G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Mutations financières et politique monétaire La transformation des systèmes financiers Gunther Capelle-Blancard 1 Séance 2. La transformation des systèmes financiers Le système financier : quelques rappels Définitions Typologie des marchés et des risques L’intermédiation financière La mutation financière (1970-1980) L’évolution des systèmes financiers Les innovations financières Mutation et globalisation financière : quel bilan ? 2 1 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Définition institutionnelle Bodie & Merton : 6 fonctions du système financier, que celui-ci soit dominé par les marchés ou les intermédiaires financiers. 1. fournir et gérer les moyens de paiement ; 2. collecter l’épargne en vue de financer des projets d’investissement de grande taille et non divisibles ; 3. transférer au mieux les ressources économiques à travers l’espace et le temps ; 4. offrir des instruments de gestion des risques ; 5. produire des informations qui participent aux décisions économiques et financières ; 6. mettre en place des mécanismes incitatifs permettant de réduire les conflits liés aux asymétries d’information. 2 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Capacité et besoin de financement Les agents à capacité de financement : les ménages Les agents à besoin de financement : les entreprises, l’État et les collectivités locales. Ne signifie pas que les ménages n’ont jamais recours à l’endettement, ni que les entreprises et l’Etat ne placent pas leurs excédents de trésorerie sur les marchés. Simplement, au niveau agrégé, les premiers épargnent plus qu’ils n’empruntent, tandis que les ressources internes des seconds sont inférieures à leurs emplois. Marché primaire / secondaire Marché primaire = marché du neuf Marché secondaire = marché de l’occasion L’achat sur le marché secondaire ne constitue pas une nouvelle source de financement pour l’émetteur. Permet aux agents qui n’ont pas pris part au marché primaire d’acheter des titres et aux investisseurs de se désengager à tout moment, à condition qu’ils trouvent une contrepartie à qui céder leurs titres (liquidité). 3 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Titres de dette / de propriété Les titres de dette représentent une créance sur l’émetteur qui s’engage à verser des intérêts proportionnels au montant emprunté, montant qu’il devra aussi rembourser. Contrairement aux emprunts bancaires, les emprunts sur les marchés (bons et obligations) sont contractés auprès d’une multitude de prêteurs ; ces derniers peuvent, par ailleurs, revendre facilement leurs créances Les titres de propriété, dont l’émission est par nature réservée aux entreprises, représentent une part du capital social et donnent droit notamment à un dividende fonction des profits réalisés. Ces titres prennent la plupart du temps la forme d’actions. Seules les actions des plus grandes entreprises sont cotées sur un marché. Mais aussi titres hybrides ! Un certain nombre d'idées reçues Contrairement à certaines idées reçues… Les actions ne sont pas la principale source de financement externe L'émission de titres n'est pas la principale source de financement externe Les crédits bancaires sont la principale source de financement externe Le secteur financier figure parmi les secteurs les plus strictement réglementé 4 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Une typologie des risques financiers Le risque de marché naît dès que l’intervenant se trouve en position de subir une évolution défavorable des cours. Tous les actifs monétaires ou financiers sont sujets au risque de marché (risque de change, risque de taux, etc.). Le risque de contrepartie (ou risque de signature, risque de défaut) tient à l’éventualité que la partie co-contractante (particulier, entreprise, établissement financier ou pays) ne puisse remplir ses obligations. Le risque de liquidité est le risque de ne pouvoir liquider ou dénouer sa position → manque de profondeur ne permet pas de trouver une contrepartie. Exemple : en période de crise. Ce risque est particulièrement important lorsque les contrats ne sont pas standardisés, donc moins liquides. Les risques techniques (panne informatique), les risques juridiques, les risques de malversation, le risque de modèle, etc. Risques individuels / Risque de système Ces risques ne sont pas indépendants. Exemple : à mesure que les variations de prix des actifs s’amplifient, le risque de marché et le risque de liquidité s’élèvent, ce qui peut entraîner la défaillance d’un certain nombre de contreparties et inciter les agents à adopter des comportements frauduleux. Le risque de système concerne simultanément l’ensemble des intervenants entraînés dans un « effet de domino » ; le risque de système n’est pas une simple juxtaposition de risques individuels et sa gestion justifie l’intervention de pouvoirs publics 5 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les marchés de capitaux et la gestion des risques (1) Les techniques de transfert des risques Utiliser l’éventail des actifs proposés sur le marché afin de diversifier leurs sources d’approvisionnements ou de revenus. Transférer les risques qu’ils courent à d’autres individus disposés à les assumer. C’est cette dernière technique qui est généralement mise en avant lorsqu’on évoque la fonction de gestion des risques. Les marchés de capitaux et la gestion des risques (2) 6 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Typologie des marchés de capitaux Bourse de valeur ou bourse de commerce ? Titres de dettes ou titres de propriété ? Top stock, mid- ou small caps ? Court, moyen ou long terme ? Marchés organisés ou de gré à gré ? Marchés au comptant ou à terme ? Ferme ou optionnel ? L’intermédiation financière Lectures conseillées : Capelle-Blancard G., Couppey-Soubeyran J., 2013, Le système bancaire et financier, de Boissieu Ch. (dir.), Les systèmes financiers, Economica, 4ème édition. Chapitre 2. Chevallier-Farat Th., 1992, Pourquoi des banques ? Revue d’Économie Politique 102(5). Scialom L., 2013, Economie bancaire, 4ème édition, La découverte Repères. 7 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 L’intermédiation financière L’intermédiation financière se définit comme le processus d’ajustement des besoins et des capacités de financement par l’intervention d’un agent spécifique, l’intermédiaire financier Les intermédiaires financiers (1) Les établissements de crédit collectent l’essentiel de leurs ressources sous forme de dépôts et emploient les fonds ainsi recueillis à l’achat de titres et à l’octroi de crédits les banques commerciales ; les banques mutualistes ou coopératives dont les parts sociales ne sont pas cotées en bourse, mais détenues par leurs clients ; les sociétés financières spécialisées dans le crédit-bail, les crédits à la consommation ou les chèques voyages ; les institutions financières spécialisées auxquelles l’État a confié une mission permanente d’intérêt public (le Crédit foncier de France, l’Agence française de développement, etc.) 8 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les intermédiaires financiers (2) Les mutual funds (OPCVM) n’accordent pas de crédits mais offre des formules collectives de placement diversification des risques expertise fiscalité avantageuse. Les sociétés d’assurance collectent également l’épargne des ménages pour investir sur les marchés boursiers et obligataires. En ce sens, l’activité des sociétés d’assurance est très proche de celle des OPCVM. Les entreprises de la grande distribution prennent, elles aussi, une part croissante de l’activité bancaire ; leur rôle devrait toutefois se limiter à l’offre de services peu coûteux et standardisés → vers une banalisation des métiers de la banque. Le rôle des établissements de crédit (1) La gestion des moyens de paiement Enregistrent les flux monétaires entre les agents et gèrent le système comptable. Elles servent d’intermédiaires pour les opérations de change. Elles assurent la gestion des dépôts à vue et mettent à la disposition toutes sortes de modalités de règlement : chèques, virements, cartes de crédit, etc. Ces moyens de paiement rapides et fiables sont autant d’instruments qui facilitent les transactions et favorisent l’activité économique. Elles remplissent le rôle de conservation des valeurs (or, titres, etc.). La transformation Mobiliser des ressources auprès des agents à capacité de financement et accorder des financements aux agents à besoin de financement, par l’octroi de crédits ou l’achat de titres. Convertir des dépôts à CT et liquides collectés auprès d’une multitude de petits épargnants en financements à LT pour la réalisation de projets d’investissement d’envergure. Participer à la mutualisation et à la diversification des risques. En centralisant les transactions, permet d’économiser aux ANF coûts de transaction et coûts d’expertise 9 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Le rôle des établissements de crédit (2) Le conseil Parmi tous les métiers de la banque, les activités de conseil sont celles qui connaissent aujourd’hui l’essor le plus important, en particulier du fait de la complexité croissante des opérations financières. Ces conseils s’exercent dans des domaines très variés qui touchent à la gestion de trésorerie, à la gestion des risques, en passant par l’assurance, la fiscalité et l’ingénierie financière. Le relais de la politique monétaire Les banques ont vocation à servir de relais à la politique monétaire. Jusqu’aux années 1980, la politique monétaire visait à limiter la quantité de monnaie en circulation ; la banque centrale encadrait donc la quantité de crédits octroyés par les banques de second rang. Depuis, la politique monétaire passe par le contrôle des taux directeurs, taux que les banques répercutent sur le coût des financements. Par ailleurs, les banques interviennent de façon directe dans la mise en œuvre de la politique économique en étant parmi les plus importants souscripteurs d’emprunts d’État. Les systèmes financiers (2) Merton (1995) distingue six fonctions : fournir un service de liquidité et gérer les moyens de paiement ; collecter l’épargne en vue de financer des projets d’investissement de grande taille et non divisibles ; transférer au mieux les ressources économiques à travers l’espace et le temps ; offrir des instruments de gestion des risques ; produire des informations qui participent aux décisions économiques et financières ; mettre en place des mécanismes incitatifs permettant de réduire les conflits liés aux asymétries d’information. 10 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les raisons d’être de l’intermédiation financière Les fonctions des systèmes financiers impliquent tout autant les intermédiaires que les marchés financiers Si rien ne venait faire obstacle à la rencontre directe des agents, les intermédiaires financiers n’auraient aucune raison d’exister conjointement aux marchés L’intermédiation naît de ce qui fait obstacle au bon fonctionnement des marchés : l’incomplétude des marchés (la gamme des actifs financiers n’est pas infinie) Les coûts de transaction les problèmes d’information l’incomplétude des contrats conclus entre les agents Les théories traditionnelles de l’intermédiation financière Pourquoi les banques ? Transformation des échéances et des risques (diversification et mutualisation) Portefeuille d’actifs risqués alloués efficacement dans le cadre de la théorie financière (Pyle, 1971 ; Hart et Jaffee, 1974). ⇒ Approches limitées 11 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les nouvelles théories de l’intermédiation financière Pourquoi les banques ? Renouvellement de la théorie bancaire à partir des années 1980 avec l’introduction des imperfections de marché L’économie bancaire a particulièrement bénéficié de l’essor de l’économie de l’information (théorie des incitations et des contrats) → « nouvelle théorie de l’intermédiation bancaire » ancrée sur les problèmes d’asymétrie d’information ex ante ou ex post. Asymétrie d’information ex ante et sélection adverse (1) L’emprunteur a davantage d’informations sur la qualité de son projet que le prêteur L’emprunteur n’a pas toujours intérêt à révéler ces informations. Le prêteur ne peut distinguer les « bons » et les « mauvais » emprunteur Le prêteur fixe un taux d’intérêt reflétant le risque moyen des emprunteurs Les « bons » emprunteurs jugerons le risque de leur projet surestimé et le coût du financement trop élevé. Au contraire, les mauvais emprunteur, connaissant le risque élevé y verront en revanche une bonne opportunité. Problème des lemons d'Akerlof (1970) 12 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Asymétrie d’information ex ante et sélection adverse (2) ⇒ ⇒ Le prêteur aura sélectionné le mauvais emprunteur Si il ne reste plus que des mauvais emprunteurs, plus aucun prêteur prêt à en supporter le risque. La résolution de ce problème exige : de la part de l’emprunteur qu’il se signale (signalling) de la part du prêteur qu’il sélectionne (screening) et qu’il vérifie la qualité de l’emprunteur. Asymétrie d’information ex ante et sélection adverse (3) Théorie du signal :l’asymétrie d’information subie par le prêteur oblige l’emprunteur à se signaler Leland et Pyle (1976) ⇒ Prise de participation dans son propre projet (+ importante que ce qu’impliquerait une diversification optimale de son portefeuille). En se spécialisant dans l’achat et la vente d’actifs financiers, un intermédiaire financier réalise à moindre coût la production d’information nécessaire à la sélection des emprunteurs et parvient à en tirer profit. L’intermédiaire financier n’est cependant pas seulement un grossiste en opérations financières, il développe aussi une expertise, un savoirfaire particulier, afin de pouvoir gérer les problèmes d’asymétrie d’information qui continuent de se poser tout au long de la relation de financement. 13 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Asymétrie d’information ex post et aléa moral (1) Une fois conclu un accord de financement, le prêteur peut encore pâtir de l’opportunisme de l’emprunteur. Diamond (1984) Une entreprise doit choisir entre : 1. 2. Financement par emprunt bancaire Financement de marché => Chaque préteur doit évaluer la solvabilité de l’entreprise Le coût du contrôle est K 1. 2. ⇒ Coût K Si m investisseurs, coût total = mK sous-optimal Il est avantageux que les prêteurs délèguent le contrôle à un intermédiaires financiers (delegated monitoring) Asymétrie d’information ex post et aléa moral (2) La délégation du contrôle produit une économie de coûts de contrôle, mais elle n’est elle-même pas sans coût. Le problème d’aléa moral qui se pose initialement entre prêteurs et emprunteurs est reporté au niveau de la relation prêteurs / intermédiaire (moniteur délégué). Les prêteurs n’observent que très imparfaitement le contrôle exercé par l’intermédiaire. ⇒ L’intermédiation n’est viable que si l’économie de coûts de contrôle autorisée par la délégation de la fonction de contrôle dépasse le coût de la délégation. 14 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Asymétrie d’information ex post et aléa moral (3) L’intermédiaire doit financer un grand nombre de projets d’investissement, c’est-à-dire qu’il doit diversifier les fonds qui lui sont confiés (même si la banque n’a aucune aversion vis-àvis du risque). Le coût de délégation décroît à mesure que le nombre de projets financés s’accroît (loi des grands nombres) L’actif de la banque doit ainsi dépasser une taille critique, pas seulement pour réaliser des économies d’échelle dans le traitement de l’information, mais pour réduire l’aléa moral subi par les déposants. Rationnement du crédit Stiglitz-Weis (1981) La banque est supposée incapable de connaître les caractéristiques des projets Soit 2 projets dont le revenu moyen et le même mais dont le risque est différent Divergence d'intérêt entre la banque et l'entreprise : Un risque élevé est favorable à l'entreprise car gains illimités en cas de succès et perte limités aux fonds propres Au contraire, le gain de la banque est limité au taux => Un taux d'intérêt élevé a pour effet de sélectionner les projets les plus risqués 15 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Incertitude et besoins de liquidité (1) Les prêteurs sont aussi des consommateurs qui ne peuvent pas prévoir avec certitude quels seront leurs besoins de liquidité ⇒ ils privilégient des placements liquides. Les emprunteurs sont plutôt à la recherche de financements à long terme. La banque réalise une transformation peu banale, la transformation d’actifs illiquides (crédits octroyés aux emprunteurs) en passifs liquides (dépôts exigibles à vue des épargnants). Incertitude et besoins de liquidité (2) Mais en procurant un service de liquidité à ses déposants, la banque se soumet à un risque d’illiquidité. Si tous les déposants paniquent et se précipitent à ses guichets pour retirer leurs dépôts, qu’ils aient ou non à ce moment un besoin urgent de liquidité. Justifie l’intervention de la puissance publique dans le secteur bancaire pour prévenir la panique en maintenant la confiance des déposants au moyen d’un mécanisme de garantie des dépôts ou en tant que prêteur en dernier ressort. 16 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Obstacles aux relations de finance directe et justifications de l’intermédiation Qui contrôle les banques ? Les IF ne font pas disparaître les imperfections (notamment les problèmes d’asymétrie d’information) qui les font naître. Ils parviennent seulement à en réduire les inconvénients par des contrats adéquats et par une mutualisation interne du risque. Les problèmes de contrôle se retrouvent finalement reportés au niveau de la relation entre la banque et ses apporteurs de fonds. → Ces apporteurs de fonds sont-ils en mesure d’exercer un contrôle efficace sur la banque ? 17 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les banques sont-elles spéciales ? (1) La banque a la particularité de se financer auprès de créanciers qui sont aussi ses clients, à savoir les déposants. Les déposants sont des créanciers peu ordinaires, dont la dispersion et la faible surface financière constituent des obstacles au contrôle. Les créances qu’ils détiennent, sous la forme de dépôts à vue, ne relève pas d’un choix d’investissement dont il serait tout à fait normal qu’ils assument le risque. Elle est induite par le service de liquidité. Les banques sont-elles spéciales ? (3) La banque se distingue ici nettement des autres intermédiaires financiers puisqu’elle est au cœur de la gestion des moyens de paiements. Sa dette circule comme moyen de paiement. Cette fonction monétaire et ses incidences sur la structure financière de la firme bancaire constituent des éléments forts de la spécificité des banques. Cette spécificité bancaire se cristallise dans l’importance des réglementations dont les banques font l’objet. => Ce n’est pas la réglementation dont elles font l’objet qui rend les banques spéciales mais bien leur caractère spécial qui justifie qu’on les réglemente 18 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Séance 2. La transformation des systèmes financiers Le système financier : quelques rappels La mutation financière (1970-1990) Les système financier dans les années 1970 Désintermédiation, décloisonnement, dérèglementation L’évolution des systèmes financiers La globalisation financière Les évolutions du systèmes financiers Les innovations financières Mutation et globalisation financière : quel bilan ? 37 Les systèmes financiers dans les années 1970-80 Prédominance de l’intermédiation bancaire Concurrence faible entre institutions financières : cloisonnement et spécialisation des établissements, secteur bancaire nationalisé) Encadrement strict par les autorités monétaires de la distribution du crédit et des opérations financières avec l’étranger. → Le système n’est plus en phase avec le contexte économique 19 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Flottement généralisé des taux de change Abandon du système de Bretton Woods, → plus grande instabilité, → incitation à développer des techniques complexes de couverture des risques Modification du cadre et des objectifs de la politique monétaire Nomination de Paul Volker à la tête de la Réserve Fédérale en 1979 Fin de la tolérance envers l’inflation Le taux d’intérêt réel US de court terme augmente brutalement Le changement s’impose à tous les pays : les pays développés doivent se plier aux politiques de désinflation compétitive les pays en développement voient, du fait de l’augmentation du taux d’intérêt réel, le service de la dette augmenter, jusqu’à une situation de crise. Le Mexique en 1982 ; un plan de sauvetage est alors organisé par la réserve fédérale américaine (restructuration de la dette et plan structurel d’ajustement, le premier du genre). 20 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 L’environnement institutionnel Mouvement général de libéralisation/déréglementation R. Reagan M. Thatcher L’effet du progrès technique Conditions nécessaires mais non suffisantes de la mutation financière : Rythme soutenu des innovations financières Essor des nouvelles technologies de l’information et de communication (NTIC) En particulier, développement de techniques de collecte et de traitement des données informatisées → baisse des coûts des transactions et accroissement des mouvements internationaux de capitaux. 21 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Illustration : L’essor du marché des eurodevises Un dépôt offshore est un dépôt bancaire libellé dans une monnaie différente de la monnaie du pays où la banque réside Exemple : dépôt en $ à Paris, dépôt en ¥ à Londres . Attention : terminologie ambiguë ! Volume croissant du commerce international à la fin des années 1950 1957: crise de la balance des paiements britannique => interdiction aux banques locales de prêter des £ pour financer du commerce non-britannique => les banques britanniques collectent des dépôts et octroient des prêts en $. Guerre froide entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique. Réglementation Q par la Fed aux US (abolie en 1986) : fixe un plafond sur la rémunération des dépôts à terme dans les banques américaines. Les deux chocs pétroliers La déréglementation Levée des contraintes administratives et réglementaires (déréglementation par les prix et par les quantités) Exemple : abandon du contrôle des changes à partir de 1985 en France (en 1979 au R.-U.), fin de l’encadrement du crédit en 1987 A la fois cause et conséquence : les innovations financières Déplacement du champ d’application de la réglementation financière en offrant aux institutions financières une plus grande liberté, tout en réorganisant les procédures de supervision prudentielle → parallèlement à la déréglementation, re-réglementation 22 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 La désintermédiation Désigne la diminution du poids relatif de l’intermédiation bancaire dans le financement de l’économie Montée en puissance des marchés financiers au détriment (?) des intermédiaires financiers, en particulier des banques Notion trompeuse : laisse penser que le développement des marchés se fait au détriment des intermédiaires financiers Les entreprises et l’Etat qui font face à une contrainte financière croissante trouvent sur les marchés les capitaux dont ils ont besoin par l’émission d’actions et/ou d’obligations Désintermédiation-réintermédiation Certes, l'activité traditionnelle des banques a déclinée Mais les banques se sont adaptées. Elles n’ont pas perdu la place prépondérante En compensant la baisse de leur marge par une augmentation des volumes ou des risques (« gambling for resurrection ») En redéployant leurs activités Développement de nouvelles compétences qui leur permettent d’accompagner les entreprises sur le marché financier. Apparition de nouveaux intermédiaires financiers, i.e. les investisseurs institutionnels (OPCVM, sociétés d’assurance) Redéploiement des banques sur le marché des titres => Crises bancaires aux E.-U. et en Europe 23 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Mesurer le poids des marchés financiers et des banques VA du secteur bancaire et financier / PIB Actifs financiers / PIB Capitalisation boursière / PIB Actifs bancaires / PIB Dettes / PIB Dépots / PIB PNB / PIB Décomposition du PNB = Intérêts + Commissions Nombre d’employés secteur bancaire et financier / PIB Taux d’intermédiation Stricte / Large 48 24 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Le taux d'intermédiation des financements Le redéploiement de l’activité apparaît clairement dans l’évolution des taux d’intermédiation des financements Définition : Part des financements intermédiés dans le total des financements externes Financements externes (dénominateur) = crédits + titres émis par les ANF Financements intermédiés (numérateur) Approche par la demande : point de vue des ANF = crédits Approche par l’offre : point de vue des IF = crédits + titres émis par les ANF et détenus par les IF Cf. Capelle-Blancard G. et Couppey-Soubeyran J., 2003, Le financement des agents non financiers en Europe, Economie et Statistique n° 366. Credit versus Market Financial Intermediation 40 1995 UK Market intermediation 35 30 PT 25 BE IT FR NL DK ES 20 15 AT DE FI CZ SE NO 10 5 HU LT 0 15 25 35 45 55 65 75 Credit intermediation 25 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Credit versus Market Financial Intermediation 40 2004 35 Market intermediation FR 30 BE 25 IT 20 SI SE PT PL 15 DKUK AT FI CZ DE ES NL HU 10 LT NO EE 5 0 15 25 35 45 55 65 75 Credit intermediation Le décloisonnement (1) États-Unis : Abrogation, en 1999, du Glass-Steagall Act (1933) qui imposait une stricte séparation entre banques commerciales et banques d’investissement. Abrogation, en 1994, du Mc Fadden Act (1927) qui imposait des contraintes à l'expansion géographique des banques. Royaume-Uni : Big Bang le 27 octobre 1986 France : Unification du marché du crédit dès 1982, réforme du marché monétaire en 1985 qui permet l’accès de nouveaux agents et la création de nouveaux titres et à la suppression du monopole des agents de change en 1993, remplacés par les Sociétés de Bourse. La loi bancaire de 1984 est également votée dans cette perspective. Allemagne et Japon : les mutations sont plus tardives. Au Japon, une pression politique américaine (négociations diplomatiques de 1984) a même été nécessaire pour que le marché financier japonais s’ouvre aux capitaux étrangers. 26 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Le décloisonnement (2) Intégration croissante des marchés Déspécialisation des activités financières Ouverture des activités à de nouveaux intervenants, y compris étrangers. Une forme particulière de déréglementation. Evolution du nombre de banques en France 300 250 200 150 100 50 sous contrôle français sous contrôle étranger 04 00 02 20 20 94 92 90 88 96 98 20 19 19 19 19 19 82 80 78 76 74 84 86 19 19 19 19 19 19 19 68 66 64 62 70 72 19 19 19 19 19 19 19 19 60 0 Source : CECEI (2004) Les activités financières offshore L’implantation à l’étranger peut prendre trois formes principales : L’ouverture d’une agence à l’étranger (un bureau de représentation) qui réalise des prêts et des transferts de fonds, mais n’accepte généralement pas les dépôts. L’ouverture d’une succursale à l’étranger, soumise a priori aux règles locales et nationales, mais qui tire souvent avantage des différences entre les deux. La création d’une filiale bancaire à l’étranger, soumise aux mêmes règles que les banques locales, mais pas à celles du pays d’origine. 27 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les restructurations du secteur bancaire Les restructurations dans la banque et la finance se sont accélérées depuis les années 1990 => concentration et diversification D'abord au niveau national, puis régional, voire mondial La consolidation et la diversification du secteur bancaire de la zone euro, Bulletin mensuel de la BCE, Mai 2005 28 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Nombre d’établissements de crédit (zone euro) 1985 : ~12 000 2005 : ~6 500 1990 : ~11 000 2010 : ~6 000 1995 : ~9 500 2015 : 5 475 2000 : ~7 500 57 58 29 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Indicateur de concentration La part de marché des cinq premières banques dans le total du marché domestique (G5) L’indice Herfindahl-Hirschman, calculé de la façon suivante : HH = Σi Πi avec Πi la part de marché de la banque i. 0 => concurrence parfaite 10 000 => monopole Rapport annuel BCE, EU Banking Structure La concentration bancaire en Europe Le degré de concentration est extrêmement variable concentration plus forte dans les petits pays ouverts (Finlande > 1,800) concentration faible en Allemagne et en Italie La concentration a nettement augmenté (même constat pour les Etats-Unis et le Japon) 30 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 La nature des opérations de restructuration Fusions versus acquisitions (M&A) => les deux Hostiles versus amicales => plutôt amicales OPA versus OPE => plutôt OPE Nationales versus transfrontalières Opérations principalement domestiques et sans diversification => volonté de constituer des « champions nationaux » Acquisition de Paribas par la BNP en 1999, du Crédit Lyonnais par le Crédit Agricole en 2003 Depuis 1999, montée des opérations transfrontalières européennes (dopées par l’euro) Rachat en 2000 du CCF par la banque britannique HSBC Clivage UE (ou mieux EEE) / reste du monde comporte une dimension réglementaire Pourquoi une accélération des restructurations bancaires ? L’impact de la globalisation et de la déréglementation Le rôle des NTIC Les M&A, réponse à la fragilité de certains établissements L’existence d’une surcapacité sur le marché des services financiers Le rôle des économies d’échelle et des économies de gamme Le rôle du marché unique et de l’euro 31 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les principes du marché unique des services bancaires et financiers Liberté d’établissement Tout établissement agréé dans un Etat membre peut implanter une succursale dans un autre Etat membre Liberté de prestation de services Possibilité de proposer ses services à des clients situé dans un autre Etat membre Reconnaissance mutuelle des agréments et des pratiques → Passeport européen Surveillance par le pays d’origine Principe de subsidiarité Libre circulation des capitaux Les défis nés des restructurations Comment mesurer le succès ou l’échec des opérations de restructuration ? ⇒ Efficience X La contestabilité ⇒ Restructuration : une menace pour la clientèle ? Une nouvelle fragilité systémique ? ⇒ Le principe TBTF (« too big to fail ») Les défis réglementaires ⇒ Vers un régulateur européen ? 32 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Une illustration du décloisemement des activités : la titrisation La titrisation consiste à rendre négociable une créance jusquelà non négociable. C’est le mécanisme par lequel une banque peut soustraire de son bilan des créances pour les céder sur le marché auprès d’autres investisseurs. A priori, tous les crédits sont susceptibles d’être titrisés : crédits immobiliers, crédits automobiles, voire encours de cartes bancaires… Les intermédiaires financiers peuvent « marchéiser » une partie de leur actif jusqu’ici non fongible. Cela permet aux établissements de crédit d’améliorer la liquidité de leur bilan et de réduire leurs besoins en capitaux propres. La titrisation : définitions (1) Titrisation on-balance sheet : Un établissement de crédit émet des titres gagés sur un pool de créances, lesquelles demeurent inscrites à son bilan mais sont cantonnées juridiquement (Covered bonds US, Pfandbriefe allemands, obligations foncières en France). Titrisation off-balance sheet : impacte directement le bilan de l'établissement de crédit qui cède à une institution spécifique, le SPV (Special Purpose Vehicule) les créances qu'il souhaite réaliser. MBS (Mortgage Backed Securities) lorsque les créances titrisées sont des crédits hypothécaires ABS (Asset Backed Securities) pour les autres opérations, comme par exemple la titrisation de prêts à la consommation ou de prêts automobile. CDO (Collateralised Debt Obligations). Alors que les ABS sont adossés à un portefeuille d'actifs homogènes et présentant un nombre important de lignes, les CDO font davantage jouer le principe de diversification (à travers un portefeuille diversifié/hétérogène) et sont en règle générale composés d'un nombre de lignes plus réduit. Collateralised Loans Obligations : prêts Collateralised Bonds Obligations : titres obligataires 33 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 La titrisation : définitions (2) Le SPV finance l'acquisition de ces créances par l'émission de titres. Les revenus versés aux détenteurs de ces titres proviennent directement des revenus engendrés par les créances inscrites à l'actif du SPV. Pass-through : Les revenus issus des actifs sont reversés aux différents créanciers de manière identique, i.e. sans établir de distinction entre chacun d'eux et au prorata de leur investissement. Pay-through : Offrir aux investisseurs des titres présentant des propriétés différentes (en termes notamment d'exposition au risque de crédit et de pré-paiement). Une telle structuration du passif est obtenue en recourant à la technique de la subordination, qui consiste à établir une hiérarchie au sein des porteurs de parts. Illustration : la bancassurance Rapprochement croissant entre les banques et les sociétés d’assurance La distribution de produits d’assurance se fait de plus en plus souvent au guichet des banques, tandis que les sociétés d’assurance n’hésitent plus à offrir des services bancaires à leurs clients. 34 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Séance 2. La transformation des systèmes financiers Le système financier : quelques rappels La mutation financière (1970-1980) L’évolution des systèmes financiers Finance et croissance Un poids plus important Une finance globale Une sophisitication et une instabilité accrue Les innovations financières Mutation et globalisation financière : quel bilan ? 69 L’évolution des systèmes financiers Marchéisation Financiarisation Globalisation Sophistication Développement à la fois quantitatif et qualitatif Un poids croissant Une influence croissante sur : Les politiques économiques La croissance et les crises Les inégalités Les pratiques et les valeurs 35 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Economies de marché de capitaux versus économies d’endettement Approche traditionnelle (Gurley & Shaw, 1960; Hicks, 1974) : les économies de marché de capitaux, où la plupart des transactions financières s’effectuent directement sur le marché les économies d’endettement, où prédominent les banques comme intermédiaires → vision duale et déterminisme Les économies de marché de capitaux Relations multilatérales entre les ANF fondées sur une information publique véhiculée par les prix de marché. Les agents à capacité et à besoin de financement (i.e. prêteurs et emprunteurs ultimes) sont directement en contact, les premiers émettant des titres auxquels les seconds souscrivent → finance directe La gestion des risques se fait par transfert (positions opposées, anticipations contradictoires ou comportements différenciés vis-à-vis du risque). 36 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les économies d'endettement Relations bilatérales entre les ANF et les IF sur la base d’une information privée produite par ces derniers. Les agents à capacité et à besoin de financement ne se rencontrent qu’indirectement par le biais de l’intermédiaire → finance indirecte La gestion des risques se fait par mutualisation et diversification. Autres différences Les structures capitalistiques Les principes de gouvernance L’organisation du secteur bancaire différents Les économies de marché de capitaux : la propriété des firmes est répartie entre un nombre important d’actionnaires, d’où une forte dilution du capital ; les dirigeants sont fortement soumis à la capacité de sanction des investisseurs (discipline de marché qui se traduit notamment par une généralisation des offres publiques), mais bénéficient de mécanismes incitatifs via, par exemple, l’attribution de stock-options ; le secteur bancaire est étroit et spécialisé (« banques d’affaires » ou « banques commerciales ») Les économies d’endettement : les entreprises sont liées, voire contrôlées, par un petit nombre de grandes banques peu spécialisées (concept de banque universelle) qui peuvent prendre part activement à leur gestion et à leur surveillance. 37 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Remarque sur la banque universelle En Allemagne, une entreprise noue facilement des relations exclusives et de long terme avec la Hausbank (banque maison). Au Japon, tous les keiretsu sont liés à une city bank qui joue le rôle de banque principale et n’hésite pas à exercer un contrôle ferme des dirigeants. Banques et marchés : concurrents ou partenaires ? L’intermédiation intervient pour pallier les dysfonctionnements des marchés. → suggère une complémentarité entre les intermédiaires et les marchés L’approche néo-institutionnelle met en exergue le rôle des coûts de transaction, L’analyse traditionnelle des systèmes financiers où banques et marchés apparaissent comme deux orientations qui s’excluent l’une l’autre Le processus de désintermédiation-réintermédiation 38 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Coûts de transaction et intermédiation financière Théorie de la firme de Coase (1933) qui repose sur les « coûts de transaction » Les coûts de transaction = l’ensemble des coûts de mise en relation des candidats à l’échange + les asymétries d’information Les firmes font, elles aussi, face à des coûts importants, mais d’une autre nature : ce sont des coûts d’organisation qui contribuent à limiter leur taille. Arbitrage entre coûts de transaction et coûts d’organisation Arbitrage entre coûts de transaction et coût d’organisation Marché de capitaux : les transactions portant sur des actifs standard sur lesquels l’incertitude et l’opportunisme des agents ont peu de prise. Intermédiaires financiers : les transactions plus spécifiques portant sur des actifs plus difficilement négociables en proie à la sélection adverse et à l’aléa moral. 39 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Une illustration du partage entre la banque et le marché Les grandes entreprises : Réputation + les moyens financiers de se faire noter par une agence de rating => Peut obtenir un financement standard par émission de titres (billet de trésorerie, obligation, action). Les petites entreprises : Exigences (en termes d’ouverture du capital au public, de rentabilité, de diffusion des informations, etc. => Pas d’autre alternative que se tourner vers le financement bancaire La relation de clientèle qu’établira le banquier permettra de produire l’information nécessaire à la bonne fin de la relation de financement. Le cas des « start-up » Avant éventuellement de s’introduire en bourse, financement par des sociétés de capital risque (business angels) Remarque : il n’y a pas de diffusion publique de l’information (ce qui est un atout essentiel dans les secteurs de pointe), à l’inverse de ce qui s’opère dans le cas d’un financement de marché. 40 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 L’incidence de la mutation financière Si l’importance des coûts de transaction fonde le partage des transactions financières entre banques et marché, quelle est l’incidence de la mutation financière sur ce partage ? L’idée fréquemment avancée est que la mutation financière, en facilitant et en démocratisant l’accès aux marchés, aurait réduit les coûts de transaction. L’impact des NTIC Abondance de l’information financière Mais difficulté pour traiter ces informations Cf. les scandales financiers des années 2000 (Enron, Worldcom, Parmalat, etc.) qui ont largement remis en question la fiabilité de l’information financière 41 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 L’évolution des coûts de transaction La mutation financière a eu des incidences ambivalentes sur les coûts de transaction. Diminution des coûts de transaction La création de nouveaux produits (warrants, trackers, etc.), de nouveaux segments de marchés réduit l’incomplétude des marchés L’essor des nouveaux moyens de communication (« bourse en ligne »), diminue les coûts d’accès au marché. Augmentation des coûts de transaction L’accélération des innovations financières a abouti à la création d’opérations et de produits financiers extrêmement sophistiqués. Surenchère technique a assurément élargi le fossé entre les agents « initiés » et ceux qui le sont moins. La complexité croissante engendre des coûts d’expertise, qui ne sont autres qu’une nouvelle source de coûts de transaction. Les déterminants des systèmes financiers Les traditions juridiques Law and Finance Les traditions culturelles Trust and Finance 42 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Déterminants juridique des systèmes financiers « Legal environment matters for the size and extent of a country’s capital market » (La Porta, Lopez De Silanes, Schleifer,Vishny, 1997) Le cadre juridique définit le contenu des contrats et les conditions de leur exécution. Pour La Porta et al. (1997, 1998), le développement et la structure du système financier dépendent de la protection offerte aux apporteurs de capitaux. En conséquence, le volume et la composition des financements externes seraient liés aux fondements des systèmes juridiques nationaux. La Porta, Lopez De Silanes, Schleifer, Vishny (1997) Le modèle anglo-saxon des "common law" (fondé sur la jurisprudence) favoriserait l'accès aux financements notamment aux financements de marchés, parce qu'il permet de conclure des contrats plus diversifiés, qu'il est plus adaptable, qu'il protège mieux les intérêts des créditeurs ou des actionnaires minoritaires A l'opposé, le système de "french civil law" serait un frein au développement et à l'enrichissement de relations financières du fait de son caractère centralisé rigide, moins soucieux des intérêts particuliers que de ceux de l'Etat. Pour cette raison, il inciterait à la concentration du capital et confèrerait plus de poids aux institutions financières mieux à même de prendre des garanties et de faire exécuter les contrats 43 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 La Porta, Lopez De Silanes, Schleifer, Vishny (1997) Beaucoup de travaux empiriques dans la lignée de La Porta visant à montrer la coïncidence entre la typologie des systèmes financiers et celle des systèmes juridiques. Il est incontestable que la constitution et le respect d'un état de droit est un préalable nécessaire au développement des contrats financiers A cet égard, la qualité de l'environnement juridique est un facteur important de croissance (Levine, 1999). La Porta, Lopez De Silanes, Schleifer, Vishny (1997) Cependant, la thèse de La Porta est loin de rendre compte de toute la réalité des systèmes de financement. De nombreuses expériences historiques montrent qu'il n'y a pas de lien évident entre l'évolution de la finance et celle du droit Au début du XXe siècle, divers pays d'Europe Continentale disposaient de marchés financiers développés qui se sont ensuite contractés pour faire place à une extension de l'intermédiation financière, sans que les fondements des systèmes juridiques aient évolué. Dans ces mêmes pays on a assisté, au cours de ces 20 dernières années, à un retour des financements de marchés sans que l'on observe de changements majeurs dans les droits nationaux. 44 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 La participation aux marchés boursiers Giannetti & Koskinen (2004), Investor Protection and the Demand for Equity Trusting the stock market Stock market participation across countries. The figure shows the fraction of individuals that invest directly in stocks across countries. The data come from Giannetti & Koskinen (2005). Guiso, Sapienza, & Zingales 45 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Trusting the stock market Trust and stock market participation of the wealthy. The figure plots stock market participation (direct and through mutual funds) for individuals in the top 5% of the wealth distribution against the average level of trust in that country (from the World Values Survey). Guiso, Sapienza, & Zingales Finance et croissance Un vieux débat… Joan Robinson (1952) « where enterprise leads, finance follows », Robert Lucas (1988) « [finance is] an “over-stressed” determinant of economic growth » Bagehot (1873), Schumpeter (1912), Gurley et Shaw (1955), McKinnon (1973) ou Kindelberger (1974),… … toujours d’actualité Consensus : un système financier sain et efficace est propice à la croissance Question n°1 : quel est le sens de la causalité ? Question n°2 : quel est le « meilleur » système : orienté-banque ou orientémarché ? Quand la finance ne sert plus la croissance, Ch. Boucher, G. Capelle-Blancard, J. CouppeySoubeyran et O. Havrylchyk (2012), L’économie mondiale, Éditions La Découverte, collection Repères, Paris, 2012 http://www.cepii.fr/PDF_PUB/em/2013/em2013-05.pdf 46 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 L'orientation-marché : l’étape ultime ? Faible revenu ⇒ ⇒ épargne suffisante autofinancement Le revenu s’élève ⇒ ⇒ ⇒ ⇒ Epargne augmente; cette épargne est alors collectée par les IF Mutualisation et diversification Croissance économique Développement des marchés de capitaux Nouvelles opportunités de placements ⇒ ⇒ nouveaux marchés meilleure gestion des risques Critique de la vision duale L'approche précédente met l'accent sur l'opposition entre banque et marché Au mieux deux modes alternatifs d’organisation des transactions financières, chacun présentant des avantages et des inconvénients. Elle est contradictoire avec les fondements microéconomique Elle n'est pas exempt de jugement de valeur Elle n'est pas confirmée par les études empiriques Elle est démentie par les faits (Allemagne, Japon, PED) 47 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 L’effet de la mutation financière sur l’organisation des marchés L’intermédiation des financements n'a pas décliné Montée en puissance du one-stop shopping L’essor des marchés va de paire avec celui des IF La typologie traditionnelle doit être affinée Market capitalization of listed domestic companies (% of GDP) 180 160 World European Union East Asia & Pacific United States 140 120 100 80 60 40 20 0 96 World DataBank (World Development Indicators) 48 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Domestic credit to private sector by banks (% of GDP) 180 World European Union East Asia & Pacific United States 160 140 120 100 80 60 40 20 97 2014 2012 2010 2008 2006 2004 2002 2000 1998 1996 1994 1992 1990 1988 1986 1984 1982 1980 1978 1976 1974 1972 1970 1968 1966 1964 1962 1960 0 World DataBank (World Development Indicators) Crédit au secteur privé dans les principales économies avancées (en % du PIB, pays classés selon le niveau en 2011) 1980 2011 1980 2011 Espagne 75 204 Suède 74 136 Pays-Bas 89 198 Canada 72 128 États-Unis 97 193 Italie 55 122 Royaume-Uni 27 188 France 101 116 Suisse 106 176 Allemagne 76 105 Japon 129 170 Belgique 29 93 Source : Banque mondiale (Databank). 98 49 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 The Largest Stock Exchanges in the World Rank Stock Exchange, Country 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 New York Stock Exchange, United States NASDAQ, United States London Stock Exchange Group, United Kingdom and Italy Japan Exchange Group, Japan Shanghai Stock Exchange, China Hong Kong Stock Exchange, Hong Kong (SAR China) Euronext, Belgium, Portugal, France, and the Netherlands Shenzhen Stock Exchange, China TMX Group, Canada Deutsche Borse AG, Germany 100 Market Capitalization in 2015 (Trillion USD) 19.223 6.831 6.187 4.485 3.986 3.325 3.321 2.285 1.939 1.762 http://money.visualcapitalist.com/all-of-the-worlds-stock-exchanges-by-size/ 50 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 101 http://money.visualcapitalist.com/all-of-the-worlds-stock-exchanges-by-size/ 102 http://money.visualcapitalist.com/all-of-the-worlds-stock-exchanges-by-size/ 51 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 103 http://money.visualcapitalist.com/all-of-the-worlds-stock-exchanges-by-size/ 104 http://money.visualcapitalist.com/all-of-the-worlds-stock-exchanges-by-size/ 52 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 105 http://money.visualcapitalist.com/all-of-the-worlds-stock-exchanges-by-size/ 106 53 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 All of the World’s Money and Markets Bitcoin = $5 billion Silver (above-ground) = $14 billion Bill Gates’ fortune = $80 billion Apple Market Cap = $616 billion Coins and banknotes = $5 trillion Gold (above-ground) = $8 trillion Narrow money = $28.6 trillion All stock markets = $70 trillion Broad money = $80.9 trillion All global debt = $199 trillion $60 trillion of sovereign debt Derivatives (on a notional contract basis) = somewhere in the range of $630 trillion to $1.2 quadrillion 107 Actif total des sociétés financières en France 12 000 700% En % du PIB (échelle de droite) En milliards d'euros (échelle de gauche) 600% 10 000 500% 8 000 400% 6 000 300% 4 000 200% 2 000 100% 0% 0 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 108 Source : Données Insee - Comptes de patrimoine des sociétés financières (8.203). 54 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Evolution des actifs bancaires dans les principaux pays de l’OCDE 450 400 350 France Allemagne Italie Japon Etats-Unis 300 250 200 Base 100 150 100 50 0 109 Source : Données OCDE - Analyse du compte de résultat et du bilan. Note : les données ne sont pas disponibles pour le Royaume-Uni. L’évolution du secteur bancaire au R.-U. et aux E.-U. sur longue période (en % du PIB) 110 55 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 L’évolution des prêts bancaires en France sur longue période (en % du PIB) 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 111 2010 1995 2000 2005 1985 1990 1970 1975 1980 1955 1960 1965 1945 1950 1930 1935 1940 1920 1925 1905 1910 1915 1890 1895 1900 1880 1885 1870 1875 0% Source : Repris de Schularick & Taylor (2009). Credit booms gone bust: Monetary policy, leverage cycles and financial crises, 1870-2008, NBER Working paper No. 15512. 1870-1940 de Saint Marc, Michelle, Histoire monétaire de la France, 1800-1980, Paris, 1983 (le total des prêts accordés en France est estimé comme étant deux fois celui du Crédit lyonnais, de la Société général, du Comptoir national d’escompte and du Crédit industriel et commercial ; 1945-1969 : Conseil National du Crédit (collecté par Eric Monnet) ; 1970-1984 : Insee (Crédit à l’économie de caractère bancaire) ; 1985-2008 : Banque de France (A20.A.1.U6.2200.Z01). Evolution de la capitalisation boursière du secteur de la finance en France 112 Source : Le Bris D. « La France peut-elle se développer sans industrie ? Une réponse dans l’histoire boursière », Impertinences, La Documentation Française, 2009, p. 159-182. 56 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 La globalisation financière Unité de temps : marchés fonctionnant 24 h sur 24 Unité de produits : produits uniformes au niveau mondial Unité de lieu : marchés décloisonnés et interconnectés “The death of distance?” (Caincross, 1997) Internet, NTIC Libéralisation, Globalisation Dérégulation, Désintermédiation Consolidation des bourses etc. → Concept de « Village Global » 57 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Portes et Rey (2004) Distance x 2 => Diminution de 82% des flux commerciaux Distance x 2 => Diminution de 69% des flux finanicers 58 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les places financières Souvent la place financière est assimilée (implicitement) à la Bourse Présence physique sur le parquet Concentration extrême Londres : le Square Mile (la City) : 2,6 km² New York : Wall Street (le Financial district) Paris : le palais Brongniart et les grands boulevards (9ème, 8ème et 2ème arrondts). Qu’est-ce qui motive la défense d’une place financière domestique ? Les fonctions (indispensables) remplies par le système financier Des raisons symboliques Souveraineté Le poids du secteur financier dans l’économie Au niveau national Etats-Unis : 6% de l’emploi total et 10% de la masse salariale totale UE : 5 millions de salariés (2 x pop. active en Irlande), 6 % du PIB, 5% de la masse salariale totale France : 580 000 salariés (2 x l’industrie automobile) Au niveau régional 11,2% de l’emploi à Londres (250 000 salariés) 10,9% dans l’Etat de New York (782 000 salariés) 5,5% en Ile-de-France (275 000 salariés) … sans compter les emplois induits dans l’informatique, le droit, etc. 59 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 « When Wall Street does well, New York City and New York State do well » Mais, le contraire est vrai également ! Impact du dégonflement de la bulle Internet entre 2000 et 2003 pour la ville de New York (Hevesi et Bleiwas, 2004) : Une perte de plus 100 000 emplois 35 000 emplois directs 10 000 emplois indirects 60 000 emplois induits. Un manque à gagner Plus d’un milliard de dollars pour la ville 4,5 milliards de dollars pour l’Etat. Performances boursières et emplois à Wall Street 60 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Performances boursières et emplois à Paris 7000 18000 16000 6000 14000 5000 12000 4000 10000 3000 8000 6000 2000 4000 1000 CAC 40 (échelle de gauche) Nombre d'emplois - Gestion de portefeuille (échelle de droite) 0 2000 0 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 L’impact des NTIC sur la géographie financière Dématérialisation des titres Rapidité et sécurité des transfert de données flux ordres flux d’informations La Bourse n’est plus un lieu physique où l’on échange les valeurs mobilières, mais une structure virtuelle Assimiler la place financière à la Bourse n’a plus vraiment de sens 61 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Qu’est ce qu’une place financière ? « lieux qui assurent la rencontre de multiples acteurs qui concourent au bon fonctionnement des marchés financiers, au sein d’écosystèmes dégageant d’importantes synergies » (Banque de France) Places financières généralistes ou spécialisées ? Aux Etats-Unis, les places financières sont historiquement très spécialisées : marchés boursiers à New York, marchés dérivés à Chicago, gestion d’actifs à Boston… Quid des places off-shore ? Luxembourg Dublin Jersey et Guernesey, etc. Classer les places financières Reed (1981) : 1. 2. 3. Londres New York Paris Faulconbridge (2004) Places financières globales : NY, Londres, Hong Kong Place financière continentale : Francfort Place financière domestique : Amsterdam, Milan et Paris 62 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les effets de la mutation financière sur la localisation des activités financières Souvent considère-t-on – un peu hâtivement – que la baisse des coûts de transaction permet une plus grande dispersion des activités => « The death of distance » ? Mais il existe aussi des forces qui poussent à la concentration géographique Richard O’Brien (1992) « Global Financial Integration: The End of Geography » The end of geography (…) refers to a state (…) where geographical location no longer matters (…). In this state, financial market regulators no longer hold sway over their regulatory territory; that is rules no longer apply to specific geographical frameworks, such as the nation-state or other typical regulatory/jurisdictional territories. For financial firms, this means that the choice of geographical location can be greatly widened… Stock exchanges can no longer expect to monopolize trading in shares of companies in their country or region… For the consumer of financial services, the end of geography means a wider range of services will be offered, outside the traditional services offered by local banks. 63 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Phénomènes d’agglomération et externalités La concentration d’entreprises d’un même secteur en un même lieu tend à y attirer des fournisseurs spécialisés Entreprises du secteur de l’informatique, des télécommunications, cabinets de juristes, cabinets comptables, laboratoires de recherche La concentration des entreprises permet aussi d’accroître le bassin d’emploi. La probabilité de trouver rapidement l’emploi ou le candidat désiré y est plus élevée. Mais une forte rotation des salariés et une pression à la hausse des salaires. Les externalités informationnelles. Les NTIC favorisent, certes, la circulation de l’information publique. Or, plus l’information publique (standardisée) circule librement et à moindre coût, plus l’information privée a de la valeur. Les agents n’ont peut être plus besoin de se tenir à proximité de la Bourse – devenue virtuelle – mais ils ont encore tout intérêt à s’implanter les uns à côté des autres pour partager des connaissances ou des informations, être au fait des rumeurs, etc. C’est aussi ce qui explique que les facteurs socio-culturels jouent tant dans la formation et le développement des places financières Les effets de la mutation financière sur la localisation des activités financières Les trois formes d’externalités sont sources de rendements d’échelle croissants au niveau du secteur C’est aussi ce qui explique leur inertie : les forces d’agglomération créent un effet de cliquet (lock-in). Ottaviano et Thisse (2001) : « There is a great deal of flexibility in the choice of locations but a strong rigidity of spatial structures once the process of agglomeration has started ». Exemple : Londres. 64 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Quelques travaux empiriques Garbade et Silber (JOF, 1978) Le télégraphe et les câbles de transmission transatlantiques à la fin du XIXème siècle ont grandement favorisé l’intégration des marchés. Arnold, Hersh, Mulherin et Netter (JoF, 1999) La très forte diminution du coût des communications téléphoniques longue-distance au début du XXème siècle (baisse de 60 % entre 1925 et 1940) est responsable, avec les changements réglementaires consécutifs à la crise de 1929, du mouvement de consolidation des Bourses régionales américaines.. Intégration horizontale et désintégration verticale Intégration horizontale Exemple : bancassurance Désintégration verticale La rapidité, la traçabilité et la sécurisation des flux d’informations autorisent désormais la sous-traitance de certaines activités. Standardisation de nombreuses tâches. Les NTIC permettent de centraliser les activités d’un même groupe sans avoir à les concentrer géographiquement => séparation et dispersion d’activités jusque là regroupées au sein d’un même établissement et dans un même lieu. création de filiales / externalisation, suburbanisation / délocalisation. 65 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les effets de la mutation financière sur la localisation des activités financières Mutation financière (libéralisation et NTIC) Impact au niveau microéconomique Diminution des coûts d’accès aux marchés Impact au niveau macroéconomique Désintégration verticale Intégration horizontale Filialisation Externalisation Suburbanisation Délocalisation Dispersion géographique des activités Forces centrifuges Coûts de congestion, Pression concurrentielle Exploitation des avantages comparatifs Spécialisation des régions Concentration géographique des activités Externalités au niveau du secteur Forces centripètes Vers une nouvelle géographie des activités financières Délocalisation Suburbanisation Spécialisation Capelle-Blancard G. et Tadjeddine Y., Les places financières, Revue d’Economie Financière, 2007. 66 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Financiarisation Un phénomène pas uniquement quantitatif, mais qualitatif Observatoire de la Finance « processus de financiarisation résulte de la montée en puissance de pratiques, de techniques et aussi de représentations et de valeurs inspirées par la finance. » 133 Séance 2. La transformation des systèmes financiers Le système financier : quelques rappels La mutation financière (1970-1990) L’évolution des systèmes financiers Les innovations financières Caractéristiques Déterminants Mutation et globalisation financière : quel bilan ? 134 67 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les innovations financières : un ensemble vaste et hétérogène Innovations radicales / incrémentales Critère faiblement discriminant : Le plus souvent, les innovations financières ne font que compléter le menu des actifs financiers Pas de transformation brutale, mais plutôt modification à la marge de certaines caractéristiques déjà existantes Typologie schumpétérienne des innovations financières Les innovations de processus : intégrer une innovation technologique à l’univers des marchés financiers (les NTIC). Les innovations de produits : apparition de nouveaux produits financiers ou la modification de produits existants. Les innovations de marché : création de nouveaux marchés financiers ou à la modification du fonctionnement d’un marché existant. Nouvelles matières premières, i.e. de nouvelles formes de dépôts collectés auprès de nouveaux clients (Livret d’Épargne Populaire en 1982, Livret Jeune en 1986, etc.) Nouvelles formes organisationnelles : formation de conglomérats financiers, bancassurance, etc. 68 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les spécificités de l’innovation financière Hybride (ex : les trackers) Facilité avec laquelle elles se copient Un produit ou un service financier n’est rien d’autre qu’un contrat conclu entre deux parties. Les concurrents peuvent toujours proposer un contrat offrant quasiment les mêmes caractéristiques, à quelques différences près et à faible coût. La copie est possible du fait de la non-brevetabilité des innovations financières. Les brevets concernent exclusivement les inventions et les exploitations industrielles et commerciales qui en découlent ; un contrat ne peut donc faire l’objet d’un dépôt de brevet. Le seul exemple de brevet, déposé par Merrill Lynch en 1977 : le CMA (Cash Management Account). Ce qui est vrai pour les contrats ne l’est toutefois pas pour les innovations technologiques (ex : carte à puce brevetée en 1974 par Roland Moreno). → Diffusion rapide des innovations financières La diffusion des innovations financières Les phases du cycle de vie de l’innovation financière s’enchaînent très vite Les innovations financières disparaissent rarement : effet de cliquet Contrairement à l’innovation industrielle, qui peut consister à remplacer un produit par un produit plus performant, l’innovation financière a le plus souvent pour conséquence d’ajouter un produit à une gamme de produits déjà existants et qui continuent d’exister (ex : SICAV monétaire) Les innovations financières se diffusent aisément au niveau international. Décalages entre les pays États-unis → pays anglo-saxons → autres pays industrialisés → pays émergents Le pays suiveur n’est pas intrinsèquement désavantagé : l’Allemagne, en retard sur les autres pays, y compris les pays d’Europe continentale, a su efficacement tirer parti de l’expérience accumulée par les autres pour s’imposer comme une place financière dominante. 69 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Les explications théoriques de l’innovation financière L’approche par la demande (Desai et Low, 1987) L’innovation financière est le moyen de créer de nouvelles combinaisons de caractéristiques et ainsi d’offrir aux consommateurs des produits qui correspondent plus précisément à leurs préférences. L’approche par l’offre (William Silber, 1975) La dynamique de l’innovation financière est le résultat des stratégies des institutions financières pour s’affranchir des contraintes auxquelles elles sont confrontées. Gagner des parts de marché et se démarquer de la concurrence Offrir à ses clients un produit qui correspond à une de leurs attentes non satisfaites est un moyen de les fidéliser, voire d’en attirer de nouveaux. Même si les innovations financières sont difficilement brevetables, les intermédiaires financiers continuent d’innover et d’investir massivement dans la R&D. Image de marque favorable associée à un établissement considéré comme innovant et non pas le first mover advantage (monopole de courte durée dans le cas des innovations financières) qui incitent les intermédiaires financiers à poursuivre leurs efforts de R&D. 70 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 S’affranchir des contraintes réglementaires La dialectique réglementaire (Edward Kane, AER 1983) Stratégies antagonistes de 2 catégories d’agents : Les institutions financières (banques et marché) cherchent à contourner la réglementation pour s’affranchir de contraintes qu’ils jugent excessives ou pour faire des économies, fiscales notamment. La fragilisation éventuelle du système financier ou l’inefficacité croissante de la réglementation en vigueur pousse la puissance publique à réagir pour prendre en compte les innovations récentes. Cette réaction peut prendre la forme d’une déréglementation ou, et c’est le cas le plus fréquent, d’une adaptation de la réglementation existante. Course de vitesse est à l’avantage des institutions financières, dont la vitesse de réaction est plus importante. Cette dialectique s’applique bien aux pays anglo-saxons où l’innovation financière est d’origine privée, mais elle est moins pertinente pour expliquer la situation en Europe continentale, où l’innovation est souvent d’origine publique Mieux gérer les risques Hausse de la volatilité Taux de change (Abandon du Système de Bretton Woods) Taux d’intérêt (Changement de politique monétaire) Marchés boursiers → Création des marchés dérivés 71 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Séance 2. La transformation des systèmes financiers Le système financier : quelques rappels La mutation financière (1970-1990) L’évolution des systèmes financiers Les innovations financières Mutation et globalisation financière : quel bilan ? Les avantages Les inconvénients 143 Bilan de la mutation financière : Avantages Plus large éventail des produits à disposition des agents → meilleure allocation des ressources au sein de chaque système financier national et entre systèmes. Intégration croissante des marchés et apparition de nouveaux acteurs → diminution des coûts de transaction. Progrès des technologies de communication → meilleure diffusion de l’information et une plus grande efficience des marchés. Essor des produits dérivés → les risques sont mieux répartis entre les agents qui désirent se couvrir et ceux qui désirent spéculer. 72 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 La globalisation financière Meilleure diversification Valeur des actifs étrangers détenus par des résidents américains en % du stock de capital US 6,2% en 1970 47% en 2008 Valeur des actifs américains détenus par des étrangers en % du stock de capital US 4% en 1970 57% en 2008 Rq : En France, les non-résidents détenaient près de la moitié de la dette publique négociable, contre 20% en 1997, et plus de 40% du capital des entreprises du CAC 40. Mais si les portefeuilles des investisseurs étaient parfaitement diversifiées, ils devraient refléter le poids de chaque pays Exemple: les Etats-Unis devraient investir 80% dans des actifs étrangers et les actifs américains devraient être détenus à 80% par des non-résidents 146 73 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 La part des investisseurs non-résidents dans le capital des entreprises du CAC 40 74 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 FESE, Share Ownership Structure in Europe, dec. 2008 Test de Feldstein-Horioka si le marché international des capitaux fonctionne correctement, alors les taux d’investissement et d’épargne nationaux doivent diverger Saving and Investment Rates for 24 Countries, 1990–2011 Averages. Source : World Bank 75 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Fusions et acquisitions internationales Source : Cnuced. Données en millions de dollars courants. Les flux d’investissement directs étrangers Source : Cnuced. Données en millions de dollars courants. 76 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Plus de concurrence => baisse des tarifs bancaires ? Définitions des tarifs bancaires Abonnement aux services de banque à distance (Internet) Abonnement à un produit offrant des alertes sur la situation du compte par SMS Carte de paiement à débit immédiat / débit différé / autorisation systématique (CPAS) Frais par retrait d'espèces à un DAB d’une autre banque Nombre de retraits gratuits par mois dans un DAB d’une autre banque Frais par virement SEPA occasionnel : en Agence ou par Internet Frais de mise en place d'un mandat de prélèvement SEPA Mandat de prélèvement SEPA Frais par paiement d’un prélèvement SEPA Virement SEPA Commission d’intervention (tarif à l’opération) Cotisation à une offre d'assurance perte ou vol des moyens de paiement Frais de tenue de compte Etc. 153 Plus de concurrence => baisse des tarifs bancaires ? « Forfait » bancaire Rapport 2014 sur la portabilité du compte bancaire http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/Rapport-portabilite-bancaire.pdf Taux de mobilité d’environ 4% Environ 8% pour les autres services Obstacles administratifs Freins « psychologiques » Comment bien choisir sa banque? Comparateur en ligne : http://www.tarifs-bancaires.gouv.fr/ Revue Projet: https://www.cairn.info/revue-projet-2014-6-page-56.htm 154 77 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Bilan de la mutation financière : Inconvénients Instabilité accrue du système financier. Résurgence du phénomène des bulles spéculatives. Herding L’interconnexion des marchés a favorisé les phénomènes de contagion entre les places financières. Contagion ou interdépendance ? Fréquence des crises bancaires systémiques 156 Luc Laeven & Fabián Valencia, Systemic Banking Crises Database: An Update, IMF Working paper, 2012. 78 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Evolution des principaux indices boursiers Source : MSCI. Indices boursiers mensuels bruts (dividendes réinvestis) en monnaie locale. Base 100 en janvier 1999. Evolution des corrélations entre les rentabilités boursières Source : Les corrélations sont calculées sur les rentabilités logarithmiques en glissement sur 10 ans. Indices boursiers mensuels bruts (dividendes réinvestis) MSCI en monnaie locale. 79 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Evolution des corrélations entre les rentabilités des indices boursiers français et américain Source : Les corrélations sont calculées sur les rentabilités logarithmiques en glissement sur 10 ans. L’indice boursier retenu pour la France est le CAC 40, reconstitué par Le Bris (2008) avant 1988. Pour les Etats-Unis, l’indice est le « Old Nyse » de Goetzman-Ibbotson-Peng avant 1871, puis l’indice « S&P – Cowles » de Shiller. Calcul Le Bris (2008). Bilan de la mutation financière : Inconvénients L’essor des marchés dérivés va de pair avec une concentration des risques individuels → risque systémique (macroéconomique et non diversifiable) : possibilité d’une crise de grande ampleur, causée par la défaillance d’un élément du système financier qui se propage aux éléments voisins (risque de contagion, puis risque d’illiquidité) avant d’affecter la sphère financière tout entière, voire la sphère réelle 80 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Bilan de la mutation financière : Inconvénients Risque extrême (‘peso’ or ‘tail’ risk) Rendement élevé, la plupart du temps, mais possibilité de lourde perte : Stratégie de maximisation du « alpha » Exemple : Vendre des options « deep-out-of-the-money » Risque et incertitude Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne noir, la puissance de l'imprévisible. Too Much Finance? Jean-Louis Arcand, Enrico Berkes and Ugo Panizza, 2015, Journal of Economic Growth, 20(2), 105-148. This paper examines whether there is a threshold above which financial depth no longer has a positive effect on economic growth. We use different empirical approaches to show that financial depth starts having a negative effect on output growth when credit to the private sector reaches 100 % of GDP. Our results are consistent with the “vanishing effect” of financial depth and that they are not driven by endogeneity, output volatility, banking crises, low institutional quality, or by differences in bank regulation and supervision. 162 81 G. Capelle-Blancard 31/01/2017 Financial Innovation: The Bright and the Dark Sides Thorsten Beck, Tao Chen, Chen Lin and Frank M. Song, Journal of Banking & Finance, 72, 2016, Pages 28–51 Based on data from 32 countries over the period 1996–2010, this paper is the first to assess the relationship between financial innovation, on the one hand, and bank growth and fragility, as well as economic growth, on the other hand. We find that different measures of financial innovation, capturing both a broad concept and specific innovations, are associated with faster bank growth, but also higher bank fragility and worse bank performance during the recent crisis.These effects are stronger in countries with larger securities markets and more restrictive regulatory frameworks. In spite of these seemingly ambiguous findings, our evidence points to a positive net effect of financial innovation on economic growth: financial innovation is associated with higher growth in countries and industries with better growth opportunities. 163 Has Financial Development Made the World Riskier? Raghuram G. Rajan (2005) While the system now exploits the risk-bearing capacity of the economy better by allocating risks more widely, it also takes on more risks than before. Moreover, the linkages between markets, and between markets and institutions, are now more pronounced. While this helps the system diversify across small shocks, it also exposes the system to large systemic shocks. It is possible that these developments are creating more financial-sector-induced procyclicality. 164 82