Le théâtre, continuité et renouvellement Il s’agit ici des éléments que vous devez connaître sur le théâtre pour le brevet, les types de pièces vues en troisième. Vous avez étudié les années antérieures (5e-4e) d’autres types de pièces : la farce, la comédie (Molière), la tragi-comédie (Corneille, Le Cid). 1. Quelques notions à connaître avant de commencer Dramaturge : auteur de pièces de théâtre. Didascalie : (féminin, du grec « didaskalia », « enseignement, notice, instructions [sur la manière de jouer les pièces] ») Dans un texte de théâtre, les didascalies sont des indications scéniques fournies par l’auteur sur le jeu des acteurs. Didascalies initiales : elles désignent le titre de l’œuvre théâtrale, son éventuel sous-titre et la liste des personnages. Rédigées par le dramaturge, elles ne sont pas jouées et concernent seulement les lecteurs. Elles donnent des indications sur : o o o o o la thématique de l’intrigue souvent suggérée par le titre ; les références littéraires de la pièce et son genre dramatique parfois cité dans le sous-titre : comédie, tragédie, tragi-comédie, drame… l’identité, le statut social et familial des personnages ; les lieux de l’action théâtrale ; les registres et tonalités de l’œuvre : comique, pathétique, lyrique… Prologue : dans le théâtre antique grec, il était incarné par le chœur, personnage collectif. Il représentait le point de vue de la cité sur la teneur de la pièce, les comportements des protagonistes et les visées du texte. Dans l’œuvre de Shakespeare, les prologues ressemblent plutôt à de petits résumés des pièces créant ainsi des effets d’attente. Réplique : phrase(s) qu’un comédien répond à un autre. Tirade : développement assez long d’un même thème. Au théâtre, la tirade est une suite de phrases, de vers qu’un acteur dit sans interruption. Monologue : Au théâtre, un monologue est une scène où un acteur est seul (ou se croit seul) et parle pour lui-même à voix haute pour être entendu des spectateurs. Aparté : monologue ou petite réplique théâtrale qui n’est pas entendu par les autres personnages de la scène, mais uniquement par les spectateurs. Au théâtre, un aparté est un discours qu’un protagoniste se tient à lui-même de manière à le faire entendre au seul spectateur ou à l’un des personnages présents sur scène. Quiproquo : malentendu qui fait prendre quelqu’un pour un autre ou une chose pour une autre. 2. La tragédie a. Définition : tragédie et registre tragique Le tragique : impuissance de l’homme, fatalité du destin Le registre tragique veut toucher notre conscience, susciter en nous l’effroi et la pitié. Il traduit la conscience de l’homme victime du destin, de ses propres passions, ou plongé au sein d’un dilemme insoluble. Traits d’écriture : o un style ample, un registre de langue soutenu ; o le champ lexical du destin, de l’impuissance, de l’aveuglement, de la passion ; o des figures de style (parallélisme, gradation, anaphore…). La tragédie en France En France, la tragédie se développe au XVIIe siècle, décline au XVIIIe siècle, disparaît au XIXe siècle pour réapparaître sous des formes hybrides au XXe siècle. La tragédie classique est dominée par deux auteurs, Pierre Corneille et Jean Racine. Corneille appuie davantage sur la grandeur de l’homme et son honneur, alors que Racine montre l’homme (ou la femme) ravagé par ses passions destructrices, victime impuissante de la fatalité, placée devant des dilemmes impossibles à résoudre (Andromaque, Phèdre, Bérénice). Au XXe siècle, principalement à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, période particulièrement pessimiste, la tragédie contemporaine s’inspire de mythes antiques pour lui donner un traitement nouveau. Exemple : Antigone d’Anouilh b. De la tragédie antique au tragique contemporain : réécriture des mythes antiques Un genre qui a su se renouveler en réécrivant des mythes antiques avec modernité La littérature se nourrit de la littérature passée. Comme Racine au XVII e siècle, les dramaturges du XXe siècle se plaisent à réécrire les mythes antiques. Jean Giraudoux reprend les personnes d’Oreste dans Electre, Jean Anouilh ceux d’Antigone et de Médée, Cocteau s’inspire lui aussi ces mythes. D’autres s’appuient sur ces mythes mais s’en éloignent pour aborder d’autres thèmes, il s’agit davantage d’un théâtre d’idées, un théâtre existentialiste (Les Mouches de Sartre, Caligula de Camus). Les trois dramaturges de l’Antiquité ayant inspiré ces auteurs sont Euripide, Sophocle et Eschyle. Les mythes à connaître Les mythes les plus repris sont : Œdipe : fils de Laïos, roi de Thèbes, et de Jocaste. Un oracle prédit au roi que l’enfant tuerait son père et épouserait sa mère. Aussi le roi de Thèbes l’abandonna. Des pâtres le trouvèrent et, comme le bébé avait les pieds enflés par les cordes qui le maintenaient attaché, ils le nommèrent Œdipe (du grec « odein », « être enflé » et « pous », « pied »). Ils le portèrent à Polybe, roi de Corinthe, qui l’éleva comme son fils. Œdipe grandit et, un jour, consulta à son tour un oracle qui lui révéla la prédiction. Pour ne pas risquer de tuer Polybe, Œdipe prend le chemin de la Béotie. Sur la route, il se querelle avec un vieillard, qui n’est autre que Laïos, et le tue. Près de Thèbes, le Sphinx, créature qui dévore les passants incapables de résoudre ses énigmes, interroge Œdipe : « Qui est à quatre pattes le matin, deux le midi et trois le soir ? ». Œdipe donne la bonne réponse (l’homme). Il est proclamé roi de Thèbes, et épouse la reine Jocaste. Lorsqu’une peste survient, l’oracle ordonne l’exil du meurtrier de Laïos. Œdipe découvre le terrible secret de sa naissance. De désespoir, Jocaste se pend, et Œdipe se crève les yeux. Antigone : fille incestueuse d’Œdipe et de sa mère, Jocaste. Au cours de la guerre des Sept Chefs, ses frères Etéocle et Polynice s’entre-tuent. Son oncle Créon, alors au pouvoir, fait donner à Etéocle une sépulture, mais pas à Polynice, qu’il considère comme un traître. Antigone, convaincue que la loi divine devait l’emporter sur les décrets humains, décide d’enterrer son frère. Surprise dans cet acte, elle est condamnée à être enfermée vivante dans un tombeau. Elle s’y pend pour abréger son tourment. Son amant, le fils de Créon, se suicide. Accablée, la mère du jeune homme se tranche à son tour la gorge. Médée : par amour pour Jason, cette magicienne s’enfuit de chez elle. Afin que son père ne la suive pas, elle tue son frère, le dépèce, et sème ses membres encore sanglants. Mais Jason finit par l’abandonner en épouser une autre femme. Folle de rage, elle tue ses enfants (après avoir empoisonné une tunique qu’elle offrit à la jeune épousée et qui lui brûla le corps et incendia le palais). Pistes de réflexion Ces trois mythes sont extrêmement violents et malsains. Ils font appel aux pires sentiments de l’humain et fascinent donc les lecteurs, spectateurs et écrivains. Les démons ne sont pas extérieurs mais bien intérieurs. La fatalité est omniprésente : on n’échappe pas à son destin. Il est aussi intéressant de réfléchir aussi aux différences entre les tragédies antiques et les tragédies modernes traitant du même sujet. Encore aujourd’hui ces mythes sont repris comme le mythe de Médée dans Le Petit Manoir de Witkiewicz (ou toutes ces pièces dites du « tragique quotidien »). Ils nourrissent notre littérature et notre culture parce qu’ils fascinent par la violence des sentiments humains. CONSEIL Il est indispensable en fin de troisième d’avoir lu au moins une tragédie de ce type, par exemple Antigone ou Médée d’Anouilh. 3. Le théâtre de l’absurde Le théâtre de l’absurde est à la fois un théâtre comique et tragique. Alfred Jarry écrit une parodie féroce d’un héros de drame historique : Ubu Roi. Le comique de l’absurde domine au XXe siècle, car il tourne en dérision par des jeux de langage la condition humaine et met en évidence l’inanité de ces humains en manque d’humanité. Les principales figures en sont Eugène Ionesco (La Cantatrice chauve, La Leçon) et Samuel Beckett (En attendant Godot, Fin de partie). Ils ont largement influencé les dramaturges contemporains comme Bernard-Marie Koltès. 4. Le théâtre contemporain Le théâtre contemporain a pu être abordé avec votre professeur afin de réfléchir au lien entre mise en scène et texte, voire adaptation au cinéma. Parfois certains textes allant très loin dans le macabre ou la perversion ne peuvent être mis en scène. Que faire alors ? N’est-ce pas le but premier d’un texte de théâtre d’être mis en scène ? Le rôle du metteur en scène est-il majeur ou mineur ? Autant de questionnements auxquels vous devez tenter d’apporter une réponse réfléchie. Je prendrai comme exemple de dramaturge contemporain Yasmina Reza (Art, Le Dieu du carnage). Elle met en scène des personnages proches de nous et nous montre avec une ironie mordante les travers des humains de notre époque. Ainsi, dans Le Dieu du Carnage, elle met en scène deux couples de parents qui se réunissent pour régler un problème de violence entre leurs deux garçons. Leur rendez-vous, d’abord poli et courtois va vite dégénérer pour laisser apparaître les failles de ces parents qui sont avant tout un homme et une femme, chacun avec leur caractère et leur vice. Il en existe une adaptation cinématographique par Polanski, Carnage (avec Kate Winslet, Jodie Foster). Conclusion : Quel que soit le type de pièce, le registre, n’oubliez pas la fonction première du théâtre, la catharsis. Il s’agit bien du reflet de nos propres passions. C’est un miroir. Le théâtre a donc un éventail de fonctions : o o o o o une fonction sociale : il est un divertissement, permet de défouler, de se libérer des tensions par le rire ; une fonction salutaire : une comédie permet d’aider un groupe social à rire de lui-même ; un drame, une tragédie permet au contraire la réflexion ; une fonction pédagogique, didactique (comédie du XVII e : le fameux « Castigat ridendo mores » rire pour corriger les mœurs, corriger les vices) ; une fonction morale : la tragédie met en scène les aspects les plus sombres de l’âme humaine, et met en garde l’homme contre les débordements de la passion ; un rôle idéologique, voire politique : il peut transmettre un message, susciter une indignation, une réaction émotive et intellectuelle. Que ce soit avec les comédies du XVIIIe siècle (Le Mariage de Figaro de Beaumarchais ou L’Île des esclaves de Marivaux) ou avec le théâtre militant, engagé du XXe siècle (Sartre avec Les Mains sales, Albert Camus, Bertolt Brecht…). CONSEILS DE LECTURE OU CE QUE VOUS DEVEZ AVOIR LU EN ABORDANT LA SECONDE : Corneille : Le Cid Racine : Phèdre, Andromaque ou Bérénice. Shakespeare : Roméo et Juliette, Hamlet Edmond Rostand : Cyrano de Bergerac Victor Hugo : Hernani Jean Giraudoux : Electre ou La guerre de Troie n’aura pas lieu Jean Anouilh : Antigone ou Médée Jean-Paul Sartre : Les Mains sales, Les Mouches ou Huis-clos Ionesco : La Cantatrice chauve, Le roi se meurt Beckett : En attendant Godot, Fin de partie Alfred Jarry : Ubu roi