REVUE DE PRESSE
Moïse fragile
Jean-Christophe Attias
RADIO
Émission Boomerang avec Augustin Trappenard, Jeudi 4 juin
http://www.franceinter.fr/emission-boomerang-la-traversee-du-goncourt-de-jean-christophe-
attias
PRESSE ÉCRITE
Réforme,
27 août 2015
Moïse audible.
Prix Goncourt 2015 de la biographie, ce « Moïse » pouvait être doublement fragile. Il repose en
effet sur des interprétations de textes bibliques, que d'aucuns jugeront « fragiles », qui sont la
matrice d'où émerge « l'homme Moïse », et non un « colosse » à la Gustave Doré. Attias réussit à
faire valoir ses « lectures », placées dans le droit-fil de traditions rabbiniques, et son placement
d'un « Moïse possible » à un « Moïse audible». Son écriture et son style sont limpides, jusque dans
l’explication des trois « versets de ténèbres » d'Exode 4.24-26, ou d'Exode 34,29-35.Il
accompagne alors ses lecteurs syllabe après syllabe. Et cela sans nuire à la belle qualité littéraire du
livre.
Les traits de lhomme Moïse sont contrastés « De bonne naissance, abandonné pourtant, et adopté,
Hébreu, Égyptien, homme simplement, et féminin parfois. Un prophète, mais balbutiant, etc. » Sil reçut la
Torah à la perfection, il ne put jamais prétendre à une condition plus qu'humaine, en butte à ses
semblables et « aux traquenards divins ». Moïse disparu, il nous incombe de transmettre et inventer
ce qui relève de la Loi, dans ce temps, le nôtre, « Dieu ne se fait plus guère entendre ». Attias, par le
détour de références au Coran et à un conte rabbinique, fait la proposition fulgurante, libératrice,
d'un Moïse audible. ll n'y a pas à choisir entre deux judaïsmes, « celui d'Abraham, père de la nation, et
celui de Josué, conquérant de la Terre », car il en est un troisième, « le judaïsme de Moïse, le seul qui puisse
parlé à la fois aux juifs et aux autres. Un judaïsme de l'esprit, de l’errance et de l'inachèvement». Dans ses
dernières pages, ce Moïse fragile insuffle de sa force aux lecteurs juifs ou non. Il réchauffera aussi
des passions refroidies, ou repues, pour les textes bibliques.
Bernard Roussel
Regards, juillet 2015
Il fallait que l’auteur fût un éminent savant en matière de judaïsme pour nous donner aujourd’hui
un essai d’apparence aussi simple, limpide, lisible sur le prophète Moïse. Une sorte de biographie
(l’ouvrage vient d’obtenir le prestigieux Goncourt de la biographie, prix amplement mérité en
raison de ses qualités de lisibilité, justement, de savoir et d’intelligence). Mais une biographie
commentée, expliquée à ceux d’entre nous qui sont les plus éloignés des sources juives, bibliques
et rabbiniques.
Aucun épisode de la geste de Moïse n’échappe à Jean-Christophe Attias. Pour chacun d’eux, il a
recours aux diverses interprétations (le Midrash et Rashi bien sûr). Il tente de démêler les
obscurités, les énigmes, les contradictions, les répétitions dont le texte regorge pour nous amener
au plus près de la vérité du sens, sans rien omettre des difficultés du texte. Il se fait candide, alors
qu’il ne l’est pas du tout. C’est sa botte secrète. L'accent est mis ici sur l’humanité de Moïse, et
même sa « fragilité». D’où le titre, surprenant au premier abord. Le parti d’Attias (qui n’est pas un
parti-pris) est de nous rendre Moïse plus proche, accessible, d’en faire un homme comme nous,
mortel, incomplet. Et modeste. Moïse, comme d’autres prophètes (qu’on songe à Jonas), ne se
juge pas taillé pour ce rôle écrasant. Il est pris entenaille entre un Dieu intransigeant et un peuple
« humain, trop humain », qui a faim, qui a soif, qui en a marre d’errer, qui a la nostalgie de sa terre
d’esclavage... La première limite humaine de Moïse est aussi sa dernière épreuve : il ne lui sera pas
donné de franchir le Jourdain, d’accéder en Canaan, Terre promise Dieu pourtant lui avait
ordonné de conduire Israël.
C’est son inachèvement même qui fait sa grandeur. Il n’est pas un père (pas de descendance
prestigieuse), mais un maitre, et un maitre bègue. Comme il est écrit : sa bouche est pesante et sa
langue est pesante. Il a besoin d’un frère, Aaron, pour parler à sa place. Son identité même est
ambiguë, on le présente comme un « homme égyptien ». Ainsi l’appelle Jethro, le père de
Séphora. Il revendique sa faiblesse face au peuple rebelle, et Dieu lui accorde 70Anciens pour le
seconder. Enfin, il réclame la mort, demande à Dieu d’être « effacé de Son Livre ». Mais Dieu ne
l’entend pas de cette oreille. Il sait quand et il le fera mourir : à 120 ans, devant Canaan, et
c’est Josué qui va conquérir la Terre promise…
La conclusion de Jean-Christophe Attias est une profession de foi, et à ce titre peut être
contestée. Quelle est la leçon de Moïse pour nous, aujourd’hui ? Il récuserait la judéité comme
« ethnie » exclusive(version Abraham), la Terre comme idolâtrie et conquête guerrière (version
Josué). Son idéal : la transmission d’un savoir ouvert, questionnant, un « gai savoir ». Il préférerait
l’exil et l’errance à l’enracinement. Ultime signification, si l’on en croit Attias, mais nul n’est obligé
de le suivre jusque-là, à ce que Moïse ne foule pas la Terre promise.
Henri Raczymow
Témoignage Chrétien,
16 juillet 2015
Pérégrinations bibliques
Moïse puissant, brandissant les tables de la Loi, comme I ’avait gravé Gustave Doré? Ou Moïse
impavide et marmoréen, tel que I’a sculpté Michel Ange ? Celui de Jean Christophe Attias est
tout autre. Humain, féminin, pêcheur, humble, fragile, hésitant. Et finalement proche de nous.
Pour en arriver là, Attias nous invite à parcourir le dale d'une enquête littéraire et rabbinique
hors pair les surprises guettent le lecteur au détour de toutes les pages. II nous balade avec
espièglerie dans le texte biblique, en nous faisant partager, sans pédanterie aucune, toute la
richesse de sa culture et de sa science. Un régal. Mille fois pris à contrepied, nous découvrons la
pluralité presque infinie des lectures possibles du texte biblique, sa profusion de sens, telle qu’elle
émerge de I hébreu, telle que la cultivent les sources talmudiques et les fulgurances de Rachi, le
grand commentateur juif du Moyen Âge. Un midrash/i en renverse un autre, et ainsi de suite.
Dès que vous croyez détenir enfin «la» vérité sur Moïse, Attias dégoupille une grenade textuelle.
Ce que fait littéralement exploser Jean-Christophe Attias avec ce livre qui vient de lui valoir le
Prix Goncourt de la biographie 2015. Ce qu’il dynamite est le mythe d'une lecture unique, d’une
vérité essentielle, pour nous
Faire découvrir toutes les séductions de la complexité a la fois du texte et du personnage.
Oui, le texte biblique ne cesse de dire une chose pour la contredire aussitôt, ou du moins laisser
place à une tout autre interprétation que celle qui semblait s'imposer. C'est pour nous faire
penser, pour nous ouvrir l'esprit a l'esprit. In fine, dernière surprise, Attias nous dévoile le sens de
cette pérégrination, au regard des enjeux présents de la Terre promise. La grandeur de Moïse, son
héros, qui voit cette Terre sans y entrer, c’est précisément de «renoncer à l'orgueil de la race, à la
violence des armes, comme a la tyrannie du Lieu ». Bref, ce Moïse-là est un défi à tous les
fondamentalismes.
Jean-François Bouthors
Le Point, Références
, juillet/août 2015
La vraie nature de Moïse
(…) Quel est vraiment l'homme que décrit Jean-Christophe Attias ? Le porteur du Décalogue ou
un prophète rêvé, annonciateur d'un judaïsme de l'errance, de l'exil et de l'inachèvement, contre
un judaïsme guerrier et dominateur, associe à la terre ?
Comme par hasard, c'est ce judaïsme de l'entre-deux, cosmopolite et ouvert, que le
compagnon de vie d'Esther Benbassa, sénatrice écologiste et porte-parole des droits des
immigres, défend a la ville. Ce Moïse-là, ne serait-ce pas un peu lui-même ? Participerait-il ainsi a
la construction d'une autre légende, celle d'un Moïse postmoderne, adapte a nos interrogations
d'aujourd'hui ?
Ouvrir les portes et poser des points d'interrogation, telle est aussi la force de ce livre brillant,
décidément aussi original que dérangeant
Catherine Golliau
L’Obs
, 25 juin 2015
Le prophète à visage humain
Dans la Bible, certains héros sont des pères puissants et redoutables, des patriarches à la tête
d'une descendance glorieuse et reconnue. C'est le cas d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. D'autres
sont des enfants prodiges, des fils parfaits, consacrés à leur mission depuis leur naissance ou
même avant cela C'est le cas de bien des prophètes, de Samuel à Jérémie. Et puis, il est un
homme, étonnement humain, qui n'est ni l'un ni l'autre, ni père d’une lignée, ni fils d'une culture,
sorte d'antihéros biblique qui deviendra le plus grand de tous : Moïse.
Hébreu de naissance mais égyptien d'adoption, de qui est-il vraiment le fils ? De quel monde est-il
héritier ? Il devient pour son peuple une figure paternelle mais aucun de ses fils ne laissera dans
l'histoire de traces durables ou prestigieuses. Il est celui qui parle avec le divin, face à face, mais il
est aussi celui dont la parole est entravée, un leader qui bégaie. Il est le modèle d'un peuple
distingué des autres, mais aussi l'homme qui fait un « mariage mixte » et est sauvé de la mort par
une femme étrangère qui le circoncit. Il est le prophète viril qui mène son peuple à la baguette
pendant quarante ans dans le désert, mais aussi une figure maternelle qui porte les siens « comme
une nourrice porte son nourrisson » (Nombres, ll). Les fissures de son identité ne font pas juste de lui
un homme mais le plus grand d'entre eux, celui à qui Dieu peut s'adresser parce qu'il est faillible,
tout comme les tables de pierre qu'il a brisées. Ce sont ces failles que Jean-Christophe Attias
relève et interprète pour présenter un Moïse vulnérable et ambigu. Dans son « Moïse fragile »,
l'historien va chercher l'humanité « dans les béances du texte, dans le silence des mots », le héros «
trébuche, hésite et renonce ».
A l'heure où tant de croyants hurlent la grandeur de leurs prophètes, ce livre rappelle qu'un grand
prophète l'est surtout dans sa fragilité et son humilité. «Les juifs de notre temps, écrit Attias, semblent
ne pouvoir choisir qu'entre deux judaïsmes : celui d'Abraham, père de la nation, et celui de Josué, conquérant de la
terre. » Moïse incarne un autre pilier de l'identité juive : il n'est ni un homme de lignée et
d'appartenance biologique ni homme d'ancrage et de définition territoriale. Il est un homme en
chemin qui ouvre la voie à d'autres par son enseignement, mais qui reste, lui, aux portes de la
destination. « Le judaïsme ne se dévoile paradoxalement jamais mieux qu'en ces espaces liminaires », disait
déjà l'auteur de « Penser le judaïsme ».
Son Moïse est un homme de cet entre- deux, qui transmet, enseigne, interprète. Bref un homme
qui fait des disciples et pas juste des enfants.
Delphine Horvilleur
L’Express,
17 juin 2015
Moïse intime
Si vous croyez qu'il n'y a rien de plus à dire sur un sujet tellement ressassé, voici une belle
surprise. Régénéré par la réflexion, ravivé par la force de l'esprit, le Moïse de Jean-Christophe
Attias surgit des pages comme un jeune homme, enfin débarrassé des traits granitiques de
Charlton Heston et déchargé du poids gigantesque que lui ont fait porter les trois religions
monothéistes. Pour le dépeindre, l'auteur emprunte avant tout à la science inépuisable du
judaïsme, dont il est un des plus fins connaisseurs. Son propos est ainsi libérateur et transforme le
"Superman" biblique en prophète de la vie intérieure. Attias part des meilleures interprétations,
qui font de Moïse "un homme d'absolu, d'absolue vérité et d'absolue justice, irréductiblement
rétif au compromis". Cela définit précisément la raison pour laquelle il doit s'effacer au terme de
son œuvre : "Il faut qu'il meure pour que le peuple puisse un jour entamer, au-delà du Jourdain,
une vie normale, sa propre vie." Puis il renverse la perspective et veloppe une lecture
éminemment personnelle, très riche en éclairages nouveaux, qui laisse émerger un homme très
proche de nous et de nos faiblesses. Un géant, vulnérable de naissance Un chapitre est consacré à
ses difficultés d'élocution ("Moïse bègue"), que semblent induire plusieurs passages de la Bible, et
aussi un verset du Coran. Résultat, on voit apparaître un géant, vulnérable de naissance,
perpétuellement "en danger de mort", comme le montrent moult épisodes de sa vie. La statue
prend chair et le colosse devient un ami intime. Conclusion : "Non, Moïse ne fut pas un père,
mais un maître. Et ce n'est pas la même chose. Il n'exige rien de nous en vertu de notre sang. Il
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