premiers Hébreux avec les découvertes archéologiques faites en Cisjordanie depuis 1967
. Pour autant on ne
fait plus l’histoire de Jésus et du christianisme aujourd’hui comme autrefois. Les historiens utilisent
aujourd’hui toutes les sources qu’elles soient archéologiques ou scripturaires (livres du Nouveau Testament,
écrits intertestamentaires et apocryphes, littérature juive et païenne) et replacent cette période dans l’histoire
générale du judaïsme et de l’Empire romain. D’autre part les fruits de la recherche sur l’Empire romain ont
aussi bénéficié à l’histoire du premier christianisme.
La présente étude commence avec le second Temple pour y trouver les éléments qui ont permis la naissance
du christianisme, et finit avec Constantin et le triomphe de cette nouvelle religion. Le christianisme est le
fruit de la rencontre entre trois éléments : le judaïsme devenu religion monothéiste au retour d’exil,
l’hellénisme après Alexandre, synthétiseur culturel de l’orient de la Méditerranée, et l’Empire romain qui,
après Actium, se pense unificateur des peuples et l’histoire de ces peuples. On ne peut comprendre « Jésus et
son message » sans replacer ce message dans le contexte de la Judée et de l’Empire entre le IVe siècle av. J.-
C. et le Ve siècle ap. J.-C. : le christianisme est une construction collective de plusieurs individus (de Jésus et
Paul jusqu’à Constantin et aux Pères de l’Eglise) et de plusieurs sociétés sur plusieurs siècles.
A) La Judée et les Juifs du second Temple, creuset du message chrétien
Il convient de commencer cette étude bien avant la naissance de Jésus pour dresser le portrait de la société et
de la période dans laquelle son message a évolué. On appelle second Temple cette période de l’histoire juive
entre la reconstruction du Temple à Jérusalem au retour d’exil de Babylone au Ve siècle av. J.-C., et sa
destruction par les armées romaines en 70. Elle nous est connue grâce à la multiplicité des sources écrites, la
Bible bien sûr, mais aussi des sources grecques et latines, et juives hors de la Bible (Philon d’Alexandrie,
Flavius Josèphe, la Lettre d’Aristée et toute la littérature intertestamentaire) et les sources archéologiques.
C’est à cette époque que les Juifs
sont confrontés à d’autres cultures et à d’autres pouvoirs que ce soit les
Juifs de Judée ou les Juifs de la Diaspora dont le nombre grossit tout au long de la période. La tradition
biblique s’ouvre ; la Bible est traduite en grec à Alexandrie au IIe siècle av. J.-C. (Bible d’Alexandrie ou
Septante). Une cinquantaine d’autres écrits sont ajoutés au corpus biblique
. C’est que la Bible, ta bibla en
grec, n’est pas un livre, c’est une bibliothèque dont la pluralité est inscrite jusque dans le pluriel de son
signifiant. Durant toute cette période, elle n’est ni un livre unique, ni un livre fixé. À Qûmran, les manuscrits
proposaient trois versions du texte biblique : celle qui deviendra au VIe siècle la Bible massorétique (la Bible
hébraïque), celle qui a inspiré la traduction grecque de la Septante à Alexandrie, et une version du
Pentateuque samaritain pour les fidèles du temple du mont Gazirim
. Certains livres de la Bible sont rédigés
en grec : le deuxième livre des Maccabées, la Sagesse de Salomon et des compléments aux livres d’Esther,
de Daniel, de Jérémie, et aux Psaumes. D’autres sont passés par des traductions : le Siracide ou
Ecclésiastique a d’abord été écrit en hébreu par Jésus Ben Sirach, puis traduit en grec par le petit-fils de
l’auteur. Il est cité en hébreu jusqu’au IVe siècle par les rabbins, puis n’existe plus que dans sa version
grecque et latine. Ce n’est que depuis 1896 et la découverte de manuscrits médiévaux au Caire puis les
découvertes archéologiques à Qûmran et à Massada que l’on a pu reconstituer des versions du texte hébreu,
avec des variantes.
Cependant les découvertes de Qumrâm et de Nag Hammadi ont été fondamentales dans l’historiographie de ces dernières années
sur le sentiment religieux en Judée au Ier siècle et en Egypte au IVe siècle.
J’écris Juif avec majuscule lorsqu’il s’agit d’un peuple et juif avec minuscule lorsqu’il qu’il s’agit d’une religion. La chute du
second Temple en 70 constitue à cet égard un événement décisif. Pour les périodes avant l’exil, j’utilise le mot Hébreux.
Certains de ces livres sont reçus dans la Bible hébraïque, d’autres non. Parmi ceux qui n’y sont pas reçus, certains sont
canoniques dans la tradition de l’Eglise catholique et d’autres deutérocanoniques ou apocryphes. L’on trouvera un tableau
synthétique des canons vétéro-testamentaires des différentes confession sur :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_livres_de_la_Bible.
L’uniformité et stabilité de la tradition manuscrite de la Bible massorétique — nous dépendons de la tradition médiévale puisque
la plus ancienne bible hébraïque date de 1009 — a longtemps fait illusion. En réalité ce monolithisme est le fruit de l’élimination
des formes concurrentes. Le ou les modèles qui ont servi à la traduction de la Septante ont de nombreuses variantes par rapport à
la Bible massorétique, tout comme le Pentateuque samaritain qui servait dans une communauté marginale et dont on conserve un
nombre restreint de manuscrits. Ces traditions coexistaient, les fouilles de 1947 à Qûmran ont a cet égard changé notre regard sur
le texte antique et son utilisation, il n’y avait pas de version unique et ces différentes versions coexistaient.