Tunisie – La transition démocratique
fragilisée par l’économie
Olivier LE CABELLEC
olivier.lecabellec@credit-agricole-sa.fr
N° 16/335 – Décembre 2016
Après une mauvaise année 2015,
la croissance du PIB reste en berne
en 2016
La croissance moyenne de 4,5% par an avant
2011 a décéléré à environ 2,5% jusqu’en 2014
pour tomber à 1% en 2015 et 1,1% en 2016 suite
aux attentats de Sousse et de Tunis. Si les raisons
conjoncturelles expliquent en grande partie la
décélération de l’activité, de fortes contraintes
structurelles y contribuent aussi. En 2016, les
retombées des attentats privent le secteur
touristique (7% du PIB) d’environ 8% de ses
recettes après deux années déjà en récession. Le
secteur manufacturier (20% du PIB incluant la
mécanique et les textiles) pâtit d’une croissance
européenne toujours faible depuis 2008. Le
secteur agricole (9% du PIB) a été affecté par la
sècheresse et les exportations ont chuté de plus
de 30%. Le secteur du commerce croît très
modestement en raison des mesures d’austérité
qui freinent la consommation des ménages.
L’inflation, en hausse depuis quatre ans, en raison
de la dépréciation du dinar y contribue également.
Enfin, la menace terroriste pèse aussi sur le niveau
de confiance général. Les entreprises publiques
(13% du PIB), lestées de leurs nouvelles
embauches, peinent à investir et à améliorer leur
productivité. Cette croissance déprimée est aussi
pénalisante pour le maintien de la richesse par
habitant compte tenu de l’évolution démographi-
que (+1%/an). Elle est, de plus, très en décalage
par rapport à la croissance potentielle estimée à
4,5% par le FMI.
Le secteur bancaire est assez développé. Les
banques publiques sont sous capitalisées, peu
liquides et percluses de 25% de CDL pour 18% de
moyenne nationale. Des recapitalisations seront
donc sans doute encore nécessaires. Les banques
ont aussi de la difficulté à apporter les crédits
propres à relancer la croissance et l’investis-
sement. L’image du secteur bancaire a aussi un
peu souffert de la liquidation d’une banque privée
fin 2015.
Déficit budgétaire et dette publique
en hausse
Le déficit budgétaire, traditionnellement contenu à
moins de 3% du PIB dérape depuis 2011 par un
effet ciseaux de baisse des recettes fiscales et de
hausse des charges salariales. De 4,4% du PIB en
2015, il pourrait passer à 5,8% en 2016. Sa réduc-
tion est conditionnée au rebond de l’activité écono-
mique (3%) et donc sans doute plus réalisable en
2017. Les salaires des fonctionnaires représentent
15% du PIB en 2015 pour seulement 10% en
2010. L’aggravation des déficits, la faible crois-
sance en 2016 et les dépréciations de change (la
dette est à 68% en devises) ont provoqué une
légère hausse de la dette publique qui devrait
atteindre 62% du PIB en 2016 et 66% en 2017. Le
risque de défaut est encore modéré à court terme,
mais la dérive de l’endettement est lente et
régulière. La difficulté à réduire le nombre de
fonctionnaires recrutés par le précédent
gouvernement fait craindre la poursuite des
dégradations. Seul un rebond de croissance
pourrait donc réduire ce ratio à moyen terme.
Déficits, dette externe
et plan de soutien « Tunisie 2020 »
La dette externe est très élevée et a beaucoup
augmenté (+22%) depuis 2010. Elle a dépassé en
2015 le seuil d’alerte de 150% des recettes
d’exportation et devrait atteindre 186% fin 2016.
Bien que majoritairement publique et en partie
concessionnelle (19% du PIB), son poids est
beaucoup trop élevé. Les déficits courants sont
beaucoup trop profonds depuis 2010 et se
creusent à 8,7% du PIB en moyenne depuis 2011
en raison d’un fort déficit d’épargne qui s’effondre
de 22% du PIB en 2011 à 11%, et qui explique
également la chute du taux d’investissement à
19% du PIB. Le déficit commercial reste aussi
beaucoup trop élevé à 13% du PIB en 2016. Le
financement du déficit courant est désormais
surtout assuré par les multilatéraux (2 à 3 Mds $
par an) ce qui maintient les réserves en devises à
un peu plus de quatre mois d’importations.
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10 PIB et solde courant
PIB (gche) Solde courant
% PIB
Source : Institut Nal Statistique, Crédit Agricole S.A.