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Apériodique 16/335 16 décembre 2016
TUNISIE La transition démocratique fragilisée
par l’économie
La Tunisie est en passe de réussir sa
transition politique « post-Printemps ara-
be » avec un chef de l’Etat et une
assemblée élus jusqu’en 2019, des insti-
tutions réformées et apparemment
solides, et un nouveau gouvernement
« d’union nationale » réformiste et aux
affaires depuis l’été 2016.
Pourtant, cette transition démocratique
reste inachevée et fragile car la situation
économique est très précaire et les
blocages de la société tunisienne, nom-
breux. Effectivement, les tensions
sociales persistent et les attentats
terroristes de 2015 ont fait chuter le
tourisme ce qui a nalisé l’activité.
Pour l’aider dans cette transition, l’aide
du FMI a été complétée en 2016 par des
promesses de soutien financier massif
(un tiers du PIB) de l’UE et des pays du
Golfe.
Cette aide est salutaire pour redresser
les piètres performances économiques :
une croissance du PIB faible qui
maintient le chômage à un niveau élevé,
un déficit courant colossal qui pèse sur
le change, un déficit budgétaire en
hausse qui fait déraper la dette publique,
des subventions encore trop lourdes,
des banques publiques en mal de fonds
propres, et une administration à
réformer.
Il est encore trop tôt pour juger de
l’efficacité de ce soutien financier mais
sa réussite dépendra aussi des réformes
structurelles à engager et notamment
l’amélioration de la gouvernance et de la
curité et la suppression des blocages
administratifs et sociétaux. Des réformes
urgentes pour éviter une nouvelle
gradation du profil de risque.
Données et prévisions Tunisie
2015 2014 2015 2016e 2017p
Population (millions) 11,0 PIB (en volume, variation) 2,9 1,0 1,5 1,9
PIB (USD milliards) 43 Inflation (moyenne annuelle, %) 4,9 4,9 3,8 4,2
PIB/habitant (USD, PPA) 11 195 Solde courant (% PIB) -9,1 -9,0 -9,2 -9,5
Taux dpargne (% PIB) 11 Solde budgétaire (% PIB) -4,5 -4,4 -5,5 -5,0
IDH (2014)* 96 Dette publique (% PIB) 51 55 62 66
Gouvernance (2014)** 47 Change (€, moyenne) 2,30 2,21 2,44 2,60
*indicateur de developpement humain (186 pays)
**moyenne Banque Mondiale (indicateurs 3 à 6) de 0 (min) à 100 (max)
Tunisie La transition démocratique
fragilisée par l’économie
Olivier LE CABELLEC
olivier.lecabellec@credit-agricole-sa.fr
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Après une mauvaise année 2015,
la croissance du PIB reste en berne
en 2016
La croissance moyenne de 4,5% par an avant
2011 a décéléré à environ 2,5% jusqu’en 2014
pour tomber à 1% en 2015 et 1,1% en 2016 suite
aux attentats de Sousse et de Tunis. Si les raisons
conjoncturelles expliquent en grande partie la
décération de l’activité, de fortes contraintes
structurelles y contribuent aussi. En 2016, les
retombées des attentats privent le secteur
touristique (7% du PIB) d’environ 8% de ses
recettes après deux années déjà en récession. Le
secteur manufacturier (20% du PIB incluant la
mécanique et les textiles) pâtit d’une croissance
européenne toujours faible depuis 2008. Le
secteur agricole (9% du PIB) a été affecté par la
sècheresse et les exportations ont chuté de plus
de 30%. Le secteur du commerce croît très
modestement en raison des mesures d’austérité
qui freinent la consommation des ménages.
L’inflation, en hausse depuis quatre ans, en raison
de la dépréciation du dinar y contribue également.
Enfin, la menace terroriste pèse aussi sur le niveau
de confiance général. Les entreprises publiques
(13% du PIB), lestées de leurs nouvelles
embauches, peinent à investir et à améliorer leur
productivité. Cette croissance déprimée est aussi
pénalisante pour le maintien de la richesse par
habitant compte tenu de l’évolution démographi-
que (+1%/an). Elle est, de plus, très en décalage
par rapport à la croissance potentielle estimée à
4,5% par le FMI.
Le secteur bancaire est assez développé. Les
banques publiques sont sous capitalisées, peu
liquides et percluses de 25% de CDL pour 18% de
moyenne nationale. Des recapitalisations seront
donc sans doute encore cessaires. Les banques
ont aussi de la difficulté à apporter les crédits
propres à relancer la croissance et l’investis-
sement. L’image du secteur bancaire a aussi un
peu souffert de la liquidation d’une banque privée
fin 2015.
Déficit budgétaire et dette publique
en hausse
Le déficit budgétaire, traditionnellement contenu à
moins de 3% du PIB dérape depuis 2011 par un
effet ciseaux de baisse des recettes fiscales et de
hausse des charges salariales. De 4,4% du PIB en
2015, il pourrait passer à 5,8% en 2016. Sa réduc-
tion est conditionnée au rebond de l’activité écono-
mique (3%) et donc sans doute plus réalisable en
2017. Les salaires des fonctionnaires représentent
15% du PIB en 2015 pour seulement 10% en
2010. L’aggravation des déficits, la faible crois-
sance en 2016 et les dépréciations de change (la
dette est à 68% en devises) ont provoqué une
légère hausse de la dette publique qui devrait
atteindre 62% du PIB en 2016 et 66% en 2017. Le
risque de défaut est encore modéré à court terme,
mais la dérive de l’endettement est lente et
régulière. La difficulté à réduire le nombre de
fonctionnaires recrutés par le précédent
gouvernement fait craindre la poursuite des
dégradations. Seul un rebond de croissance
pourrait donc réduire ce ratio à moyen terme.
Déficits, dette externe
et plan de soutien « Tunisie 2020 »
La dette externe est très élevée et a beaucoup
augmenté (+22%) depuis 2010. Elle a passé en
2015 le seuil d’alerte de 150% des recettes
d’exportation et devrait atteindre 186% fin 2016.
Bien que majoritairement publique et en partie
concessionnelle (19% du PIB), son poids est
beaucoup trop élevé. Les déficits courants sont
beaucoup trop profonds depuis 2010 et se
creusent à 8,7% du PIB en moyenne depuis 2011
en raison d’un fort déficit d’épargne qui s’effondre
de 22% du PIB en 2011 à 11%, et qui explique
également la chute du taux d’investissement à
19% du PIB. Le déficit commercial reste aussi
beaucoup trop élevé à 13% du PIB en 2016. Le
financement du déficit courant est désormais
surtout assuré par les multilatéraux (2 à 3 Mds $
par an) ce qui maintient les réserves en devises à
un peu plus de quatre mois d’importations.
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8
10 PIB et solde courant
PIB (gche) Solde courant
a/a , %
% PIB
a/a , %
% PIB
Source : Institut Nal Statistique, Crédit Agricole S.A.
Tunisie La transition démocratique
fragilisée par l’économie
Olivier LE CABELLEC
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L’aide colossale de l’UE et des pays du Golfe fin
2016 (15 milliards USD, soit un tiers du PIB) va
donner une bouffée d’oxygène à l’économie (prêts,
dons et investissements), mais une partie augmen-
tera encore la dette externe. Si la Tunisie est
entrée en 2015 dans une zone dangereuse de
double surendettement externe et budgétaire,
cette aide lui donne trois ans supplémentaires pour
s’ajuster.
Le risque social reste élevé
Le principal risque politique actuel est social. Le
chômage atteint 15,5% au T3 2016 et 32% pour
les jeunes diplômés, et la croissance très déprimée
est insuffisante pour le faire baisser. Le secteur
informel représenterait environ 40% du PIB, 50%
de la main-d’œuvre et les trois quarts des
nouvelles embauches y seraient créées. Le taux
de participation des femmes est trop faible (26%).
Bien qu’amortisseur social, ce secteur prive l’Etat
de ressources élevées et les réformes en cours
pour le réduire peinent à donner des résultats
rapides. La gouvernance est plutôt médiocre et
s’est beaucoup détériorée depuis dix ans. Réduire
la corruption prendra du temps. Le gouvernement
« d’union nationale » a certes une forte volonté
réformiste et bénéficie de l’aide externe « Tunisie
2020 », mais il doit mener de nombreux défis de
front et sa marge de manœuvre est assez étroite :
améliorer la sécurité sans retomber dans un Etat
« policier », réduire les subventions et l’économie
grise sans provoquer de tensions sociales, réduire
le poids de l’Etat (Banques, fonctionnaires surnu-
raires) tout en améliorant son efficacité, réduire
la fracture entre le nord et le sud du pays, amélio-
rer la compétitivité sans tomber dans une
économie low-cost. De la rapidité de mise en
place de ces réformes dépendra la réussite
pérenne du plan de soutien.
2009
2010 2011
20122013 2014
2015
2016
50
70
90
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130
150
170
190
210
230
250
20 30 40 50 60 70
Dette externe / exports (%)
Dette publique / PIB (%)
Dette publique et dette externe
Seuil
émergents
surendett
externe Danger: double surendet
surendet public
Zone
favorable
Seuil
d'alerte
2015:
FMI
Source: Banque centrale, EIU, Min Fin, Crédit Agricole sa
Rép tchèque-Slovaquie
Rép tchèque-Slovaquie
Egypte
Olivier LE CABELLEC
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