Notre mission de prêtre, prophète et roi
Conférence de Carême du 18 mars 2012 à la Cathédrale de Grenoble
Hendro Munsterman
(Centre Théologique de Meylan-Grenoble /
IPER – Université Catholique de Lyon)
Le titre que les organisateurs de ce cycle de conférences de carême ont donné à la conférence
d'aujourd'hui n'est peut-être pas très accrocheur et en a probablement même effrayé l'un ou l'autre
parmi nous : « notre mission de prêtre, prophète et roi ». Chacun des quatre mots est devenu
problématique dans notre monde contemporain, moderne, ou même post-moderne. Comment
parler de notre mission de roi dans un pays républicain (en période électorale en plus!) ? Comment
parler de notre mission de prophète quand la prophétie, pour beaucoup de nos contemporains,
consiste surtout en la prédiction des évènements à venir ? Comment parler de notre mission de
prêtre, quand ce mot évoque dans les esprits de nos contemporains (et dans les nôtres?)
uniquement un homme, souvent âgé, célibataire, et donc une espèce en voie de disparition ?
Comment parler de mission tout court, alors que dans le monde de l'entreprise et du management,
le mot mission renvoie à ceux de vision, targets and tools (vision, objectifs et moyens)?
Il s'agit donc de quatre mots à décrypter, quatre mots dont il faut retrouver le sens originel, quatre
mots aussi qui sont indispensables pour la compréhension de l'ecclésiologie du concile Vatican II
dont nous célèbrerons bientôt le 50ième anniversaire dans sa Constitution Dogmatique sur
l'Église, intitulée Lumen Gentium. Dans les conférences précédentes, les conférenciers ont déjà
largement commenté la nature et l'être de l'Église comme mystère et comme peuple de Dieu, comme
corps du Christ, et comme Temple de l'Esprit. Aujourd'hui nous allons essayer de comprendre quelle
est la place de chacun et chacune dans l'Église, sa fonction, sa mission (excusez-le-mot!), sa
vocation, sa charge. La place de chacun et chacune dans l'Église du Christ découle des mots que
prononce le célébrant durant le baptême au moment où il prend le saint chrême et applique une
onction sur le front du baptisé : « Tu fais partie de son peuple, Il te marque de l'huile du salut afin
que tu demeures membre de Jésus-Christ, prêtre, prophète et roi pour la vie éternelle » (Rituel de
l'Initiation chrétienne des adultes).
Un concile ne tombe pas du ciel
L'enseignement conciliaire ne tombe pas du ciel. Il s'inscrit évidemment dans un contexte : il répond
à une situation antérieure et aux défis que cette situation comporte. Pour vous décrire le contexte
dans lequel se trouvait l'Église catholique au milieu du XX° siècle, il suffit de vous lire un petit
paragraphe d'une encyclique du pape Pie X :
« (L')Église est par essence une société inégale, c'est-à-dire une société comprenant deux
catégories de personnes: les pasteurs et le troupeau, ceux qui occupent un rang dans les
différents degrés de la hiérarchie et la multitude des fidèles; et ces catégories sont
tellement distinctes entre elles, que, dans le corps pastoral seul, résident le droit et
l'autorité nécessaires pour promouvoir et diriger tous les membres vers la fin de la
société. Quant à la multitude, elle n'a pas d'autre devoir que celui de se laisser conduire
et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs. » (Pie X, encyclique Vehementer Nos au
peuple français, 1906)1.
1 http://www.vatican.va/holy_father/pius_x/encyclicals/documents/hf_p-x_enc_11021906_vehementer-nos_fr.html. Cf. Michel
RONDET, L'Esprit, espérance d'une Église en crise, Paris, Bayard-Centurion, 2011, p. 49-51, qui parle à juste titre d'une
« cléricalisation constante de la vie de l’Église ».
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Dans les décennies qui suivent, l'Église catholique va s'ouvrir petit à petit à une place plus
importante des laïcs dans la vie de l'Église. On peut nommer le soutien de Pie XI à l'Action
Catholique, qui permettait à l'Église d'être présente dans des lieux où le clergé avait du mal à se
manifester2. Nous pouvons penser aussi à la reconnaissance des « instituts séculiers » par le pape Pie
XII en 1947, formés par des consacrés qui avaient comme vocation d'habiter le monde d'une façon
plus discrète et sans porter l'habit religieux3. Puis, nous avions déjà assisté à la naissance des
mouvements qui investissaient beaucoup dans l'apostolat des laïcs, comme le mouvement des
Focolari, comme l'Opus Dei, ou comme le mouvement Schönstatt. Petit à petit, la théologie
catholique était également entrée dans une réception des travaux de deux théologiens du XIX°
siècle, John Henry Newman4 au Royaume-Uni et Johann-Adam Möhler5 en Allemagne, qui avaient
déjà écrit sur la place des laïcs dans l'Église, mais qui n'avaient pas été compris par beaucoup de
leurs contemporains, et encore moins par la hiérarchie catholique de l'époque.
Malgré l'ensemble de ces prémices d'un renouvellement de la vie ecclésiale par l'intégration d'un
laïcat actif, le dominicain français Yves Congar écrit en 1954 dans l'introduction de son ouvrage
Jalons pour une théologie du laïcat les phrases suivantes :
« Ce [élaborer une théologie du laïcat] n'est pas une petite entreprise. On ne répondrait
pas à une requête aussi profonde en proposant seulement des thèses particulières sur un
certain nombre de points. Cette requête est trop liée à tant de problèmes que se posent
aujourd'hui, de façon pressante, non plus quelques esprits dans le cadre des Écoles, mais
le grand nombre de laïcs engagés dans la vie chrétienne militante, et avec eux des prêtres
que leurs années d'études ont insuffisamment éclairés : rapport de l'Église au monde,
théologie pastorale renouvelée, formation des prêtres et sens de leur sacerdoce, nature de
l'engagement laïc, sens chrétien de l'Histoire et des réalités terrestres, etc. Autant de
questions difficiles impliquées, avec un certain nombre d'autres, dans une théologie du
laïcat. Le vrai problème de celle-ci, pourtant, dépasse encore l'ensemble de ces grandioses
questions ; sa vraie difficulté tient en ceci qu'elle suppose en réalité toute une synthèse
ecclésiologique où le mystère de l'Église ait reçu toutes ses dimensions jusqu'à inclure
pleinement la réalité ecclésiale du laïcat. Il ne s'agit pas seulement d'ajouter un
paragraphe, voire un chapitre, à un développement ecclésiologique qui ne comportait pas,
dès le départ et d'un bout à l'autre, les principes dont dépend réellement une 'laïcologie'.
Faute de quoi, en face d'un monde laïcisé, on n'aurait qu'une Église cléricale qui ne serait
pas, en sa pleine vérité, le peuple de Dieu. Au fond, il n'y aurait qu'une théologie du laïcat
valable : une ecclésiologie totale. »6
Ce qu'Yves Congar appelle de ses vœux, et ce qu'il prépare par son travail théologique, va se réaliser
quelques années plus tard, lors du Concile Vatican II auquel il participe en tant que peritus à
l'invitation du pape Jean XXIII lui-même, dont on dit qu'il avait pris connaissance des publications
de Congar quand il était nonce apostolique à Paris, et notamment de l'ouvrage du dominicain Vraie
et fausse réforme dans L'Église7 dont il gardait soigneusement un exemplaire annoté.
2Cf. Gérard PHILIPS, LÉglise et son mystère au 2ème Concile du Vatican, Tome 2, Desclée, 1968, p. 7.
3 Cf. Pierre LANGERON, Les Instituts séculiers. Une vocation pour le nouveau millénaire, Paris, Cerf, 2003.
4 Cf. John Henry NEWMAN, Lectures on the present position of Catholics in England, Introduction et notes par André Nash, South Bend,
University of Notre-Dame, 2000.
5 Cf. Michel DENEKEN, Johann Adam Möhler, Paris, Cerf, 2007.
6 Yves Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, Paris, Cerf, 1954, p. 12-13. Depuis février 1952, Yves Congar était obligé de
présenter ses écrits à Rome avant de les publier. Il décrit son étonnement que la censure romaine eût accordé la publication de Jalons.
Cf. Cornelis VAN VLIET, Communio sacramentalis. Das Kirchenverständnis von Yves Congar, Mainz, Grünenwald, 1995, p. 121.
7 Yves CONGAR, Vraie et fausse réforme dans l'Église, Paris, Cerf, 1950.
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Le Christ : prêtre, prophète et roi
Dès ses premières publications dans les années 1930, Congar montrait un intérêt particulier pour la
thématique du « tria munera Christi » (les trois charges du Christ). La présentation du Christ comme
« prêtre, prophète et roi » lui semblait très utile, non seulement dans la christologie, mais aussi dans
l'ecclésiologie, et même dans l'anthropologie théologique. Son inspirateur dans ce domaine est
évidemment le grand maître de l'école de Tübingen, Johann Adam Möhler.
Cette idée des tria munera Christi8 connaît une longue histoire. On la trouve quelques fois, assez
discrètement, chez certains Pères de l'Église : ils parlent uniquement des duos « prêtre-prophète »
ou « roi-prêtre », mais n'utilisent jamais la triade « prêtre-prophète-roi ». C'est surtout le réformateur
de Genève, le français Jean Calvin, qui développe l'idée pour montrer ce que signifie le salut dans
Jésus-Christ. Calvin présente sa christologie, suite à sa présentation du Premier Testament. Il
souligne moins la personne de Jesus-Christ, mais surtout sa fonction en tant que Messie, c'est-à-dire
d'être le médiateur qui représente Dieu chez les hommes et les hommes chez Dieu. Naturellement, il
va donc présenter le Christ à l'aide du munus triplex qui trouve son origine dans les textes du
Premier Testament9. L’œuvre du Christ est considérée comme l'accomplissement des trois ministères
de représentation que connait le Premier Testament. Déjà Eusèbe de Césarée constatait dans son
Histoire ecclésiastique (écrite en 324) qu'en Israël trois types de ministres recevaient l'onction, les
prêtres, les prophètes et les rois, et que selon Luc 4, 18, Jésus était venu pour accomplir les trois10.
C'est pourtant Calvin qui va introduire ce concept dans la théologie occidentale : après lui, la
théologie luthérienne et la théologie catholique vont intégrer le munus triplex ou les tria munera
dans leurs dogmatiques respectives11.
La doctrine des tria munera (ou du munus triplex) est donc d'abord une affaire christologique : elle
permet de présenter ce qu'a fait le Christ pour nous. Pour nous, il est prêtre, prophète et roi – mais il
l'est d'une façon singulière, en dépassant et en accomplissant les fonctions de prêtres, de prophètes
et de rois de la première alliance.
PRÊTRE : Dans le judaïsme ancien jusqu'à la fin de la période du deuxième temple en l'an 70, des
prêtres (c'est-à-dire les sadducéens que nous rencontrons dans le Nouveau Testament) étaient
considérés comme des médiateurs entre le peuple et Dieu12. Les sacrifices au Temple de Jérusalem
étaient destinés à réconcilier Dieu avec le peuple. Nous trouvons une description de ce type de
grand prêtre dans l'épître aux Hébreux : « Tout grand prêtre, en effet, pris d'entre les hommes, est
établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu, afin d'offrir dons et
sacrifices pour les péchés. » (He 5, 1). Mais l'auteur de ce texte va dire que depuis le Christ, nous
n'avons plus besoin de prêtres, puisqu'il est désormais l'unique grand prêtre par excellence qui a
réconcilié une fois pour toute Dieu avec l'humanité et l'humanité avec Dieu. « Le point capital de nos
propos est que nous avons un pareil grand prêtre qui s'est assis à la droite du trône de la Majesté dans
les cieux, ministre du sanctuaire et du Tabernacle, le vrai, celui que le Seigneur, non un homme, a
dressé. » (He 8, 1-2). Lui, l'unique Médiateur entre Dieu et les hommes (1 Tim 2, 5), a réconcilié par
8 Jean-Paul II préfère – comme Jean Calvin – de parler du triplex munus (triple charge) que des tria munera, pour ne pas oublier l'unité
fondamentale des trois charges (cf. Jean-Paul II, Schreiben zum Gründonnerstag 1979 an alle Priester der Kirche, in : OR (D) 15-16
(1979) II.)
9Institution de la religion chrétienne, II 12-15. Le titre du chapitre d'ouverture est parlant : « Christum ut Mediatoris officium
praestaret, oportuisse fieri hominem ».
10 Jésus lit dans la synagogue de Nazareth dans le livre du prophète Isaïe le passage suivant : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce
qu'il m'a consacré par l'onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux
aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur » (citation de Is 61, 1-2).
L'évangéliste rapporte que Jésus commente ainsi : « Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Écriture » (Lc 4, 20)
11 Avec Luther, le jeune Calvin avait parlé de deux charges (en excluant la charge prophétique), mais avec son Institution (II, 15), il
intégra la charge prophétique. Pour une critique de cette doctrine : Wolfram PANNENBERG, Grundzüge der Christologie, 1964, par. 6,
I ; Karl BARTH, Kirchliche Dogmatik IV, 3, p. 1-18.
12 Cf. Ex 29,1-35 et Lv 8-9. Nous avons d'autres exemples analogues à cette fonction du prêtre comme médiateur (par des sacrifices)
dans plusieurs religions traditionnelles.
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un sacerdoce unique l'humanité avec le Créateur. Et le mystère lumineux du christianisme est que le
Christ grand prêtre est également le Christ agneau sacrifié. Le Christ est donc prêtre, mais pas
comme les prêtres de l'ancienne alliance – il est le prêtre par excellence, et dorénavant nous n'avons
donc plus besoin de prêtres (de ce type) !
ROI : Nous savons qu'à la fin de la période du deuxième temple, s'est développé (probablement
parce que les juifs étaient mécontents de la corruption qui englobait la procédure de nomination)
une sorte de spéculation autour d'une éventuelle venue de prêtres messianiques et/ou venant du
ciel. L'auteur de l'épître aux Hébreux s'inspire probablement de cette tradition juive pour présenter
Jésus comme grand prêtre. Mais à Qumrân, nous avons également trouvé plusieurs traces de
l'existence d'une double attente de deux messies : un messie sacerdotal et un messie royal13. C'est
donc dans ce cadre que l'auteur de l'évangile selon Matthieu présente Jésus comme descendant du
roi David14 (« fils de David » en Mt 1,1 ; 9,27 ; 12,23 ; 15,22 ; 20,30-31 ; 21,9.15. Cf. Rm 1, 3) et
qu'il situe la naissance de Jésus à Bethléem où selon la tradition biblique devait naître le fils de
David (Mi 5, 1)15. Dans la foi traditionnelle (et non pas dans la Tanakh elle-même), comme le
témoignent des textes de la Mer morte et la littérature rabbinique, on trouve cette idée que le
Messie serait un descendant du roi David. Dans le judaïsme, ce roi David est le modèle du roi et les
premiers chrétiens ont vu dans la personne de Jésus de Nazareth, qu'ils confessaient « Christ » après
sa mort et sa résurrection, l'accomplissement de cette royauté. Un élément essentiel pour le
comprendre est le fait que David était un petit berger lorsque le prophète Samuel le choisit pour
succéder ultérieurement à Saül, et il l'oint (1 Sam 16). Dans la tradition biblique, le roi doit être un
berger (cf. Ez 34, 23-24), quelqu'un qui est à la fois capable d'avoir le souci de l'ensemble du
troupeau et en même temps de chacune de ses brebis, notamment les plus vulnérables. Quand les
auteurs des évangiles selon Jean, Matthieu et Luc nous présentent donc Jésus comme « le bon
berger » (Jn 10) qui va même à la recherche de la brebis perdue (Lc 15, 4-7 ; Mt 18, 12-14) ils nous
le présentent sous un aspect davido-messianique. Être roi, dans la tradition biblique, signifie être au
service du peuple, et notamment au service des plus vulnérables parmi eux. Et dans ce sens, Jésus
est roi par excellence, pas un roi de pouvoir, mais de service. C'est également sous cet aspect qu'il
est présenté à la fin de sa vie devant Pilate (Jn 18, 33, Mt 27, 11 : « Es-tu le roi des juifs ? »), lors de
sa flagellation (« Salut, roi des Juifs! », Jn 19,3) et sur la croix (INRI, « Jésus le Nazôréen, le roi des
Juifs », Jn 19, 19). Et comme Jésus l'explique lui-même devant Pilate dans cet évangile selon Jean,
cette royauté de Jésus, fidèle à la tradition biblique, est une royauté de service qui ne correspond
pas aux types de royauté qu'on trouve dans le monde.
PROPHÈTE : Ainsi, à l'aide des images venant de la tradition juive, nous avons compris que Jésus
de Nazareth est venu pour nous réconcilier avec Dieu (sa charge sacerdotale) et pour nous servir en
tant que peuple et individuellement (sa charge royale). Le troisième aspect de sa mission était
souvent resté dans l'ombre dans la tradition théologique occidentale : sa charge prophétique. Jésus
nous a enseigné, il nous a annoncé la bonne nouvelle, il nous a annoncé le règne de Dieu, il nous a
parlé au nom de Dieu. Et quand il nous parlait au nom de Dieu, il le faisait d'une façon particulière,
plus parfaitement que les prophètes de la première alliance, puisque contrairement à Moïse, Elie,
Amos, Jérémie, Isaïe et les autres, Jésus était lui-même la manifestation unique et définitive de Dieu
lui-même parmi nous. Malheureusement, la tradition chrétienne s'était tellement focalisée sur
l'incarnation, la mort sur la croix et la résurrection, que le message annoncé de Jésus était trop
souvent oublié. Saint Hippolyte de Rome (+ 235), qui était un disciple d'Irénée de Lyon, décrit la
vie de Jésus ainsi : « Le Verbe a bondi du ciel jusque dans le corps de la Vierge. Du ventre sacré, il a
bondi jusque sur le Bois. Du Bois jusque dans les Enfers. Et de là dans la chair de l’humanité, sur la
13 1QS 9,11. Cf. Amy-Jill Levine et Marc Zvi Brettler, The Jewish Annotated New Testament, Oxford University Press, 2011, p. 412.
14 David est déjà présent dans la généalogie au début de l'évangile (1, 6), et le chiffre 14 dans cette généalogie (trois fois 14
générations, Mt 1, 17) est la somme de la valeur numérique des trois consones « dalet (4), « vav »(6) et « dalet » (4) qui forment le
nom David en hébreu. L'évangéliste va même jusqu'à omettre cinq rois de sa généalogie pour arriver à 14 générations ; la dernière
liste n'en comporte pourtant que 13.
15 Pour la question de la naissance de Jésus à Bethléem, cf. Jacques SCHLOSSER, « La recherche historique sur Jésus : menace et/ou
chance pour la foi ? », in : Revue des sciences religieuses 80 n° 3 (2006), p. 331-348.
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terre. (…) Puis, aussitôt, il bondit de la terre dans le ciel. Là, il est assis à la droite du Père et il
reviendra dans un bond sur la terre, pour le rachat final »16. Pas de sermon sur la montagne, pas
d'enseignement sur la prière, pas de paraboles, pas de guérison, etc. La vie terrestre de Jésus, ses
paroles et ses actes, étaient trop longtemps tombés dans les oubliettes de la réflexion christologique.
Mais ces paroles et ces actes font partie intégrante de ce que Jésus est, et de ce qu'il fait pour nous.
Il enseigne, il parle au nom de Dieu, d'une façon singulière, unique, comme personne d'autre avant
lui ne l'avait fait. Le théologien flamand Edward Schillebeeckx montre que « la première
interprétation pré-néotestamentaire du 'phénomène Jésus' allait dans le sens d'une identification de
Jésus au 'prophète eschatologique' : le prophète comme Moïse, plus grand que Moïse »17. Comme
nous l'avons vu, à la fin de la période du deuxième Temple (ou la période inter-testamentaire) il
existait dans le peuple Juif des attentes d'un messie sacerdotal, d'un messie royal, et donc
également d'un prophète eschatologique. A la lumière de Pâques, Jésus de Nazareth est reconnu par
ses premiers disciples comme celui qu'ils attendaient : un prêtre plus prêtre que leurs prêtres, un roi
plus roi que leurs rois, et « un prophète qui a la prétention d'apporter un message valable pour toute
l'histoire : d'une validité eschatologique »18.
La participation des fidèles au
tria munera Christi
A la suite de Calvin et du réformateur strasbourgeois Bucer, l'idée de la tria munera Christi, avec sa
fonction christologique première, allait être utilisée dans les ecclésiologies protestantes diverses.
Selon ces réformateurs et leurs disciples, les potestates docendi, sanctificandi et regendi (les pouvoirs
d'enseigner, de sanctifier et de gouverner), étaient conférés par le Christ après sa résurrection aux
ministres de l'Église.
Au XIX° siècle, certains théologiens catholiques vont essayer d'intégrer cette notion dans la théologie
catholique, mais le résultat de leurs tentatives n'est pas très heureuse. Ainsi, le canoniste George
Phillips, un protestant allemand converti au catholicisme, va affirmer que les trois potestates étaient
conférés par le Christ à son vicaire sur terre, son remplaçant, le pape, par qui ces pouvoirs « comme
par un canal » coulent vers tous les membres de l'Église19. Même si chez Phillips, l'ensemble des laïcs
participent d'une façon ou d'une autre aux trois charges du Christ, sa vision reste trop monarchique
et hiérarchique. Cette vision va donc être abandonnée par le Concile Vatican II qui va reprendre la
vision de Calvin, qui est une vision inspirée par la période patristique et par l'Écriture ; nous lisons
dans la première lettre de Pierre :
« 4 Approchez-vous de lui, la pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie,
précieuse auprès de Dieu. 5 Vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à
l'édification d'un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d'offrir des sacrifices
spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ. (...) 9 Mais vous, vous êtes une race élue,
un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pour proclamer les louanges
de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière, 10 vous qui jadis
n'étiez pas un peuple et qui êtes maintenant le Peuple de Dieu, qui n'obteniez pas
miséricorde et qui maintenant avez obtenu miséricorde. » (1 P 2, 4-5.9-10)
Le concile décrit, avant d'expliquer comment les évêques (dont l'évêque de Rome), les prêtres et les
diacres participent à ces trois charges du Christ, comment l'ensemble des membres de l'Église, donc
aussi les laïcs, au nom de leur baptême, participent à ces trois charges. Le sens du saint chrême est
16 De Resurr. Mort. 51/1-3.
17 Edouard SCHILLEBEECKX, « Jésus de Nazareth, le récit d'un vivant », in : Lumière & Vie 134 (1977), 1-45, p. 18.
18 Ibid., p. 21.
19 Cf. L. SCHLICK, « Die Tria-Munera in den Schriften George Phillips und in den Dokumenten des II. Vatikanischen Konzils Ein
Vergleich », in : Österreichisches Archiv für Kirchenrecht 32 (1981), 59-78 ; Thomas BAUER, George Philipps Laien in der Kirche,
Norderstedt, Grin-Verlag, 2003.
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