Les enjeux de l`interopérabilité sémantique dans les systèmes d

Informatique et santé
Collection dirigée par P. Degoulet et M. Fieschi
Paris, Springer-Verlag France
Informatique et Gestion Médicalisée
Rédacteurs :
F. Kohler, M. Brémond et D.Mayeux
Volume 9
Springer-Verlag France, Paris , 1997
Les enjeux de l'interopérabilité sémantique dans les systèmes d'information de santé
Patrice Degoulet (a), Marius Fieschi (b) et Christophe Attali (c)
a Hôpital Broussais, Service d'Informatique Médicale, 96 rue Didot, 75014 Paris
b Hôpital de la Timone, Département d'Information Médicale, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille
c Ministère du Travail et Affaires Sociales, 8 avenue de Ségur 75007 Paris
Abstract
Rapid development of community health information networks raises the issue of semantic interoperability
between distributed and heterogeneous components. Indeed, operational health information systems originate
from heterogeneous teams of independent developers and have to cooperate in order to exchange data and
services. A good cooperation is naturally based on a good understanding of the messages exchanged between the
systems. The main issue of semantic interoperability is to ensure that the exchange is not only possible bus also
meaningful.
Informatique et Santé, 1997 (9) : 203-212
1 Introduction
L'efficacité et l'efficience des systèmes d'information de santé doivent être améliorées significativement si l'on
souhaite garantir la qualité des soins tout en respectant les contraintes budgétaires. Il s'agit, tout d'abord, de relier
les différents acteurs du système de santé afin de pallier les limites de l'exercice isolé, d'assurer une prise en
charge globale des patients et de garantir la continuité des soins. Il s'agit, également, de maîtriser les coûts des
systèmes de soin et d'en piloter le fonctionnement global et les adaptations en fonction de l'évolution des
connaissances et des pratiques médicales.
Un système d'information de santé nécessite une infrastructure de communication assurant la liaison entre les
différents acteurs du réseau de soins : professionnels des secteurs hospitalier et extra-hospitalier de production
des soins, organismes de financement et d'évaluation, secteurs de l'enseignement et de la recherche. Cette
infrastructure, qui fait appel à une multitude de moyens de traitement de l'information (ordinateurs) et de
communication (réseaux), est illustrée par le schéma de la figure 1.
L'accès aux données individuelles d'un patient peut se faire, sous réserve du respect des règles de sécurité et de
protection des données nominatives, à partir de postes de travail situés à l'hôpital, dans le cabinet du médecin,
voire au domicile des patients. En même temps qu'aux données individuelles, il convient d'accéder aux systèmes
documentaires et aux banques de connaissances permettant d'optimiser les décisions médicales. Certaines
données, une fois "filtrées", validées et éventuellement anonymisées, sont transmises aux organismes de
financement et de contrôle ou intégrées dans des bases de données épidémiologiques ou de recherche.
Dans un tel réseau de soins, les données sont réparties sur plusieurs serveurs qu'il importe alors de faire coopérer
harmonieusement. 12objectif pour l'ingénieur responsable du développement du réseau est de fournir aux
utilisateurs la vision d'un système "virtuel" unique et homogène, alors que l'information est distribuée sur des
environnements hétérogènes. L'objectif pour les utilisateurs est de pouvoir accéder de façon simple et
transparente aux informations et connaissances utiles, quelles qu'en soient la localisation ou les modalités de
stockage. Cette vision unifiée, au travers d'un poste de travail banalisé jouant le rôle d'assistant intelligent, est
illustrée dans le schéma de la figure 2.
2 L'interopérabilité des systèmes d'information
2.1 Principes généraux et objectifs
L'interopérabilité entre les composants d'un système d'information distribué peut se définir comme la capacité de
ces composants à échanger des services et des données [1]. Elle repose sur des conventions adoptées entre les
parties communicantes et régissant, entre autres, les protocoles d'échange de messages, la désignation des
procédures à activer ou les codes d'erreur retournés. Elle présente une dimension statique (comme, par exemple,
la compatibilité des types de données) et une dimension dynamique (comme la compatibilité des procédures).
L'interopérabilité repose tout d'abord sur l'interconnectivité des composants, qui est elle-même régie par le
respect de normes et de standards informatiques de communication. Les standards de communication consistent
en des spécifications techniques qui se traduisent par des définitions et des règles d'ingénierie, de façon à assurer
que les produits, les traitements et les services remplissent bien leur rôle.
Les messages médicaux ne diffèrent pas fondamentalement des messages d'autres secteurs professionnels. Ils ont
une syntaxe (une forme) et une sémantique (un sens). A un sens, peuvent correspondre plusieurs formes, ce qui
est naturel, mais l'inverse peut aussi être vrai si l'on modélise mal (ou pas du tout) le domaine dans lequel les
échanges sont effectués.
L'interopérabilité syntaxique propose une intégration de premier niveau, que l'on peut appeller intégration
syntaxique, en définissant notamment la nature, le type et le format des messages échangés, Elle conduit à la
notion de système ouvert permettant d'assumer l'hétérogénéité des composants (interfaces, langages de
programmation, etc.) [2-4]. Ce premier niveau est toutefois insuffisant : la cohérence formelle des messages ne
garantit pas, par elle-même, la cohérence des significations perçues par les différents utilisateurs d'un système
(figure 3). Une intégration de second niveau, l'intégration sémantique basée sur l'interopérabilité sémantique, est
donc nécessaire qui prolonge et complète la précédente.
L'objectif de l'interopérabilité sémantique est ainsi d'assurer que les échanges qui s'effectuent entre les
composants interconnectés conservent leur sens, c'est à dire que les parties communicantes ont une
compréhension commune de la signification des données et des services qu'elles échangent [5]. L'interopérabilité
sémantique est une réponse à l'hétérogénéité sémantique des informations traitées par les différentes
applications. Elle implique que les divers utilisateurs partagent des vues cohérentes sur les systèmes de concepts
sous-jacents aux diverses applications (figure 4). Ainsi, par exemple, la signification de la valeur 100 d'un
champs de donnée dépend du concept associé (par exemple la pression artérielle) qui peut être décrit
partiellement dans les dictionnaires de données des logiciels d'application, mais également de l'unité, de la
méthode de mesure utilisée ou du degré de précision.
Figure 4 : Les deux niveaux de l'interopérabilité des systèmes d'information : syntaxique et sémantique
2.2 La multiplicité des syntaxes
La situation actuelle est caractérisée par une multiplicité de standards d'échanges de messages, chacun
caractérisé par une syntaxe et un domaine privilégié d'utilisation. Ainsi, le standard ASTM 1238 est adapté à la
transmission de résultats biologiques et le standard DICOM à la transmission d'images radiologiques [6-8].
L'hétérogénéité des syntaxes n'est cependant pas un obstacle absolu à l'interopérabilité des systèmes
d'information. Il est en effet toujours possible de concevoir des modèles plus génériques et des outils de
traduction d'une syntaxe dans une autre. Ainsi, par l'intermédiaire de l'un de ses groupes de travail (TC 25 1), le
Comité Européen de Normalisation (CEN) a réalisé une étude comparative des caractéristiques syntaxiques des
principaux messages médicaux [8]. Une des conclusions du rapport est que les spécifications sémantiques des
messages sont plus importantes que le choix de la syntaxe utilisée pour supporter le format des messages.
Considérant les particularités du domaine médical, de Moor fait remarquer que le développement de messages,
sans tenir compte de la syntaxe qui n'entre en jeu qu'à la fin du processus, semble être la meilleure alternative
pour satisfaire les besoins complexes et nombreux de communication dans le domaine de la santé [9]. Partant de
ces hypothèses, le CEN/TC 251 ne recommande aucun format de message spécifique pour la totalité du domaine
de la santé, mais il préconise une méthode de développement indépendante de la syntaxe, basée sur des
descriptions générales de messages. Se pose alors le problème de l'harmonisation de différents modèles de
données pour aboutir à un modèle générique commun de message.
Au sein de VIEEE, le JWG-CDM (Joint Working Group for a Common Data Model, ou MEDIX) est en charge
du développement d'un modèle de données commun (Common Data Model ou CDM) aux standards de
l'informatique de Santé [10,11]. Les objectifs mis en avant par ce comité sont les suivants :
constituer une syntaxe commune pour la modélisation des données à partager,
établir un modèle objet du domaine de la Santé,
formaliser un processus de développement distribué des différentes parties du modèle commun à partir de
sous-modèles (Subset Data Model ou SDM),
créer un répertoire central pour collecter les différents éléments du CDM.
La figure 5 présente la façon dont les différents organismes normalisateurs coopèrent autour du modèle de donné
commun et des sous-modèles.
Figure 5: Le processus d'harmonisation du modèle de données dans l'approche IEEE/MEDIX
2.3 Vers un interopérabilité sémantique des systèmes d'information
Un message peut être considéré comme un ensemble d'unités élémentaires ou atomes d'information, tels que des
couples "attribut - valeur" (par exemple Glycémie 5.5 mmol/1). Les unités peuvent être regroupées en segments
et/ou accepter des éléments de répétition pour former des structures plus complexes (par exemple, le résultat
d'une hyperglycémie provoquée). Comme dans une phrase du langage naturel, la signification sémantique d'un
message est basée sur la signification individuelle de chacun de ses éléments, sur la signification complémentaire
qui résulte de la structure globale utilisée et sur les informations qui peuvent être dérivées des deux précédentes.
Certains éléments peuvent représenter des informations contextuelles qui seront utiles à la transmission et
l'interprétation correcte du message (par exemple, l'émetteur, le destinataire, la syntaxe utilisée ou la référence à
un vocabulaire particulier). Les informations contextuelles, qui seront partagées par l'ensemble des éléments de
message, sont souvent regroupées dans l'entête (header) ou la fin (trailer) du message.
La compatibilité ou l'incompatibilité sémantique lors du processus création/interprétation des messages
dépendent notamment de trois facteurs clés :
la terminologie ou les nomenclature
Il s'agit de la façon dont les concepts s'expriment dans un vocabulaire contrôlé, ayant le statut de référentiel
d'un domaine de connaissance ou d'activité.
les relations sémantiques explicites portant sur la terminologie
Les relations peuvent être organisées dans un réseau sémantique. Celui-ci structure les liens entre les
concepts du domaine, en en précisant la nature ; liens de synonymie, d'hétéronymie, de dérivation, etc. (par
exemple PAS et Pression Artérielle Systolique ou angor et angine de poitrine pour des liens de
synononymie).
la représentation des concepts dans les messages
En général, deux institutions modélisent et représentent les concepts de façons diverses. Des exemples
simples sont l'âge (modélisation de celui-ci ou de la date de naissance, ... ) et l'adresse d'une personne
(séparation du numéro de la rue, du code postal, nombre de lignes, ... ). On pourrait citer de nombreux autres
cas comme la modélisation de l'existence d'un symptôme par un stade (ou une gravité) ou simplement par
oui ou non.
Les deux premiers problèmes ont fait l'objet de nombreux efforts de recherche et développement. Il en résulte un
ensemble de vocabulaires normalisés ou référentiels, dont la portée peut être locale, nationale ou internationale.
La solution au troisième problème passe par une modélisation fine des messages en séparant ce qui est générique
de ce qui peut être spécifique tant au niveau syntaxique que sémantique,
La figure 6 illustre la situation pour deux messages simples M et M'. Le message M est produit par un
composant émetteur A et le Message M' peut être compris par un composant recepteur B. Le message M est codé
selon la syntaxe HL7 et chiffré. Ses concepts font référence au vocabulaire contrôlé ou référentiel RA qui
modélise lui-même le domaine A -, on parle alors de l'ontologie OA du domaine (la production d'un message
HL7 chiffré est considérée comme la sortie du composant A). M' (l'entrée du composant B) n'est pas chiffré,
mais est codé en ASN. 1 et fait référence au référentiel RB qui modélise une ontologie OB.
Nom du patient et nom de naissance sont considérés comme des synonymes exacts dans OA et OB. Les dates
diffèrent par leur modalité de codage (jour/mois/année versus mois/jour/année). Les dosages d'azote et d'urée
dans le sang ne font pas référence au même concept biologique (l'azote est un composant de l'urée) mais il existe
un facteur de conversion connu pour passer des unités en mg/dl aux unités en mmol/l et de l'urée à l'azote ou
vice-versa.
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