COMPTE-RENDU DE LA PHILOSOPHIE CONGNITIVE, E. PACHERIE ET J. PROUST,
DIR., COLL. COGNIPRISME, ED. OPHRYS ET FONDATION DE LA MAISON DES
SCIENCES DE L’HOMME (2004)
L’ouvrage paru en 2004 sous la direction d’Elisabeth Pacherie et Joëlle Proust, La Philosophie
cognitive, rassemble les contributions de plusieurs auteurs philosophes, issus pour la plupart
d’entre eux de la branche florissante de la philosophie analytique dénommée ‘philosophie de
l’esprit’. Ont contribué au volume, par ordre alphabétique : Jean-Pierre Dupuy, Pascal Engel,
Alvin Goldman, Pierre Jacob, Marc Jeannerod, Gloria Origgi, Elisabeth Pacherie, Jérôme
Pelletier, Joëlle Proust, Jean-Michel Roy, Stephen Stich.
Autour d’un objectif commun, qui est la définition interdisciplinaire de cette nouvelle discipline
dénommée ‘philosophie cognitive’, certains de ces auteurs font entrer dans le champ de la
cognition philosophique la phénoménologie, la psychologie cognitive, la cybernétique ou
cognitivisme, la philosophie de la connaissance, les neurosciences.
Pour faire une place à cette nouvelle discipline dans le champ épistémologique, les deux
directrices distinguent dans l’introduction la cognition de la connaissance : la cognition “s’étend à
toute forme de traitement de l’information (perception, mémoire, schéma d’action, évaluation),
qui permet à un organisme humain ou non humain de s’adapter de manière flexible à son
environnement.” L’information traitée peut se présenter sous forme de croyances ou de
représentations non conceptuelles (ou non verbalisées).
Faute de temps, je vais m’appesantir sur cinq articles, que j’ai trouvés particulièrement
intéressants : ceux de Stich, Dupuy, Pelletier, Origgi et Jacob.
L’article de Stephen Stich, intitulé “Philosophie et psychologie cognitive”, remet en question la
‘maïeutique de Platon, cette dialectique conduisant à un point d’équilibre rationnel entre les
interlocuteurs. Les travaux récents de psychologie permettent de jeter la suspicion sur la valeur de
l’accord réfléchi entre interlocuteurs de même culture. En effet, la prétention à l’universalité
véhiculée par la tradition philosophique platonicienne est illusoire car les intuitions épistémiques
sont variables suivant les cultures. La croyance vraie et justifiée, dans laquelle ce qui rend la
croyance vraie n’est pas le motif de la justification (absence de relation causale entre la croyance
et l’événement qui motive la croyance) a remis la cause la notion de connaissance platonicienne :
la croyance vraie et justifiée, lorsqu’elle est erronée ou incomplète, n’est donc pas un savoir
(Gettier, 1963). Toutefois, si les Occidentaux sont plus disposés à concentrer leur attention sur la
causalité pour décrire le monde et classer les choses, ce qui les dispose à affirmer que X croit que
Y fait Z en l’absence de relation causale entre Z et l’évènement qui cause Z, en revanche une
majorité d’Asiatiques affirment que X sait que Y fait Z. Les intuitions morales, normatives,
varient elles aussi avec la culture et avec le niveau socio-économique dans une culture donnée.
L’auteur a mené une étude auprès de différents sujets de statut socio-économique (SSE) différent,
à Philadelphie (USA) et dans deux villes du Brésil. L’histoire destinée à provoquer le dégoût
(censé évaluer les intuitions morales des sujets) était la suivante : “Un homme va au supermarché
une fois par semaine et achète un poulet mort. Mais avant de le faire cuire, il a une relation
sexuelle avec lui. Ensuite il le fait cuire et il le mange.” Les conclusions de l’étude révèlent que
les sujets de SSE peu élevé, considèrent, davantage que les autres, que l’homme qui a des
relations sexuelles avec un poulet fait quelque chose de particulièrement condamnable. Soit. Il
serait intéressant, je pense, de savoir ce qui précisément motive ces intuitions morales negatives
(la zoophilie, la nécrophilie, ou la représentation gustative du repas). Par ailleurs, dans une