NOTESBIBLIOGRAPHIQUES 423
Revuedesétudesjuives,173(3-4),juillet-décembre2014,pp.421-491.
est
attribuée à S.: le monde repose sur trois piliers, qui sont la Tora, le service et
la pure générosité. S. ne peut en être l’auteur, puisque le mot ‘olam n’est pas employé
au sens de «monde» avant le
I
er
siècle de notre ère
1
. Il est probable que la formule
d’introduction («le monde repose…») provient d’une autre maxime des Pirqe
Abot (1, 18),
attribuée à Rabban Shim‘on ben Gamliel. L’identité des trois piliers
a été fixée à partir d’un texte du traité Yoma de la Mishna (7, 1), contenant les
bénédictions récitées par le grand prêtre, le YomKippur, après la lecture de la Tora.
Les trois premières sont des bénédictions «sur la Tora, sur le service et sur l’action
de grâce». Seul le troisième terme diffère d’Abot, 1, 2, mais les notions d’action de
grâce (hodaya) et de pure générosité (gemilutḥasadim) sont plus liées qu’on ne
pourrait le penser.
S. apparaît comme grand prêtre dans une histoire où il est confronté à un nazir
qui lui apporte une offrande de culpabilité. La version la plus ancienne se trouve
dans le SifreBa-midbar (§ 22). Il s’agit du seul moment dans sa vie où il a consommé
cette offrande. Contrairement aux lectures traditionnelles selon lesquelles S., hostile
au naziréat, s’est privé volontairement de l’offrande, l’A. estime que cette dernière
était tout simplement rare. Quant à la figure du nazir, elle témoigne d’une nette
influence grecque. Le naziréat est réinterprété en termes ascétiques, avec l’idéal de
la maîtrise de soi et le fait que le vœu permet au nazir de surmonter ses pulsions
sexuelles et de se consacrer totalement à Dieu, dans un véritable sacrifice de soi.
L’histoire du nazir ressemble à celle de Narcisse, mais son message final est diffé-
rent, puisqu’il affirme la possibilité de la repentance. Le personnage du nazir est
conçu non seulement à partir de l’exemple de Narcisse mais aussi à partir de modèles
bibliques, comme le berger David, le bien-aimé du Cantique des Cantiques et surtout
Absalon, tous ces personnages présentant des ressemblances avec le modèle princi-
pal qu’est Narcisse. Le grand prêtre S. est également connu pour sa rencontre avec
Alexandre le Grand. Certes, selon Flavius Josèphe (Antiquitésjuives 11, 304-347 et
surtout 326-339), c’est le grand prêtre Yaddua qui est confronté à Alexandre et
non S. Ce récit est fortement inspiré par le livre de Daniel ainsi que par des motifs
littéraires typiquement grecs, ceux de l’adventus et de l’épiphanie. Trois éléments
sont communs à Flavius Josèphe et au passage de Talmud Babli, Yoma, 69a. Le grand
prêtre dirige une procession qui va au devant d’Alexandre. Ce dernier se présente à
lui, lui témoigne du respect en s’inclinant devant lui et répond positivement à sa
demande. Il rejette en revanche la requête des Samaritains. Le récit de Flavius
Josèphe a probablement servi de base à celui du TalmudBabli, mais le grand prêtre
est désormais S. et le véritable enjeu de la rencontre a changé. Le TalmudBabli
insiste sur un complot samaritain visant à détruire le Temple. S. apparaît dans cette
perspective comme un équivalent d’Esther ou de Mardochée et le récit talmudique
suit dans son déroulement le scénario du livre d’Esther. L’auteur du récit a souhaité
enfin établir un parallèle implicite entre S. qui a risqué sa vie pour sauver le Temple
et Rabban Yohanan ben Zakkay, qui a fait de même pour sauver Yavné et l’avenir
du judaïsme.
1. L’argument n’est pas pleinement convaincant, car le mot ‘olam apparaît avec le sens de
«monde» dans Qo 3, 11; Dn 12, 7; Si 3, 18: voir K. A. FUDEMAN et M. I. GRUBER, «“Eternel
King/King of the World” from the Bronze Age to Modern Times: a Study in Lexical Semantics»,
Revuedesétudesjuives, 166, 2007, p. 218.
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