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Le financement est-il neutre vis-à-vis de l'activité économique réelle ?
Cette question essentielle et traditionnelle de la science économique est trop
souvent abordée de manière exclusivement théorique. On montre ainsi
aisément que si les agents sont rationnels, l'illusion monétaire ne saurait être
qu'un phénomène marginal, de sorte que la création de monnaie ne saurait
modifier les comportements. On peut certes contester la perfection des marchés
qui est nécessaire à l'exercice de cette rationalité, mais il est difficile de nier que
celle-ci domine au moins à long terme. A fortiori, le marché financier, marché
du long terme par excellence, semble naturellement en mesure de réaliser en
permanence l'allocation optimale des capacités vers les besoins de financement.
Il bénéficie en effet de l'image du marché boursier, considéré si unanimement
comme l'exemple du marché parfait (c'est celui que donne Walras lui-même)
que son fonctionnement n'est pas réellement analysé.
Les critiques de la thèse de la neutralité sont eux-mêmes si persuadés de
la perfection du marché boursier que leurs tentatives de construction de
modèles alternatifs à celui de l'économie de marché traditionnelle reposent
entièrement sur les caractéristiques du marché de la monnaie : dans la version
forte de ces modèles que constitue celui dit de l'économie d'endettement1 (a),
l'hypertrophie du système monétaro-bancaire en vient même à remplacer le
marché financier plutôt que de lui envisager un rôle spécifique.
La perfection du marché financier est donc aussi bien supposée par les
tenants d'une économie spontanément optimale que par ceux pour lesquels le
marché boursier n'est qu'une relique d'un état passé de l'économie, relique que
1 Sur ce modèle très en vogue au début des années 1980, cf. le texte fondateur de V. Lévy-
Garboua & G. Maarek (1977), leur synthèse (1985), et les commentaires de Ch. de Boissieu
(1983) et J. Denizet (1982).
(a) Les ouvrages ou articles cités sont signalées dans le texte et les notes par le nom de l'auteur
et la date de parution. Leurs références détaillées sont fournies dans la bibliographie en fin de
volume.