Arnaud Denis et le complexe de l’enfant atrophié par le rêve paternel
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C’est l’histoire d’un personnage confronté à son auteur… Pirandello, me répondrez-
vous. Non, Arnaud Denis. Telle est la thématique de sa nouvelle pièce publiée aux
éditions de la Librairie Théâtrale : Le Personnage désincarné. Si l’inspiration
rappelle effectivement le dramaturge italien, Prix Nobel de littérature en 1934, le
traitement que donne Arnaud Denis de cette confusion entre réel et fiction se
révèle résolument contemporain.
A lire la note de l’auteur, en introduction de son texte, l’inquiétude ne manque pas de
poindre : non seulement la pièce semble plagier les écrits de Luigi Pirandello, mais
l’interprétation même que livre Arnaud Denis circonscrit d’emblée le lecteur dans la seule
compréhension voulue par le dramaturge – comme ces personnes qui, craignant le regard
d’autrui, ne peuvent s’empêcher de tout contrôler, jusqu’à obtenir l’effet contraire.
Pour que l’œuvre s’accomplisse dans le regard de celui qui la découvre, oublions vite cette
note maladroite – erreur de jeunesse ? – et écoutons de l’intérieur, pour reprendre les mots
de l’éditeur Christophe Mory, ce face à face entre le personnage et l’auteur.
Nous l’avons écrit : cette confrontation n’est pas nouvelle, pour être au cœur de l’acte
dramaturgique de Pirandello. Notre lecture de la pièce d’Arnaud Denis se tient comme un
miroir contemporain de l’œuvre de l’écrivain italien, par les déplacements qu’il opère des
problématiques passées aux siennes propres.
Pirandello et la quête métaphysique de la vérité
Dans Vêtir ceux qui sont nus, Pirandello raconte l’histoire d’Ersilia Drei, victime d’une
projection romanesque qui l’enferme dans l’illusion effrénée d’une existence écrite par
d’autres. Elle se perd progressivement dans cette projection, jusqu’à ne plus pouvoir faire la
vérité sur ce qu’elle est réellement. Ce n’est pas tant la liberté que la vérité qui occupe
l’esprit du dramaturge italien.
Son questionnement philosophique sur la vérité traverse son œuvre tout entier, de A chacun
sa vérité à Six personnages en quête d’auteur. Cette dernière pièce est la plus proche du
Personnage désincarné d’Arnaud Denis. Il y a, dans l’une et l’autre pièce, l’affirmation sous-
jacente que les personnages sont autonomes. L’étymologie leur vient en aide : per-sona
désigne à l’origine le masque théâtral conçu pour porter la voix ; il est, du fait de la fonction
même de ce masque, ce qui favorise la relation avec les autres, au théâtre – « personnage »
– comme dans la vie – « personne ».
Toutefois, Arnaud Denis opère un renversement proprement contemporain. Dans la pièce de