Fiche technique n°4 La « Toux de Chenil » La « Toux de Chenil » est un syndrome* fréquent, souvent rencontré en collectivité ou lors de rassemblements de chiens d’origines différentes (chenils, animalerie, expositions, …). Elle regroupe toutes les infections aiguës* et contagieuses du chien, intéressant l’appareil respiratoire* supérieur. On l’appelle d’ailleurs « trachéobronchite* infectieuse canine ». Etiologie* La « toux de chenil » est due à de nombreux agents pathogènes* (virus, bactéries), qui agissent seuls ou en association (voir schéma 1). Néanmoins, les agents les plus fréquemment rencontrés sont le virus* parainfluenza de type 2 (Pi2) et l’adenovirus de type 2 (CAV2) et la bactérie* Bordetella bronchiseptica. Schéma 1 : agents pathogènes impliqués dans la toux de chenil (liste probablement non exhaustive !). En vert, les virus, en bleu les bactéries. Les agents encadrés en rouge, dits primaires, sont capables à eux seuls de provoquer des symptômes de toux de chenil. Les agents entourés en gris ont un rôle controversé ou mal cerné. Ils agissent probablement en association pour rendre l’animal malade. Les agents entourés en noir sont opportunistes : ils profitent des dommages causés pas d’autres agents pour se multiplier. ____________________________________________________________________________________________ * voir lexique Bordetella bronchiseptica Suite à une contamination oronasale*, Bordetella bronchiseptica se fixe sur l’épithélium de l’appareil respiratoire et le colonise. La bactérie sécrète alors des toxines* qui endommagent les cellules et empêchent l’animal de l’éliminer. Photo 1 : adénovirus canin en microscopie électronique (©Merial). Pathogénie* Bordetella bronchiseptica et les mycoplasmes sont capables d’éviter la réponse immunitaire de l’hôte pendant des semaines, voire des mois. Ils peuvent donc être excrétés en grand nombre avec les sécrétions respiratoires de chiens, qu’ils soient malades ou asymptomatiques*. L’apparition de toux de chenil dépend des agent(s) pathogène(s) en cause, de l’environnement (densité d’animaux, température, hygrométrie, hygiène) et de l’individu. La pathogénie des principaux agents est décrite ici. Les virus : le virus Para-influenza canin (Pi2), l’Adenovirus canin type 2 (CAV 2) Suite à une contamination oronasale, les virus se multiplient au niveau de l’appareil respiratoire supérieur (cavités nasales, pharynx, larynx) et inférieur (trachée, bronches, bronchioles) pour certains. Ils endommagent l’épithélium* de la muqueuse* et favorisent ainsi la multiplication d’autres agents pathogènes notamment des bactéries (voir schéma 1). Photo 2 : Bordetella électronique (© Merial). L’excrétion virale débute quelques jours après l’infection, dure jusqu’à 14 jours après contamination, puis diminue considérablement. Durant cette période, les sécrétions respiratoires sont capables de transmettre le virus. Les différents agents peuvent agir en association, ce qui peut aggraver les signes cliniques, et complique la prévention et le traitement. bronchiseptica en microscopie ____________________________________________________________________________________________ * voir lexique Epidémiologie* La toux de chenil compte parmi les causes les plus courantes de maladies respiratoires aiguës du chien. Des épisodes sont rapportés partout dans le monde. Elle peut toucher les chiens de tout âge, mais les chiots sont les plus sensibles. Comme son nom le suggère, la vie en collectivité, ponctuelle ou sur le long terme, est un facteur de risque important de toux de chenil. Ce risque est d’autant plus élevé que la densité d’animaux est importante. Le risque d’infection par un ou plusieurs agents pathogènes (virus et/ou bactéries) est d’autant plus élevé que le nombre d’animaux est important. indirecte*, lorsque les sécrétions respiratoires contaminent l’environnement (locaux, gamelles, matériel de nettoyage, mains, vêtements, etc). Ce mode de transmission est d’autant plus important que l’agent est résistant dans le milieu extérieur comme Bordetella bronchiseptica (survit au moins 3 semaines à 37°C dans les eaux naturelles) ou les adenovirus. Signes cliniques La morbidité* est souvent élevée alors que le taux de mortalité* est faible. La toux de chenil peut néanmoins avoir un impact économique important en élevage (soins vétérinaires, défaut de vente de chiot, retour de vente, …). Généralement les signes cliniques débutent 3 à 10 jours après la contamination. Dans une collectivité, la maladie peut d’abord toucher un chien isolé, puis s’étendre rapidement aux autres animaux, même en l’absence de contact. Les signes cliniques sont : Photo 2 : les collectivités sont des milieux à risque dans le cadre de la toux de chenil (© Merial). La transmission entre chiens se fait par les sécrétions respiratoires de l’animal infecté, qu’il soit malade ou visiblement sain. Elle est alors : directe* lors de contact ou lorsque l’animal malade ou porteur* produit un aérosol à l’occasion d’une toux ou d’un éternuement. Les chiens à proximité peuvent alors être contaminés, une toux sèche (ou peu grasse), o forte, o se manifestant par quintes, o d’apparition soudaine, o pouvant être exacerbée avec l’exercice, o pouvant durer plusieurs semaines, une laryngite* et / ou une trachéite* éventuellement associée(s), un écoulement oculaire ou nasal*, clair puis épais apparaissant à n’importe quel moment au cours de l’infection, des éternuements (parfois rapportés). ____________________________________________________________________________________________ * voir lexique Des formes plus graves, dues en général à l’association d’agents agressifs chez des jeunes, sont caractérisées par : de la fièvre, de la fatigue et une perte d’appétit, une toux productive* (« grasse »). Le chien avale fréquemment le mucus* produit mais peut également l’expulser, suite à des quintes de toux terminées par un effort d’expectoration* pouvant être confondu avec une tentative de vomissement. souhaitable en collectivité car elle permet d’adapter au mieux la stratégie de lutte. L’apparition de signes cliniques compatibles avec une toux de chenil sur plusieurs chiens du même chenil implique la mise en place immédiate de mesures de gestion pour limiter ou endiguer l’extension de la maladie dans la population à risque. Prévention Ces formes graves peuvent être mortelles. La durée de la maladie est variable et dépend notamment du type de contamination (animal exposé transitoirement ou durablement aux agents pathogènes), de la densité de population, de l’état de santé initial de l’animal et du nombre d’agents pathogènes impliqués. Dans la plupart des cas, les signes cliniques sont modérés et se résolvent en quelques jours. Dans certains cas, la toux peut persister plusieurs semaines. Diagnostic Très fréquemment, les chiens infectés ont eu un contact récent avec un (des) chien(s) extérieur(s) à l’élevage. Le diagnostic repose avant tout sur les éléments épidémiologiques (vie en collectivité, historique de contact avec d’autres chiens) et les constatations cliniques réalisées par un vétérinaire. Il justifie la mise en place d’un traitement sur les individus infectés. La détermination du ou des agents en cause est délicate. Elle est cependant Prévention sanitaire La prévention passe d’abord, et de manière incontournable, par la mise en place de mesures sanitaires (cf. fiche technique dédiée). Idéalement, il faudrait éviter les contacts entre le chien et les agents pathogènes impliqués, mais leur prévalence* dans la population canine rend difficile une telle mesure. Néanmoins, afin de minimiser le risque, en particulier en collectivité (élevage, refuge,…) plusieurs mesures sont applicables : la transmission étant principalement directe, la sectorisation est essentielle. Elle permet de séparer les individus potentiellement porteurs de la bactérie (adultes, animaux malades, animaux provenant de l’extérieur) des animaux les plus sensibles (chiots). Le respect de la marche en avant qui en découle est tout aussi important, le risque de transmission indirecte pouvant être important, les mesures de nettoyage / désinfection des locaux, du matériel (gamelles, jeux, balais, …) et du personnel (mains, chaussures, vêtements…) sont essentielles. Tous les désinfectants ne sont pas efficaces ____________________________________________________________________________________________ * voir lexique contre n’importe quel agent pathogène. En cas de problème de toux de chenil, il est conseillé de vérifier avec le fabricant que le désinfectant souhaité est efficace contre les agents potentiellement incriminés, la limitation du nombre de chiens dans la même zone permet de réduire le stress (favorable à l’expression de l’affection) mais aussi l’extension de la maladie. Les conditions de ventilations doivent être adéquates : 12 à 20 renouvellements d’air par heure sont recommandés en chenil ou en refuge. Les locaux doivent être maintenus à une température et une hygrométrie ambiantes adaptées à la race et à l’âge de l’animal. En cas de suspicion de toux de chenil, l’animal doit être rapidement isolé du reste de la collectivité dès les premiers signes afin d’éviter la transmission aux individus potentiellement sensibles. Effectuer un vide sanitaire de 2 semaines au moins est la méthode la plus efficace de restriction de l’infection. Prévention médicale Les valences* maladie de Carré (« C ») et adénovirus (« H ») sont considérées comme « essentielles » (« core » en anglais), car elles sont recommandées dans les protocoles de vaccination canine, quel que soit le mode de vie de l’animal. Les valences contre Bordetella bronchiseptica (Bb) et le virus parainfluenza (Pi2) sont qualifiées de «non essentielles » car leur administration est recommandée à une partie de la population canine (animaux vivant ou fréquentant une collectivité ou un groupe). Elles ont pour but de réduire voire d’annuler les signes cliniques, ainsi que, pour certains vaccins, de réduire l’excrétion virale. Aucun vaccin n’empêche cependant l’infection : un animal vacciné et protégé (c'est-à-dire qui n’aura jamais de signe clinique de toux de chenil) pourra donc être porteur de l’agent pathogène ciblé par le vaccin. En France, la vaccination contre la toux de chenil est réalisable à l’aide de vaccins à virus inactivés (voie sous-cutanée) ou à virus atténués (voie intranasale). Considérations publique de santé Bordetella bronchispetica atteint de nombreuses espèces (chien, chat, Homme), chez qui elle peut être à l’origine d’infections respiratoires. Les individus à risque sont essentiellement les personnes immunodéprimées*, ayant subi une trachéotomie*, une intubation endotrachéale, ou souffrant d’une maladie respiratoire pré-existante. Le risque de contamination par un animal de compagnie est considéré comme faible, particulièrement lorsque l’exposition à un grand nombre de chiens (chenils ou refuges) peut être évitée. ____________________________________________________________________________________________ * voir lexique NOTIONS CLEFS La toux de chenil est une maladie très fréquente et très contagieuse en collectivité canine. Les deux agents les plus fréquemment rencontrés dans ce syndrome sont le virus Parainfluenza canin (PI2) et la bactérie Bordetella bronchiseptica. La transmission de la maladie se fait de manière directe (contact, aérosol) mais également, par l’intermédiaire de l’environnement. L’infection peut être inapparente ou généralement associée à des signes cliniques modérés. Dans certains cas, des atteintes plus graves de l’appareil respiratoire inférieur sont possibles. La détermination de l’agent en cause est difficile. La lutte contre cette affection est multimodale : elle passe par la mise en place de mesures sanitaires et médicales incontournables. LEXIQUE Agent pathogène (microbe, micro-organisme) : agent microscopique pouvant provoquer une maladie chez l’organisme qu’il infecte (virus, bactérie, champignon, protozoaire…). Aigüe : voir infection aigüe. Appareil respiratoire : ensemble d’organes qui permet la respiration. Il peut être subdivisé en appareil respiratoire supérieur (nez, bouche, pharynx, larynx) et inférieur (trachée, bronches, bronchioles, alvéoles pulmonaires). Asymptomatique : sans symptôme. Bactérie : être vivant microscopique, composé d’une seule cellule. Elle peut être pathogène, inoffensive ou bénéfique pour l’organisme. Bronche : canal qui conduit l’air entre la trachée (voir ce terme) et l’intérieur des poumons. Contamination oronasale : contamination par ingestion (par la bouche) ou par inhalation (par le nez). Ecoulement oculaire ou nasal : voir sécrétions oculaires / orales / nasales. Epidémiologie : étude des différents facteurs participant au déclenchement et à l’évolution d’une maladie. ____________________________________________________________________________________________ * voir lexique Epithélium : ensemble de cellules étroitement liées les unes aux autres, recouvrant le corps et les cavités (par exemple bronches, intestin…) situées dans l’organisme. Etiologie : étude des causes d’une maladie. Excrétion (d’un agent pathogène) : rejet à l’extérieur de l’organisme. Ce phénomène est à l’origine de la transmission d’agents infectieux d’un animal à l’autre ou de l’animal à l’Homme, lorsqu’il s’agit d’une zoonose. Expectorations : rejets de secrétions produites dans le thorax lors de toux. Immunodéprimé (ou immunodéficient) : état d’un organisme dont les défenses immunitaires sont affaiblies. Infection aigüe : manifestation d’évolution rapide d’une maladie, qui aboutit rapidement à la mort ou à la guérison. Laryngite : inflammation du larynx (voir ce terme). Larynx : conduit situé au début du cou, contenant les cordes vocales. Il se poursuit par la trachée (voir ce terme). Morbidité : nombre d’individus atteints par une maladie à un instant donné. Mucus : substance transparente et visqueuse produite par les cellules appartenant aux différentes muqueuses de l’organisme. Muqueuse : tissu humide qui tapisse les cavités ouvertes vers le milieu extérieur (par exemple le tube digestif, les voies respiratoires, urinaires et génitales…). Pathogénie : étude des mécanismes entraînant l’apparition et l’évolution d'une maladie. Porteur : voir porteur asymptomatique. Porteur asymptomatique : animal sans symptôme, chez lequel un agent pathogène est présent. Cette notion regroupe deux catégories d’animaux: « les porteurs mécaniques », chez lesquels l’agent pathogène ne se multiplie pas ; et « les infectés asymptomatiques », chez lesquels l’agent pathogène se multiplie. Prévalence : nombre ou pourcentage d’animaux atteints par une maladie. Sécrétions oculaires / orales / nasales : liquide produit au niveau des yeux / de la bouche / du nez. Syndrome : ensemble de symptômes pouvant avoir diverses causes. Exemple : le syndrome toux de chenil peut être dû à divers agents (virus, bactéries) agissant seuls ou en association. ____________________________________________________________________________________________ * voir lexique Taux de mortalité : pourcentage d’individus décédés parmi la population atteinte, sur une période et un territoire donnés. Toux productive : toux associée à la production de mucus. Toxine : substance toxique produite par un agent pathogène. Trachée : canal qui conduit entre le larynx et les bronches (voir ces termes). Trachéite : inflammation de la trachée (voir ce terme). Trachéobronchite : inflammation de la trachée et des bronches (voir ces termes). Trachéotomie : ouverture chirurgicale qui permet de laisser passer l’air entre le milieu extérieur et la trachée (voir ce terme). Elle est employée lorsque qu’il existe un obstacle au passage de l’air par exemple dans la bouche ou le larynx (voir ce terme). Transmission directe : passage d’un agent pathogène par contact plus ou moins rapproché entre deux individus. Ce type de transmission est majoritaire pour les agents pathogènes fragiles dans le milieu extérieur comme le virus parainfluenza canin. Transmission indirecte : passage d’un agent pathogène entre deux individus par l’intermédiaire d’éléments du milieu extérieur (sol, gamelle, mains d’une personne manipulant l’animal…). Ce type de transmission est important pour les agents pathogènes résistant dans le milieu extérieur, comme le parvovirus. Valence vaccinale : part du vaccin qui protège contre un agent déterminé. Un vaccin peut être monovalent (protéger contre une seule maladie) ou multivalent (protéger contre plusieurs maladies). Virus : élément inerte, ayant besoin de cellules d’un hôte pour se multiplier. Fiche technique réalisée à l’occasion de la rencontre Eleveurs canins / Merial mars 2014. Retrouvez toutes les nouvelles fiches techniques sur le site http://eleveurscanins.merial.com, « bibliothèque ». onglet ____________________________________________________________________________________________ * voir lexique