminer si ces anticorps ont été présents à un moment
donné de l’évolution de ces formes de diabète. Les anticorps anti-IA2 et anti-insuline sont en fait plus fréquemment
observés chez les diabétiques de type 1 avant l’âge de 10 ans et refléteraient une destruction accélérée des cellules bêta.
Des études épidémiologiques permettraient de répondre à ces questions, mais la durée nécessaire du suivi rend leur
faisabilité difficile.
Même si les diabètes LADA ont une augmentation de la fréquence des haplotypes HLA-DQB1*0201/0302 par
rapport aux contrôles, cette fréquence reste inférieure à celle observée dans le diabète de type 1 [4]. De même, les
haplotypes DQB1 protecteurs *0602 ou *0603 sont à une fréquence comparable aux contrôles. Ces différences
génétiques sont peut-être à l’origine des différences d’évolution clinique entre les diabètes LADA et les diabètes de
type 1. La mise en évidence d’anomalies de la sécrétion d’insuline chez les apparentés de LADA [9], suggère
l’implication de régions génétiques situées en dehors du système HLA.
THERAPEUTIQUE
La présence d’anticorps anti-GAD au dépistage de diabète de type 2 a une forte valeur prédictive positive d’une
insulinothérapie future [6]. À l’inclusion des patients dans l’étude UKPDS, les anticorps anti-GAD étaient positifs chez
38 % des patients qui ont nécessité l’insuline dans les 6 ans après l’inclusion contre 5,3 % des sujets anti-GAD négatifs.
Dans le cas du diabète gestationel, la présence de combinaisons d’autoanticorps a aussi une forte valeur prédictive de la
nécessité d’insuline après l’accouchement [15]. Les différentes enquêtes de la CNAM sur les modalités de prise en
charge des diabétiques de type 2 en France indiquent que seulement 10 % d’entre eux étaient traités par insuline. Dans
les études transversales effectuées chez des diabétiques de type 2, la majorité des patients présentant des anticorps antiGAD étaient déjà sous insuline. La question fondamentale de pratique quotidienne, et qui n’a pas encore de réponse, est
de déterminer si l’insuline doit être proposée chez ces sujets à titre préventif et non pas sur des considérations métaboliques. L’intérêt de l’insulinothérapie préventive a démontré son efficacité dans les modèles expérimentaux [16], et
lors d’une étude pilote chez des apparentés de diabétiques de type 1 ayant un haut risque immunogénétique [17]. Ce
concept fait l’objet d’une large étude prospective dans le cadre du projet DPT-1 [18]. Du fait d’une auto-immunité
moins active, le bénéfice de l’insulinothérapie préventive risque d’être probablement plus important dans le diabète de
type 1 à marche lente que dans le diabète de type 1 classique. De rares études pilotes rapportent un effet bénéfique de
l’insulinothérapie précoce sur les taux de C-peptide [19]. Toutefois, les études prospectives qui devront établir l’intérêt
de l’insulinothérapie précoce devront être nécessairement plus longues, ou inclure un plus grand nombre de sujets.
Les patients LADA sont exposés aux mêmes complications que les diabétiques de type 2 avec le même degré de
risque cardio-vasculaire, même si le BMI est en général plus faible [20]. Le retard à la mise à l’insuline expose ces
sujets aux complications dégénératives du diabète.
3
PERSPECTIVES
L’identification du diabète LADA comme nouvelle entité clinique est importante. Tout d’abord le nombre de sujets
concernés équivaut au nombre de patients avec un diabète de type 1. D’autre part, la vitesse de destruction des cellules
bêta, plus lente que dans le diabète de type 1 du sujet jeune, autorise la mise en place de stratégies de prévention.
Actuellement, la plupart des essais cliniques d’immuno-intervention ciblent cette nouvelle catégorie de diabétiques.
L’intérêt d’une insulinothérapie préventive, sous différentes modalités comme une insuline retard ou une couverture
post-prandiale par des analogues de l’insuline d’action rapide, nécessite d’être évalué par des études prospectives
randomisées.
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Ch. THIVOLET
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