Donner, revendre, troquer ses biens de l`espace

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Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
Ecole Normale Supérieure
Master « Sociologie et statistique »
Mémoire de recherche de Master 2
Année 2014
D onner, revendre, troquer ses
biens de l’espace domestique
Etude des formes émergentes d’échanges alternatifs
des objets de seconde main, sur les sites Internet
Charlotte Dion
Mémoire dirigé par Laurence Fontaine, directrice de recherche au
CNRS
TABLE DES MATIERES
R EMERCIEMENTS
4
INTRODUCTION
5
METHODOLOGIE
9
PARTIE 1. PROFILS D’ANNONCEURS, ARBITRAGES ET
MOTIVATIONS A LA REMISE EN CIRCULATION DES
BIENS
13
1.1 LES PROFILS DES ANNO NCEURS
13 1.1.1 LES PROFILS SELON LE TYPE D’ECHANGE
13
Analyse comparée par tranches de revenu des communes
La particularité des ventes
1.1.2 QUI ECHANGE QUOI ? MODE DE VIE ET USAGES SOCIAUX DIFFERENCIES
Une différenciation sociale par modes de vie ?
Usages sociaux des sites Internet
Profils de vendeurs
1.2 L ES ARBITRAGES ENTRE LES TYPES D ’ ECHANGE ET LES
MOTIVATION A LA REMISE EN CIRCULATION DES BIENS
1.2.1 LA STRUCTURE DES ECHANGES : UNE LOGIQUE DE CYCLE DE VIE ?
Don et vente : entre le monnayable et le non monnayable
Le troc : circulation interne sur le marché de l’occasion des biens les plus recherchés
Articuler les différents modes d’échanges selon les objets
Le cycle de vie des objets
1.2.2 MOTIVATIONS ET ARBITRAGES A LA REMISE EN CIRCULATION
Des changements dans le cycle de vie
La vente : entre « stratégie de survie » et complément de revenu en temps de crise
S’adapter plus facilement aux grandes tendances et au besoin de renouvellement
Vers une plus grande distanciation de la relation aux objets ?
Le cas du don : conflit de normes entre désintéressement, solidarité et écologie
Donner ou vendre : question de morale ?
C ONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
14
17
20
21
25
30
35 36
37
39
40
42
43
45
46
48
50
52
55
56 PARTIE 2. LES FORMES DE REMISE EN CIRCULATION
ET LA RELATION D’ECHANGE
58
2.1 E TUDE DE LA RELATION D ’ ECHANGE PAR ANALYSE TEXTUELLE 58 2.1.1 ANALYSE DES SIMILITUDES
59
2.1.2 ANALYSE PAR CLASSIFICATION
63
Analyse par AFC
65
Analyse par test du Khi2
Analyse détaillée de chaque classe
2.1.3 TYPOLOGIE
2 .2 A NALYSE QUALITATIVE DES ECHANGES
2.2.1 LA SYMETRIE DANS L’ECHANGE
L’asymétrie du don
Le modèle du don contre-don sur Internet
Plus facile de vendre que de donner ?
Frontière poreuse entre la vente et le troc
La vente sur leboncoin : la question du marchandage
2.2.2 LA RELATION DE CONFIANCE
La bonne parole contre les garanties formelles
Les capitaux et la stigmatisation
Echange et lien social
67
70
100
108 108
108
110
111
113
115
118
119
121
123
C ONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
126 CONCLUSION
127
BIBLIOGRAPHIE
130
ANNEXE
134
ANNEXE 1. EXTRACTION DES DONNEES WEB AVEC LE LOGICIEL R
ANNEXE 2. REPRESENTATIVITE DES ANNONCES DE VENTES SUR LEBONCOIN.FR
134 135
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidée dans la
réalisation de ce mémoire et qui m’ont permis de l’améliorer
continuellement.
A commencer par Laurence Fontaine qui du début à la fin m’a
accompagnée, soutenue et encouragée à toutes les étapes de la réalisation de
ce mémoire. Elle m’a prodigué de nombreux conseils me permettant de
trouver les pistes pour orienter ce mémoire et prendre plus de hauteur pour
analyser et interpréter ces données micros.
Je témoigne ma reconnaissance également aux personnes qui m’ont
permis techniquement de réaliser ce mémoire. Olivier Godechot m’a orienté
sur la piste de l’extraction automatisée des données web avec le logiciel R
sans laquelle ce mémoire n’aurait été possible avec une extraction manuelle.
Je remercie chaleureusement les internautes du Forum club des
développeurs et It Pro, qui m’ont permis de réaliser ce programme
d’extraction en corrigeant avec patience les multiples erreurs et problèmes de
codage que j’ai rencontré.
J’ai pu également m’entretenir avec Marie Plessz pendant les dernières
étapes de mon mémoire. Elle m’a donné de nombreux conseils que ce soit
pour l’interprétation statistique de mes données, sur des techniques de base
de réalisation et de mise en forme d’un projet de recherche, mais également
sur l’analyse générale de mon mémoire.
Je remercie également ma famille et mes amis qui m’ont soutenue et
encouragée, Amandine Bonnion pour sa patiente relecture et
particulièrement Damien Bisson qui m’a poussée à aller de l’avant tout au
long de ce travail.
Introduction
S’intéresser à l’émergence des échanges alternatifs sur Internet provient
tout d’abord d’une interrogation sur le succès du site internet Leboncoin.fr,
qui fait partie des dix sites les plus fréquentés par les internautes en 2012
selon une étude Médiamétrie. Les sites internet spécialisés dans les échanges
de biens de seconde main qui existent depuis les années 2000 se sont
multipliés récemment pour répondre à une demande croissante des
populations. Cependant, la revente des biens de seconde main existe depuis
longtemps sous diverses formes : les vides greniers annuels des communes
qui connaissent un succès grandissant, mais également les Dépôts-Ventes qui
concernent particulièrement le mobilier, ou encore les Antiquaires pour un
public plus ciblé, et même la vente aux enchères publique qui se pratique
encore et est même médiatisée par la télévision1.
Ainsi, ce fait original visible sur Internet traduit un engouement général
pour ces nouvelles pratiques de remise en circulation des biens de seconde
main qui ne se manifeste pas seulement par la pratique de vente, mais
également par de nombreuses autres formes d’échanges, dont le don, le troc,
que nous étudierons dans ce mémoire, mais également la location qui
commence à apparaître sur des sites internet mais qui ne sera pas étudiée
dans ce travail. Nous pouvons dénombrer une dizaine de grands sites de
ventes de biens de seconde main sur Internet dont fait partie Leboncoin.fr,
avec Ebay, Price Minister, Amazon, consOccasion, Vivastreet.. Mais
également une dizaine de sites de Troc, comme Pretachanger.fr, FranceTroc.com, Gchangetout.com, Onlinetroc, Trocvestiaire.com etc… Et pour
finir un nombre quasiment égal de sites de dons, parmi lesquels figure
Recup.net, Donnons.org, Toutdonner.com, Donne.consogloble.com,
Jedonnetout.com etc…
Ces nouvelles pratiques relèvent peut être d’une part de la situation de crise
économique2, avec la réapparition d’un marché de la pauvreté depuis les
années 90,3 mais cette crise touche plus généralement l’ensemble de la
1
Anthony. J « Un trésor dans votre maison », Emission M6
Alami S., Bonnet A., Brisepierre G., Darmonni J., Delbende M., Desjeux D., « La consommation
économe en 2010 : enquête quantitative exploratoire sur l’évolution des pratiques et représentations
de la consommation face aux crise », http://www.argonautes.fr/, 2010
3
Desjeux D., « Du consommateur malin au consommateur contraint », Le Monde économie, 2012.
2
population et engendre des comportements innovants face à la contrainte
économique qui, selon l’observatoire Cetelem, ne sont que l’embryon de
comportements durables qui vont s’installer en Europe ces prochaines
décennies4. Nous pouvons également attribuer ces nouveaux usages à un
changement plus général des modes de consommation, avec la montée des
préoccupations environnementales, ainsi que d’un sentiment de rejet
politique envers une consommation débridée inscrite dans nos habitudes
depuis des décennies, et bien décrite par Baudrillard5.
L’objectif de ce mémoire est d’étudier simultanément les pratiques de don,
de revente et de troc qui se réalisent par le biais de ces sites internet. L’étude
conjointe de ces trois modes de remise en circulation des objets a pour intérêt
de se focaliser sur les différentes pratiques de délaissement des objets du
quotidien et d’en établir les différences d’essence selon la forme d’échange.
Nous nous focalisons dans cette étude sur les objets de l’espace
domestique, c’est à dire tous les objets qui se retrouvent à l’intérieur de notre
domicile en excluant les voitures, les annonces immobilières et les annonces
de service que l’on peut trouver sur ce type de site internet. Cette sélection
s’est faite pour une question d’homogénéité de l’analyse, tout en conservant
une diversité d’objets entre des objets plus ou moins personnels, plus ou
moins durables, plus ou moins accumulés, qui permettront de mettre à jour
la diversité des pratiques également selon la nature des objets.
Ces trois formes de délaissement étudiées ont pour particularité
d’alimenter de manière diversifiée une circulation informelle de biens de
consommation, que l’on qualifie souvent de « consommation alternative » ou
« consommation maline »6. Précisément, les études précédentes et en cours se
focalisent souvent sur le consommateur, celui qui nourrit la demande de ces
biens de seconde main. Mais il est intéressant de se demander « qui »
alimente cette circulation informelle car dans ces nouvelles formes de
consommation, il faut toujours deux protagonistes, et le point de vue de
l’annonceur est intéressant à analyser, notamment lorsqu’on le compare avec
celui des consommateurs.
Les études du Crédoc montrent que bien souvent les vendeurs sur les sites
de ce type sont également des acheteurs, la vente étant une seconde étape
dans le processus de familiarisation à ce type d’échange. Parallèlement,
4
Neuvy F. « La consommation alternative : nous nen sommes quau tout début. » Observatoire
Cetelem Etude 2013
5
Jean Baudrillard, La société de consommation, Denoël, 1970, Folio Essai
6
Dominique Desjeux, Fabrice Clochard, Le consommateur malin face à la crise, l’Harmattan, 2013
vendre et acheter sont selon cet institut, des pratiques concernant les
internautes les plus expérimentés qui se recrutent dans les catégories sociales
les plus élevées. Cependant, les études du Crédoc se sont appuyées sur des
sites comme Ebay ou Price Minister dont la structure et le mode de
fonctionnement sont plus complexes que ceux du site Leboncoin. La
formule du site Leboncoin, sans inscription préalable, et fonctionnant sur le
principe des petites annonces lui confère une plus grande accessibilité sociale
notamment pour les catégories populaires.
Par ailleurs, les trois formes d’échanges étudiées ne sont pas égales en
termes de popularité au sein de la population, la vente étant la pratique
dominante. L’étude comparative nous permettra de comprendre pour quelles
raisons et selon quelles modalités les pratiques de délaissement des objets se
tournent davantage vers la vente que vers les autres formes d’échange. Nous
pourrons nous interroger sur les possibles modifications de comportements
que l’engouement pour la vente peut engendrer.
Enfin, la spécificité de cette étude sur Internet est à mettre en lumière. La
particularité d’Internet est à la fois d’élargir les potentialités de rencontre
entre les intéressés. Comme l’affirme Frédéric De Coninck7, les plateformes
de ventes en ligne permettent aux acheteurs de s’affranchir des anciennes
références spatiaux-temporelles et augmentent donc les potentialités de
consommation. Internet permet également de mettre en ligne des objets à
tout moment de l’année contrairement aux vides greniers, et ainsi de
s’adapter plus facilement aux besoins des individus qu’ils soient économiques
ou relevant de motifs sociodémographiques. Mais Internet engendre
également des contraintes ou avantages spécifiques liés justement à cette
relation médiée par une interface, qui peut être à l’origine de formes
d’échange spécifiques ou révéler au contraire des phénomènes que l’on peut
observer dans la vie réelle.
Ces réflexions nous conduisent à présenter les questionnements qui vont
orienter ce mémoire. A savoir premièrement ce qu’il se passe en amont de
l’échange, ce qui consistera à analyser les objets remis en circulation par les
annonceurs, la question des arbitrages entre les différents modes de remise
en circulation, mais également à s’interroger sur les motivations des
annonceurs. Dans un second temps nous nous pencherons sur le
déroulement de l’échange en soi qui est une problématique à part : comment
7
Coninck Frédéric, « L’achat en ligne, un nouveau rapport à l’espace de la consommation »,
Sociologies pratiques, 2010/1, n°20, p51-62
se réalisent les échanges sur Internet, quelles règles y président et quelles
valeurs sous tendent chacune de ces pratiques ?
Ainsi, la problématique qui traverse ce mémoire est la suivante : Qu’est ce
que ces échanges sur Internet révèlent dans les changements de
comportement, dans la relation aux objets domestiques et leur remise en
circulation. Quelles configurations d’échange ce média permet de mettre en
œuvre ?
Méthodologie
RESTRICTION DU PERIMETRE GEOGRAPHIQUE ET DES OBJETS ETUDIES
Pour permettre une analyse plus fine, le terrain sera limité à la région Île de
France. La diversité de cette région sur le plan sociologique et géographique
permettra de donner une bonne approximation de la diversité des pratiques.
D’autre part, nous étudierons dans ce mémoire uniquement la remise en
circulation des objets de l’espace domestique en excluant les annonces
immobilières, de voiture ou de services entre particulier car, de part leurs
spécificités, compromettraient des comparaisons pertinentes.
LIMITES DU TERRAIN
Une des principales limites du terrain est l’information disponible sur les
sites internet. La récolte d’informations auprès des annonceurs a été tentée
mais le taux de réponse était trop faible. La possibilité d’obtenir des
informations sociologiques précises sur les individus a donc été compromise.
Une autre limite sur le site leboncoin est que l’on a seulement accès aux
objets mis en vente, il n’est pas possible d’avoir une idée des ventes qui se
sont finalement conclues.
ETUDE DES PETITES ANNONCES SUR INTERNET
Le travail de récolte des données a consisté principalement dans le recueil
d’échantillons d’annonces de vente et de troc sur le site Leboncoin et
d’annonces de don sur le site Recup.net. Le choix de ces sites a été motivé
pour le premier par le volume des annonces publiées sur ce site et par les
caractéristiques spécifiques dans la relation entre particuliers liées à son mode
de fonctionnement. Concernant le site de don Recup.net, le choix s’est fait
pour son caractère représentatif, ainsi que par la présence d’un forum
associé à ce site internet permettant de les mettre en parallèle avec les
informations recueillies sur les petites annonces. La structure des échantillons
prélevés se répartit de la manière suivante :
TABLE 1. Structure des échantillons récoltés
Catégorie d'échange
Vente
Troc
Don
Total
Effectifs
1015
960
1034
3009
Pourcentage
33,7
31,9
34,4
100
Nous avons recueilli aux environs d’un tiers d’annonces de chaque
type d’échange pour pouvoir établir des comparaisons significatives dans
l’analyse. Cependant, les annonces de vente sur le site Leboncoin.fr sont
présentes dans une proportion sans commune mesure avec celles des dons et
des annonces de troc. En effet, pour la région Île de France l’effectif global
des annonces de don publiées sur l’échelle de 2 mois est approximativement
aux alentours de 1000 annonces. Sur le site Leboncoin.fr, les annonces de
trocs toutes catégories confondues atteignent approximativement 3000
annonces et pour les objets analysés dans ce travail8 seulement 1500
annonces. A l’inverse, les annonces globales de vente sur le site Leboncoin.fr
atteignent environ 3 millions d’annonces en Île de France et pour les objets
analysés dans cette étude9 le nombre d’annonces est de 2,5 millions sur une
période de 2 mois.
Ainsi, la pratique de vente est largement plus répandue que les pratiques
de don et de troc en Île de France. Mais l’objectif de cette étude est
d’analyser comparativement ces trois types d’échange, les échantillons ont
donc été récoltés de façon à ce qu’ils soient comparables pour une étude
statistique.
ANALYSE DE LA STRUCTURE ET DE LA GEOGRAPHIE DES PETITES ANNONCES
L’analyse de la structure des petites annonces c’est-à-dire des
caractéristiques des objets mis en ligne nous a permis d’approcher les
spécificités de ces échanges dans une perspective comparative ce qui a permis
de déterminer les distinctions entre chaque types d’échange et d’en établir les
arbitrages réalisés par les annonceurs.
La géographie sociale des petites annonces, caractérisée par des données
géographiques et des données économiques sur les revenus fiscaux moyens
des communes permet à cette analyse de lui conférer une dimension
sociologique en rapprochant les caractéristiques sociales des communes à
8
9
Hors catégorie Immobilier, voiture et service
Ibid. (1)
celles des annonces. Néanmoins, cette approche a certaines limites,
notamment si l’on se réfère au concept « d’Ecological Fallacy » qui rend
compte du fait que les phénomènes observés à l’échelle d’un groupe peuvent
ne pas refléter les différences individuelles. Ainsi, il est tout à fait possible que
seule une partie des habitants de chacune des communes, quelque soit leurs
niveau de richesse moyenne, participe à ces échanges.
Un travail supplémentaire a été réalisé sur le site Leboncoin, et a consisté
en une récolte du nombre d’annonces total dans chaque commune pour
évaluer de manière plus précise le caractère plus ou moins répandu de cette
pratique. Un indicateur a été calculé, le nombre d’annonces par habitant,
calculé non pas sur la base des 1000 annonces de vente mais sur la base des
2,5 millions d’annonces en Île de France.
ANALYSE TEXTUELLE DES PETITES ANNONCES
Un travail plus fin sur le contenu des petites annonces a été réalisé. Après
avoir extrait une base de données avec les petites annonces et les
informations relatives à celles ci (commune d’origine, catégorie d’objet, prix
éventuel), un travail d’analyse textuelle a été mis en œuvre dans l’objectif
d’établir une typologie des petites annonces sur Internet.
Cette typologie est établie par une méthode d’analyse factorielle et de
classification où sont couplées les données des corpus textuels avec les autres
éléments caractéristiques des petites annonces, notamment le prix des objets
pour le cas des ventes, leurs catégories et le lieu géographique de l’échange.
Les éléments distinctifs des petites annonces seront ainsi dégagés par l’analyse
textuelle.
Ce travail quantitatif sur les petites annonces permettra d’approcher la
question de la relation d’échange. En effet, chaque petite annonce donne des
informations sur la manière dont l’annonceur conçoit l’échange, la manière
dont il se présente, et propose son objet aux individus potentiellement
intéressés. Cette analyse couplée à celle des forums permettra d’illustrer un
ensemble de questions ayant trait à la forme de l’échange et aux règles qui le
régisse.
ETUDE DES FORUMS DEDIES A CES PRATIQUES
De nombreux forums traitent du sujet de ces pratiques d’échanges
alternatifs, un recueil des informations sur divers forums a été mis en place
pour conférer à ce mémoire une approche qualitative. Les forums donnent
des informations sur la manière dont se déroulent ces échanges et permettent
d’éclairer le travail réalisé sur les petites annonces. Les forums rendent
compte également des expériences personnelles des individus, laissant
entrevoir la manière dont se façonnent les règles informelles présidant à ces
échanges, les perceptions et valeurs des différents protagonistes etc..
La limite de l’étude des forums est que nous n’avons pas accès aux
caractéristiques sociodémographiques des individus postant et alimentant des
discussions sur les plateformes. Cependant, cette étude donne des
informations générales sur les enjeux qui animent ces pratiques.
Partie 1. Profils d’annonceurs, arbitrages et
motivations à la remise en circulation des
biens
L’analyse des petites annonces permet tout d’abord de repérer la phase
amont des échanges : quels individus sont concernés par ces activités ? Quels
types d’objets sont remis en circulation ? Quels sont les motifs qui semblent
animer ces différentes pratiques ? Ces questionnements s’appliquent aux trois
types d’échange étudiés et nous invitent à en établir une analyse comparative.
Est-ce les mêmes individus qui pratiquent le don, la vente ou le troc ? Est-ce
les mêmes objets qui sont échangés selon les trois modes de remise en
circulation étudiés ? Est-ce les mêmes motifs qui animent ces différentes
pratiques ? Les données recueillies sont certes limitées pour répondre de
façon exhaustive et indubitable à ces questionnements, mais nous pouvons
constituer un premier panorama de ce qu’il se passe en amont de l’échange et
établir des pistes de réflexion sur les logiques et grandes tendances qui
semblent se dégager de l’analyse comparative.
1 .1 LES PROFILS DES ANNONCEURS
1.1.1 Les profils selon le type d’échange
L’analyse de notre base de donnée nous a permis de lui conférer une
dimension sociologique par l’intermédiaire des informations que l’on a pu
tiré de la commune d’ou proviennent les annonces. En effet, à partir des
statistiques de l’Insee, nous avons recueilli le revenu moyen net fiscal de
référence des communes pour l’année 2009 qui nous donne une indication
du niveau de richesse globale de la commune. Cet indicateur est à prendre
avec mesure car chaque commune possède une diversité de profils sociaux,
mais néanmoins, nous pouvons approcher d’une façon indirecte les
caractéristiques sociales des annonceurs.
Analyser le profil des annonceurs est une démarche qui doit tenir compte
de la manière dont à été construite notre base, c’est à dire en prenant une
proportion égale d’annonces dans chaque types d’échange. Nous avons vu en
introduction que les annonces de vente dépassaient bien largement en
volume les annonces de don ou de troc. L’analyse des profils doit ainsi se
faire en tenant compte de cette disproportion. Cette analyse à un intérêt
particulier dans une démarche de comparaison structurelle pour mesurer les
différences de profils selon les types d’échange, tout en tenant compte des
différences de proportion.
A nalyse comparée par tranches de revenu des communes
Nous allons tout d’abord présenter la base totale analysée en comparant la
structure par revenu des communes des échantillons récoltés sur la base de
3009 annonces par rapport à la structure par revenu de l’ensemble des
communes d’île de France sur la base de 1301 communes. Cette analyse
permet de comparer la structure des profils sociaux pour l’ensemble de ces
échanges alternatifs par rapport aux profils sociaux des communes d’Île de
France.
TABLE 2. Structure par revenu des communes et des annonces
Revenu moyen des communes
Jusqu'à 20 000
De 20 000 à 30 000
De 30 000 à 40 000
Plus de 40 000
Total
Valeur manquante
Total
IDF ( communes)
60 (4,6%)
594 (45,6%)
477 (36,6%)
154 (11,8%)
1285 (99%)
16 (1%)
1301 (100%)
Annonces
368 (12,2%)
1438 (47,8%)
824 (23,3%)
370 (12,2%)
3000 (99,7%)
9 (0,3%°)
3009 (100%)
Source revenu des communes d’Île de France : Statistiques de l’INSEE
Tout d’abord en regardant les effectifs des annonces dans chaque tranches
de revenu, nous pouvons constater que les annonces sont concentrées dans
les tranches de revenu moyennes et particulièrement moyennes inférieures.
Néanmoins, lorsque l’on compare la répartition des annonces à la structure
des communes d’Île de France, on peut constater certaines différences de
représentation dans les tranches de revenu présentées. Pour tous types
d’échange confondus, il existe une surreprésentation en fréquence des
annonces dans les communes de la tranche de revenu la plus faible, et la
tranche moyenne inférieure, ainsi qu’une sous représentation des annonces
dans les communes de la tranche de revenu moyenne supérieure. Ce tableau
ne tient pas compte des différences de proportion entre les types d’échange
dans la réalité, ni de la taille des communes en Île de France. Nous pouvons
néanmoins supposer à partir de ces données que ces pratiques sont présentes
dans une plus grande proportion dans les communes de classe moyennes et
de classes populaires.
Nous allons maintenant comparer la structure des annonces par revenu
moyen des communes, mais selon le type d’échange. Le don s’il est une
pratique philanthropique est-il majoritairement pratiqué dans les communes
riches ? La vente plutôt dans les communes pauvres en la considérant
comme une manière de faire des économies en temps de crise ? Les
hypothèses pour le troc sont plus difficiles, étant donné le caractère
particulièrement novateur de cette pratique tout du moins dans notre période
contemporaine. Ces analyses seront à mettre en parallèle avec les motivations
à la remise en circulation des biens que nous verrons par la suite, ainsi qu’à
l’observation de la structure des objets échangés. Le graphique suivant
synthétise la différence structurelle de répartition des annonces selon les
tranches de revenu des communes et selon le type d’échange en comparaison
avec la structure des communes d’Île de France.
FIGURE 1 Histogramme des tranches de revenu des communes selon le
type d’échange.
#
#
#
#
#
#
#
Nous pouvons remarquer en tenant compte du volume des annonces que
la majorité des annonces se concentre dans les communes de la tranche de
revenu moyenne inférieure (de 20 000 à 30 000). D’autre part, les annonces
dans la tranche de revenu la plus basse sont surreprésentées par rapport à la
structure des communes de l’Île de France, comme le montrait la Table 2.
Cependant, il existe une différenciation selon le type d’échange et selon les
tranches de revenu des communes. La pratique du don semble être une
pratique de classe moyenne à classe moyenne supérieure, et contrairement
aux hypothèses que l’on pourrait avoir sur ce type d’échange elle est
largement sous représentée dans les communes les plus riches. Cela peut
s’expliquer par le fait que les dons analysés dans ce mémoire se font par
l’intermédiaire de sites Internet, et la pratique du don des individus les plus
aisés se fait probablement davantage par d’autres canaux. Les personnes
pratiquant ces dons par le biais d’internet ne sont donc probablement pas les
mêmes que les personnes qui pratiquent des dons aux associations caritatives.
D’autre part, les motivations qui animent cette pratique, ainsi que la nature
des dons n’est probablement pas également la même. Si les motivations sont
écologistes, des études sur ce mouvement montrent que sa base sociale est
principalement constituée de professions intermédiaires et de classes
intellectuelles supérieures10.
La vente est quant à elle moins pratiquée dans les communes les plus
pauvres et davantage dans les communes à revenu moyen comparativement
aux deux autres types d’échange. Elle est par ailleurs surreprésentée dans les
communes les plus riches. Ainsi, comme le soulignait le rapport du Credoc,
les catégories sociales aisées utilisent fréquemment ces sites internet pour
réaliser des ventes. Mais contrairement à leurs conclusions, la répartition en
proportion d’annonces que présente ce graphique montre que la majorité des
annonces proviennent de communes à revenus moyen médian, et
particulièrement médian inférieur. Cela peut s’expliquer par le fait que le site
Leboncoin.fr ne fonctionne pas de la même façon que le site Ebay par
exemple et est donc plus accessible aux populations à revenus plus modeste.
Enfin, le troc est surreprésenté dans les communes à tranches de revenu
les plus faibles, et sous-représenté dans les tranches de revenu les plus élevées
comparativement aux deux autres types d’échange. Comme le montre
Mariana Luzzi dans son ouvrage sur les clubs de trocs en Argentine11, ces
pratiques et leur « potentiel en tant qu’instrument pour faire face aux
difficultés économiques (…) les ont situés parmi les phénomènes suscités par
la crise ». Ainsi, le troc se pratiquerait davantage dans une perspective de
restriction économique et concernerait donc davantage les milieux
populaires.
10
Brendan Prendiville, « L’écologie, la politique autrement ? : culture, sociologie et histoire des
écologistes », l’Harmattan, 1993.
11
Mariana Luzzi, « Réinventer le marché, les clubs de troc face à la crise en Argentine »,
l’Harmattan, 2005
L a particularité des ventes
Un travail supplémentaire a été réalisé sur les petites annonces qui a
consisté en la récolte du nombre d’annonces dans chaque commune d’Île de
France. Ce travail nous a permis de constituer un indicateur : le nombre
d’annonces par habitant dans toutes les communes d’Île de France en
comparant la richesse moyenne par habitant des communes à la population
des communes en 2009. Le nombre d’annonces par habitant est un
indicateur plus précis que le simple volume des annonces, sur le caractère
plus ou moins répandu de ces pratiques selon les communes.
Nous allons tout d’abord présenter graphiquement cet indicateur sur une
carte de l’Île de France. L’intérêt est d’enrichir l’analyse par revenu des
communes, par une analyse géographique permettant de mettre en lien des
modes de vie à des espaces géographique. En Île de France, nous pouvons
opposer les espaces géographiques selon plusieurs critères, en terme
d’urbanité, de ruralité ou de périurbanité, mais également en termes de
richesse.
FIGURE 2. Carte du nombre d’annonces par habitant sur Leboncoin.fr en
Île de France.
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Cette carte semble montrer que le nombre d’annonces par habitant est
moins élevé à la fois à Paris et dans les communes adjacentes à la capitale,
ainsi que dans les communes les plus excentrées de la capitale, c’est à dire les
plus rurales notamment dans les communes les plus éloignées de Seine et
Marne, des Yvelines et de l’Essonne. A l’inverse les taux d’annonces par
habitant les plus forts se concentrent dans une deuxième couronne autour de
Paris laissant supposer que ce sont davantage des espaces périurbains.
Si l’on s’en tient à cette analyse, le mode de vie périurbain, plus éloigné
des villes dynamiques mais pleinement concerné par le mode de vie urbain
pourrait être davantage concerné par la pratique de la vente et de l’achat sur
internet du fait notamment de la distance plus importante avec les centres de
consommation. Les populations résidant dans ces communes ont
généralement un niveau de vie moins élevé que les habitants de la capitale,
possèdent plus souvent des logements plus grands, et se composent davantage
de ménages de type famille avec enfants. A l’inverse les habitants des
communes les plus rurales peuvent être moins concernés par ces pratiques
du fait des caractéristiques sociodémographiques des habitants de ces
communes, avec davantage de personnes âgées. Les résidant des communes
rurales peuvent avoir des difficultés à trouver des acheteurs potentiels dans les
lieux les plus reculés d’Île de France comme le témoigne une internaute
habitant en campagne et n’arrivant pas à vendre ses objets.
Revenons maintenant à la comparaison en termes de revenu des
communes. La carte précédente donne des informations géographiques, mais
nous n’avons que peu d’informations précises sur la variation de notre
indicateur selon la richesse des communes. Le tableau suivant illustre cette
question par une approche inférentielle.
TABLE 3. Tableau croisé du revenu moyen des communes par nombre
d’annonces par habitants pour les annonces de vente.
Revenu moyen par tranche
Jusqu'à 20 000
Effectif
Effectif théorique
Contribution au Khi2
De 20 000 à 30 000 Effectif
Effectif théorique
Contribution au Khi2
De 30 000 à 40 000 Effectif
Effectif théorique
Contribution au Khi2
Plus de 40 000
Effectif
Effectif théorique
Contribution au Khi2
Effectif Total
Nombre d'annonce par habitant
Jusqu'à 0,15
29
14,7
13,9
127
145
2,2
110
116,6
0,4
48
37,7
2,8
314
Entre 0,15 et 0,22 Entre 0,22 et 0,30
17
10
22,9
13,6
1,5
1,0
237
144
225,8
133,9
0,6
0,8
165
116
181,7
107,7
1,5
0,6
70
20
58,6
34,8
2,2
6,3
489
290
Plus de 0,30
4
8,9
2,7
85
88,2
0,1
86
71
3,2
16
22,9
2,1
191
TOTAL
60
60
19,1
593
593
3,7
477
477
5,7
154
154
13,4
1284
Khi 2 à 41,9 p< 0,001 / Phi à 0,181 p< 0,001 / V de Cramer à 0,104 p< 0,001
Ce tableau révèle que le nombre d’annonces par habitant le plus faible se
retrouve plus souvent dans les communes les plus riches à plus de 40 000
euros moyen ainsi que dans les communes les plus pauvres, jusqu’à 20 000
euros moyen. Inversement, le nombre d’annonces par habitant le plus élevé
se trouve davantage dans les tranches médianes de revenu.
Ainsi la pratique de vente sur le site Leboncoin serait plus fréquente dans
les communes à tranches de revenu intermédiaires que dans les communes
très riches ou les communes très pauvres. A l’inverse des conclusions tirées
de l’analyse de notre échantillon, la pratique de la vente n’est pas
surreprésentée dans les communes les plus riches, ni dans les communes les
plus pauvres, mais nous n’avions pas mis en place une approche inférentielle.
Cela s’explique également par le fait que la comparaison dans notre
échantillon avec la structure des communes d’Île de France ne tient pas
compte du nombre d’habitants de chaque commune. En termes de fiabilité
de l’analyse, nous pouvons davantage nous fier au nombre d’annonces par
habitant si nous voulons tirer des conclusions sur la fréquence de ces
pratiques selon les communes.
Ainsi, il semblerait que la vente des objets de seconde main, qui de fait est
l’échange alternatif principalement pratiqué par les populations, soit
davantage une pratique de classe moyenne. La moindre fréquence des
annonces de ventes dans les communes les plus pauvres peut probablement
s’expliquer par les analyses sur la fracture numérique12. Bien que le site
Leboncoin.fr soit plus accessible, la publication d’annonces par Internet peut
néanmoins être un frein pour ces populations modeste ne maîtrisant pas
l’outil informatique du fait d’un déficit de formation scolaire ou
professionnelle.
Concernant la sous représentation dans les communes les plus riches, nous
pouvons avancer l’idée qu’une partie des classes supérieures s’est appropriée
ce mode d’échange alternatif, mais une autre partie, sans doute la bourgeoisie
traditionnelle, ne s’est pas appropriée ces pratiques innovantes et utilise
d’autres canaux pour se séparer de ses objets. Cela peut être mis en parallèle
avec les analyses de Valérie Pietri dans l’ouvrage de Laurence Fontaine ou
elle rappelle que dans l’aristocratie d’Ancien Régime, le fait de porter des
vêtements ou des bijoux de seconde main pouvait être stigmatisé, bien que
l’aristocratie provinciale s’était appropriée davantage la vente des objets de
seconde main. Nous pouvons également évoquer les travaux de Blandine
Mortain sur l’importance de la transmission des biens au sein de la famille
dans les catégories sociales supérieures13 qui peut laisser ouverte la piste d’une
remise en circulation des biens par d’autres canaux que celui d’Internet.
1 .1.2 Qui échange quoi ? Mode de vie et usages sociaux
différenciés
Après avoir fait un aperçu des profils sociaux des annonceurs et distingué
les profils selon les types d’échange, nous pouvons maintenant nous pencher
sur le contenu même de ces petites annonces, à savoir quels types d’objets
sont échangés. Nous pourrons ainsi nous interroger sur une possible
différenciation des catégories d’objets échangés selon les profils sociaux des
annonceurs. En effet, les objets dont on se sépare sont avant tout des objets
que l’on possède et il semble bien probable que les objets possédés ne sont
pas les mêmes selon les catégories sociales. Ainsi, la différenciation sociale
12
Granjon F.«Inégalités Numériques et reconnaissance sociale - Des usages populaires de
l’informatique connectée»., Les Cahiers du numérique, 2009/1 (Vol. 5)
13
Mortain B. « Des biens et des liens. Transmission des objets et inscription lignagère dans le réseau
de parenté » Thèse de doctorat de Sociologie. 2000
des annonces pourra nous donner des informations sur les modes de vie des
annonceurs. D’autre part, nous avons évoqué précédemment l’idée d’une
différenciation des usages selon les profils sociaux et l’analyse du contenu des
petites annonces pourra apporter davantage de précision sur ces questions.
U ne différenciation sociale par modes de vie ?
Nous allons tout d’abord présenter la structure générale de notre
échantillon général quel que soit le type d’échange. Les catégories prises en
compte dans ce mémoire se sont basées sur les catégories déjà présentes sur
le site Leboncoin.fr, et nous avons repris comme base à l’analyse ces
catégories sur le site Recup.net avec quelques modifications. Nous avons
simplifié les catégories très détaillées présentes sur le site, en des catégories
plus globales pour une lecture plus claire. La catégorie Multimédia par
exemple, rassemble les catégories téléphonie, informatique, jeux vidéo mais
nous avons écarté les CD/DVD de part leur faible valeur monétaire qui
peuvent impliquer des enjeux différents dans l’échange comme nous le
verrons en deuxième partie.
Voici donc un premier aperçu des objets remis en circulation, nous avons
distingué quatre grandes catégories d’objets, les objets relatifs à l’équipement
de la maison, les objets multimédias, les objets de divertissement, et les objets
personnels.
TABLE 4. Les différentes catégories d’objets échangés.
Catégories d'objets
Effectifs Pourcentage
Multimédias
1004
33,3
Multimédia
CD/DVD
Cassettes
868
88
48
28,8
2,9
1,6
Divertissement/Hobbies
842
27,9
Livres & Magazines
213
7,1
Jeux & Jouets
Collection
Sports & Hobbies
Bricolage
Jardinage
Accessoires & Animaux
Alimentation/ Gastronomie
Divers_bons
162
142
88
67
63
54
31
22
5,4
4,7
2,9
2,2
2,1
1,8
1
0,7
Objets personnels
632
21,1
Vêtements & Accessoires
Vêtements & Accessoires bébé
Montres & Bijoux
Beauté et soin du corps
435
135
45
17
14,5
4,5
1,5
0,6
Equipement de la maison
531
17,9
Ameublement
Arts de la table
Electroménager
Decoration
Accessoires bureaux
Linge de maison
268
81
77
72
29
4
8,9
2,7
2,6
2,6
1
0,1
TOTAL
3009
100,2
On peut donc constater que la première catégorie d’objet échangée est la
catégorie Multimédias qui rassemble plus d’un tiers des annonces. Viennent
ensuite les objets de divertissement qui rassemblent un autre tiers des
annonces, puis les objets personnels avec 20% des annonces et enfin les
objets relatifs à l’équipement de la maison avec 17% des annonces.
Nous pouvons tout d’abord remarquer que cette répartition hiérarchique
des différentes catégories d’objets ne suit pas réellement une logique
hiérarchique de quantité d’objets possédés, mais relève davantage d’une
logique de cycle de vie des objets.
En effet, la catégorie Multimédias qui est la catégorie la plus représentée,
ne correspond pas aux objets que l’on possède le plus en quantité. Les objets
que l’on accumule le plus sont les objets de divertissement et les objets
personnels. Ainsi, on peut émettre l’hypothèse que le cycle de vie des objets
Multimédias mais également des objets personnels est plus court que celui
des objets d’ameublement par exemple. Ceci reflète le fait que le besoin de
renouvellement est plus fort que pour certains types d’objets que pour
d’autres, nous analyserons cela plus en détail par la suite.
Cependant, ce tableau est à prendre avec mesure car il convient de
rappeler que la vente est largement plus pratiquée que le don et le troc. Ainsi,
s’il existe des différences de structure entre vente, don et troc, ce tableau peut
refléter un biais de proportion s’il l’on cherche à l’interpréter au niveau de la
quantité d’objets échangés.
Nous allons maintenant observer cette répartition des objets échangés selon
les tranches de revenu des communes d’où proviennent les annonces. Les
informations recueillies permettront de nous en apprendre davantage sur le
profil des annonceurs, à savoir quels profils sociaux se séparent de quels types
d’objets ? Cela revient à établir une hypothèse sur des modes de vie
différenciés selon les profils sociaux que révèlerait la mise en ligne des
annonces sur internet.
Le tableau suivant montre la répartition des catégories d’objets échangés
selon le revenu des communes.
TABLE 5. Tableau croisé des catégories d’objet par tranches de revenu des
communes
Tranches de revenus
Catégories d'objets
Jusqu'a 20 000 De 20 000 à 30 000 De 30 000 à 40 000 Plus de 40 000
Total
Objets multimédias
Multimédia
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
146
106,4
6
10,7
3
5,9
449
415,6
34
41,7
24
23
174
238,1
42
23,9
17
13,2
98
106,9
5
10,7
4
5,9
867
867
87
87
48
48
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
22
26,1
19
19,9
10
17,4
2
10,7
5
8,2
5
7,7
83
102,1
89
77,7
79
68,1
38
41,7
34
32,1
35
30,2
56
58,5
39
44,5
41
39
32
23,9
23
18,4
22
17,3
52
26,3
15
20
12
17,5
15
10,7
5
8,3
1
7,8
213
213
162
162
142
142
87
87
67
67
63
63
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
6
6,6
3
3,7
5
2,7
29
25,9
19
14,4
9
10,5
16
14,8
8
8,2
7
6
3
6,7
0
3,7
1
2,7
54
54
30
30
22
22
Effectif
Effectif théorique
Vêtements & Accessoires bébé Effectif
Effectif théorique
Montres & Bijoux
Effectif
46
53
8
16,6
4
190
207,1
58
64,7
16
120
118,7
52
37,1
15
76
53,3
17
16,7
10
432
432
135
135
45
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
5,5
5
2,1
21,6
6
8,1
12,4
4
4,7
5,6
2
2,1
45
17
17
Effectif
Effectif théorique
Effectif
37
32,9
13
124
128,5
41
82
73,6
17
25
33,1
9
268
268
80
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
Effectif
Effectif théorique
9,8
14
9,4
7
8,8
2
3,4
0
0,5
38,3
35
36,9
28
34,5
14
13,4
4
1,9
22
19
21,1
26
19,8
12
7,7
0
1,1
9,9
9
9,5
11
8,9
0
3,5
0
0,5
80
77
77
72
72
28
28
4
4
Effectif
368
1438
824
370
3000
CD/DVD
Cassettes
Divertissement / Hobbies
Livres & Magazines
Jeux & Jouets
Collection
Sports & Hobbies
Bricolage
Jardinage
Accessoires & Animaux
Alimentation/ Gastronomie
Divers_bons
Objets personnels
Vêtements & Accessoires
Beauté et soin du corps
Equipement de la maison
Ameublement
Arts de la table
Electroménager
Décoration
Accessoires bureaux
Linge de maison
Total
Khi 2 = 192 pour une significativité inférieure à 0,001 / Phi = 0,253 / V de Cramer = 0,146
L’analyse comparative avec les effectifs théoriques, révèle que des
catégories d’objets sont surreprésentées ou sous représentées dans certaines
tranches de revenu.
Dans les communes les plus riches, les catégories Vêtements et
Accessoires adultes et bébé sont surreprésentées, tout comme les Livres et
Magazines, les CD et DVD, la catégorie Sports et Hobbies et les Montres et
Bijoux. Dans les communes à revenus intermédiaires on retrouve davantage
les catégories Bricolage, Jardinage, linge de maison, et Alimentation et
Collection. Dans les tranches de revenu les plus basses, on peut observer la
surreprésentation notable de la catégorie Multimédia, mais également dans
une moindre mesure des catégories Electroménager et Arts de la table.
Ainsi, ces différences de structure selon les tranches de revenu des
communes peuvent s’interpréter selon plusieurs logiques. Tout d’abord une
logique de mode de vie, par exemple, la surreprésentation des catégories
Livres et Magazines, CD et DVD, mais également Sports et Hobbies dans les
communes les plus riches peut s’interpréter par le fait que les classes sociales
les plus élevées possèdent ces objets du fait de leurs modes de vie, les loisirs
culturels et les pratiques sportives concernant davantage les milieux aisés. La
surreprésentation des catégories Bricolage et Jardinage ainsi que la catégorie
Collection dans les tranches moyennes de revenu, peut également traduire
des variations de style de vie et de hobbies propre aux classes moyennes,
notamment périurbaines avec la dominance du type d’habitat de la maison
individuelle avec jardin.
U sages sociaux des sites Internet
Le tableau précédent révélait une information plus intrigante qui nécessite
des clés d’interprétation différentes, celle de la surreprésentation de la
catégorie Multimédia dans les tranches de revenu les plus basses. En effet, on
peut supposer que les objets multimédias sont davantage échangés dans les
milieux populaires par le biais de ces sites internet, et que les personnes
issues de catégories sociales plus élevées se séparent de ces biens d’une autre
façon. La question des collections est également à analyser en ce sens, dans la
mesure où les riches collectionneurs n’utilisent pas ces sites internet pour se
séparer de leurs collections, mais le font par le biais d’autres circuits,
notamment la vente aux enchères ou le recours aux antiquaires. Les
collections qui sont échangées par le biais de ces sites internet sont des objets
de collection de plus faibles valeurs, qui s’apparentent davantage aux
collections populaires qu’analyse finement Jackie Goode dans l’ouvrage
Alternative Exchange.
D’autre part, la surreprésentation de la catégorie Vêtements et Accessoires
dans les tranches de revenu les plus élevées, ne signifie pas inéluctablement
que les habitants des communes populaires possèdent moins de vêtements,
mais probablement que ces populations se séparent de leur biens d’une autre
façon, ou encore que seul les vêtements possédant une certaine valeur
monétaire sont échangés par le biais de ces sites internet tout du moins dans
le cas de la vente.
Ainsi, l’interrogation sur la valeur des biens remis en circulation entre en
jeu dans la détermination des profils des annonceurs et des caractéristiques
générales du marché des biens de seconde main. Le tableau suivant présente
les statistiques descriptives des prix permettant de donner une approximation
sur la valeur des biens vendus ou troqués.
TABLE 6. Statistiques descriptives des prix des objets vendus ou troqués
Catégories d'objets
Equipement de la maison
Ameublement
Arts de la table
Electroménager
Decoration
Multimédias
Multimédia
CD/DVD
Divertissement/Hobbies
Livres & Magazines
Jeux & Jouets
Collection
Sports & Hobbies
Bricolage
Accessoires & Animaux
Alimentation/ Gastronomie
Objets personnels
Vêtements & Accessoires
Vêtements & Accessoires bébé
Montres & Bijoux
Moyenne
Mediane
Mode
Minimum
Maximum
278,7
28,9
114,5
52,1
90
10
65
15
100
5
50
10
1
1
1
1
1490
500
500
600
249,6
16,7
200
8
100
5
1
1
3700
190
10,9
16,2
39,3
256,9
216,2
143,3
178,7
6
7
11
90
80
30
67,5
4
1
5
10
1
1
12
1
1
1
1
1
1
12
100
200
350
3000
1290
700
795
40,5
20,9
322,4
15
6
40
10
10
8
1
1
3
1000
250
4500
Nous pouvons avant tout constater que les prix moyens semblent
relativement élevés pour l’ensemble des catégories. En effet, en prenant
l’exemple de la catégorie Ameublement, la moyenne pour un meuble
avoisine les 300 euros, or selon les statistiques de l’INSEE, « le budget
moyen du poste meuble, tous produits confondus, s’élève à 974 euros pour
les ménages juniors, à 1245 euros pour les quadras, et 1415 euros pour les
ménages seniors » . Ainsi, le prix moyen d’un meuble vendu sur
Leboncoin.fr représente presque un tiers du budget ameublement des
14
14
Corinne Marbach, « Le meuble en Kit », Sessi-Service des études et des statistiques industrielles,
Ministère de l’économie, des Finances et de l’Industrie.
ménages juniors. Cependant, le mode et la médiane sont respectivement à
100 euros et 90 euros, ce qui nuance le résultat précédent.
Il en est de même pour la catégorie Vêtements et Accessoires, la dépense
moyenne par habitant en 2006 en France est de 751 euros, et la moyenne des
prix d’un vêtement mis en ligne sur Leboncoin.fr est de 40,5 euros, soit 5%
du budget moyen annuel d’un habitant dans cette catégorie. La moyenne
étant un indicateur fortement influencé par les extrêmes, nous pouvons
nuancer cette information en tenant compte d’indicateurs comme la médiane,
qui se situe à 15 euros. Cependant, nous pouvons néanmoins affirmer que les
vêtements vendus sur Leboncoin.fr se situent dans des tranches de prix
relativement élevées, surtout lorsque l’on compare ces statistiques au
commentaire d’une internaute évoquant le fait que les vêtements de seconde
main dans les vides greniers sont vendus entre 1 et 2 euros pièces, voir à 50
centimes pour certains. Ainsi, les biens vendus sur Leboncoin.fr ne sont
probablement pas les mêmes que ceux vendus dans les vides greniers, mais
on peut également émettre l’hypothèse que les annonceurs cherchent
davantage à obtenir une manne financière de la vente de leurs biens en les
postant sur ce site, qu’en réalisant des vides greniers.
Nous pouvons réaliser ce double constat pour bons nombres de catégories
d’objet, comme les livres ou CD et DVD d’occasions atteignent ici pour les
livres une moyenne de 10 euros et une médiane à 6 euros sachant que le prix
moyen d’un livre selon le Syndicat de la Librairie Française est de 11,50
euros selon une étude de la TNS Sofres. Quant aux CD ou DVD, la
moyenne est à 16 euros, la médiane à 8, sachant que le prix moyen d’un CD
en 2010 est de 13,35 euros selon le Syndicat national de l’édition
phonographique. Ainsi, vendre sur Leboncoin.fr est donc une manière pour
les annonceurs de se séparer de leur bien à un prix bien plus attractif que la
plupart des autres canaux de remise en circulation des biens de seconde
main.
Mais on peut également établir le deuxième constat que les objets mis en
ligne par les annonceurs sont en général des objets ayant une valeur plus
importante que des objets courant pour une même catégorie. On peut à cet
effet prendre l’exemple de la catégorie Alimentation/Gastronomie, qui atteint
une moyenne de prix de 178 euros et révèle que ce sont bien souvent des
produits de consommation alimentaire rares ou de luxe qui sont vendus ce
site.
Un regard sur les valeurs maximales des objets vendus ou troqués montre
que le site Leboncoin.fr peut être l’occasion de réaliser des transactions de
très grande importance, comme le souligne la vente de bijoux à 4500 euros,
et d’objets multimédias à 3700 euros. Ainsi, se pose d’autant plus la question
de la confiance pour les transactions de ce type dans le cadre d’un site de
petites annonces sans encadrement juridique particulier, et sans engagement
de sécurité de la part du site internet hormis les simples messages de mise en
garde, mais ce sujet sera abordé plus en détail dans la seconde partie de ce
mémoire.
Pour mettre en rapport cette analyse de prix des objets mis en ligne à la
question des profils des annonceurs, nous allons maintenant observer la
répartition des prix des objets vendus selon la tranche de revenu de la
commune où réside l’annonceur. Ceci nous permettra de compléter l’analyse
réalisée dans la Table 5 à partir de laquelle nous avons fait le lien entre les
objets mis en ligne et le mode de vie des annonceurs. L’hypothèse intuitive à
confirmer serait celle d’une augmentation linéaire des prix de vente en
fonction de l’augmentation de la tranche de revenu des communes.
Nous avons exclu de cette analyse de prix les annonces de troc car les
valeurs mentionnées pour le troc sont pour une bonne partie des valeurs de
façade où l’annonceur annonce un prix à 1 euros pour remplir la case dans le
formulaire, et ce même s’il souhaite exclusivement réaliser un échange. Le
tableau suivant analyse la répartition des prix des objets vendus par tranches
de revenu moyen des communes.
FIGURE 3. Histogramme des tranches de prix et revenus des communes
pour les ventes
Le tableau ci dessus révèle des éléments qui peuvent sembler assez
paradoxaux. En effet, lorsque l’on porte notre attention sur les annonces
provenant des communes les plus pauvres, nous pouvons observer une sous
représentation des objets dans les tranches de prix les plus basses, entre 1 et
10 euros, une surreprésentation dans la tranche de prix de 10 à 20 euros et
une surreprésentation dans les tranches de prix les plus hautes, au delà de
200 euros.
Concernant les communes les plus riches, on note une surreprésentation
des objets dans les tranches de prix basses de 5 à 10 euros, pour la tranche
de revenu de 30 000 à 40 000 euros, et une surreprésentation de la tranche
de prix moyenne de 20 à 50 euros pour les communes dont le revenu
moyen est supérieur à 40 000 euros.
Ces observations peu intuitives peuvent trouver leur explication dans la
structure des catégories d’objets vendus selon les communes mais également
en tenant compte des prix moyens des objets vendus. En effet, nous avions
remarqué par exemple que les communes les plus riches étaient les plus
pourvoyeuses d’annonces dans les catégories Vêtements et Accessoires,
Livres et Magazines, CD et DVD, qui sont des catégories dont les prix de
ventes moyens sont inférieurs aux catégories d’objets les plus vendus dans les
communes les plus pauvres à savoir les objets Multimédias, et
l’Electroménager.
Ces informations révèlent que la répartition des annonces ne semble pas
suivre une logique linéaire de classe sociale, les catégories sociales les plus
élevée ne se séparent des biens les plus couteux par le biais de ces sites
internet, or c’est une pratique que réalisent les habitants des communes les
plus pauvres.
Ainsi, les catégories d’objets vendus ainsi que leur prix nous ont informé
sur les profils sociaux des annonceurs mais également sur les usages
spécifiques que font les internautes de ces sites internet selon les profils
sociaux.
Nous avons pu voir que les catégories d’objets vendus reflètent en partie ce
que possèdent les différentes catégories sociales selon une logique de mode
de vie différencié. Le cas particulier de la vente sur le site Leboncoin dénote
que les objets mis en ligne sont vendus à des prix bien plus attractifs pour les
annonceurs par rapport aux brocantes par exemple, mais également
probablement que les annonceurs se séparent des biens en leur possession
ayant le plus de valeur monétaire. C’est l’exemple qu’illustre Suzan Porter
Benson15 lorsqu’elle évoque le cas de cette famille populaire américaine qui
avait acquis un piano dans une période économique faste, et dont ils ont dû
15
Suzan Porter Benson, « What Goes’Round comes ‘Round », Second Hand Clothing, Furniture and
Tools in working-class livres in the interwar USA. In Laurence Fontaine, Alternative Exchange,
Seconde Hand ciruclations from the Sixteenth Century to the Present. Bergahan Books.
se séparer suite à une perte d’emploi. Ainsi, les biens ayant le plus de valeur
sont les premiers dont on se sépare en cas de difficultés économiques.
Enfin, le cas des objets Multimédias est illustratif d’une différentiation dans
les usages sociaux de ces sites internet, puisque ces objets sont
majoritairement vendus dans les communes les plus pauvres. Ainsi, les
échanges nécessitant le plus de prise de risque, et donc ayant un caractère
plus novateur en terme d’usage social semble davantage être appropriés par
les milieux les plus modestes. La séparation des biens de valeurs par les
catégories les plus aisées se font probablement par des canaux différents et
peut être plus sécurisé que par le biais de ces sites internet.
P rofils de vendeurs
Selon les motifs de la vente, l’annonce peut correspondre à une vente
ponctuelle, ou à la vente d’un grand nombre d’objets. L’étude du site
Leboncoin.fr nous a permis de mettre en lumière une pratique par laquelle
les personnes ayant un nombre important d’annonce mettent en place une
technique pour que les acheteurs repèrent l’ensemble de leurs annonces
grâce au système de fonctionnement du moteur de recherche. En mettant un
nom de code présent dans chacune de leurs annonces, les annonceurs
permettent aux acheteurs de retrouver l’ensemble de leurs objets mis en
vente. Ceci m’a permis de repérer des profils de vendeurs.
Le tableau suivant est un aperçu de quelques profils de vendeurs dégagés
sur le site Leboncoin.fr par le biais de cette méthode. Nous avons pris
comme information le pseudonyme de l’annonceur, mais comme le montre
le tableau, il ne donne pas ou peu d’informations sur le sexe de l’annonceur.
Nous avons également ajouté la tranche de revenu moyen de la commune
d’où proviennent les annonces, le nombre d’annonces totales mises en ligne
par l’annonceur ainsi que les prix totaux et moyens pour chaque catégories
d’objets mis en ligne.
TABLE 7. Quelques profils d’annonceurs dégagés sur Leboncoin.fr
Quelques profils d'annonceurs
Pseudonyme
Ville
Les dressings de marque
Tranche de revenu
Liloo 75
De 20 000 à 30 000 Vêtement et accessoires
Multimédia
TOTAL
Paris 75010
Type d'objet vendu
Nb d'article en ligne Prix total
Prix moyen
44
2
46
989
68
1057
22,5
34,0
23,0
334
4
18
6
362
5250
52
401
140
5843
15,7
13,0
22,3
23,3
16,1
De 20 000 à 30 000 Vêtements et accessoires
Vêtement et accessoires bébé
Jeux et Jouets
Decoration
TOTAL
482
74
32
58
646
870
94
57
206
1227
1,8
1,3
1,8
3,6
1,9
Jusqu'à 20 000
Decoration
DVD/CD
Livres
Collection
Linge de maison
Jeux et Jouets
Vêtement et accessoires
Montres et bijoux
Arts de la table
Accessoires et bagagerie
Ameublement
Vêtement bébé
TOTAL
62
2
12
10
4
4
9
8
23
4
6
1
145
634
2
44
87
15
24
86
71
202
35
65
5
1270
10,2
1
3,7
8,7
3,8
6,0
9,6
8,9
8,8
8,8
10,8
5,0
8,8
Ameublement
Decoration
TOTAL
7
3
10
5080
2250
7330
725,7
750,0
733,0
23
980
42,6
L'importance des vêtements bébé dans un budget
Rick91
Etampes
Jusqu'à 20 000
Vêtements et accessoires bébé
Arts de la table
Vêtement
Jeux et Jouets
TOTAL
Les dressings aux prix brocantes
Titi77
Faremoutiers
Leboncoin à la façon d'un vide grenier
gely
Pantin
Les brocanteurs d'antiquité ou d'objets designs
Roque
Paris 75016
Plus de 40 000
Une "Brocanteuse" de porcelaine ancienne
Nathalie
Champigny sur Marne De 20 000 à 30 000 Arts de la Table
Tout d’abord, en regardant globalement l’ensemble de ces profils bien
qu’ils soient très divers, on observe que le montant total des objets mis en
ligne par ces annonceurs atteint des sommes toujours très importantes et qui
dépassent généralement les 1000 euros. Cependant, cette somme n’est pas
atteinte avec le même nombre d’articles pour ces différents profils et l’on
peut faire une deuxième constatation qui est le cas des annonceurs ayant un
nombre considérable d’objets mis en ligne. C’est le cas de « titi77 » qui a mis
en ligne 646 annonces, ou de Rick91 qui a en ligne 362 annonces. Cela révèle
le fait que certains annonceurs consacrent un temps conséquent à la mise en
vente des objets de leur quotidien et sont donc des individus ayant un certain
temps disponible à consacrer à ce que l’on peut considérer comme une
« activité » en soi.
Ces profils de vendeurs peuvent révéler non seulement les profils sociaux
des annonceurs, mais également la manière dont est utilisé le site Leboncoin
par les différents vendeurs.
En effet, les vendeurs qui ont plusieurs objets en vente s’opposent sur la
valeur des objets mis en vente lorsqu’il s’agit de catégories d’objets
comparables. En effet, les vêtements sont parfois vendus à des prix très faible
(1-2 euros la pièce) c’est le cas de « titi77 » qui vend plus de 400 vêtements à
une moyenne unitaire de 1,8 euros. Mais d’autres annonceurs vendent leurs
vêtements bien plus cher à l’unité, ce qui est le cas des « dressing de
marque », comme « liloo75 », ou « Rick91 » qui vendent des vêtements
adultes et bébé à des prix moyen entre 15 et 20 euros l’unité. On peut donc
voir pour le cas des vêtements une opposition entre des annonceurs qui
pratiquent des prix que l’on peut trouver dans les vides-greniers, aux
annonceurs qui vendent beaucoup plus cher leurs vêtements. Dans le cas de
« rick91 », la simple vente des vêtements et accessoires pour bébé représente,
s’il parvient à tout vendre, un budget particulièrement conséquent de 5250
euros.
On peut repérer également comme profils les brocanteurs, qui vendent des
objets ou mobiliers anciens et utilisent ces sites internet pour écouler des
stocks. Ces derniers possèdent par ailleurs parfois des boutiques, parfois non,
le domicile étant un lieu de stockage pour se lancer dans le métier par la
suite. Le profil de « Roque » correspond à ce type de brocanteur qui vend des
mobiliers et de la décoration de type antiquaire ou design.
A l’opposé des brocanteurs, on retrouve des profils de vendeurs qui
mettent en ligne une grande diversité d’objets de la maison, du bibelot à 1
euros au meuble atteignant plusieurs centaines d’euros, en passant par les
vêtements enfant sous le modèle de la brocante mais à des prix qui semblent
plus élevés que ceux pratiqués dans les vides greniers. C’est le cas de « gely »
qui vend tout un panel d’objets de la maison, et d’objets personnels à des prix
moyens avoisinant les 10 euros pièces. La majorité des objets vendus par cet
annonceur est de faible valeur, mais quelques objets plus rares sont vendus à
des prix plus importants.
Ces différents profils de vendeurs correspondent aux diverses motivations
dans l’utilisation de ce site internet, même si le cas des « brocanteurs » est à
part sous cet angle car nous pouvons considérer cette activité comme une
activité réellement lucrative et en un sens semi-professionnelle.
Ainsi, comme le montre Mélanie Roustan16 « s’il existait autrefois des
réseaux d’occasion distincts – antiquaires, seconde main, collections en
particulier –, Internet fédère tous ces marchés en un seul ». En conséquence,
nous pouvons admettre que l’utilisation du site Leboncoin peut s’interpréter
16
Roustan M. « Acheter d’occasion sur internet. Parcours de consommateurs, vies d’objets » Cahier
de recherche n°239. Credoc, 2007
selon les cadres des analyses des autres sites internet de vente de biens de
seconde main, à la différence qu’il semble être utilisé par des profils
d’annonceurs sensiblement distincts.
Aux vues des différents profils d’annonceurs nous pouvons présumer que
les échanges ne se déroulent pas de la même façon pour tout le monde. Nous
pouvons prendre l’exemple de ce brocanteur à la fois présent sur Leboncoin
et sur Ebay. Cet homme explique vendre pour cause de départ en retraite, et
se défait donc de son stock d’objets anciens. Cette personne prend un style
pour le moins sec et abrupt pour mettre en garde les éventuels acheteurs de
la conduite à adopter pour que la vente se déroule comme il le souhaite :
« Je ne suis pas marchand de tapis et ne fais pas vide grenier, ni farfouille
tout à un euro, dernièrement, un « client » s’est présenté pour enlever et
payer un objet qu’il m’avait réservé (pendant 15 jours), objet à 450,00 euros,
a pris une heure de mon temps pour ausculter l’objet sous tous les angles, et
finalement pour essayer de l’obtenir à 150,00 euros en insistant très
lourdement, j’ai donc ouvert la porte à mes chiens pour qu’il essaye de les
convaincre, et comme disait notre toujours regretté Coluche « c’est que ça
bouffe un Doberman », alors imaginez plusieurs … »
Cet individu dans la catégorie des brocanteurs décrit sèchement sa façon de
concevoir la vente, et qu’il ne souhaite pas être confondu avec d’autres profils
d’annonceurs qui vendent à des prix modiques et acceptent le marchandage,
pratique que nous étudierons en deuxième partie. Nous pouvons donc
constater que certains individus semblent utiliser le site dans une démarche
qui consiste à se débarrasser le plus possible de ses objets inutiles à la façon
d’un vide grenier. D’autres utilisent ce site de façon plus lucrative, mais dans
tous les cas, les revenus que peuvent tirer les annonceurs de l’ensemble de
leurs objets atteignent des sommes très conséquentes, ce qui montre comme
l’analyse Ana Perrin Heredia dans son étude sur les budgets des milieux
populaires que la vente des biens de seconde main peut représenter une
manne financière conséquente.
Pour approfondir ce cas particulier de la vente des biens de seconde main,
nous pouvons interroger le lien à établir entre cet échange marchand informel
et la question de la production domestique. En effet, comme nous l’a montré
l’analyse des catégories de vendeurs, nous avons remarqué que certains
vendeurs mettent en ligne un nombre considérable d’annonces. Ainsi, ce
« temps domestique » consacré à la mise en ligne des annonces, mais
également au dialogue et à l’échange de l’objet peut être considéré comme un
temps de production domestique comme l’analyse Florence Weber17dans les
activités d’autoproduction alimentaire. Mais à la différence du cas étudié par
Florence Weber, c’est un temps de production domestique dédié à l’échange
marchand. Ainsi, l’activité de mise en vente des objets de l’espace domestique
peut être dans un sens être considérée comme une activité domestique à part
entière, mais directement rémunératrice et quantifiable sur un plan
monétaire, comme le témoigne certains internautes qui tiennent des carnets
de comptes pour mesurer l’ampleur des bénéfices tirés de leurs vente. Ce
type particulier d’échange peut comme le jardinage être également une
activité domestique comportant une dimension ludique tout du moins pour
certains vendeurs, celle de « jouer au marchand », comme l’analyse
Dominique Roux18 dans son étude sur les brocantes à propos des
consommateurs, mais qui pourrait également s’appliquer aux vendeurs.
Ainsi cette partie sur le profil des annonceurs nous a permis de dégager
certaines pistes sur les tendances qui semblent guider ces pratiques sur
internet. Nous avons vu que l’ensemble des catégories sociales était
représenté, mais la classe moyenne semble davantage concernée par cette
pratique. Le don tend à être davantage présent dans les communes plus
riches, tout comme la vente, et le troc davantage dans les communes plus
pauvres. D’autres part, l’analyse des objets mis en ligne peut être s’interpréter
à la fois comme suivant une logique de mode de vie mais elle peut également
se comprendre en terme d’usages sociaux différenciés de ces sites internet, si
l’on considère que la remise en circulation des objets peut se faire part bien
d’autres canaux que la mise en ligne sur ces sites internet. Nous devons
également prendre avec prudence notre indicateur de richesse des
communes comme indicateur du profil social du fait du possible phénomène
« d’Ecological Fallacy » que nous avons évoqué en introduction.
Nous allons maintenant sortir de cette analyse des profils pour nous
intéresser aux motivations qui peuvent animer ces pratiques en adoptant une
perspective comparative entre les trois modes d’échange étudiés.
17
Florence Weber, Réduire ses dépenses, ne pas compter son temps, comment mesurer l’économie
domestique ? . Genèses, 25, 1996, pp 5-28.
18
Roux D. « Les brocantes : ré-enchantement ou piraterie des systèmes marchands » Revue
Française de Marketing, 201, 63-84. 2005
1 .2 Les arbitrages entre les types d’échange et les
motivation à la remise en circulation des biens
Cette question des profils et des caractéristiques sociales des annonceurs,
mène à la celle des arbitrages, comment les individus choisissent entre les
différentes formes de remise en circulation des biens ? L’angle d’approche
est ici primordial, nous nous focaliserons d’une part sur l’objet en soi qui par
ses propriétés peut être à l’origine d’arbitrages distincts, mais nous porterons
également notre attention sur l’individu, ses valeurs, son parcours qui peuvent
expliquer les préférences individuelles entre les différentes alternatives. Les
individus ne se posent pas forcément la question de savoir quels objets vont
être donnés, vendus, ces choix peuvent apparaître comme des évidences
reflétant des normes plus ou moins intériorisées. La question de l’arbitrage
doit être prise en compte dans le sens d’un éventail plus large de choix qui se
présentent à l’individu, pas seulement de vendre, d’échanger ou de donner,
mais également de conserver, ou encore de jeter. D’autre part, comme nous
l’avons évoqué plus haut, d’autres canaux de distribution existent pour
remettre en circulation ses objets et notre étude n’aborde qu’une partie des
alternatives qui peuvent se poser à l’annonceur. La disproportion entre vente,
don et troc est également à mettre en perspective dans cette analyse, mais ne
reflète peut être pas entièrement les pratiques réelles de l’ensemble de la
population puisque cette étude se focalise sur les pratiques sur Internet.
Cette problématique des arbitrages est également à mettre en parallèle avec
les motivations que peuvent avoir les annonceurs à se séparer de leurs objets
et qui ne sont sans doute pas les mêmes selon le type d’échange choisi.
Interroger les motivations des individus consiste tout d’abord à savoir pour
quelles raisons les individus se séparent de leurs objets, et estiment n’en avoir
plus besoin, ou du moins que la satisfaction que leur procure l’objet ne
compense par l’avantage de s’en séparer. Les motifs peuvent se trouver dans
des bouleversements ponctuels de la vie domestique tel que les
déménagements, ou mise en couple. D’autre part, certains objets ont par
nature une durée d’usage limitée, comme les vêtements d’enfant. Cependant,
la volonté de se séparer des objets peut concerner des objets qui peuvent être
encore utiles et correspondre ainsi à une volonté de « faire le vide » chez soi,
de réaliser des économies, ou encore répondre à une demande de
nouveauté, de renouvellement, plus ou moins liée à une certaine lassitude
envers ses objets.
Nous présenterons en première partie une analyse qui prend pour point de
départ l’objet, sa nature, sa valeur, son caractère plus ou moins désuet ou au
contraire à la mode, comme indicateurs plausibles des arbitrages que peuvent
réaliser les individus. Nous analyserons ensuite les motivations plus
individuelles pouvant expliquer la remise en circulation des objets et les
alternatives qui se posent aux annonceurs et dont nous pouvons déceler
l’origine non pas dans le rapport à l’objet en soi mais en rapport à des
normes, des valeurs, ou des situations socio-économiques et familiales.
1 .2.1 La structure des échanges : une logique de cycle de
vie ?
Quels types d’échange choisir pour remettre en circulation ses objets ? La
mise en vente est le choix le plus usité lorsque l’on regarde comparativement
le nombre d’annonces des sites de ventes de biens de seconde main
comparativement aux autres formes d’échanges, mais n’y a-t-il pas des
différences structurelles selon les catégories d’objets échangés ?
L’analyse comparative des échantillons récoltés permet d’appréhender
davantage les différences de structure entre les types d’échange et donc d’une
certaine façon les arbitrages qui peuvent être réalisés.
TABLE 8. Structure des annonces selon les catégories d’objets et le type
d’échange
Catégories d'objets
Multimédias
Multimédia
CD/DVD
Cassettes
Divertissement/Hobbies
Don
205 (19,8%)
133(12,9%)
24(2,3%)
48(4,6%)
341 (33%)
Vente
154 (15,2%)
105(10,3%)
49(4,8%)
0
266 (26,2%)
Troc
645 (67,2%)
630(65,6%)
15(1,6%)
0
235 (24,5%)
124(12%)
47(4,5%)
19(1,8%)
9(0,9%)
29(2,8%)
61(5,9%)
6(0,6%)
24(2,3%)
22(2,1%)
155 (15%)
75(7,4%)
59(5,8%)
45(4,4%)
40(3,9%)
35(3,4%)
0
8(0,8%)
4(0,4%)
0
420 (41,4%)
14(1,5%)
56(5,8%)
78(8,1%)
39(4,1%)
3(0,3%)
2(0,2%)
40(4,2%)
3(0,3%)
0
57 (6%)
Vêtements & Accessoires
124(12%)
Vêtements & Accessoires béb 14(1,4%)
Montres & Bijoux
0
Beauté et soin du corps
17(1,6%)
Equipement de la maison
333 (32,2%)
Ameublement
187(18,1%)
Arts de la table
43(4,2%)
Electroménager
34(3,3%)
Decoration
36(3,5%)
Accessoires bureaux
29(2,8%)
Linge de maison
4(0,4%)
280(27,6%)
105(10,3%
35(3,4%)
0
175 (17,2%)
70(6,9%)
35(3,4%)
35(3,4%)
35(3,4%)
0
0
31(3,2%)
16(1,7%)
(10(1%)
0
23 (2,3%)
11(1,1%)
3(0,3%)
8(0,8%)
1(0,1%)
0
0
TOTAL
1015(100%)
960(100%)
Livres & Magazines
Jeux & Jouets
Collection
Sports & Hobbies
Bricolage
Jardinage
Accessoires & Animaux
Alimentation/ Gastronomie
Divers_bons
Objets personnels
1034 (100%)
En observant les différences de proportions selon les quatre grandes
catégories d’objets dégagées, nous pouvons tout d’abord constater que ces
trois types d’échange s’opposent non seulement selon la structure dans
chaque catégorie, mais également dans la répartition au sein des catégories.
Le cas particulier du troc est très distinctif d’un mode d’échange très sélectif
et concentré dans une catégorie d’objets en particulier, les objets multimédias
et les objets de collection. A l’inverse, pour le don et la vente, la répartition
entre les grandes catégories d’objets est plus homogène entre les différentes
catégories d’objets même si la structure est différente pour les deux.
D on et vente : entre le monnayable et le non monnayable
Les catégories d’objets donnés qui n’apparaissent pas dans les autres types
d’échange sont particulières, et difficilement monnayables. C’est le cas par
exemple des accessoires de bureaux et fournitures scolaires, des magazines
anciens, des cassettes Audio ou VHS, ou encore des télévisions cathodiques.
Ces objets donnés n’ont en général pas de valeur monétaire soit du fait de
leur faible valeur d’achat, soit de leur ancienneté et leur caractère désuet.
D’autres catégories comme le linge de maison et les accessoires de beauté
n’apparaissent pas dans les autres types d’échange car il est probable que ces
objets ne soient pas monnayables pour des questions d’hygiène. Le don de
bons de réduction n’est également pas non plus monnayable, mais témoigne
d’une volonté de solidarité financière, les donateurs ayant l’intention de faire
profiter les personnes éventuellement intéressées par des réductions sur des
produits qu’ils ne sont pas susceptibles de consommer eux même. Cette
pratique pourrait profiter à la figure du « consommateur malin » que
décrivent Dominique Desjeux et Fabrice Clochard19.
Certaines catégories d’objets sont surreprésentées à la fois dans la catégorie
des ventes et la catégorie des dons. Par exemple le don de mobilier est une
catégorie surreprésentée dans l’échantillon et pourrait largement être
monnayable puisqu’elle apparaît beaucoup dans la catégorie des ventes. Cela
peut s’interpréter par le fait que le don est également une manière d’échanger
d’une autre façon qu’en passant par le marché et montre que la solidarité
peut fonctionner malgré l’attractivité lucrative du recours au marché. Mais
nous verrons par la suite dans l’analyse détaillée des petites annonces que les
objets mobiliers donnés sont bien souvent des objets en état usagé. D’autre
part, les vêtements et accessoires sont également souvent vendus ou donnés,
mais ne sont que rarement échangé. Ceci peut être mis en parallèle avec ce
témoignage d’une internaute sur un forum, qui explique que les vêtements de
marque se vendent sur internet, mais pour les autres il est préférable de les
donner :
« Ne se vendent que si ce sont des vêtements de Marques - sinon ça ne vaut
rien - faites en don à la Croix Rouge ou autres Associations »
Ainsi, tout comme les catégories Arts de la table et Mobilier qui sont à la
fois plus souvent donnés et vendus, une hypothèse suivant une logique de
rationalité économique pourrait être celle d’une différence de valeur
monétaire entre ces différentes catégories d’objets. Ainsi, entre les
porcelaines anciennes très recherchées et à haute valeur monétaire ou bien
les accessoires de table dépareillés le choix entre le don et la vente peut
s’expliquer par une question de valeur.
19
Clochard F. , Desjeux D. « Le consommateur malin face à la crise. Tome 2 Le consommateur
stratège » L’Harmattan, 2013.
L e troc : circulation interne sur le marché de l’occasion des
biens les plus recherchés
Le troc a pour première caractéristique le fait que les individus échangent
leurs objets en se cantonnant au circuit interne du marché des biens de
seconde main. Nous avons vu préalablement que la catégorie du troc est
marquée par une surreprésentation massive de la catégorie Multimédia, des
objets ayant par conséquent une importante valeur monétaire. Le cas du troc
est intéressant puisque dans près de la moitié des annonces un prix est
renseigné par l’annonceur. Cela signifie que les individus sont soit près à
échanger ou vendre leurs objets, soit ils indiquent la valeur monétaire de leur
objet pour établir un échange équitable. Le tableau suivant décrit les
statistiques globales des objets troqués ou vendus :
TABLE 9. Statistiques descriptives des prix des objets échangés
Statistiques
Valide
Manquante
Moyenne
Médiane
Mode
Minimum
Maximum
Centiles
25
50
75
Vente
953
62
82,5
16
10
1
4500
Troc
466
494
251,1
180
1
1
4500
7
16
50
25
180
380
On peut voir à l’aide de ce tableau que les objets vendus ont un prix en
moyenne de 82 euros, mais une médiane à 16 euros. Les quartiles nous
informent que 75% des objets vendus le sont à moins de 50 euros. A l’inverse
dans le cas du troc, la moyenne est de 251 euros et la médiane à 180 euros,
ces chiffres doivent être nuancés puisque nous avons la moitié de la base de
données des annonces de troc où la valeur monétaire n’est pas renseignée.
Ainsi, nous pouvons simplement affirmer que 25% des annonces de troc
comportent des objets dont la valeur affichée est supérieure à 180 euros.
Cette différence de valeur peut s’expliquer par la prépondérance de la
catégorie Multimédia dans les annonces de troc.
Cependant, les annonces de troc ne concernent pas exclusivement des
objets multimédias, on retrouve également dans des proportions relativement
importantes les catégories Collection et Animaux. Le point commun entre
ces trois catégories d’ « objet » (hors « Animaux ») est qu’ils sont très prisés
par certains individus. Entre le dernier Iphone à la mode, et le dernier
magnet d’une collection en vogue, le point commun est qu’ils sont
particulièrement dans l’air du temps.
Ceci révèle que le troc a une place particulière dans le cycle de vie des
objets, les objets les plus à la pointe sont le plus souvent échangés.
Cependant, il s’agit donc bien d’une logique de cycle de vie et non pas
réellement de valeur monétaire puisque par exemple, les catégories comme
les Montres et Bijoux qui ont une grande valeur monétaire ne sont pas
troqués. Cela peut s’expliquer par le fait que les individus se séparant de leur
bijoux souhaitent davantage un retour monétaire qu’un échange d’objet, lié
probablement au caractère personnel des bijoux et également de leur cycle de
renouvellement beaucoup plus long.
A rticuler les différents modes d’échanges selon les objets
Les arbitrages entre les différents modes de remise en circulation
répondent souvent à des logiques qui semblent aller de soi pour les individus.
Toutefois, nous ne pouvons affirmer que les individus pratiquent
exclusivement la vente, le don ou le troc. Comme nous l’avons constaté
précédemment, les logiques qui poussent les personnes à vendre, donner ou
troquer dépendent de plusieurs facteurs et dépendent également des
catégories d’objets dont souhaite se séparer l’annonceur. Ainsi, un individu
peut choisir de troquer son Iphone, de vendre ses vêtements de marque et de
donner ses vêtements de faible valeur. Ceux qui cherchent à se séparer de
leurs objets se trouvent face à plusieurs alternatives, et peuvent trier les objets
selon la destinée qu’ils souhaitent leur accorder.
En effet, le témoignage de cette internaute qui se trouve dans le cas d’un
déménagement montre qu’il est possible lorsque l’on a une grande quantité
d’objets dont on souhaite se séparer de vendre une partie de ses biens qui
sont monnayables, d’en donner une autre partie, de jeter le reste, et de
conserver ce à quoi on est le plus attaché.
Extrait d’un forum sur psychologie magazine « Auriez vous une méthode
pour trier, jeter »
« Je viens de déménager après 18 ans dans la même maison, où mon ex,
mes 3 enfants ont laissé bien des choses...Ce fut dur et salutaire!!! Comme je
partais vers un amoureux déjà pourvu d'un appart' (bien plus petit que ma
maison, et sans garage) peu meublé, j'ai dû me poser quelques
questions...Que garder ? Que donner ? Que jeter, et Que vendre (ça c'est
parce que depuis j'ai lu ou vu des tas d'émissions sur le sujet, j'ignorais mes
"richesses”)(…).Alors ? J'ai commencé par le plus "abondant": les
livres...j'accumulais depuis l'enfance et j'ai 57 ans !!! J'ai décidé de garder
seulement les "livres de chevet", pour les autres, je peux les emprunter en
bibliothèque....alors j'ai donné à des oeuvres. Puis j'ai attaqué les meubles ,
j'avoue que j'en ai donné peu , mon ami en ayant très peu...J'ai réfléchi à qui
ils pourraient servir, à qui ils feraient plaisir...et j'ai donné...etc. Pour les
bibelots...J'ai gardé tous les vinyles que je vais enregistrer sur CD et ...je vais
les vendre : je regrette de ne pas avoir su qu'un commissaire priseur fait les
évaluations orales gratuitement et que tu peux vendre par son intermédiaire:
c'est rapide et valable, je crois! Finalement...je me sens plus "légère"...et je vais
encore donné ou vendre...au bout du compte moins on en a mieux on se
porte...moins de ménage, moins de rangement, plus de place pour vivre,
danser, recevoir, rêver...plus de temps...on cherche moins, on astique
moins...et si tu vend...plus d'argent pour t'offrir massages ou voyages !! »
Cette femme articule donc les différents modes de remise en circulation en
fonction des caractéristiques de ses objets et des opportunités qui se
présentent à elle. On voit qu’elle découvre qu’en vendant une partie de ses
biens elle peut récupérer une somme d’argent utile, mais également le fait de
donner ses biens suscite une réflexion sur les personnes à qui donner, et de
chercher à savoir à qui ses objets pourraient faire plaisir. Cela montre que ce
mémoire n’étudie qu’une partie des modes de remise en circulation des
objets qui peuvent se faire également par réseau interindividuel ce qui par
ailleurs était probablement le mode de remise en circulation majoritaire avant
ce récent engouement généré par les sites internet et le succès des vides
greniers.
La question des ventes pour certaines catégories d’objets notamment les
vêtements nous conduit au phénomène des marques. Certains internautes
affirment que l’on vend sur Internet plus facilement des objets de marque,
c’est le conseil que fourni la personne citée plus haut.
D’autre part, la logique d’arbitrage peut se faire progressivement c’est le cas
de cette internaute étudiante qui cherche à se séparer d’une partie de ses
vêtements :
« Je pensais essayer de les vendre et donner ceux qui ne partaient pas »
Ainsi, les annonceurs ne savent pas forcément ce qui peut être monnayable
de ce qui ne peut l’être et peuvent tenter différentes modalités d’échange.
D’autre part, comme le souligne Laurence Belot dans son introduction du
dossier « La France au miroir du « Bon Coin » », ce sont les usagés qui
façonnent ce site internet et les responsables du site internet s’adaptent aux
comportements des annonceurs en créant nouvelles catégories d’objets, ainsi,
des objets que l’on ne pensait pas pouvoir vendre arrivent à un moment sur le
marché, comme la catégorie « Chaussures » par exemple.
L’ensemble de l’analyse qui a précédé mène à cette logique de cycle de vie
des objets qui semble en partie animer les arbitrages entre les différents
modes de remise en circulation.
L e cycle de vie des objets
L’interprétation en termes de cycle de vie des objets s’est inspirée d’une
présentation lors d’un séminaire de Sociologie de la Consommation20, sur la
sociologie de la mode où nous étudiions les différents types de
consommateurs et le phénomène de diffusion des objets. Nous distinguions
dans cette présentation les individus qui s’offrent les objets à la mode en
premier, nommés les « précurseurs » et les « pionniers », ceux qui se
procurent ces objets dans un laps de temps plus tardif mais qui concerne la
majorité des individus nommés les « conformistes », et ceux qui acquièrent
ces objets bien plus tardivement nommés les « démodés », et les « désuets ».
En reprenant l’analyse réalisée précédemment, nous pourrions transposer
ce raisonnement sur les cycles de diffusion à la remise en circulation des
objets correspondant aux cycles de vie de ces objets. En effet, comme nous
l’avons vu, les objets récents, à la mode ou bien à la pointe de la technologie
sont revendus ou échangés tandis que les objets désuets ou en fin de cycle de
vie seraient davantage donnés. Lorsque l’on prend en considération la
différence radicale d’effectif entre les annonces de ventes et celles de dons ou
de trocs, nous pourrions représenter cette loi par le graphique suivant.
20
Séminaire Sociologie de la Consommation, Thibault de Saint Paul, ENSAE, 2012/2013
FIGURE 4. Les échanges selon le cycle de vie et la valeur des objets
Légende : p = pourcentage / t = temps / v = valeur
En observant les pratiques de dons, de ventes et de trocs, nous pourrions
placer l’usage du troc du côté des précurseurs, notamment dans le cas des
objets derniers cris, celui de la vente au centre de la courbe, c’est à dire les
objets ayant une utilité encore actuelle et concernant la majorité de la
population, une pratique donc « conformiste », et l’acte de don à droite du
graphique concernant les objets dépassés et désuets.
Ainsi, nous nous sommes focalisé dans cette partie sur les objets et avons
dégagé cette logique de cycle de vie qui semble être un facteur explicatif des
arbitrages que peuvent réaliser les annonceurs dans la remise en circulation
de leurs objets. Penchons nous maintenant sur les motivations plus
individuelles qui poussent les individus à se séparer de leurs objets, ainsi que
sur les valeurs associées aux différents types d’échange pouvant également
jouer dans les choix des annonceurs.
1 .2.2 Motivations et arbitrages à la remise en circulation
De nombreuses études interprètent la montée en puissance du marché de
l’occasion comme le reflet d’une situation de consommation contrainte par la
crise économique, mais également par une préoccupation plus grande envers
l’environnement. Cette interprétation est valable tant pour les consommateurs
qui cherchent à acquérir des biens à moindre prix qu’aux annonceurs, tout du
moins les vendeurs et ceux qui pratiquent le troc, qui cherchent soit à obtenir
un complément de revenu soit à consommer de façon plus économe. Ainsi,
vendre ses objets permet en quelque sorte d’obtenir une contrepartie
financière à la séparation des biens qui peut répondre à une nécessité
économique, ou bien simplement à l’idée de ne pas perdre au change. Des
motivations environnementales peuvent également se jouer dans la remise en
circulation des biens, elles semblent être présente dans les pratiques de don
notamment sur les sites internet comme Recup.net ou Donnons.org qui
présentent la politique de leur site comme un moyen de réduire ses déchets.
Enfin, plus généralement, remettre en circulation ses objets peut découler
d’une volonté de faire revivre des objets qui ont été chers à l’individu à un
moment donné. Ceci n’est pas incompatible avec l’idée d’une plus grande
distanciation vis à vis des objets ayant pour l’individu une valeur affective,
lorsqu’on la compare avec l’alternative de conserver ses objets dans son
domicile.
En premier lieu, lorsque l’on analyse les deux millions d’annonces en Île
de France, seul près de 50 000 annonceurs mentionnent explicitement la
cause de la vente. Ce chiffre est calculé en cherchant certains mots types dans
le moteur de recherche du site Leboncoin.fr, notamment les mots « vend
cause » qui est l’énonciateur typique des petites annonces pour annoncer le
motif de la vente. Le tableau suivant présente les types de causes dégagés dans
le moteur de recherche sur l’ensemble de la région Île de France.
TABLE 10. Mots clés relatifs aux motifs des ventes, dégagés sur le site
« Leboncoin.fr »
Les motifs des ventes
Déménagement, Mutation, Départ à l'étranger
Double emploi, Pas l'utilité
Je vide les placards
Trop petit, Trop grand, Erreur de taille
Héritage, Succession
Cadeau
Divorce, Séparation
Naissance
Changement de décoration
Cause non determinée
Total annonce
Effectif
20737
6714
4892
1266
278
496
373
285
146
13189
48376
Pourcentage
43%
14%
10%
3%
1%
1%
1%
1%
0%
27%
100%
Plusieurs motifs « type » ont été dégagés. Il apparaît nettement que les
motifs de type Déménagement , Mutation ou Départ à l’étranger sont les
premiers motifs mentionnés pour les ventes. En effet, parmi les annonces
mentionnant « vend cause + raison » 43% des raisons mentionnées évoquent
le changement de domicile.
Viennent ensuite les motifs de type Double emploi, Pas l’utilité, ou Je vide
les placards, qui révèlent que bien souvent la séparation des objets relèvent
d’une volonté d’évacuer des objets trop grandement accumulé dans son
espace domestique.
Les autres motifs de ventes sont moins fréquemment mentionnés mais
peuvent être évoqués différemment, ou ne pas être mentionnés, par exemple
lorsque l’origine de la vente paraît évident (vêtements pour enfants),
lorsqu’elle est plus floue ou n’est pas motivée par un impératif : changement
de décoration, lassitude, ou bien lorsque le motif est plus délicat ou
personnel comme dans le cas de séparation, de naissance, de succession...
D es changements dans le cycle de vie
Déménagement, divorce, naissance : les ressorts de la séparation des biens
de l’espace domestique correspondent souvent à des changements important
dans le cycle de vie des individus. Les changements de domicile qui peuvent
par ailleurs être originaire d’un divorce, d’une séparation, ou encore d’une
naissance apparaissent comme les premiers motifs de vente renseignés par les
annonceurs.
Tout changement dans le cycle de vie s’accompagne de modifications dans
les possessions matérielles que l’on peut avoir comme l’explique J. Mc
Alexander21. Les divorces, nouveaux emplois, naissance ou autres
changements importants de ce type engendrent une modification de
l’ensemble des possessions matérielles que l’on peut avoir, tout comme les
relations sociales, en fonction de la perception que l’on a de soi même. Ainsi,
le renouvellement des biens matériels, peut correspondre à un besoin de
changement cyclique ou ponctuel lié à un changement d’image des individus.
Ainsi, ce site d’échange est un moyen qui peut se substituer aux anciens
modes de remise en circulation, que ce soit le dépôt vente ou les antiquaires,
ou parfois pour les jeunes adultes, le stockage des biens dans la maison
familiale d’origine ou encore la circulation dans le réseau interpersonnel.
Dominique Desjeux, Anne Monjaret et Sophie Taponnier22 ont étudié ce
moment perturbant que constitue le changement de domicile, qui engendre
une circulation des objets de l’ancien espace de vie et du nouveau et constitue
21
James H. McAlexander « Divorce, the disposition of the relationship and everything », Oregon
State University, 1991
22
Dominique Desjeux, Anne Monjaret, Sophie Taponier, « Quand les Français déménagent :
circulation des objets domestiques et rituels de mobilité dans la vie quotidienne en France » Presse
Universitaire de France. 1998,
des pertes de repère pour les ménages. En effet, le déménagement est
l’occasion de se séparer d’objets du quotidien auxquels les individus étaient
potentiellement attachés, et nécessite d’en acquérir de nouveaux à un
moment précis où les frais financiers liés aux déménagements sont
importants.
Ainsi, les arbitrages entre les différents modes de remise en circulation
dans ce cas de figure peuvent différer selon le profil social de l’annonceur.
Un ménage dont le budget est restreint va probablement davantage chercher
à vendre ses objets pour limiter les frais et les nouvelles dépenses liés au
déménagement. A l’inverse les ménages plus aisés vont peut être davantage se
porter sur le don pour se débarrasser au plus vite des objets les plus
encombrants.
L a vente : entre « stratégie de survie » et complément de
revenu en temps de crise
Le cas spécifique de la vente des biens sur internet peut également être vu
comme un moyen de faire des économies en temps de crise. Il peut
s’interpréter comme une modification des comportements économiques qui
peut concerner toutes les catégories de population. En effet, la vente des
biens lorsque les individus se séparent d’un grand nombre d’objets du
quotidien suite à un déménagement ou simplement un grand ménage peut
représenter une manne financière ponctuelle d’une relativement grande
ampleur comme nous avons pu le voir précédemment. C’est ce que témoigne
cette internaute sur un forum du site aufeminin.com :
« Ceci dit, en une semaine, en vidant nos placard de trucs inutiles, on en est
à quasi 500 euros de vente et avec un déménagement et double loyer devant
nous, ça fait du bien »
Pour certaines catégories de population, la vente même à de très faible prix
peut constituer un apport financier conséquent, c’est le cas de cette
étudiante :
« Ce ne sont pas des marques non ... (à part une paire de chaussure). Mais
j'en ai tellement que même à 2euros pièce ça me ferait un bon revenu (et
étant donné que je suis étudiante ...).
Dans le cadre d’un déménagement, lorsque les anciens équipements
doivent être remplacés pour des nouveaux, la vente des biens est une façon
de réduire les coûts d’acquisition de nouveaux matériels pour l’équipement
domestique, et ce d’autant plus que les vendeurs achètent leurs nouveaux
biens sur le marché de l’occasion également comme l’a analysé le Crédoc en
mettant en lumière le profil des « acheteurs-vendeurs ».
Dans l’ouvrage de Laurence Fontaine23, Renata Ago nous apprend que
dans l’économie d’Ancien Régime, les objets du quotidien étaient considérés
comme une économie potentielle pour le futur dans la mesure où ils
pouvaient être revendu si les besoins financiers s’en faisaient ressentir. Les
objets étaient considérés comme des moyens d’obtenir d’autres choses plutôt
que comme des objets à acquérir et à conserver. Laurence Fontaine analyse
quant à elle le fait que la revente des biens de seconde main pouvait
correspondre à une réaction à une modification de la situation économique
du ménage, notamment des ménages modestes, comme la perte d’un travail.
Cette économie parallèle représentait ainsi pour certains ménages la seule
ressource disponible dans les périodes économiques difficiles ou dans le cas
d’accident de la vie. Par exemple, la vente de vêtement dans l’Ancien Régime
était pour certains une ressource importante. On peut voir actuellement que
cette vente de vêtement est encore très importante puisqu’elle représente 27%
des objets vendus dans notre échantillon. Laurence Fontaine explique dans
son ouvrage24 que « (les vêtements et les objets) sont des richesses comme les
autres, ce que la banalisation de l’objet dans la société de consommation
actuelle nous a fait quelque peu oublier », mais justement ne voit-on pas un
retour de cette considération de l’objet comme une richesse potentielle ?
Le fait de reconsidérer la valeur monétaire de ses biens, même les plus
modiques, peut être illustré actuellement par les chiffres du Crédoc selon
lequel 30% des individus qui achètent un objet envisagent de le revendre.
Ainsi, on peut observer le fait que la facilité qu’apporte ce genre de site
internet pour remettre en circulation ses objets du quotidien permet aux
individus de considérer leurs objets comme une manne financière potentielle
et donc comme une économie possible pour le futur en cas de besoin.
Comme l’analyse Ana Perrin Heredia25, la vente des biens de seconde main
peut permettre aux personnes en difficulté financière d’augmenter ce qu’elle
appelle le « reste à vivre » des ménages populaires, c’est à dire ce qu’il reste
dans le budget de consommation après l’ensemble des dépenses fixes
(logement, facture, crédit..) puisque ces revenus de rentrent pas dans les
revenus fixe que l’on peut comptabiliser. Ils peuvent ainsi être alloués à des
23
Fontaine L., « Alternative Exchanges, Second Hand Circulations from the Sixteenth Century to the
Present ». Berghahn Books, 2008
24
Fontaine L., « l’Economie Morale, Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe Préindustrielle »
Gallimard, 2008.
25
Perrin-Heredia A. « Faire les comptes. Normes comptables, normes sociales » Genèse N°84, p 6992, 2011
dépenses qui elles non plus ne répondent pas aux normes comptables
institutionnelles, notamment tout ce qui a attrait à la consommation
personnelle. Cette analyse est d’autant plus valable lorsque l’on prend en
considération les analyses réalisées précédemment sur les prix pratiqués sur
Leboncoin, qui sont bien plus élevés que dans les brocantes et vide-greniers
et permettent aux personnes ayant du temps à consacrer à cette activité de
mise en vente de récupérer des revenus conséquents et ce quel que soit le
milieux social d’appartenance.
Ces considérations peuvent être mises en parallèle avec la question de
l’arbitrage entre donner ou vendre. Choisir de donner ses biens plutôt que les
vendre est une option pour les personnes ayant les moyens de donner leurs
biens une fois qu’ils ont conscience de leur valeur monétaire. Comme nous
l’avons montré plus haut, la vente des biens sur le marché de l’occasion est
une manne financière qui peut être très importante, pouvant aider un grand
nombre de ménage quel que soit leur niveau social dans les dépenses
quotidiennes sans pour autant être un complément de revenu fixe.
S ’adapter plus facilement aux grandes tendances et au besoin de
renouvellement
Dans le cadre des ventes ou du troc, la montée en puissance de ce type
d’échange peut permettre aux individus de s’adapter plus facilement aux
grandes tendances de la mode et au besoin de renouvellement des biens
courants et permet ainsi d’émettre l’hypothèse que ces nouvelles pratiques
peuvent engendrer une plus grande circulation des objets de l’espace
domestique.
Le cas du troc sur le site Leboncoin.fr est particulièrement illustratif de ce
phénomène. En effet, de nombreux trocs ont lieu dans la catégorie des biens
électroniques ou informatiques, les derniers Smartphones ou ordinateurs à la
mode s’échangent. Le cas du troc qui se fait souvent d’un modèle plus ancien
vers un modèle plus récent moyennant une contrepartie financière, ou bien
encore d’une marque à l’autre, montre bien que tout en se cantonnant au
marché des biens de seconde main, les individus s’adaptent aux grandes
tendances à moindre coût financier.
Le cas de la vente n’est pas aussi explicite, mais néanmoins, vendre son
Smartphone devenu obsolète au bout d’un an est également un moyen
d’obtenir une partie du financement pour obtenir le Smartphone dernier cri.
Ces biens les plus à la mode et à hautes valeurs monétaires ne seraient
probablement pas renouvelés aussi fréquemment pour certaines personnes si
le marché des biens de seconde main n’existait pas.
Ce n’est que très récemment par exemple que les opérateurs mobiles se
sont adaptés à cette demande constante de renouvellement en proposant des
offres de reprises des anciens téléphones contre l’achat d’un nouveau
moyennant une contrepartie financière. Mais en observant les tarifs de reprise
des opérateurs aux tarifs de mise en vente sur le site Leboncoin.fr, le marché
de l’occasion reste toujours plus attractif pour les annonceurs. L’avantage que
proposent les opérateurs, que ne peut garantir ces sites internet est la garantie
de fonctionnement des objets et la sécurité dans l’échange que nous
aborderons en 2ème partie.
Cette idée d’adaptation à la mode peut se retrouver dans d’autres
catégories d’objets lorsque les annonceurs présentent dans les motifs de vente
« je vide mes placards » ou bien pour le mobilier « changement de
décoration ». Le besoin de renouvellement et d’adaptation à la mode qu’il
concerne les objets Multimédias, ou les objets personnels comme les
vêtements ou de décoration semble bien présent dans les motifs de
séparation des biens. C’est ce qu’évoque cette internaute postant sur un sujet
« Que faire de ses vieux vêtements ? »
« Je revends, je donne et j’achète (des vêtements “seconde main” sans
problème). C’est le plaisir de changer, d’essayer du nouveau (même si cela
n’est pas du neuf), et aussi de donner une nouvelle vie à des pièces dont je
me suis lassée, ou sur lesquelles je reconnais mes erreurs »
On voit donc que ces formes d’échanges alternatifs quel qu’ils soient
peuvent répondre d’une logique de renouvellement et refléter peut être une
tendance à l’intensification de la circulation des biens de seconde main. Cette
tendance peut ou non concurrencer le marché du neuf comme l’analyse
Dominique Roux26. Dans certains marchés, le marché de l’occasion détourne
les consommateurs du marché du neuf, mais dans d’autres cas il peut être un
moyen de démocratiser la consommation de certains produits par un effet de
circulation descendante. En effet, les individus ayant les moyens de se payer
certains objets neufs à renouvellement rapide remettent en circulation leurs
biens à plus bas prix et se permettent ainsi d’acheter de nouveau du neuf tout
en donnant les moyens aux individus ayant des revenus plus modeste
d’acquérir ces biens de génération plus ancienne.
26
Roux D. « L’activité d’occasion : menace ou opportunité pour les producteurs et distributeurs de
produits neuf ». Décisions Marketing, 25-35, 2001
V ers une plus grande distanciation de la relation aux objets ?
La possibilité et la facilité d’échange permise par ces nouveaux sites
internet interrogent une modification durable de la relation des individus aux
objets. Se dirigerait-on comme l’affirme Mélanie Roustand « vers une forme
de dématérialisation de la relation aux objets, où les objets sont considérés
pour leur valeur d’usage, et moins pour leur valeur symbolique et identitaire,
attaché de manière univoque à un seul et unique possesseur 27» ? Un cas
illustratif est la prolifération de la vente ou la location des robes de mariée,
vêtement chargé de symbolisme, il ne serait plus qu’un support tant pour le
vendeur que pour l’acheteur. La remise en circulation massive des objets du
quotidien irait-elle à l’inverse d’une tendance à la conservation des objets, en
référence à la thèse de Valérie Guillard sur « la tendance de certains
consommateur à tout garder »28?
Les modifications de comportements sur ce point ne sont peut être encore
qu’embryonnaire, néanmoins, la relation aux objets dans le cadre d’une
remise en circulation est intéressante. Lorsque l’on entend de nombreuses
émissions au moment de fêtes de fin d’année sur la revente des cadeaux de
noël, la question des biens « chaud » et des biens « froids » qu’évoque
Dominique Desjeux29 est un angle d’approche pertinent pour comprendre
une partie des arbitrages, notamment celui qui se réalise entre remettre en
circulation ou conserver ses objets. Comme l’analyse Maurice Godelier30,
dans les sociétés du Pacifique ou l’échange sous forme de dons était très
développé, un aspect que les ethnologues n’avaient pas montré était la
hiérarchisation des objets, entre les objets que l’on garde et ceux destinés à la
remise en circulation.
Le symbolisme attaché à certains objets les empêche d’être remis en
circulation, qu’il soit des biens transmis par des tiers, notamment la famille
proche, ou biens des objets ayant une dimension chargée d’histoire sur notre
propre identité. Cette question a été analysée par Blandine Mortain31 dans le
cas de la transmission des objets de l’espace domestique au sein des familles,
où elle révèle la fréquence de ces pratiques notamment dans les familles
27
Mélanie Roustan, Peut-on parler d’une dématérialisation de la consommation ? Cahier de
Recherche, Credoc, 2004.
28
Valérie Guillard. La tendance de certains consommateurs à tout garder, Thèse en science de
Gestion, université Paris Dauphine, 2009
29
Erner G. avec la participation de Desjeux D. « Le cadeau de mes soucis : comment recycler ses
cadeaux ». France Inter, Emission Service Public, 3 janvier 2013
30
Maurice Godelier. « L’énigme du don ». Champs- Essai, Flammarion. 1996
31
Mortain B. « Des biens et des liens. Transmission des objets et inscription lignagère dans le réseau
de parenté » Thèse de doctorat de Sociologie. 2000.
aisées. Sur ce point, les annonces mentionnant « héritage » ou « succession »
interrogent ce possible renversement de perspective lorsque les annonceurs
se séparent de objets porteurs de l’histoire et des valeurs familiales.
Le fait de remettre en circulation ses objets n’est pas non plus incompatible
avec un certain attachement symbolique, qu’ils soient donnés ou vendus. Ce
point peut être illustré dans cette petite annonce de robe de mariée :
“Donne robe de mariée datant des années 80 avec des très beaux tissus en
piqué blanc + jupon + voile long en tulle bordé de dentelle stockée dans une
cave depuis quelques années, pour personne souhaitant la remettre à neuf.
Je ne peux me résoudre à la jeter “
Cette personne a stocké de longues années cette robe dans son placard
avant de se résoudre à s’en séparer, mais la remise en circulation est comme
elle l’indique dans l’annonce un moyen de lui donner une seconde vie. Cela
entre en résonnance avec l’analyse de Laurence Fontaine32, selon laquelle la
remise en circulation des objets est un moyen « de ne pas jeter nos souvenirs
et notre histoire ». D’autre part, comme l’analyse Jean Claude Beaune33, les
objets aimés ou mal aimés, peuvent avoir une vie propre, circuler même au
sein de l’espace domestique, en étant d’abord visible, puis caché dans les
greniers, les placards, pour finalement sortir de l’espace domestique.
L’annonce de la robe de mariée concerne la vente d’un objet, mais le don
peut s’analyser de la même manière, comme l’illustre cette annonce d’un
bien désuet, un répondeur à cassette, mais qui pourrait faire le bonheur d’un
collectionneur:
“ Vintage répondeur à cassette PANASONIC je ne peux me résoudre à le
jeter, en bon état, prévoir remplacement de la courroie, avec son bloc
alimentation 12V, pour collectionneur, cinéma, premier contact par mail
merci”
Sur le site Récup.net, de nombreuses annonces de ce type sur des lecteurs
cassette, ou autres objets dépassés sur le plan technologique sont présentes.
Donner est ici présenté comme un moyen de ne pas jeter ces objets et donc
de leur donner une seconde vie, même s’ils ne sont plus dans l’air du temps.
Ces objets dépassés peuvent servir tant à des personnes dans le besoin n’ayant
pas les moyens de s’offrir les nouveaux appareils à la mode, qu’aux personnes
nostalgiques des objets anciens, et surfant sur la mode citadine ou néo rurale
de la brocante ou du « vintage ». C’est ce qu’analyse Nicky Gregson et Louise
32
Belot L. avec la participation de Le Goff J. , Fontaine L. , Caillé A. Debonneuil M., Maniglier P.
« La France au miroir du boncoin », Le Monde, 4 Janvier 2013
33
Beaune J-C. Le déchet, le rebut, le rien . Champs Vallon. 1999.
Crewe dans leur ouvrage34, dans lequel ils analysent cette mode du vintage
reposant sur une consommation de plus en plus individualiste et distinctive
qui s’opposent aux consommateurs répondant davantage à des logiques de
stratégie de survie.
Cette question de la distanciation aux objets a été analysée par Barbara
T.Phillips et Trina Sego35, qui rappellent la distinction entre les
consommateurs dans leur rapport aux objets entre les « Packrats » et les
« Purgers ». Les Packarts, seraient ceux qui ont des difficultés à se séparer de
leurs objets du fait de disposition psychologique à un attachement symbolique
aux objets chargés d’histoire, et les Purgers, seraient les individus qui ont
tendance à faire constamment le tri et le vide dans leurs objets du quotidien.
Mais une analyse intéressante montrerait que paradoxalement, ce serait le
profil des Packrats qui aurait davantage tendance à se tourner vers la vente
des objets, du fait que la contrepartie financière est une compensation à la
perte de l’objet dont ils sont attachés, tandis que les Purgers auraient
davantage tendance à se tourner vers des formes de délaissement non
marchand comme le don à des associations caritatives pour se débarrasser au
plus vite des objets sans se soucier du retour monétaire.
Ainsi, la distanciation des objets peut provenir de la contrepartie financière
que peut procurer la vente, mais également simplement de la volonté de faire
revivre ses objets comme dans le cas de dons et révèle parfois une
modification de la relation des individus à leurs objets. Les différents profils
entre donateur et vendeur ne sont pas si facilement identifiables, mais on
peut voir que dans les deux cas, ces nouvelles formes d’échanges peuvent
donner des motivations supplémentaires aux individus les plus attachés à
leurs objets pour s’en séparer.
L e cas du don : conflit de normes entre désintéressement,
solidarité et écologie
Le cas du don est intéressant à analyser lorsque l’on interroge les
motivations des annonceurs. Nous avons vu plus haut qu’il pouvait être
motivé par une volonté de faire revivre ses objets, ou bien simplement de
faire le vide chez soi, mais le don en soi est traditionnellement associé à une
idée de générosité, et ce d’autant plus lorsqu’on le compare à l’alternative de
la vente. Certaines annonces mentionnent en effet que le donataire doit être
34
Nicky Gregson, Louise Crewe, Second Hand Culture, Oxford, 2003.
Barbara J.Phillips, Trina Sego. « The Role of identity in Disposal : Lessons from Mothers’Disposal
of Children’s Possession. » Boise State University, 2011.
35
une association, un étudiant, ou encore, « une personne dans le besoin ».
Ceci nous invite à penser que les anciennes valeurs religieuses de charité, ou
même simplement de philanthropie dans le sens d’une aide des personnes
aisées vers les plus pauvres sont des valeurs qui peuvent être à l’origine de ces
dons sur ces sites internet. Cependant, lorsque l’on regarde les sites internet
dédiés au don, on voit apparaître une autre motivation très actuelle qui est le
don pour des motivations écologiques. En effet, ces sites internet présentent
le don comme une alternative à la production de déchet et incitent les gens à
donner et recycler leurs objets.
Cela illustre peut être le changement récent dans notre rapport aux déchets
qui s’est construit au XXème siècle comme le décrit Suzan Strasser36. En effet,
l’auteure montre qu’avant le XXème siècle, tout objet du quotidien était
réutilisé et recyclé, comme le montre la figure du chiffonnier décrite par
Simone Delattre37 dans le Paris du 19ème siècle. L’arrivée de la culture de la
consommation de masse dans les sociétés occidentales a modifié notre
rapport aux objets du quotidien et a généré une production massive de
déchets non recyclés. Ainsi cette réapparition des pratiques de récupération
et de remise en circulation des objets peut se laisser voir comme un retour
vers des pratiques anciennes, où la récupération des objets et le don étaient
inscrits dans les habitudes.
Cependant, une constatation que l’on peut faire tout d’abord est que les
responsables de ces sites internet considèrent que les donateurs vont mettre
en ligne ce qu’ils considèrent comme des déchets destinés à l’abandon. Nous
pourrions faire un parallèle indirect avec les analyses de l’anthropologue
Mary Douglas38 sur le pur et l’impur, à l’origine des réflexions sociologiques
sur les déchets. Ces sites internet ont pour politique de faire revivre les
déchets, c’est en quelque sorte la politique du recyclage qui s’intègre dans la
mouvance écologiste.
Cependant cette politique peut mener à des situations délicates de conflits
de normes entre la générosité associée au don et les motivations écologistes
de recyclage des déchets. Nous pouvons prendre l’exemple du cas explicite
des annonces dans lesquelles figurent la mention « À venir récupérer avant le
(date) sinon poubelle ». Cette mention qui apparaît régulièrement dans les
annonces a été reprise dans un sujet du forum du site Recup.net et
36
37
Suzan Strasser, « Waste and Want, a social history of Trash », Holt Paperbacks, 1999
Simone Delattre, Les douzes heures noires, la nuit à Paris au XIXème siècle, Albin Michel, 2000.
38
Mary Douglas, De la souillure, Paris, La Découverte, 2001( 1ère édition 1966)
considérée comme choquante par les utilisateurs de ce site, les individus
récupérant les objets étant assimilés à cette idée de récupération des ordures.
D’autre part, cette idée de donner pour ne pas jeter peut être à l’origine de
conflit de normes dans le déroulement même de l’échange. En effet, on peut
prendre l’exemple du témoignage de cette étudiante sur le forum Recup.net
qui raconte ne pas avoir compris l’attitude d’un donateur à qui elle a expliqué
sa situation délicate étant étudiante en difficulté financière, et malgré cela, ce
dernier à mis la priorité de son don à la personne qui viendrait chercher son
objet le plus rapidement. On peut retrouver cette idée dans un grand nombre
de petites annonces de dons portant la mention « au plus rapide » Ainsi, le
don n’est pas forcément une œuvre de charité ou de philanthropie dans le
cadre de ces sites internet qui se réfèrent davantage à la notion d’écologie.
Nous pouvons illustrer ce cas de la norme du don purement écologiste par
le profil qu’a créer un donateur sur le site Recup.net :
« Pour récupérer mes objets :
RV uniquement par mail chez moi et en soirée entre 18h30 et 21h30. RER
E VILLIERS SUR MARNE + 308 OU RER A CHAMPIGNY + 208B ou S
- Arrêt Square Houdon dans les 2 cas. Merci de ne demander que si vous
avez bien compris ce qui est proposé et si vous êtes sur d'être motivé pour
vous déplacer.
Ne pas oublier qu'il faut : 10 secondes pour mettre un objet à la poubelle.
Au moins 2 minutes pour mettre une annonce en ligne. 5 minutes si photo.
Au moins 2 minute par question même en faisant du copier coller d'une
annonce à l'autre.
Ma devise : Mieux vaut une bonne occaze qu'une cochonnerie neuve. Je ne
donne pas par générosité mais parce que je trouve stupide cette logique
consumériste qui veut que pendant que l'un jette, l'autre achète la même
chose. Je ne donne que ce dont je n'ai plus besoin pour ne pas mettre à la
poubelle ce qui peut encore servir et n'hésite pas à essayer de revendre ce
qui peut l'être. Je n'achète en neuf que ce que je ne trouve pas en occasion et
avec la différence j'emmène mes enfants au cinéma ou ailleurs. »
L’exemple de ce profil de donateur est illustratif de ces différences de
normes entre le don par générosité et le don purement écologique qui, bien
qu’ils puissent certainement aller de pairs sont parfois opposés et laissent
apparaître un certain cynisme dans ce type d’échange. Ainsi, à l’opposé du
« don sans calcul » qu’évoque Laurence Fontaine en parlant des valeurs de
l’aristocratie dans l’Ancien régime39, on voit ici un don calculé, mesuré en
temps passé à mettre en ligne l’annonce, considéré comme temps perdu à
faire autre chose. On voit également dans cette citation que ce don
39
Fontaine L. « L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle »,
Gallimard, 2008
écologique est associé à une critique de la société de consommation que nous
avons évoqué en introduction.
D onner ou vendre : question de morale ?
Entre donner et vendre, l’arbitrage relève parfois d’une question de
morale, notamment celle entourant la notion d’argent et de profit. En effet, le
témoignage de cet internaute exprime cette ambiguïté dans laquelle peuvent
se trouver certaines personnes qui souhaitent se séparer de certains biens
matériels :
Extrait d’un forum : « Donner ou vendre “quoi de mieux” »
Q uestion « Je me retrouve avec plein de chose à désencombrer et me
demande quoi en faire réellement? Préparant un voyage et ayant un petit
budget ma première idée est de vendre le maximum de choses à prix pas
trop brader mais après réflexion je me dit que d'une part je n'arriverai peut
être pas à vendre, de deux je n'ai peut être pas besoin d'un plus gros budget
pour mon voyage (suffira de limiter mes consommations) et de trois c'est
plus "moral" et "désencombrant" de tout donner. Qu'en pensez vous ? »
Réponse1. « Salut, je pense que la vente a petit prix permet aussi de ne pas
faire l’aumône, ou en donner l'impression comme lorsque l'on donne a des
personnes dans le besoin. Sinon tu as une autre solution qui te permettra de
faire une petite étude sociologique.je m'explique: tu as donc une autre
solution qui serait de laisser l'acheteur fixer le prix lui même en lui
demandant, s'il était a ta place ce qu'il qualifierait de prix décent.
Réponse 2 « J'aurai envie de dire, ça dépend quoi! Si c'est des objets de
valeurs importantes, il peut être intéressant financièrement d'en vendre, sans
compter que donner des objets de valeur peut gêner certaines personnes. »
Dans cet échange sur le forum, les participants mettent en lumière cette
question de la morale qui entoure les pratiques de don et de revente, selon
laquelle donner serait plus « moral » que de vendre. Cette idée de morale
associée au don se retrouve dans le témoignage de cette auditrice à la radio40
sur une émission abordant la question de la revente des cadeaux de noël.
L’auditrice est scandalisée à l’idée que l’on puisse revendre ses cadeaux et
met en avant l’idée que l’on doit davantage donner que vendre. Ici on peut
rappeler que cette question de la revente des cadeaux de noël qui devient une
pratique de plus en plus courante illustre la frontière floue entre le don et le
marché, les biens revendus sont considérés non plus comme des cadeaux,
entrant dans la logique du don, mais s’insèrent dans la logique de marché en
acquérant une valeur monétaire. C’est ce passage d’une conception à l’autre
40
Erner G. avec la participation de Desjeux D. « Le cadeau de mes soucis : comment recycler ses
cadeaux ». France Inter, Emission Service Public, 3 janvier 2013
qui peut choquer les valeurs de certains comme de cette auditrice. Mais
comme le rappelle Laurence Fontaine, même dans l’économie aristocratique
du don dans l’Ancien Régime41, « les dons pouvait aisément trouver un
chemin vers le marché » qu’elle illustre par un aristocrate qui écrivait dans
son carnet de compte la valeur monétaire des biens qu’il avait reçu par
donation.
Mais nous pouvons voir par cette citation que le don n’est pas non plus un
mode d’échange des plus naturel, comme l’évoque le premier répondant en
montrant le côté péjoratif de l’idée de charité et de faire l’aumône. Cela
montre que la vente à petit prix permet de maintenir les partenaire sur un
pied d’égalité tandis que l’asymétrie du don peut constituer une gêne dans la
relation d’échange, c’est ce que nous aborderons plus en détail dans la
deuxième partie.
Cela entre en résonnance avec la notion de « morale économique » qu’a
étudié Anna Perrin Heredia42 en évoquant le lien, dans son étude un lien
religieux, entre économie et morale. L’auteure montre la tension qui peut
exister entre le fait de vouloir respecter la morale économique qui interdit par
exemple aux femmes musulmanes de prendre des crédits ou d’accumuler de
l’argent et les situations de contraintes économiques liées aux « épreuves de
la vie », mais elle montre également que le comportement économique peut
en soi être emprunt de morale. Dans notre cas, cela peut s’illustrer par le fait
de vendre à des prix « décents» comme l’indique le répondant n°1 ou comme
le mentionnent de nombreux annonceurs qui souhaitent se défaire
rapidement de leur bien : « à débattre dans la limite du raisonnable », qui
montre que dans la vente, chacun peut y trouver son compte.
C onclusion de la première partie
Nous avons donc pu constater dans cette première partie une diversité de
profils sociaux qui pratiquent ces échanges alternatifs bien que les trois types
d’échange ne semblent pas concerner exactement les mêmes types
d’individus. Notre analyse sur les profils est néanmoins à prendre avec
mesure du fait de la limite de nos données et de nos indicateurs.
41
Fontaine L. « L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle »,
Gallimard, 2008
42
Perrin-Heredia A. « Logiques économiques et comptes domestiques en milieux populaires,
Ethnographie d’une zone urbaine sensible » Thèse de doctorat de Sociologie, 2010.
L’analyse comparative nous a permis de dégager une logique de cycle de
vie dans les arbitrages entre les différents types d’échange. Néanmoins, la
vente est le phénomène majoritaire et nous avons dans l’ensemble de cette
analyse comparé le don et le troc à cette pratique de vente qui est largement
dominante. Le fait de considérer les objets comme une richesse potentielle
semble concerner la majorité de la population et explique non seulement la
logique de cycle de vie entre les trois types d’échange que nous avons dégagé,
mais également les arbitrages en la défaveur du don. La faiblesse du troc ne
s’interprète pas de la même manière, mais plutôt par une difficulté à se
détacher du passage par la monnaie que nous allons approfondir dans la
seconde partie.
D’autre part, les normes, les valeurs et les logiques qui semblent motiver
ces pratiques expliquent également cette dominance de la vente, ou l’on voit
par exemple que les arbitrages entre le don et la vente pour des questions de
morale ne sont pas si évidentes et que le passage par le marché pour se
séparer de ses biens semble être paré d’une certaine légitimité, même une
légitimité « morale », dans un contexte économique difficile où les individus
prêtent davantage attention à leur façon de consommer et de gérer leur
budget. Ceci nous amène à ce que Laurence Fontaine appelle la
« moralisation du marché »43, ou l’on voit que le marché peut, s’il est régulé,
être considéré comme un moyen de démocratisation dans l’accès à la
consommation pour les catégories sociales les plus modestes.
Nous allons maintenant aborder dans la seconde partie de ce mémoire la
façon dont se déroulent ces échanges en interrogeant la nature même de ces
échanges sur Internet, et les structures de régulation de ces différents types
d’échange que façonnent les particuliers par leurs expériences.
43
Fontaine L. « Le marché, histoire d’une conquête sociale », Gallimard, 2014
Partie 2. Les formes de remise en circulation
et la relation d’échange
Après nous être penché sur la phase amont de l’échange, le descriptifs des
annonceurs, leurs motivations et les différents choix qu’ils opèrent dans la
remise en circulation de leur bien, nous allons maintenant nous intéresser au
moment même de l’échange, c’est à dire à la façon dont se déroulent ces
échanges entre particuliers en dehors des règles juridiques, commerciales, ou
associatives, qui peuvent encadrer ces pratiques. Les sites internet ont certes
une marge de manœuvre dans le contrôle des annonces mises en ligne, mais
celle ci est très limitée dans les sites que nous avons étudié et le déroulement
et les règles de l’échange sont laissées en grande partie aux mains des
différents protagonistes. Ceci nous permettra d’approcher une analyse des
échanges marchands et non marchands dans le cadre spécifique d’Internet
dans un contexte très particulier où il n’y a pas d’instance de régulation
supérieure, et nous permettra de nous interroger sur la nature même de ces
échanges. Notre méthodologie s’est appuyée sur l’analyse textuelle des petites
annonces que nous étudierons dans un premier temps, puis nous
approfondirons notre étude par une analyse plus qualitative avec notamment
l’apport de l’étude des forums sur Internet.
2 .1 Etude de la relation d’échange par analyse
textuelle
Cette partie de l’analyse statistique est portée spécifiquement sur l’analyse
du contenu des petites annonces par les méthodes de l’analyse textuelle. Le
logiciel utilisé pour réaliser les analyses est Iramuteq, un logiciel libre qui
fonctionne sur la base du logiciel R.
L’analyse textuelle consiste en plusieurs éléments. Tout d’abord repérer les
associations courante de termes au sein même des petites annonces par la
pratique d’un découpage des petites annonces en plusieurs segments de texte,
c’est ce qu’on appelle l’analyse des similitudes. Mais l’analyse textuelle
permet également de repérer les ressemblances de vocabulaire entre les
petites annonces pour parvenir à réaliser des typologies par la méthode de la
classification. Par cette méthode, l’analyse du contenu des petites annonces
est complétée par des variables associées à ces dernières permettant de
repérer les facteurs annexes pouvant influencer cette classification.
Le travail réalisé repose sur une base de données globale d’environ 2700
annonces composée de petites annonces et complétée par des variables
associées à chacune d’entre elles. Les variables sélectionnées sont le revenu
moyen de la commune de l’annonce par tranche, la catégorie d’objets mis en
ligne, le prix des objets pour celles pour lesquelles il est mentionné et le
département d’où provient la petite annonce.
L’analyse va permettre entre autre de répondre à la question de savoir si les
formes des petites annonces s’opposent selon le type d’échange, mais
également de repérer les formes et associations de termes récurrentes dans
l’ensemble des petites annonces. Les variables associées dans l’élaboration de
la typologie vont permettre de mieux comprendre les oppositions, si elles se
font davantage selon le type d’échange ou selon la catégorie d’objets par
exemple, mais encore de repérer l’influence possible des critères de prix et
de revenu moyen.
2 .1.1 Analyse des similitudes
Dans le graphique ci-dessous, la taille des branches reliant les différents
mots est proportionnelle à la fréquence des associations entre les mots, la
taille des mots est également proportionnelle à la fréquence à laquelle ils
apparaissent dans la base.
FIGURE 5. Graphique analyse des similitudes
L’analyse de ce graphique permet tout d’abord de repérer les trois types
d’échange qui apparaissent distinctement dans la base. Les termes « vendre »
« donner » et « échanger » sont souvent des termes d’introduction aux petites
annonces.
D’autre part, le mot « Etat » est le plus fréquent dans la base. On peut
repérer dans les associations les plus proches de ce terme des adjectifs
comme « impeccable », « excellent » « très » « bon ». La qualification de l’état
de l’objet mis en ligne est essentielle dans l’ensemble des annonces quel que
soit le type d’échange, ce qui paraît logique dans des échanges de biens de
seconde main, mais en regardant la taille des branches reliant ce mot aux
autres, on remarque qu’il est davantage associé aux mots « vendre » et
« échanger » qu’au mot « donner ». Ainsi, on peut émettre l’hypothèse que
la mention de l’état de l’objet est moins souvent considérée comme une
nécessité dans le cadre d’un don que dans le cadre des ventes ou des trocs.
Lorsque l’on regarde plus précisément les termes associés les plus
fréquemment aux différents types d’échange, on peut remarquer certaines
régularités significatives.
En effet, dans le cas du don, les termes «
venir »,
« chercher », « retirer » « prendre » « place », indiquent que le don se
pratique le plus fréquemment par une remise en main propre au domicile de
l’annonceur. Le terme « heure », que l’on retrouve à cet endroit, montre
également que les annonces de don comportent davantage de conditions
précises sur le moment et le lieu du retrait.
Dans le cas de la vente, les termes les plus fréquemment associés se
divisent en trois groupes.
Tout d’abord des termes relatifs au prix de vente : « ferme »,
« négociable » « débattre ». On découvre ici la pratique de la négociation et
du marchandage dans le cadre des petites annonces, où l’on voit que certains
annonceurs y sont ouverts, d’autres n’y sont pas. La mention fréquente de ces
termes dans l’annonce, que ce soit pour indiquer que l’annonceur y est
opposé ou y est ouvert révèle en tous les cas que c’est une pratique courante
pour les consommateurs.
D’autre part, on retrouve des termes associés aux prix d’achat et à la valeur
du bien mis en vente (« acheté », « valeur »), ce qui montre que d’une part, le
prix affiché de l’objet mis en vente est comparé au prix du neuf, montrant
ainsi la plus ou moins grande attractivité de cet achat d’occasion par rapport
au neuf. Mais on peut également remarquer que cet élément, le prix d’achat
ou la valeur, est indiqué par l’annonceur sans vérification possible, hormis les
cas où l’objet est encore en vente dans le marché du neuf et dans les cas où
l’annonceur indique qu’il dispose de la facture d’origine. Ainsi, l’indication du
prix d’achat peut apparaître comme une attraction supplémentaire des
potentiels acheteurs, mais sous la simple garantie de la parole des
annonceurs.
Enfin, une dernière catégorie de termes associée à la vente est la mention
de la cause de la vente, ou l’on voit ici qu’elle est associée au terme
« déménagement ». Cette mention de la cause présente dans les ventes et
non dans l’échange ou dans le don montre tout d’abord que par rapport à
l’échange, la cause n’est ici pas explicite puisque dans l’échange les individus
se séparent d’un bien pour en acquérir un autre. D’autre part, par rapport au
don, elle est un élément apportant de la confiance dans l’échange qui
n’apparaît peut être pas nécessaire dans le cadre du don.
Dans le cadre du troc, on retrouve de nombreux termes associés par
rapport aux deux autres types d’échange.
Tout d’abord des termes qui semblent montrer que ce type d’échange est
particulier, notamment dans le rapport annonceurs/acheteurs potentiels. La
fréquence du terme « Bonjour » en introduction des petites annonces mais
également de termes comme « Cordialement », ou encore « N’hésitez pas à
me contacter pour toute question », montre que cette forme d’échange
semble relativement plus ouverte au dialogue que les autres types d’échange.
C’est le cas notamment lorsque l’on compare aux annonces de don, où l’on
retrouve davantage de termes associés à des conditions restrictives ainsi que
pour les annonces de vente ou l’on retrouve plus de termes relatifs à la
confiance dans l’achat et l’attractivité de l’objet. La question de la confiance
est néanmoins très présente dans les annonces d’échange car on y trouve
associé des termes comme « facture », « garantie ». Certaines annonces, mais
dans une proportion plus réduite, affichent des termes plus fermés au
dialogue, notamment « sérieux » et « abstenir », qui montre que la formule
« pas sérieux s’abstenir » est parfois présente, mais également « condition »
« vérifier » « profil », montre que certaines annonces posent également des
conditions dans l’échange et sont moins ouvertes au dialogue.
De plus, les termes associés au troc montrent que ce type d’échange se
réalise de deux façons différentes. En effet, dans un cas l’annonceur propose
un objet et attend des propositions de la part des intéressés :
« étudie » « toute » « proposition ». Dans d’autres cas, l’annonceur propose
un échange contre quelque chose de très précis, on le retrouve avec la
mention du mot « uniquement » dans les annonces.
D’autre part, les modalités de l’échange dans le cas du troc apparaissent
dans les petites annonces. On retrouve la question du contact, « premier »
« contact » « répond » « mail » « sms ». On retrouve également les modalités
de retrait, « indiquer », « jour », « retrait », ainsi que les modalités de
paiement « paiement », « espèce » qui indique que le retrait se fait plus
souvent en main propre dans le cadre du troc.
Ainsi, les différents éléments qui ressortent de ce graphique montrent que
les trois types d’échange sont assez différents sous plusieurs aspects, tant pour
les modalités de l’échange que pour le vocabulaire employé donnant des
indications sur le rapport entre les annonceurs et les intéressés. L’analyse par
la classification qui va suivre permettra d’approfondir et de détailler ces
premières analyses.
D’autres informations apparaissent dans ce graphique, notamment la
question des modalités d’envoi qui apparait à part car présente a priori dans
l’ensemble des annonces. L’envoi postal ou la remise en main propre sont les
deux possibilités qui apparaissent ici équivalente, nous ne pouvons distinguer
une fréquence supérieure de l’une ou de l’autre.
D’autre part, une autre association de termes est intéressante, qui est la
suivante : « tapez », « moteur » « recherche » « consulter » « voir »
« annonce ». Elle révèle la pratique singulière sur le site Leboncoin.fr par
laquelle les annonceurs utilisent des pseudonymes sur ce site, pour permettre
aux éventuels intéressés de retrouver l’ensemble de leurs annonces mises en
ligne. Cette pratique n’est possible que sur le site Leboncoin.fr, du fait des
spécificités du moteur de recherche. Cela montre également que certains
annonceurs ont de nombreux objets mis en vente sur le site, ainsi la vente sur
leboncoin peut être une pratique intensive et régulière ou bien plus
occasionnelle dans d’autres cas comme nous l’avons vu dans la première
partie de ce mémoire.
2 .1.2 Analyse par classification
L’analyse statistique qui va suivre consiste en l’application d’une méthode
de classification du corpus de données textuelles. L’objectif est d’obtenir
plusieurs classes distinctes et d’observer quelles sont leurs caractéristiques.
Cela consiste à distinguer quels mots et associations de mots les composent,
ainsi que de savoir quelles variables sont le plus associées à chacune de ces
classes.
Pour pouvoir analyser plus finement le corpus, un nombre relativement
élevé de classe a été recherché dans l’objectif d’affiner avec plus de précision
les distinctions qui opposent chacune des petites annonces. La méthode de
classification du logiciel Iramuteq reproduit la méthode du logiciel Alceste,
qui se réalise par étape. En effet, le corpus est d’abord divisé en deux classes
qui s’opposent fortement, puis le logiciel découpe la classe la plus importante
en deux plus petites, en maintenant une cohérence dans le vocabulaire de
chaque classe.
L’analyse factorielle des correspondances est une méthode
complémentaire dans la classification avec Iramuteq mais n’est pas utilisée sur
la base du vocabulaire, elle est utilisée de façon à représenter graphiquement
les relations entre les classes, si elles sont plus ou moins éloignées ou
rapprochées.
Le dendrogramme suivant représente le découpage des classes selon la
méthode expliquée plus haut. On peut apercevoir la hiérarchie du
découpage, ainsi que le volume des classes.
FIGURE 6. Dendrogramme.
La répartition en volume d’annonces de chaque classe est graduée avec
trois classes plus petites qui représentent entre 6% et 8% des annonces, deux
classes moyennes avec environ 15% des annonces chacune et deux classes un
peu plus importantes avec environ 22% des annonces chacune. On peut
remarquer également la logique du découpage qui a d’abord opposé la classe
3 à une deuxième et cette classe 3 qui rassemble un effectif important ne s’est
pas subdivisée par la suite. Elle est donc fortement homogène et se distingue
particulièrement des autres.
A nalyse par AFC
L’analyse factorielle des correspondances suivante ou AFC représente
graphiquement la répartition des classes sur un plan factoriel et permet de
repérer les rapprochements et distances entre les classes.
L’AFC suivante se porte sur les mots et permet d’avoir un premier aperçu du
contenu des classes, c’est à dire du vocabulaire présent dans les annonces
regroupées dans chaque classe.
FIGURE 7. AFC du vocabulaire selon les classes
Légende : Rouge = Classe 1, / Gris = Classe 2 / Vert Clair = Classe 3 / Turquoise = Classe
4/ Bleu = Classe 5
Violet = Classe 6 / Rose Fuchsia = Classe 7
Comme le montre l’AFC ci-dessus, la classe 3 de couleur verte et les autres
classes s’opposent sur l’axe vertical. La classe 7 quant à elle se démarque sur
l’axe horizontal. Les autres classes sont regroupées dans le coin inférieur droit
du graphique. Un premier aperçu des mots qui composent ces classes permet
de voir qu’elles sont regroupées selon différents critères. En effet, les mots les
plus récurrents sont relatifs d’une part au type d’échange, par exemple les
mots « échange », « donner », apparaissent dans des classes différentes. On
remarque également que les classes sont fortement influencées par la
catégorie d’objets mis en ligne, du vocabulaire typique de certains objets
ressort fortement dans la composition des classes. La classe 5 en bleu
correspond à de l’ameublement, les mots relatifs aux dimensions, les mots
« meuble », « matelas », semblent montrer le caractère distinctif de cette
classe. Les autres classes suivent en partie la même logique, le graphique
suivant qui est la même AFC mais sur les variables permet de révéler plus
facilement cet élément.
FIGURE 8. AFC des variables selon les classes.
Légende : Rouge = Classe 1, / Gris = Classe 2 / Vert Clair = Classe 3 / Turquoise = Classe
4/ Bleu = Classe 5
Violet = Classe 6 / Rose Fushia = Classe 7
Le graphique ci dessus confirme donc l’analyse de l’AFC sur les mots, qui
est l’importance de la catégorie des objets vendus dans la formation des
classes. Les variables dont la taille est la plus grande sur le graphique sont les
plus distinctives de la classe. En effet, les catégories « Multimédia »,
« Collection », « Ameublement », « Vêtement » sont des variables qui sont
fortement impliquées dans la formation des classes. Ce résultat montre que le
vocabulaire utilisé pour vendre certains types d’objets est très typique selon
les catégories, de telle sorte que cela soit à l’origine d’une plus forte
distinction des classes selon les objets échangés. Néanmoins, la catégorie
d’échange apparaît aussi de façon relativement distincte, plus particulièrement
pour le troc mais également pour la vente et le don auxquels sont associés
pour chacun trois classes différentes. Cela montre également que les
annonces se regroupent certes en fonction des catégories d’échanges, mais
également selon d’autres critères parmi lesquels le type d’objets semble
fortement distinctif.
Cependant, les catégories d’objets et le type d’échanges peuvent être reliés
comme le montre l’analyse de la première partie de ce mémoire. En effet,
dans la catégorie troc, les objets le plus souvent mis en ligne sont les objets
multimédias, et cette information ressort particulièrement pour la classe 3 à
gauche du graphique. Cependant la répartition des objets dans les autres
catégories d’échange n’est pas aussi marquée que pour le troc, et montre que
le biais se limite probablement à cette classe.
A nalyse par test du Khi2
Pour compléter cette catégorisation des classes, le logiciel nous permet
d’analyser le Khi2 des différentes variables selon les classes. Pour chacune
des variables, on peut repérer quelles sont les modalités les plus distinctives
pour chaque classe. Tout d’abord, voyons le test du Khi2 pour la variable du
type d’échanges dans le document ci dessous.
FIGURE 9. Khi 2 des types d’échange selon les classes.
Le graphique ci dessus montre que les types d’échange sont distinctifs pour
la formation de certaines classes. La classe 1 est spécifique aux annonces de
dons, la classe 5 également mais dans une moindre mesure, la classe 3
spécifique aux annonces de trocs et la classe 7 également mais dans une
moindre proportion et la classe 6 spécifique aux annonces de ventes. La
classe 2 et 4 ne se distinguent pas nettement par le type d’échange. Le
graphique suivant représente comparativement le Khi 2 de la variable « Types
d’objets » selon les classes.
FIGURE 10. Khi 2 de la catégorie d’objet selon les classes.
Pour avancer dans la catégorisation des classes, on constate que la classe 3
qui était distinctive du troc est majoritairement composée d’objets
multimédias, ce qui avait déjà été remarqué dans les AFC. D’autre part, la
classe 5 se distingue nettement par la catégorie « Ameublement », ce qui
confirme l’impression de la première AFC sur les mots. La classe 6 quant à
elle se distingue par la catégorie « Vêtement » et la classe 7 par la catégorie
« Collection ». Les classes 1, 2 et 4 sont moins distinctives dans la variable
catégories d’objets.
Voyons maintenant le test du Khi2 par classes selon la tranche de revenu
des communes.
FIGURE 11. Khi2 des tranches de revenu par classe
Légende : Rmoy_0= revenu non renseigné/ Rmoy_1 = Jusqu’à 20 000 euros / Rmoy_2 =
De 20 000 à 30 000 euros / Rmoy_3 = de 30 000 à 40 000 euros / Rmoy_4 = Plus de 40 000
euros
L’analyse des revenus présente des Khi 2 faibles puisqu’ils ne dépassent
pas 50 en positif et – 20 en négatif. Néanmoins, la classe 3 se distingue
fortement par la tranche de revenu la plus basse (jusqu’à 20 000 euros), ce
qui correspond aux analyses réalisées en première partie de mémoire, sur le
fait que les annonces de troc concernaient majoritairement les milieux les
plus modestes. Néanmoins, la classe 7 qui concerne également des annonces
de trocs mais d’objets de collection est sous représentée dans les tranches de
revenu les plus basses et surreprésentée dans les tranches de revenu
moyennes et hautes. La classe 6 qui concerne les ventes, notamment de
vêtements est légèrement surreprésentée dans les tranches de revenu
supérieures.
Le test du Khi 2 pour les autres variables, notamment la variable
Département, est quasiment insignifiant. Pour les tranches de prix, la
variation de Khi 2 est également faible, l’information qui ressort n’apporte
pas plus d’information que celle apportée par les différents types d’échange
selon les classes.
Nous allons maintenant voir plus en détail le contenu précis de chacune
des classes, notamment les mots et associations de mots les plus fréquents qui
les composent. L’idée est qu’au delà du vocabulaire propre aux catégories
d’objets qui ressort fréquemment dans chaque classe, nous allons tenter de
dégager plus particulièrement le vocabulaire propre aux types d’échange,
mais également de façon plus générale la façon dont se déroule les échanges
si les différentes classes permettent de distinguer ces éléments.
A nalyse détaillée de chaque classe
L’analyse détaillée de chaque classe va consister en l’élaboration de
plusieurs analyses complémentaires permettant de caractériser au mieux les
formes d’échange dans chacune des classes. Nous établirons tout d’abord un
résumé des caractéristiques de la classe selon les variables comme nous
l’avons vu précédemment. Ensuite, nous montrerons les mots caractéristiques
de chaque classe et leur fréquence, qui nous intéressent particulièrement dans
cette étude. Ces mots spécifiques qui ont été dégagés concernent les
modalités de l’échange, les modalités de contact, le vocabulaire positif, négatif
ou défensif qui peut apparaître dans les annonces ainsi que les autres mots
caractéristiques de l’échange. Enfin, pour compléter ce dernier élément, le
logiciel Iramuteq permet de repérer les segments de texte caractéristiques et
répété que l’on peut retrouver dans les annonces, mais nous n’avons pas sur
ce point d’indication de fréquence des associations de mots. Ces différentes
étapes seront répétées pour chacune des classes de telle sorte que l’on pourra
repérer les différentes formes d’échange en croisant le vocabulaire spécifique
aux variables concernées
CLASSE 1
La classe 1 a un effectif relativement important dans la base de données
puisqu’elle représente près de 15% des annonces. Le tableau suivant
récapitule les principales caractéristiques de cette classe en fonction des
différentes variables.
TABLE 11. Caractéristiques de la classe 1 selon les variables
Variables
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
P
392
927
42.29
664.44
1.620292e-146
Livres
107
194
55.15
236.22
2.621435e-53
Jardinage
53
62
85.48
227.89
1.718334e-51
Beauté
13
16
81.25
51.15
8.563339e-13
Vaisselle
33
80
41.25
39.15
3.924990e-10
Alimentation
17
34
50.00
29.72
5.001221e-08
Bureau
12
21
57.14
26.76
2.307968e-07
Linge
3
4
75.00
10.42
1.247290e-03
Décoration
20
73
27.40
7.30
6.896509e-03
CDVD
22
92
23.91
4.48
3.431931e-02
Electroménager
21
89
23.60
3.99
4.575884e-02
Divers
5
15
33.33
3.40
6.527818e-02
Jeux
46
227
20.26
3.39
6.572559e-02
Bricolage
13
57
22.81
2.04
1.536302e-01
120
623
19.26
6.28
1.222321e-02
420
1667
25.19
212.59
3.744919e-48
105
448
23.44
21.66
3.254715e-06
Catégorie d'échange
Don
Type d'objet
Tranche de revenu
Rmoy_3
Tranche de prix
Prix_0
Département
91
Comme l’indiquaient les analyses précédentes, cette classe représente 42%
des annonces de don, avec un Khi 2 important à 664. Les types d’objets
spécifiques qui la composent sont assez diversifiés puisque l’on y trouve à la
fois des livres que des équipements de jardinage, des produits et accessoires
de beauté, de la vaisselle, de l’alimentation ou encore des accessoires de
bureau ou encore du linge de maison. Il est possible de qualifier ces objets
comme secondaires dans l’équipement d’une maison, et souvent accumulés.
Nous allons maintenant voir le vocabulaire spécifique de cette classe selon
les critères qui nous intéressent dans cette étude à savoir ceux permettant de
déterminer la façon dont se déroulent les échanges.
TABLE 12. Vocabulaire spécifique de la classe 1*
Vocabulaire
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
p
venir
191
284
67.25
609.63
1.349400e-134
chercher
159
266
59.77
414.21
4.446733e-92
place
143
291
49.14
262.06
6.095825e-59
récupérer
49
93
52.69
96.34
9.655902e-23
prendre
42
114
36.84
38.45
5.630083e-10
domicile
34
69
49.28
58.39
2.153986e-14
métro
27
50
54.00
54.84
1.310403e-13
retirer
49
122
40.16
55.40
9.819410e-14
disponibilités
6
7
85.71
25.47
4.487091e-07
soir
13
20
65.00
36.12
1.856669e-09
journée
12
22
54.55
24.61
7.001869e-07
week-end
14
16
87.50
61.41
4.639822e-15
semaine
24
40
60.00
58.61
1.917660e-14
heure
8
13
61.54
20.24
6.838717e-06
emporter
6
9
66.67
17.32
3.159847e-05
rapidement
15
37
40.54
16.88
3.976271e-05
Modalités de l'échange
Modalités du contact
coordonnées
13
14
92.86
62.04
3.363167e-15
préciser
12
14
85.71
51.05
8.992551e-13
numéro
11
31
35.48
8.91
2.836124e-03
contact
22
75
29.33
10.26
1.361911e-03
association
15
17
88.24
66.61
3.302920e-16
collectionneur
8
13
61.54
20.24
6.838717e-06
poubelle
5
8
62.50
12.97
revendeur
4
5
80.00
15.33
9.041098e-05
passer
11
25
44.00
14.79
1.202747e-04
chemin
11
13
84.62
45.91
1.237803e-11
sérieux
12
46
26.09
3.58
5.856078e-02
Destinataire de l'objet
Vocabulaire positif ou négatif
3.173004e-04
* Les mots dans le logiciel Iramuteq sont triés par ordre de Khi2 du plus fort au plus faible,
le tableau ci dessus n’a pas repris l’ensemble des mots sélectionnés par le logiciel et nous
les avons triés par logique sémantique.
Le tableau précédent révèle plusieurs éléments. Tout d’abord dans les
modalités de l’échange, cette classe semble être caractérisée majoritairement
par la remise en main propre au domicile de l’annonceur, les mots
« Domicile » et « Place » sont représentés chacun à 50% dans cette classe
avec des Khi2 relativement important.
D’autre part, les mots caractéristiques de moment dans la journée sont très
souvent mentionnés dans cette classe « Journée », « Week-end », « Semaine »,
« Soir », ce qui révèle que les conditions de l’échange sont davantage
précisées dans les annonces de cette classe. Le mot « rapidement » indique
une certaine injonction dans l’échange, si une personne est intéressée,
l’annonceur attend qu’elle vienne chercher l’objet dans les plus brefs délais.
On retrouve également un vocabulaire assez défensif comme le montre le
mot « revendeur », les donateurs tentent de mettre en garde les individus
souhaitant revendre les objets donnés dans l’annonce. On note également la
présence du mot « poubelle », représenté à 60% dans cette classe, qui bien
que le Khi2 soit faible, est caractéristique de certaines annonces de don,
comme l’évoquait certains témoignages dans les forums du site Recup.net.
Les annonceurs souhaitent que leur objet soit récupéré rapidement sinon ils
préviennent les potentiels intéressés que leur annonce ne restera pas
longtemps en ligne.
De plus, on retrouve deux mots spécifiques dans cette classe caractérisée
par le don qui sont relatifs à la mention des personnes potentiellement
destinées aux objets notamment le mot « association » qui apparaît 15 fois, et
est représenté à 88% dans cette classe, mais également le mot
« collectionneur » qui est représenté à 60 % dans cette classe.
Ce tableau peut être complété par la liste des segments de textes répétés
dans les annonces de la classe résumée dans le tableau suivant.
TABLE 13. Segments de texte caractéristiques de la classe 1
Modalités d'échange
Modalités de contact
A venir chercher sur place Laissez vos coordonnées
A prendre sur place
Retirer sur place
Rendez vous
Etat de l'objet
Vocabulaire +/-
Un peu usé
Autre vocabulaire
Bonjour
Lot de
Fonctionne
toujours
S'il vous plait
Pour personne dans le
besoin
Bon état
Je ne me déplace pas
Pour collectionneur
Pour association précisez le
nom et le but
Pas d'envoi
Très bon état
Je ne réserve pas
Envoi possible
Parfait état
Pas sérieux s'abstenir
Envoi offert
Excellent état
Langage sms passez
votre chemin
Envoi possible à vos frais
Domicile ou envoi possible
On retrouve les éléments du premier tableau avec un peu plus de nuances.
Par exemple dans le cas des modalités de l’échange, certaines annonces de
don mentionnent un envoi possible, ou encore un envoi offert. D’autre part,
certaines annonces mentionnent l’état de l’objet. On retrouve également le
vocabulaire défensif vu dans le premier tableau : « Pas sérieux s’abstenir »,
mais également d’autre formule restrictive comme « Je ne me déplace pas »,
« Je ne réserve pas », « Langage sms passez votre chemin ». Mais également
du vocabulaire plus ouvert comme l’indiquent les mots d’introduction ou de
conclusion « Bonjour » ou « S’il vous plait ». Enfin pour la mention des
préférences envers les destinataires de l’objet, une nouvelle formule apparaît
qui est la mention « Pour personne dans le besoin ». D’autre part, la mention
« Association » est complétée par des injonctions restrictives de préciser le
nom et le but de l’association en question.
Cependant, les informations données par les segments de texte sont à
prendre avec plus de mesure que le premier tableau car ils ne présentent pas
d’indication chiffrée sur la fréquence de leurs apparition dans les petites
annonces, on ne peut donc mesurer à quel point ces phrases types sont
répandues, mais on peut déduire les phrases les plus souvent retrouvées dans
cette classe en croisant avec les données du premier tableau.
Ainsi, pour conclure sur cette première classe composée majoritairement
de don d’objets divers et plus encombrant par leur nombre et leur
accumulation que par leur taille, les annonceurs s’inscrivent probablement
dans une démarche de désencombrement. On peut établir que cette
catégorie se caractérise par des annonces mentionnant très fréquemment des
conditions assez précises dans l’échange, et assez souvent un vocabulaire
relativement défensif à l’égard des potentiels intéressés. On peut donc
déduire que l’échange ne se présente pas dans les meilleures conditions et
peut se dérouler parfois difficilement lorsque l’on analyse ce premier contact
que représente la petite annonce.
CLASSE 2
La classe 2 présente un petit effectif de 8,8 % des annonces totales et
d’après le dendogramme, elle provient d’un dédoublement avec la classe 1
étudiée précédemment et partagera donc logiquement certaines ressemblance
avec elle.
Le tableau suivant récapitule les modalités des variables caractéristiques de
cette classe.
TABLE 14. Caractéristiques de la classe 2 selon les variables
Variables
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
p
120
1131
10.61
6.88
8.732319e-03
Animaux
52
91
57.14
271.91
4.344629e-61
Jeux
45
227
19.82
36.75
1.345228e-09
Alimentation
10
34
29.41
18.14
2.056020e-05
Livres
33
194
17.01
17.22
3.323440e-05
CD DVD
17
92
18.48
11.00
9.121457e-04
Bricolage
11
57
19.30
7.93
4.852706e-03
Divers
4
15
26.67
5.98
1.449725e-02
Hobbies
16
115
13.91
3.86
4.959513e-02
45
225
20.00
37.57
8.801823e-10
NA
NA
NA
NA
NA
94
36
279
12.90
6.34
1.181456e-02
77
47
434
10.83
2.52
1.120888e-01
Catégorie d'échange
Vente
Type d'objet
Tranche de prix
Prix_2
Tranche de revenu
NA
Département
Cette classe n’est pas particulièrement spécifique à une catégorie
d’échange en particulier, la catégorie vente se dégage avec 120 annonces
concernées, soit 10% des annonces de vente, mais le Khi2 est faible. Les
catégories sont assez diverses, la catégorie Accessoires pour animaux se
détache un peu plus nettement que les autres, mais on retrouve dans cette
classe également les catégories Jeux, Alimentation, Livres, CD/DVD, et
Bricolage qui sont représentées aux environs de 20% dans cette classe. La
tranche de prix 2, qui correspond aux objets de 5 à 10 euros ressort
légèrement, avec un Khi 2 moyen. Cela montre que cette classe, tout comme
la classe 1, est composée d’objets divers, non encombrant, à faible valeur,
mais cette fois ci davantage vendus que donnés. Le dédoublement avec la
classe 1 effectué par le logiciel peut s’expliquer par cette diversité des objets
mis en ligne et également par leur nature un peu similaire, des objets de faible
valeur que l’on accumule facilement.
Voyons maintenant le vocabulaire spécifique à cette classe résumé dans le
tableau suivant.
TABLE 15. Vocabulaire spécifique de la classe 2
Vocabulaire
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
p
Modalités d'échange
chèque
10
12
83.33
83.22
7.330973e-20
Paypal
5
6
83.33
41.54
1.156970e-10
espèce
13
39
33.33
29.52
5.523520e-08
paiement
13
29
44.83
47.22
6.356427e-12
frais
22
167
13.17
4.16
4.139279e-02
réduction
2
4
50.00
8.45
3.642971e-03
envoyer
16
39
41.03
50.95
9.459577e-13
adresse
4
9
44.44
14.26
1.594632e-04
retrait
4
19
21.05
3.56
5.910886e-02
transport
6
17
35.29
14.91
1.127434e-04
expédition
5
11
45.45
18.44
1.754930e-05
possible
35
236
14.83
11.44
7.174075e-04
envoi
44
316
13.92
11.35
7.557037e-04
message
7
13
53.85
32.93
9.531956e-09
sms
14
92
15.22
4.83
2.798776e-02
Modalités de contact
texto
3
7
42.86
10.12
1.469262e-03
email
6
24
25.00
7.88
4.993349e-03
mail
25
136
18.38
16.16
5.833763e-05
contact
14
75
18.67
9.27
2.329309e-03
contacter
22
165
13.33
4.41
3.564993e-02
appeler
9
23
39.13
26.49
2.650533e-07
réponds
10
30
33.33
22.65
1.944852e-06
rappeler
4
7
57.14
20.39
6.320465e-06
hésitez
23
67
34.33
55.39
9.880493e-14
demander
20
90
22.22
20.70
5.384226e-06
photo
33
183
18.03
20.48
6.023496e-06
Vocabulaire positif ou négatif
supplémentaires
5
9
55.56
24.54
7.296990e-07
rapide
7
19
36.84
18.68
1.545158e-05
taper
24
179
13.41
4.97
2.580082e-02
annonce
24
152
15.79
9.65
1.898262e-03
valeur
12
70
17.14
6.17
1.296754e-02
rareté
3
3
100.00
31.07
2.490481e-08
magnifique
5
14
35.71
12.66
3.734808e-04
pratique
6
23
26.09
8.60
3.362884e-03
Autre vocabulaire
Tout d’abord, nous retrouvons du vocabulaire spécifique à la vente à savoir
les modalités de paiement, qui comme le montre le tableau, peuvent se faire
de trois façons différentes : soit en espèce, notamment dans le cas des remises
en main propre, soit par chèque, soit via le site de paiement en ligne Paypal,
notamment dans le cas d’envoi par la poste. En effet, le mot « Envoi » est
représenté à 13% dans cette classe, ce qui est conséquent compte tenu de
l’effectif de la classe. Ainsi, la pratique de l’envoi postal semble assez
fréquente pour cette classe caractérisée davantage par la vente.
Un vocabulaire assez présent apparaît sur les modalités de contact entre
annonceurs et intéressés. Trois types de contacts apparaissent dans le
vocabulaire, à savoir les contacts par SMS, les mails et les appels
téléphoniques. Le tableau qui va suivre montrera que ces mots ne signifient
pas forcément que les annonceurs préfèrent être contactés par l’un ou l’autre
des moyens de communication, mais parfois qu’ils en excluent certains.
Néanmoins, ce vocabulaire sur les modalités de contacts révèle que les
annonceurs prêtent une importance aux moyens de communication dans
l’échange. Ainsi, certains moyens de communication, peut être plus ou moins
maîtrisé, ou plus ou moins formels sont privilégiés dans l’échange.
Concernant le vocabulaire positif ou négatif, on retrouve dans ces annonces
davantage de vocabulaires ouverts, avec notamment les mots « Hésitez »,
« Demander », « Photos supplémentaires », ce qui montre que l’annonceur
est ouvert à renseigner davantage le potentiel intéressé sur son objet pour
faciliter la vente. Les mots « Rareté », « Magnifique », « Pratique », montrent
que les objets semblent être mis en valeur dans cette classe.
On retrouve également une formule qui sera présente dans d’autres classes,
qui est celle de « Tapez pour voir mes autres annonces », qui montre que sur
le site Leboncoin.fr, les annonceurs ont plusieurs objets mis en vente. Ceci
paraît logique pour ces catégories d’objets facilement accumulables et
correspondrait à la même démarche pour les annonceurs que la classe 1 de
faire le vide de ses placards. La présence de cette formule, à environ 15% est
relativement importante compte tenu de l’effectif de la classe et montre que
même sur des objets très divers et de faible valeur, les annonceurs utilisent
cette possibilité pour attirer les potentiels acheteurs.
Le tableau suivant récapitule les segments de textes que l’on retrouve à
plusieurs reprises dans cette classe.
TABLE 16. Segments de textes caractéristiques de la classe 2
Modalités d'échange
Modalités de contact
Etat de l'objet
Vocabulaire +/-
Autre vocabulaire
Paiement en espèce
uniquement
Premier contact par mail
Très bon état
Pas sérieux s'abstenir
Tapez pour voir mes autres
annonces
Remise en main propre
Je ne répond pas aux
sms
Parfait état
Bonjour
Envoi possible
Premier arrivé premier servi
Envoi offert
N'hésitez pas à me contacter
pour toute question
Echange possible
Photos sur demande
Faire offre
On retrouve certains éléments vus dans le tableau précèdent, mais d’autres
formules apparaissent. En effet, tout d’abord dans les modalités d’échanges,
l’envoi postal apparaît dans les segments de textes caractéristiques, mais
également la remise en main propre. La formule « Frais de port à votre
charge » qui indique que lors des envois postaux, ce sont bien souvent les
acheteurs qui payent les frais de port. Cela révèle que le rapport
annonceurs/intéressés semble pencher davantage en faveur des annonceurs,
tout du moins sur ce point, mais également que la remise en main propre est
peu être privilégiée. La formule « Faire offre » apparaît également, et
correspond aux annonces de vente dont le prix n’est pas mentionné, et où les
vendeurs proposent aux acheteurs de leur fixer un prix de vente qu’ils sont
libres d’accepter ou de refuser. Cette pratique peut révéler plusieurs choses,
peut être une incertitude du vendeur sur la valeur de son objet, ce que l’on
peut facilement imaginer lorsque les individus évacuent des biens anciens de
leurs greniers. Mais cela peut être également une stratégie de vente, pour
tenter d’obtenir un prix plus élevé lorsque le vendeur refuse plusieurs offres,
à la manière des enchères en quelque sorte.
Les formules qui apparaissent sur les modalités de contact montrent que
les annonceurs, lorsqu’ils évoquent ces modalités de contact, le font plutôt de
manière restrictive, en indiquant la démarche à suivre pour les potentiels
intéressés, c’est ce qu’illustre les deux formules, « Premier contact par mail »
et « Ne répond pas aux sms ». Ainsi, la mention des modalités de contact
apparaît dans les annonces lorsque l’annonceur souhaite précisément ne pas
être contacté par un mode de communication particulier. Les deux formules
semblent indiquer que le mail semble être privilégié comme premier contact,
qui est un mode de communication plus formel que le sms ou encore l’appel
téléphonique. Ainsi, cela dénote du fait que les annonceurs préfèrent d’abord
maintenir une certaine distance dans l’échange, tout du moins à ses débuts.
Concernant les formules sur l’état de l’objet, on ne retrouve pas
contrairement à la classe 1 la mention d’état d’objet usagé ou simplement
« fonctionnel », la mention de l’état semble être toujours positive.
Le vocabulaire positif ou négatif apparaît plus nuancé par cette analyse, car
on retrouve des formules positives, comme « Bonjour », « N’hésitez pas à me
contacter », mais également des formules plus négatives comme « Pas sérieux
s’abstenir », ou encore « Premier arrivé premier servi ». Le défaut de cette
analyse par segment de texte est que l’on ne peut repérer la fréquence des
segments donc la proportion plus ou moins grande des formules positives ou
négatives, mais le tableau précédent semble montrer que le vocabulaire positif
semble l’emporter sur le vocabulaire plus négatif.
Ainsi pour résumer, cette classe qui concerne davantage les ventes, se
caractérise par plusieurs éléments. Tout d’abord la possibilité d’envoi postal
pour des objets peu volumineux, mais également par l’impression d’un
double rapport de forces entre vendeurs et acheteurs potentiels, à la fois la
présence de conditions de contacts plus formels qui maintiennent une
certaine distance dans l’échange, tout en utilisant un vocabulaire ouvert pour
faciliter la vente ainsi que la possibilité de faire une offre sur le prix, mais
également le lien mentionné vers les autres annonces du vendeurs. C’est donc
un mélange d’échanges formels, d’ouvertures commerciales, et de volonté de
se débarrasser d’un grand nombre d’objets, que l’on retrouve dans ces
annonces de vente d’objets assez divers avec néanmoins un climat de
confiance comme le témoigne la possibilité fréquente d’envoi postal pouvant
s’expliquer par la faible valeur des objets vendus.
CLASSE 3
La classe 3 est une des classes les plus importante en volume d’annonce
puisqu’elle représente 22,6% des annonces. L’analyse factorielle présentée
plus haut révélait que cette classe se distinguait nettement des autres classes
sur l’axe vertical, ce qui laisse à penser qu’elle présente des caractéristiques
particulièrement distinctes des autres. D’autre part, dans le dendrogramme, à
l’issue du premier découpage, cette classe ne s’est pas subdivisée elle est donc
fortement homogène.
Le tableau suivant récapitule ses principales caractéristiques selon les
modalités des variables qui la composent.
TABLE 17. Caractéristiques de la classe 3 selon les variables
Variables
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi 2
P
706
1278
55.24
1265.20
4.129422e-277
669
922
72.56
1821.71
0.000000e+00
Prix_7
180
258
69.77
356.38
1.730827e-79
Prix_8
80
140
57.14
99.93
1.577721e-23
Prix_6
70
178
39.33
30.20
3.898279e-08
347
1177
29.48
49.68
1.806570e-12
93
107
311
34.41
27.48
1.588231e-07
94
80
279
28.67
6.49
1.087094e-02
Catégorie d'échange
Troc
Type d'objet
Multimédia
Tranche de prix
Tranche de revenu
Rmoy_1
Département
Ce tableau montre que cette classe est très fortement caractérisée par des
annonces de troc, puisqu’elle représente plus de la moitié des annonces de
troc. Elle est aussi fortement caractérisée par les annonces d’objets
multimédias qui sont représentées à 72% dans cette classe. Les tranches de
prix sont parmi les plus hautes avec des Khi2 importants.
Ces éléments reflètent le biais évoqué plus haut dans l’analyse, lié au fait
que les annonces de troc sont majoritairement composées d’objets
multimédias. Mais néanmoins, au delà du troc, les objets multimédias, qui
peuvent être vendus ou donnés, peuvent également être présent dans cette
classe puisque le pourcentage est plus élevé.
Les caractéristiques sur les tranches de revenu et le département reflètent
l’analyse de la première partie de ce mémoire où l’on retrouve davantage de
troc dans les communes à plus faible revenu moyen ainsi que dans les
départements les plus pauvres, à savoir le 93 et le 94.
Le tableau suivant présente le vocabulaire spécifique que l’on retrouve dans la
classe 3.
TABLE 18. Vocabulaire spécifique de la classe 3
Vocabulaire
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi 2
P
942.51
5.646118e-207
Modalités d'échanges
échange
461
703
65.58
vendre
142
492
28.86
13.06
3.010349e-04
contre
440
627
70.18
1001.14
1.014818e-219
rajout
77
79
97.47
259.71
1.984006e-58
équivalent
5
6
83.33
12.70
3.661279e-04
complément
6
6
100.00
20.62
5.604431e-06
étudie
41
46
89.13
118.23
1.544055e-27
proposition
109
147
74.15
234.07
7.722745e-53
rajouter
26
35
74.29
54.12
1.881826e-13
sms
54
92
58.70
70.64
4.287452e-17
appel
17
20
85.00
44.87
2.108061e-11
répond
20
26
76.92
44.29
2.829283e-11
contacter
66
165
40.00
30.17
3.962227e-08
379
56.20
276.67
3.990550e-62
Modalités de contact
Vocabulaire positif ou négatif
bonjour
bonsoir
213
7
8
87.50
19.34
1.092026e-05
souhaiter
90
112
80.36
221.42
4.434629e-50
cordialement
51
88
57.95
64.74
8.525391e-16
merci
108
224
48.21
90.34
2.005039e-21
uniquement
68
151
45.03
45.66
1.410055e-11
seulement
29
46
63.04
43.71
3.800531e-11
préférence
21
53
39.62
8.96
2.761416e-03
raisonnable
11
12
91.67
32.90
9.712596e-09
sérieuse
15
18
83.33
38.23
6.286128e-10
sérieux
24
46
52.17
23.39
1.325175e-06
abstenir
28
47
59.57
37.35
9.887398e-10
acheté
59
104
56.73
71.67
2.546002e-17
valeur
24
70
34.29
5.61
1.782258e-02
facture
142
152
93.42
457.40
1.767101e-101
garantie
97
111
87.39
276.00
5.588517e-62
état
234
908
25.77
7.30
6.876334e-03
neuf
206
522
39.46
101.03
9.060700e-24
parfaitement
17
28
60.71
23.51
1.245694e-06
impeccable
10
23
43.48
5.79
1.610028e-02
origine
56
86
65.12
91.42
1.159969e-21
Autre vocabulaire
Le vocabulaire typique de la classe nous donne des informations plus
précises sur la façon dont se déroulent les échanges dans cette classe
caractérisée majoritairement par le troc d’objets multimédias.
Un premier élément intéressant est le fait que le troc n’est pas toujours la
solution unique proposée par l’annonceur, la vente et le troc peuvent être
deux alternatives possibles pour l’annonceur. En effet, cela montre que les
annonceurs proposant un troc sont intéressés par un objet sur le marché de
l’occasion et se donnent la possibilité de l’acquérir directement par un
échange avec une personne intéressée par son objet et disposant de l’objet qui
l’intéresse. Mais elle peut également vendre son objet et acquérir l’objet
désiré en échange auprès d’un autre annonceur. Ainsi, la frontière entre la
vente et le troc est assez floue sur ce point.
D’autre part, le mot « Equivalent », montre que l’annonceur souhaite un
objet soit de valeur équivalente, lorsque l’échange ne se fait pas sur des objets
de même catégorie, soit d’état équivalent puisqu’il s’agit d’objets de seconde
main. D’autre part, lorsque les objets ne sont pas de valeurs équivalentes, les
annonceurs précisent qu’il peut y avoir un paiement complémentaire de la
part de l’un ou de l’autre.
Un autre élément intéressant est le fait que les annonceurs proposant un
objet à l’échange ne souhaitent pas toujours un objet en particulier, la
mention « Etudie proposition » révèle cette pratique, ou les annonceurs
attendent des intéressés de leur proposer un objet à l’échange. Cette pratique
semble assez difficile à concevoir dans la pratique s’il n’y a aucune indication
de la part de l’annonceur des potentiels besoins ou intérêts qu’il peut avoir.
Le fait de pratiquer cette forme de troc par le biais d’internet paraît assez
difficile à réaliser, alors qu’elle pourrait être envisageable dans le cadre de
pratique de troc en face à face, où chacun des intéressés peut voir ce que les
autres proposent en échange. D’autre part, la question de la valeur de l’objet
entre en compte dans cette configuration, le mot « Valeur » apparaît dans ces
annonces et semble indiquer la question spécifique au troc relative au fait que
même si cet échange se réalise normalement sans transfert pécunier, la
référence à la valeur monétaire du bien semble néanmoins incontournable
dans de nombreux cas.
Concernant les modalités de contacts, peu de vocabulaires ressort dans
cette classe mais contrairement à la classe 2, le mot « Appel » apparaît assez
fréquemment. Ainsi, l’appel téléphonique, qui est un mode de
communication relativement informel et davantage réservé aux proches, est
pratiqué souvent dans le cadre du troc. On remarque également la présence
très fréquente dans cette classe d’un vocabulaire caractéristique des formules
de politesse que l’on retrouve dans une moindre mesure dans les autres
classes à savoir les mots comme « Bonjour », « Bonsoir » « Cordialement » ,
« Merci » etc.. Ces éléments montrent que le troc semble être une forme
d’échange plus ouverte au dialogue direct avec un contact plus informel et
plus facile entre annonceurs et intéressés.
Enfin, une autre catégorie de vocabulaire apparaît dans cette classe relative
à la question de la confiance au cours de l’échange. En effet, les objets
échangés sont des objets multimédias dont la valeur souvent renseignée est
très élevée, ce qui incite les annonceurs non seulement à rassurer les
potentiels intéressés, mais également à prendre eux même des précautions
pour que l’échange puisse bien se dérouler. On retrouve en effet les mots
comme « Sérieux », « Sérieuse », les mots « Facture » et « Garantie » qui
sont des éléments supplémentaires permettant aux intéressés d’être rassurés
sur l’état de l’objet ainsi que sur sa provenance. Le vocabulaire sur l’état de
l’objet est plus rassurant que dans la classe 2, avec des mots comme
« Irréprochable », « Impeccable », « Parfaitement », etc..
Le tableau suivant présente les segments de texte caractéristiques de la classe
3.
TABLE 19. Segments de textes caractéristiques de la classe 3
Modalités d'échange
Bonjour j'échange
Je souhaite échanger
Modalités de contact
Etat de l'objet
Vocabulaire +/-
Contact par mail
En bon état
Merci d'avance
Contact uniquement par
téléphone
Merci de me contacter
par
Je ne réponds pas aux
sms
Parfait état
S'il vous plait
Comme neuf
N'hésitez pas à me contacter
pour plus d'information
Toujours protégé
Photos sur demande
Rajout de votre part
Jamais utilisé
Annonce sérieuse
Faire proposition
Sous garantie
Pas sérieux s'abstenir
De même valeur
Neuf avec facture
Vend ou échange
Rajout de ma part
Echange en main propre
uniquement
Je peux me déplacer
Echange uniquement contre
A débattre dans la limite du
raisonnable
On retrouve les formules de phrases déduites du tableau précédent, avec
quelques informations supplémentaires. Par exemple la mention « Echange
en main propre uniquement » révèle que contrairement à la vente, la question
de l’envoi postal est plus problématique. En effet, dans le cas d’un envoi par
la poste, nous avons vu que la pratique la plus courante est que l’acheteur
envoie d’abord son paiement puis l’annonceur envoie l’objet. Il s’agit en
quelque sorte d’un rapport de force et de confiance spécifique dans l’échange
en faveur de l’annonceur.
Dans le cadre du troc, les deux intéressés sont sur un pied d’égalité, ainsi, il
n’y a pas forcément de règle préétablie pour déterminer qui envoie le
premier son objet dans le cadre d’une relation de confiance. Ainsi, cela peut
expliquer que l’échange de certains objets, notamment des objets de valeurs
se fassent majoritairement en main propre.
On retrouve également une formule supplémentaire confirmant l’ouverture
de ce type d’échange par rapport au du don et dans une moindre mesure à la
vente, celle révélant le fait que l’annonceur peut se déplacer pour réaliser
l’échange. En effet, dans le cadre des deux autres formes d’échanges, la
transaction se réalise souvent au domicile de l’annonceur. Dans le cadre du
troc, l’annonceur accepte de faire l’effort de se déplacer pour arranger
l’intéressé, ce qui dénote qu’il s’agit bien d’un échange régit par des règles de
réciprocité.
Les formules autours du terme « Sérieux » illustrent bien que le « sérieux »
s’applique tant à l’annonceur qu’à l’intéressé, avec la formule « annonce
sérieuse » et « pas sérieux s’abstenir ». La question de la confiance s’applique
donc des deux côtés et chacun cherche à se rassurer et à rassurer le
partenaire de l’échange.
Ainsi, pour résumer les caractéristiques de cette classe, nous avons pu être
renseigné sur les différentes façons dont peut se dérouler le troc, contre des
objets similaires ou pas, avec la référence souvent présente à la valeur
monétaire de l’objet, tout du moins dans le cas de ces objets multimédias.
Nous avons pu voir également que ce type d’échange semble plus ouvert au
dialogue direct entre les partenaires, qui peut être complémentaire avec les
différents éléments relatifs à la confiance dans l’échange, le dialogue informel
et direct amenant plus les individus à se faire confiance mutuellement que
dans le cadre d’échange trop informel. Néanmoins le fait que ce type de troc
se fasse sur des objets de grandes valeurs implique tout de même des
précautions prise par l’annonceur, mais également une volonté de rassurer les
intéressés sur la qualité du bien proposé.
CLASSE 4
La classe 4 fait partie des classes à effectifs restreint, puisqu’elle représente
7,7% des annonces totales. Elle résulte selon le dendrogramme d’un
découpage avec les classes 1 et 2 qui contenait des objets divers, de faibles
valeurs, l’une majoritairement caractérisée par le don, l’autre par la vente. Il
est donc probable que cette classe ait quelques similitudes avec ces deux
classes.
Le tableau suivant récapitule les principales modalités des variables
caractéristiques de cette classe.
TABLE 20. Caractéristiques de la classe 4 selon les variables
Variables
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
P
116
927
12.51
42.44
7.296372e-11
Cassettes
41
47
87.23
425.91
1.265106e-94
CDVD
30
92
32.61
83.02
8.103370e-20
Multimédia
106
922
11.50
26.28
2.949773e-07
Hobbies
16
115
13.91
6.54
1.052325e-02
Electroménager
11
89
12.36
2.83
9.230985e-02
Prix_6
27
178
15.17
14.91
1.129204e-04
Prix_5
18
162
11.11
2.84
9.198183e-02
Prix_0
139
1667
8.34
2.08
1.495887e-01
NA
NA
NA
NA
NA
73
752
9.71
5.67
1.728897e-02
Catégorie d'échange
Don
Type d'objets
Tranche de prix
Tranche de revenu
NA
Département
75
Cette classe est davantage composée d’annonces de dons, puisqu’elle
représente 12% des annonces de dons avec un Khi2 à 42. Les catégories
d’objets mis en ligne sont davantage des objets à dominante technologique,
notamment les Cassettes qui sont presque exclusivement représentées dans
cette classe, les CD et DVD à 32 % dans cette classe, les objets Multimédias
présent à 11% et l’électroménager à 12 %. Les tranches de prix révèlent que
cette classe ne comporte pas exclusivement des annonces de dons, mais
également des annonces de ventes, puisque certaines tranches de prix élevés y
sont représentées, mais avec des Khi2 faible. Les autres caractéristiques ne
sont pas significatives. Il s’agit donc à la fois d’un mélange d’objets
technologiques de faibles valeurs ou dépassés et d’objets technologiques à
plus hautes valeurs.
Voyons maintenant le vocabulaire typique présent dans cette classe dans le
tableau suivant :
TABLE 21. Vocabulaire spécifique de la classe 4
Vocabulaire
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
P
Modalités d'échange
NA
Modalités de contact
NA
Vocabulaire positif ou négatif
discuter
2
4
50.00
10.13
1.461520e-03
remercier
2
4
50.00
10.13
1.461520e-03
bricoleur
8
16
50.00
40.65
1.818597e-10
qualité
8
34
23.53
12.19
4.808380e-04
fonctionnement
10
24
41.67
39.43
3.407351e-10
merveille
4
5
80.00
36.97
1.198356e-09
ancien
9
53
16.98
6.58
1.028579e-02
mauvais
3
8
37.50
10.07
1.507813e-03
problème
4
17
23.53
6.06
1.380384e-02
Autre vocabulaire
Le vocabulaire qui nous intéresse sur les modalités d’échanges ou de
contacts n’apparaît pas de façon distinctive dans cette classe. Nous retrouvons
d’autres types de vocabulaire assez contradictoires notamment sur l’état des
objets mis en ligne. Les mots « bricoleur », « mauvais », « problème »,
indiquent que ces objets à dominante technologique ne sont pas en plein état
de marche, nous pouvons supposer qu’il s’agit davantage des annonces de
dons. A l’inverse le vocabulaire comme « Qualité », « Merveille », semble être
plus rassurant sur l’état de l’objet et peut probablement correspondre aux
quelques annonces de ventes présentes dans cette classe.
TABLE 22. Segments de textes caractéristiques de la classe 4
Modalités d'échange
Etat de l'objet
Vocabulaire +/-
Autre vocabulaire
Donne un lot
Pour bricoleur
Bonjour
Tapez pour voir mes autres ventes
Pas de vente au détail
Bon état
Echange possible
Très bon état
A venir prendre sur place
état de marche
Pas d'envoi
état d'usure
Possibilité d'envoi à vos frais
Pour pièce
Prix ferme
à tester
Je fais de la place dans mes cd
Le tableau ci dessus présentant les segments de texte caractéristiques nous
donne davantage d’information sur cette petite classe. Tout d’abord, une
pratique qui est la vente en lot notamment pour les CD/DVD ou Cassettes,
des objets possédés en grand nombre. La mention « Je fais de la place dans
mes cd » montre que la mise en ligne de ces objets, qu’ils soient donnés ou
vendus, vient d’une volonté de faire de la place dans ses étagères, soit parce
que les objets n’ont plus d’utilité (cassettes), soit pour avoir la place d’en
acquérir de nouveaux. Les CD et DVD sont aussi échangés, comme l’illustre
la mention « Echange possible » à la manière de collection que l’on complète
ou dont on se sépare au fur et à mesure. Ceci entre dans la même démarche
que ce que nous avons analysé pour la classe 1 et 2.
Le vocabulaire concernant l’état de l’objet semble naturellement concerner
davantage les objets multimédias ou électroménagers. On voit apparaître des
formules comme « Pour pièce » lorsque l’objet n’est plus en état de marche,
ou encore « A tester », ce qui révèle que les annonceurs retrouvent dans leurs
placards ou greniers des objets anciens dont ils ne savent pas s’ils sont encore
fonctionnels. En mettant en parallèle les informations recueillies sur les
forums, on peut suggérer sans trop d’erreurs qu’il s’agit des annonces de
dons, tout comme les annonces portant la mention « Pour bricoleur ». Les
annonceurs plutôt que de jeter leurs objets les proposent à d’éventuels
intéressés qui pourrait leur donner une seconde vie.
Pour résumer les informations sur cette classe, l’absence de vocabulaire
positif ou négatif ou encore sur les modalités de contact montre que ces
annonces sont plutôt neutre dans leurs formulations. Dans le cas des objets
en état d’usure ou à réparer, les annonceurs ont probablement moins de
chance d’être contactés et de trouver preneurs, et postent donc leurs
annonces sans y ajouter de nombreuses conditions ou de formalités à
l’échange. On retrouve également la pratique de la vente en lot pour les petits
objets que l’on possède en grande quantité (CD/DVD) ce qui confirme bien
le fait que les annonceurs souhaitent faire de la place et évacuer leurs objets le
plus rapidement possible et de façon plus aisée. En effet, vendre ou donner
un CD à la fois demande beaucoup plus de temps, même si les annonceurs
pourraient y gagner davantage en termes pécunier en les vendant séparément.
La mention des mots pour bricoleur ou à réparer témoigne d’une posture
différente des annonceurs de cette classe comparativement à la classe 1, ou
l’on observe qu’ils souhaitent davantage donner une seconde vie à leurs
objets, qu’à s’en débarrasser coûte que coûte.
CLASSE 5
La classe 5 est une classe d’effectif moyen puisqu’elle rassemble 15,5% des
annonces globales. Le tableau suivant récapitule les informations relatives aux
modalités des variables qui caractérisent les annonces de cette classe.
TABLE 23. Caractéristiques de la classe 5 selon les variables
Variables
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
P
Don
252
927
27.18
132.10
1.424258e-30
Vente
212
1131
18.74
13.23
2.756812e-04
Ameublement
223
266
83.83
1025.69
4.678254e-225
Electroménager
45
89
50.56
85.29
2.583055e-20
Décoration
38
73
52.05
75.67
3.344935e-18
Bricolage
27
57
47.37
44.67
2.332961e-11
Vaisselle
27
80
33.75
20.65
5.514863e-06
Bureau
6
21
28.57
2.72
9.882446e-02
Bébé
31
157
19.75
2.20
1.380765e-01
Prix_5
52
162
32.10
35.46
2.600379e-09
Prix_0
281
1667
16.86
4.28
3.855716e-02
Prix_4
47
234
20.09
3.93
4.750799e-02
Rmoy_0
2
3
66.67
5.97
1.454763e-02
Rmoy_2
235
1369
17.17
4.57
3.251267e-02
Catégorie d'échange
Type d'objet
Tranche de prix
Tranche de revenu
Département
91
102
448
22.77
20.48
6.028457e-06
78
74
406
18.23
2.51
1.133662e-01
Tout d’abord, il convient de noter que cette classe comporte presque
le même nombre d’annonces de ventes et de dons ce qui en fait une classe
mixte sur le plan des échanges, un aspect intéressant dans notre analyse.
D’autre part, la modalité la plus significative lorsque l’on regarde le Khi2 est
la catégorie d’objet « Ameublement » qui est représentée à 83% dans cette
classe. La catégorie « Electroménager » est également significativement
présente, et dans une moindre mesure les catégorie « Bricolage »,
« Décoration », et « Vaisselle ». La variable tranches de prix se divise en deux
catégories, les prix assez élevés, compris entre 20 et 100 euros et les prix non
renseignés qui concernent les dons. Les autres variables ne sont pas
significatives lorsque l’on regarde le Khi 2 mais la tranche de revenu entre 25
000 et 30 000, est représentée à près de 20%. On retrouve également
davantage d’annonces dans les Yvelines et dans l’Essonne.
Le tableau suivant présente le vocabulaire spécifique à cette classe.
TABLE 24. Vocabulaire spécifique de la classe 5
Vocabulaire
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
P
Modalités d'échange
débattre
11
23
47.83
18.36
1.831975e-05
prix
37
192
19.27
2.14
1.436660e-01
règlement
5
7
71.43
16.67
4.452773e-05
livraison
9
18
50.00
16.34
5.287595e-05
enlever
7
11
63.64
19.42
1.049441e-05
retirer
36
122
29.51
18.76
1.482659e-05
enlèvement
6
9
66.67
17.94
2.275446e-05
rer
14
31
45.16
20.87
4.904887e-06
véhicule
14
17
82.35
58.03
2.580462e-14
indispensable
10
11
90.91
47.70
4.969475e-12
weekend
2
3
66.67
5.97
1.454763e-02
réservation
3
5
60.00
7.53
6.072651e-03
Modalités de contact
NA
Vocabulaire positif ou négatif
rapidement
9
37
24.32
2.19
1.390101e-01
urgent
14
34
41.18
17.16
3.433814e-05
achetée
6
18
33.33
4.35
3.694628e-02
cause
28
41
68.29
87.87
6.981684e-21
déménagement
17
19
89.47
79.47
4.892733e-19
naissance
3
9
33.33
2.17
1.406754e-01
réparer
14
20
70.00
45.40
1.609880e-11
qualité
9
34
26.47
3.11
7.762273e-02
état
189
908
20.81
26.25
3.001634e-07
général
16
36
44.44
23.12
1.525104e-06
nettoyer
9
15
60.00
22.65
1.939702e-06
nettoyage
7
11
63.64
19.42
1.049441e-05
vieux
6
12
50.00
10.88
9.746726e-04
correct
5
10
50.00
9.06
2.616752e-03
usage
15
24
62.50
40.55
1.917822e-10
usée
3
4
75.00
10.77
1.030804e-03
déchirée
2
3
66.67
5.97
1.454763e-02
abime
5
6
83.33
21.02
4.551198e-06
confortable
7
12
58.33
16.77
4.210340e-05
idéal
14
39
35.90
12.43
4.231702e-04
Autre vocabulaire
Comme on pouvait le suggérer avec la dominante de la catégorie
Ameublement ou Electroménager dans cette classe, on voit apparaître un
vocabulaire spécifique dans les modalités d’échanges qui se pratiquent le plus
souvent par une remise en main propre. L’échange peut se faire au domicile
de l’annonceur lorsque celui-ci mentionne « A retirer », ou « A enlever », ou
bien parfois une livraison est possible, le mot « Livraison » apparaît 9 fois
dans cette classe. D’autre part, la mention du prix et du mot « Débattre »,
semblent indiquer que les objets d’ameublement de valeurs relativement
élevées mais qui ne sont pas aussi recherché que les objets multimédias,
laissent les annonceurs ouverts à la négociation.
Cela peut également s’expliquer lorsque l’on voit le vocabulaire
« Rapidement » ou « Urgent » ainsi que les mentions de la cause de la vente
« Déménagement », qui attestent que les annonceurs souhaitent se séparer
rapidement de leur meuble et sont donc près à en négocier le prix pour
faciliter la vente. Mais le caractère urgent de la vente lié à un déménagement
est également valable dans le cas de dons, ce qui d’ailleurs peut être une
motivation à donner ses meubles plutôt que de les vendre, pour trouver plus
rapidement preneurs. Le caractère encombrant du mobilier en général peut
expliquer la volonté des annonceurs de se séparer rapidement de ces objets.
Cependant, sur ce point, on voit apparaître un vocabulaire autour de l’état
des objets qui semble montrer que ces derniers sont bien souvent en état
d’usage, même si d’autres mots peuvent mettre en valeur leur bonne
conservation, la différence pouvant s’expliquer entre les annonces de dons et
celles de ventes.
L’analyse par segment de texte permet de compléter l’analyse des mots et
de voir les éventuels contresens que l’on peut faire en prenant les mots à part.
TABLE 25. Segments de textes caractéristiques de la classe 5
Modalités d'échange
Etat de l'objet
Vocabulaire +/-
Autre vocabulaire
Je donne
Bon état général
Photos sur demande
Cause déménagement
Je vends
Très bon état
N'hésitez pas à me contacter
pour plus d'informations
Cause double emploi
Echange contre
Parfait état
Idéal pour
A venir chercher sur place
Etat neuf
De marque
Véhicule indispensable
Jamais servi
Lot de
Pas de livraison
A réparer
Tapez pour voir mes autres
ventes
Livraison possible
Etat d'usage
Gare
Peut encore servir
Envoi possible ou rendez-vous
Prix à débattre
Pas de réservation
En effet, on observe que le mot « Livraison » ne signifie pas forcément que
l’annonceur accepte de livrer son objet, mais qu’il s’y oppose parfois lorsque
la demande provient de l’intéressé. D’autre part, le vocabulaire sur l’état, qui
apparaissait fréquemment de façon négative dans le premier tableau, signale
que des segments de texte valorisant le bon état de l’objet apparaissent
également dans cette classe. On peut repérer certaines phrases positives,
notamment sur la disponibilité de l’annonceur à fournir des photos ou des
renseignements aux intéressés.
Pour résumer, cette classe, caractéristique des objets d’ameublement et
d’électroménager, des objets volumineux dont on se sépare souvent lors de
déménagement et qui peuvent facilement encombrer le domicile des
annonceurs lorsqu’ils n’en ont plus l’utilité. Ainsi, ils sont plus enclin à s’en
séparer rapidement, ce qui peut se faire soit en les donnant notamment
lorsque les meubles ne sont pas dans des états irréprochables, soit en les
vendant mais en étant ouverts à la négociation pour que l’échange se fasse le
plus rapidement possible. Les annonceurs ne mentionnent donc pas de
vocabulaire défensif ou de condition restrictive à l’échange, on peut donc
conclure que le rapport de force est davantage en faveur de l’intéressé dans ce
type d’échange, même dans les cas où il s’agit de don.
CLASSE 6
La classe 6 est la plus importante des classe puisqu’elle représente 23,2%
des annonces. Elle résulte selon le dendrogramme d’un troisième découpage
et s’oppose aux classes 1, 2 4 et 5. Le tableau suivant récapitule ses
caractéristiques selon les modalités des variables qui la composent.
TABLE 26. Caractéristiques de la classe 6 selon les variables
Variables
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
P
526
1131
46.51
519.81
4.663846e-115
Vêtements
362
445
81.35
972.49
1.716971e-213
Bébé
104
157
66.24
170.89
4.719076e-39
Accessoires
59
68
86.76
157.11
4.849529e-36
Catégorie d'échange
Vente
Type d'objets
Bijoux
53
71
74.65
107.53
3.399895e-25
Hobbies
34
115
29.57
2.68
1.016676e-01
Prix_3
138
246
56.10
160.86
7.350562e-37
Prix_4
117
234
50.00
101.11
8.703871e-24
Prix_2
113
225
50.22
98.56
3.160333e-23
Prix_1
106
226
46.90
76.17
2.608917e-18
Prix_5
55
162
33.95
10.97
9.260728e-04
Rmoy_4
52
164
31.71
6.95
8.392081e-03
Rmoy_3
163
623
26.16
3.69
5.462864e-02
131
406
32.27
21.16
4.232760e-06
Tranche de prix
Tranche de revenu
Département
78
Cette classe est majoritairement composée d’annonces de ventes,
puisqu’elle représente près de la moitié des annonces de ventes avec un Khi2
très important à 519. Concernant les types d’objets caractéristiques de cette
classe, on retrouve en premier lieu les vêtements qui sont représentés à 81%
dans cette classe avec un Khi2 très important à 972. Viennent ensuite les
vêtements et accessoires pour bébé, les accessoires, et les bijoux qui chacun
sont représentés presque aux trois quarts dans cette classe avec des Khi2
importants. Il s’agit donc majoritairement d’objets à caractère personnel. Les
tranches de prix sont plutôt basses ce qui est logique compte tenu des objets
vendus, et se situent entre 1 euros et 50 euros, la tranche 50 à 100 euros est
néanmoins représentée à 30% dans cette classe.
Les tranches de revenu des communes sont peu significatives pour
caractériser cette classe, même si elles se situent davantage dans les
communes plutôt riches, et l’on retrouve une surreprésentation du
département des Yvelines qui est un département composé d’avantage de
classes aisées. Voyons maintenant le vocabulaire spécifique à cette classe dans
le tableau suivant.
TABLE 27. Vocabulaire spécifique de la classe 6
Vocabulaire
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
P
remise
110
187
58.82
140.72
1.856315e-32
main
129
230
56.09
149.52
2.203100e-34
propre
122
230
53.04
123.11
1.322307e-28
Modalités d'échanges
retrait
8
19
42.11
3.82
5.074199e-02
45
113
39.82
18.05
2.147844e-05
124
316
39.24
50.16
1.415169e-12
possible
78
236
33.05
13.73
2.109873e-04
postal
24
39
61.54
32.47
1.211047e-08
lettre
16
27
59.26
19.81
8.548111e-06
colissimo
21
26
80.77
48.64
3.070870e-12
minimax
5
5
100.00
16.55
4.744945e-05
frais
61
167
36.53
17.42
2.988712e-05
port
37
100
37.00
10.96
9.319317e-04
possibilité
envoi
supplément
20
31
64.52
29.90
4.538729e-08
prix
69
192
35.94
18.44
1.751505e-05
hésitez
24
67
35.82
6.08
1.370040e-02
renseignement
14
21
66.67
22.36
2.265456e-06
6
10
60.00
7.60
5.826366e-03
achat
24
58
41.38
10.90
9.614872e-04
achetée
10
18
55.56
10.60
1.129219e-03
marque
185
283
65.37
307.90
6.266701e-69
authentique
15
23
65.22
22.89
1.713729e-06
original
56
133
42.11
27.67
1.440033e-07
contrefaçon
16
30
53.33
15.38
8.788546e-05
taper
79
179
44.13
46.34
9.945411e-12
Modalités de contact
NA
Vocabulaire positif ou négatif
affaire
Autre vocabulaire
consulter
17
21
80.95
39.48
3.315501e-10
voir
56
166
33.73
10.81
1.011433e-03
annonce
52
152
34.21
10.76
1.034961e-03
vente
48
132
36.36
13.29
2.668268e-04
qualité
14
34
41.18
6.20
1.275787e-02
parfait
4
8
50.00
3.22
7.265520e-02
magnifique
8
14
57.14
9.07
2.604892e-03
impeccable
11
23
47.83
7.86
5.067572e-03
petit
63
199
31.66
8.43
3.698252e-03
très
162
379
42.74
91.28
1.245620e-21
bon
196
619
31.66
30.30
3.695401e-08
état
286
908
31.50
47.80
4.718037e-12
neuf
147
522
28.16
8.43
3.687170e-03
joli
28
42
66.67
45.00
1.974027e-11
excellent
44
87
50.57
37.45
9.384332e-10
superbe
12
16
75.00
24.16
8.869457e-07
véritable
10
10
100.00
33.14
8.555737e-09
idéal
14
39
35.90
3.55
5.955585e-02
jamais
48
109
44.04
27.35
1.698514e-07
portées
15
16
93.75
44.83
2.150500e-11
étiquette
15
17
88.24
40.48
1.981982e-10
Les modalités d’échange révèlent que la suite de mot « Remise en main
propre » est représentée tout de même à 50% dans cette classe, mais on
retrouve tout un ensemble de vocabulaires relatif à l’envoi postal qui est très
bien représenté dans cette classe également, le mot « envoi » est représenté à
40% dans cette classe par exemple, et l’on retrouve toutes les modalités
d’envoi : lettre, colissimo, minimax, dont l’envoi par colissimo semble
privilégié puisque ce mot est représenté à 80% dans cette classe. En effet, ce
type d’envoi permet un suivi de l’objet sur le site en ligne de la poste, tandis
que l’envoi par lettre ou par colis minimax ne permet pas de suivi, donc ils
offrent moins de garanties à l’acheteur de suivre le colis et de prouver que
l’annonceur a bien envoyé l’objet.
On retrouve également une catégorie de vocabulaire sur le thème de la
confiance avec les mots comme « original », « authentique », qui montre que
les vêtements de marque sont très souvent vendus sur le site, comme le
montre la fréquence très élevée du mot « marque », présent 185 fois dans les
annonces et à 80% parmi les annonces totales.
On peut noter également toute une panoplie de vocabulaires mettant en
avant l’objet « Magnifique », « Impeccable », « Superbe » « Joli », illustrant le
fait que ces annonces sur des objets plutôt personnels que sont les vêtements
et les accessoires, sont vendus de façon davantage « commerciale » que les
autres objets plus neutres, pour lesquels les intéressés attendent davantage de
garanties techniques, ou bien simplement des informations sur l’état de
l’objet.
Les mots « Tapez » et « Consultez », sont très présents dans cette classe,
ce qui révèle que la stratégie du pseudonyme pour accéder à l’ensemble des
annonces du vendeur est particulièrement pratiquée pour les annonces de
vêtements. Ainsi, les vêtements et accessoires se vendent souvent par
quantité, ce qui révèle que l’on se sépare souvent de ces biens en « faisant le
vide » dans son dressing.
Enfin on retrouve un vocabulaire plutôt positif avec les mots « hésitez », qui
sous tend la formule « n’hésitez pas pour toutes questions », et témoigne de
l’ouverture des annonceurs dans le cadre de la vente de ces biens particuliers
que sont les vêtements et accessoires, pour fournir des renseignements sur les
mesures, l’état de l’objet etc…
Le tableau suivant relatif aux segments de texte caractéristiques confirme les
informations fournies par les statistiques sur les mots.
TABLE 28. Segments de textes caractéristiques de la classe 6
Modalités d'échanges
Modalités de contact
Remise en main propre
Me contacter par mail
Etat de l'objet
Vocabulaire +/-
Autre vocabulaire
Très bon état
Très beau
Idéal pour
Envoi possible
Excellent état
Très joli
De la marque
Envoi en colissimo avec numéro
de suivi
Neuf jamais porté
Excellente qualité
Produit original
Ce n'est pas une
contrefaçon
Tapez pour voir mes autres
ventes
Très peu porté
N'hésitez pas à me contacter
pour plus d'information
Frais de port en supplément
A nettoyer
Photos sur demande
Retrait sur place ou envoi possible
Sans trous ni taches
D'autres articles disponibles
Possibilité de remise en main
propre
Pas d'envoi
Maison non fumeur et sans
animaux
Remise sur les prix si
plusieurs achat
Envoi en lettre verte sans suivi
Echange contre
Paiement en espèce
En effet, on retrouve les deux possibilités d’échange, l’envoi ou la remise
en main propre qui ne sont parfois pas exclusifs l’un de l’autre comme le
montre la formule « Retrait sur place ou envoi possible ». On retrouve les
formules positives mettant en valeur l’objet, son état etc. On voit également
que l’utilisation du pseudonyme pour accéder au « dressing » de l’annonceur
peut s’accompagner de pratiques commerciales comme le signale la formule
« Remise sur les prix si plusieurs achats ».
Pour résumer les caractéristiques de cette classe, nous pouvons constater
que pour ces objets de faible volume, l’envoi postal semble assez
couramment pratiqué ce qui témoigne d’une certaine confiance dans
l’échange et qui peut s’expliquer par la relativement faible valeur des objets
échangés. En effet, il n’y a pas particulièrement d’intérêt à tromper l’un ou
l’autre des partenaires lorsque l’enjeu pécunier est faible comme l’atteste les
tranches de prix auxquelles sont généralement vendus les vêtements et
accessoires.
La problématique de la confiance se retrouve dans l’assurance de
l’authenticité des produits vendus qui sont très souvent des marques, comme
nous l’avions remarqué en première partie de ce mémoire.
Les caractéristiques de cette classe dénotent un certain caractère plus
« commercial » dans l’échange que d’autre annonces plus neutres,
notamment par rapport aux classes 1,2 4 et 5, où l’on voit que les annonceurs
mettent plus souvent en valeur leurs objets, et incitent les intéressés à acheter
plusieurs choses en même temps en pratiquant des réductions dans le cas de
plusieurs achats comme le font de nombreux magasins dans le cadre de
promotions commerciales.
CLASSE 7
La classe 7 représente le plus petit effectif en volume d’annonces
puisqu’elle représente 6,2% des annonces totales. Cependant, lorsque l’on
regarde les analyses factorielles présentées plus haut, nous avions remarqué
que cette classe se distinguait fortement des autres sur l’axe horizontal.
D’autre part, selon le dendrogramme, la classe 7 résulte du deuxième
découpage, ce qui signifie qu’elle s’est opposé distinctement aux autres dans
les premières étapes de la classification. Le tableau suivant présente les
principales caractéristiques de cette classe selon les modalités des variables.
TABLE 29. Caractéristiques de la classe 7 selon les variables
Variables
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
P
159
1278
12.44
138.43
5.860809e-32
Collection
133
190
70.00
1408.87
2.487070e-308
Jeux
55
227
24.23
135.96
2.035770e-31
Prix_0
169
1667
10.14
88.56
4.942948e-21
Prix_1
26
226
11.50
11.70
6.257617e-04
Rmoy_2
114
1369
8.33
17.97
2.247556e-05
Rmoy_4
17
164
10.37
5.13
2.350726e-02
Dep_95
36
336
10.71
13.05
3.027092e-04
Dep_94
31
279
11.11
12.59
3.874936e-04
Dep_91
38
448
8.48
4.61
3.177640e-02
Catégorie d'échange
Troc
Type d'objet
Tranche de prix
Tranche de revenu
Département
Cette classe est majoritairement composée d’annonces de troc, avec un Khi
2 important, même si elles ne représentent que 12% des annonces de troc.
Lorsque l’on regarde les types d’objets caractéristiques, on constate qu’il s’agit
majoritairement d’annonces d’objets de collection et de jeux, représentant
respectivement 70% et 24% des annonces de leur catégorie avec des Khi2
importants.
Contrairement à la classe 3 qui représentait également le troc, les tranches
de prix majoritaires sont les tranches où le prix n’est pas renseigné et où le
prix est compris entre 1 et 5 euros. Il s’agit donc de petits objets de collection,
et lorsque l’on regarde plus en détail le contenu des annonces, les objets
échangés sont très souvent des cartes, des timbres, des magnets. Les individus
possèdent des collections d’objets de très faible valeur, voir obtenus
gratuitement dans les magasins proposant les magnets (collection associées à
certains produits commerciaux) qu’ils souhaitent compléter. Nous avons
observé en lisant les annonces que parfois l’annonceur mettait en ligne son
objet de collection pour son enfant, ils s’agit donc bien souvent d’objets
collectionnés par les enfants. Les tranches de revenu des communes se
situent davantage dans les communes à revenu moyen, entre 20000 et 30000
euros moyen pour la commune et plus souvent dans les départements 95 et
94.
Nous pouvons également faire la remarque que ces objets troqués
s’opposaient sur les deux axes de l’analyse factorielle à la classe 3 qui était
caractérisée également par des objets troqués mais par des objets
multimédias. Les départements d’où proviennent ces annonces ne sont
également pas les mêmes que les trocs pratiqués dans la classe 3.
Le tableau suivant récapitule le vocabulaire spécifique à cette classe.
TABLE 30. Vocabulaire spécifique de la classe 7
Variables
Effectif dans la classe
Effectif total
Pourcentage
Khi2
P
27
45
60.00
226.81
2.952229e-51
Modalités d'échange
prévoir
frais
43
167
25.75
115.37
6.524332e-27
port
30
100
30.00
100.29
1.315450e-23
envoi
49
316
15.51
51.89
5.875095e-13
poste
13
41
31.71
46.39
9.709740e-12
enveloppe
8
12
66.67
75.65
3.394767e-18
timbrée
2
6
33.33
7.60
5.834524e-03
affranchir
5
5
100.00
75.69
3.313536e-18
tarif
13
19
68.42
127.09
1.774488e-29
remise
22
187
11.76
10.52
1.180068e-03
main
22
230
9.57
4.79
2.858539e-02
propre
25
230
10.87
9.24
2.374122e-03
6
30
20.00
9.90
1.654292e-03
cordialement
10
88
11.36
4.13
4.206248e-02
merci
26
224
11.61
12.04
5.206284e-04
moteur
28
37
75.68
310.26
1.917915e-69
annonce
48
152
31.58
176.18
3.313820e-40
taper
47
179
26.26
130.68
2.915967e-30
liste
17
31
54.84
127.16
1.709781e-29
compléter
6
10
60.00
49.87
1.640482e-12
série
55
71
77.46
632.95
1.143678e-139
collection
17
47
36.17
73.55
9.822663e-18
collector
4
4
100.00
60.54
7.223210e-15
collectionneur
3
13
23.08
6.38
1.152016e-02
doublon
2
3
66.67
18.86
1.406519e-05
Modalités de contact
réponds
Vocabulaire positif ou négatif
Autre vocabulaire
manquer
9
40
22.50
18.47
1.725425e-05
proposer
16
60
26.67
43.95
3.363297e-11
identique
2
6
33.33
7.60
5.834524e-03
Nous pouvons noter tout d’abord dans les modalités de l’échange que
l’envoi postal semble très fréquent pour ce type d’échange contrairement au
troc de la classe 3 pratiqué sur des objets de valeur. On voit une nouvelle
pratique d’échange qui est l’envoi d’une enveloppe affranchie au nom du
destinataire pour permettre à l’annonceur d’envoyer ses objets à échanger.
Ainsi, comme pour les autres échanges sur des objets de faible valeur, la
confiance est très présente dans l’échange puisqu’il n’y pas d’enjeux
pécuniers.
On retrouve également un vocabulaire positif avec les mots
« Cordialement » et « Merci » assez présents dans cette classe compte tenu
du faible effectif de la classe. Et à l’inverse une absence de vocabulaire
négatif, ou de conditions restrictives à l’échange.
On voit que ces collections sont souvent très grandes comme l’illustre les
mots « Série », « Liste ». Les annonceurs possèdent des doublons et des
objets manquants, c’est sur ces deux éléments que se réalise le troc. La
pratique des pseudonymes pour accéder aux autres annonces est également
assez fréquente dans le cadre de ces échanges.
Le tableau suivant présente les segments de texte caractéristiques de la classe,
mais n’apporte pas plus d’informations que le tableau sur les mots.
TABLE 31. Segments de textes caractéristiques de la classe 7
Modalités d'échange
Modalités de contact
Prévoir frais de port si envoi par
courrier
Je réponds vite aux mails,
merci
Vocabulaire +/-
Autre vocabulaire
Cordialement
Pour voir mes autres
annonces tapez
Enveloppe retour affranchie
Image manquante
Remise en main propre ou envoi
possible
Série complète
En double
Pour résumer les caractéristiques de cette classe, on pourrait qualifier ces
échanges sous les termes d’une simplicité et cordialité dans l’échange et d’une
confiance réciproque, liés non seulement au fait qu’il s’agit d’un troc et non
d’une vente, mais également parce que les objets échangés n’ont quasiment
pas de valeur monétaire.
2 .1.3 Typologie
Nous allons maintenant tenter de réaliser une typologie des petites
annonces selon les différents critères dégagés dans l’analyse précédente. Cette
analyse sera réalisée selon les éléments qui nous intéressent à savoir les
modalités et les formes de l’échange, qui laissent transparaître la
problématique de la confiance, mais également d’autres éléments qui peuvent
caractériser ces différentes formes d’échange. L’analyse détaillée des
annonces par classification nous a permis de repérer tout un ensemble de
vocabulaires décrivant la façon dont se déroulent les échanges et la posture de
l’annonceur dans l’échange.
Pour résumer ces différents éléments, nous avons pu repérer tout d’abord
la question des modalités d’envoi, qui peuvent se faire soit par la poste, soit
par remise en main propre au domicile de l’annonceur, soit à un endroit
arrangeant les deux partenaires. Ces différentes modalités concrètes
d’échange de l’objet reflètent non seulement la question de la confiance entre
les partenaires, l’envoi postal étant une possibilité qui révèle une certaine
confiance de l’intéressé vis à vis de l’annonceur. Mais elles reflètent
également dans une moindre mesure la question du rapport de force entre
annonceur et intéressé, notamment lorsque l’échange se fait uniquement au
domicile de l’annonceur trahissant un rapport de force en faveur de ce
dernier.
Ensuite viennent l’ensemble du vocabulaire sur les conditions de jours, et
parfois d’heures précises auxquelles doivent se dérouler l’échange. Nous
retrouvons également la mention de conditions d’un langage maîtrisé pour
s’adresser à l’annonceur, ou bien encore la mention spécifique d’un
destinataire souhaité de l’objet. Ces éléments reflètent un rapport de force
annonceur/consommateur en faveur de l’annonceur.
A l’inverse le vocabulaire de mise en garde sur le sérieux des intéressés
s’oppose au vocabulaire de politesse et d’ouverture de l’annonceur, ce qui
révèle que le rapport de force peut également se trouver en faveur de
l’intéressé.
A ce sujet on retrouve dans certaines annonces une série de vocabulaire et
de formules que l’on pourrait qualifier de « commerciales », notamment
lorsque l’annonceur décrit son objet avec des mots très valorisant, qu’il fait
référence à la valeur d’achat de son objet, ou encore qu’il propose des
réductions si l’intéressé lui achète plusieurs objets etc.. Ce côté commercial se
retrouve également dans les annonces ou l’annonceur est prêt à fournir des
renseignements ou des photos supplémentaires sur l’objet.
A l’inverse, le côté commercial peut s’opposer à certaines annonces dans
lesquelles les annonceurs souhaitent non pas « faire de l’argent » mais se
débarrasser de leurs objets et parfois au plus vite. C’est le cas notamment lors
de la mention de la cause de la vente par exemple pour les déménagements
où le temps fait défaut à l’annonceur pour pouvoir vendre son objet. Nous
pouvons le retrouver également pour la vente ou le don en lot, dénotant le
fait que les annonceurs souhaitent se séparer d’un grand nombre d’objets à la
fois.
Enfin la problématique de la confiance que nous avons évoquée plus
haut se retrouve également dans les différentes modalités de paiement. On
voit que le paiement en espèce ou par le site Paypal, sont les modes de
paiement les plus sûrs, tandis que le paiement par chèque est moins sécurisé
du fait du risque de chèque en bois. Ce dernier mode de paiement révèle
donc une certaine confiance entre les deux partenaires dans l’échange tandis
que les deux premiers révèlent la volonté de prendre des précautions
supplémentaires dans l’échange.
D’autres éléments présent dans les annonces sont relatifs à la
confiance comme la mention de vocabulaire garantissant la qualité de l’objet,
la présence de facture, de garantie du fournisseur, la présence de l’emballage
d’origine etc.. En dehors de ces mentions sur des garanties concrètes, le
vocabulaire mentionnant le sérieux de l’annonce ou encore affirmant le bon
état de l’objet, sont des garanties orales qui révèlent la volonté de l’annonceur
d’introduire de la confiance dans l’échange.
Ainsi, pour réaliser la typologie de ces petites annonces, nous pouvons
résumer ces éléments en deux axes à la manière d’une analyse factorielle que
nous allons schématiser graphiquement.
Tout d’abord un premier axe relatif à la confiance dans l’échange, nous
opposerons les annonces dans lesquelles les partenaires se font confiance aux
annonces où l’annonceur prend des mesures de précaution. D’autre part, ce
même axe peut se coupler à la question de l’ouverture dans l’échange, au
dialogue notamment, les vocabulaires de politesse, la disponibilité de
l’annonceur pour faciliter l’échange, qui s’opposent au vocabulaire de mise
en garde.
Enfin nous pouvons dégager un deuxième axe relatif au rapport de force
entre les partenaires de l’échange, lorsqu’il est plus ou moins en faveur de
l’un ou de l’autre selon les critères mentionnés plus haut. On peut également
joindre à cet axe l’opposition entre les annonces plus commerciales, dans
lesquelles l’annonceur met en avant son objet, sa valeur, ou le rapport de
force est en faveur de l’annonceur, et les annonces plus neutres où
l’annonceur souhaite avant tout se débarrasser de son objet, dans ce cas le
rapport de force est davantage en faveur de l’intéressé.
Le graphique suivant synthétise les différents éléments dégagés de l’analyse
par classification en les ordonnant selon les axes que nous avons mis en avant
plus haut.
FIGURE 12. Schéma synthétique de la typologie par axe.
Pour analyser ce schéma, nous pouvons procéder classe par classe en
justifiant la position de chacune sur le graphique.
Tout d’abord, la classe 1 composée majoritairement de dons d’objets
divers, a été positionnée en bas à droite du graphique. Le rapport de force est
en faveur de l’annonceur car nous avons distingué dans cette classe les
éléments comme la précision de nombreuses conditions à l’échange, un
échange qui se déroule majoritairement à domicile bien que les objets soient
de faibles volumes, ainsi que certaines injonctions comme le fait que
l’échange doit se dérouler rapidement sous menace de finir à la poubelle, les
mentions « Non sérieux s’abstenir », ou encore la mention de destinataire
privilégié pour l’objet. Cette classe montre que le don d’objet divers, motivé
souvent par la volonté de faire le vide des objets inutiles dans sa maison, ne se
déroule pas forcément toujours de façon agréable pour les partenaires de
l’échange. On peut voir que l’annonceur prend des précautions et mentionne
des conditions précises ce qui peut révéler qu’il a connu auparavant de
mauvaises expériences avec des donataires. Ces objets divers qui sont donnés
ne suscitent peut être pas un intérêt très grand comparativement à du
mobilier par exemple qui sur une échelle d’utilité est bien plus attractif pour
les donataires et peuvent donc peut être mener à un moindre engagement
dans l’échange de la part du donataire. Ceci pouvant expliquer les
précautions et la moindre confiance qui peuvent régner dans ce type
d’échange.
La classe 2 qui concerne des annonces de vente d’objets divers a été
positionnée plus au centre du graphique. Ceci s’explique par le vocabulaire
plus commercial que l’on retrouve dans cette classe avec une certaine mise en
avant des objets, souligné par le fait de mettre des liens vers les autres
annonces du vendeur, ou encore la présence de formules positives sur la
possibilité de renseigner l’intéressé sur l’objet. Mais on retrouve une certaine
distance dans les modalités de contacts qui se font majoritairement par mail
pour ces types d’objets et d’échange. Ainsi, cette classe montre que l’échange
est assez neutre, le rapport de force n’est pas particulièrement distinctif
puisqu’il s’agit d’objets à faibles enjeux, qui ne sont pas particulièrement utiles
ou bien n’ont pas une grande valeur monétaire ou encore une grande
attractivité sur le plan technologique ou de la mode. Les modalités d’échanges
sont très variées ce qui montre l’ouverture des annonceurs à ce qui peut
arranger l’intéressé, sans poser de conditions très précises dans l’échange.
La classe 3 qui concerne la majorité des annonces de trocs d’objets
multimédias a été positionnée à droite du graphique, dans la partie haute. Le
positionnement au milieu sur l’axe de la confiance s’explique par le fait que
ce type d’échange se caractérise par un certain vocabulaire visant à rassurer
les intéressés, comme la mention de la présence de facture et de garantie,
mais également à rassurer l’annonceur par rapport à d’éventuels intéressés
mal intentionnés. En effet, les modalités d’échanges se font généralement par
remise en main propre car l’envoi postal est plus risqué pour des objets de
grandes valeurs, ainsi que dans le cadre d’un troc ou les règles d’envoi sont
moins établies que dans le cadre d’une vente. Nous avons positionné cette
classe à droite du graphique sur le plan du rapport de force car l’annonceur
est le premier à proposer l’objet et attend en retour des objets de qualités
équivalentes, il est donc au courant de l’état de son objet et prend des
précautions car il ne dispose que de peu d’informations sur l’objet que
l’intéressé va lui proposer. Cet échange qui est néanmoins caractérisé par la
réciprocité explique néanmoins la présence d’un vocabulaire positif, et
ouvert, avec la présence de formules de politesse visant à ce que la
communication se déroule bien, tout comme le montre le fait que le contact
par téléphone est souvent privilégié dans cette classe. Ainsi, nous pourrions
qualifier ce type d’échange de cordial mais sécuritaire avec un rapport de
force penchant davantage en faveur de l’annonceur malgré la réciprocité
propre au troc.
La classe 4 se compose majoritairement d’annonces de dons et de façon
marginale d’annonces de ventes, d’objets à caractère technologique, mais
souvent dépassés ou en mauvais état ou bien encore des CD ou DVD à
faibles valeurs et possédés en grande quantité. Nous avons placé cette classe à
gauche du graphique sur le plan du rapport de force car elle est composée
souvent de vente en lot, montrant que les individus souhaitent se débarrasser
le plus possible de leurs objets et le plus rapidement possible. Nous avons
positionné cette classe plutôt en haut sur l’axe de la confiance, car les
annonces mentionnent la possibilité d’un envoi par la poste. Les mentions
« Pour bricoleurs » ou « A réparer », présent dans cette classe révèlent
l’honnêteté des annonceurs, leurs faibles attente vis à vis des intéressés. Ils
souhaitent trouver preneur, même s’ils ne sont pas pressés de s’en
débarrasser du fait du caractère peu encombrant de ces objets. Contrairement
à la classe 1 où les annonces de dons étaient très défensives, cette classe est
plutôt ouverte au dialogue, et l’échange semble se dérouler plus facilement.
Les motivations à se débarrasser de ces objets peuvent expliquer la
différence, peut être des motivations écologique lorsque les individus
souhaitent donner une seconde vie à leur objet en les proposant à quelqu’un
sachant les remettre en état de marche, ou encore la volonté de faire de la
place dans ses étagères dans le cadre des CD ou DVD, mais sans forcément
avoir envie de les jeter à la poubelle s’ils ne trouvent pas preneur rapidement.
La classe 5 composée d’annonces de dons et de ventes, mais
principalement d’objets d’ameublements, a été placée en haut à gauche du
graphique. Le placement à gauche sur le plan du rapport de force s’explique
par le fait que bien souvent ces annonces, que ce soit pour le don ou la vente
sont mises en ligne par les annonceurs avec l’intention de s’en débarrasser le
plus rapidement possible du fait du caractère encombrant des objets
mobiliers. Dans le cadre des dons, les objets mobiliers sont souvent en
mauvais état, mais peuvent servir à des personnes souhaitant se meubler sans
trop de frais, les annonceurs souhaitent donc trouver preneur au plus vite.
Dans le cadre des ventes, le mobilier est logiquement plus souvent en
meilleur état, mais les annonceurs mentionnent la possibilité de débattre le
prix, pour faciliter la vente et se séparer du bien au plus vite, parfois même
certains proposent de livrer le mobilier. Sur le plan de la confiance, cette
classe a été placée en haut du graphique car les annonces comportent des
formules d’ouverture, notamment à fournir des renseignements ou photos
supplémentaires à l’annonceur. D’autre part, l’échange se déroule souvent au
domicile de l’annonceur ce qui témoigne d’une certaine confiance et
ouverture même si le type d’objet mobilier est plutôt contraint à une remise
en main propre au domicile de l’annonceur. Ainsi, on peut qualifier les
échanges dans cette classe d’ouvert, où l’intéressé est davantage en position de
force, même si les mobiliers ont une utilité plus grande que les petits objets
divers vendus ou donnés. Cela s’explique principalement par le motif de la
séparation de ces biens ainsi que par la nature encombrante des biens
mobiliers qui incite les annonceurs à vouloir s’en séparer rapidement. La
confiance dans l’échange peut également s’expliquer par l’attractivité du
mobilier qu’il soit donné ou vendu (notamment si le prix est négociable), qui
montre que ces biens sont probablement donnés plus facilement et plus
rapidement que d’autres biens moins recherchés, tout comme ils peuvent
être vendus plus rapidement que d’autres objets moins utiles et moins
durable, comme par exemple les vêtements, accessoires ou autres objets
divers. On peut donc conclure que les échanges dans cette classe se déroulent
facilement et se déroulent probablement davantage dans un climat de
confiance que pour l’échange d’autres types de biens.
La classe 6 composée majoritairement d’annonces de vente et d’objet
de type vêtements et accessoires a été placée en haut du graphique et plutôt à
droite. Le placement en haut du graphique s’explique par la fréquence de la
possibilité d’envoi postal dans les annonces de vente de vêtements et
accessoires qui témoignent d’une certaine confiance dans l’échange. La
confiance est également recherchée avec un vocabulaire garantissant la qualité
et l’authenticité de l’objet. Le placement à droite du graphique s’explique par
le caractère assez commercial que l’on retrouve dans le vocabulaire et les
formules de ces annonces. Le rapport de force est davantage en faveur de
l’annonceur qui propose l’objet à la vente et n’est pas dans une situation
d’urgence pour se séparer de ses objets. Le fait de faire le vide dans son
dressing n’implique pas forcément que l’on souhaite à tout prix se
débarrasser de ses biens au plus vite car ils peuvent être stockés facilement.
Mais également parce que la vente de ces biens qui se situent dans des
tranches de prix moyens, peut représenter une manne financière conséquente
pour l’annonceur, et ce sont des biens souvent vendus en grande quantité
comme le révèle l’utilisation fréquente des pseudonymes pour accéder à
l’ensemble des ventes de l’annonceur. Cela montre ce dernier souhaite
néanmoins tirer une certaine somme d’argent de ses biens mis en vente,
comme le révèle le fait que les vêtements vendus sont bien souvent des
vêtements de marque. La possibilité de faire des réductions sur ces biens à un
caractère davantage commercial que la mention prix à débattre dans la classe
5 puisque les réductions s’appliquent si les intéressés achètent plusieurs objets
à l’annonceur.
Enfin la classe 7 composée d’annonces de troc d’objets de collection ou de
jeux a été placée en haut et au milieu du graphique. La présence en haut du
graphique sur l’échelle de la confiance s’explique tout d’abord par les
modalités d’échanges avec la pratique de l’enveloppe préaffranchie qui
témoigne d’une confiance réciproque dans l’échange et d’une simplicité à
réaliser ce type d’échange de biens de faible volume ( carte, magnets, etc..).
La confiance et l’ouverture dans l’échange est également liée au vocabulaire
positif et aux formules de politesse souvent présentes dans ces échanges, tout
comme ils l’étaient dans la classe 3 pour le troc d’objets multimédias. Mais
contrairement à la classe 3 cette classe a été placée au centre du graphique sur
l’échelle du rapport de force et en haut sur le plan de la confiance car on
pourrait qualifier ce troc d’une réciprocité presque parfaite, l’annonceur est
autant demandeur que le consommateur pour compléter sa collection et il n’y
a aucun enjeu monétaire dans la réalisation de cet échange pouvant jouer
dans un potentiel facteur de risque à l’échange. Ainsi, on peut qualifier cette
classe d’une certaine simplicité dans l’échange et d’une parfaite réciprocité et
confiance entre les deux partenaires.
Pour conclure sur l’analyse textuelle des petites annonces, on peut voir des
différences dans la façon dont se déroulent les échanges selon leur type, mais
également selon la catégorie d’objet mis en ligne. En effet, la question de la
réciprocité dans l’échange entre en jeu, mais dépend également de la valeur
de l’objet mis en ligne, de la disposition dans laquelle se trouve l’annonceur
pour se séparer de son objet. Les motivations qui président à la séparation du
bien, la nature du bien et son encombrement, sont autant de motifs qui vont
influer sur la façon dont se passer l’échange, notamment si l’annonceur est
pressé pour des raisons personnelles (déménagement) ou économiques
(besoin d’argent). Nous avons pu ainsi dégager dans la typologie des petites
annonces deux axes d’opposition des petites annonces, qui sont relatifs d’une
part au rapport de force entre annonceur et intéressé, mais également au
climat de confiance qui règne plus ou moins dans l’échange. Les trois types
d’échange ne s’opposent pas de façon catégorique selon ces critères, mais un
ensemble de combinaison de critère permet d’analyser la façon dont se
déroulent les échanges. Ces distinctions que l’on a dégagées par l’analyse
quantitative mettent en lumière des questions touchant à la nature propre des
échanges étudiés, et aux caractéristiques spécifique de ces échanges informels
qui sortent des cadres traditionnels des échanges de biens. C’est ce que nous
allons étudier de façon plus théorique dans la prochaine partie.
2 .2
Analyse qualitative des échanges
Dans cette partie, nous allons analyser davantage sur un plan qualitatif la
façon dont se déroulent les échanges. Par un travail mêlant l’analyse des
forums et les lectures bibliographique, nous allons tenter d’approfondir les
logiques qui animent ces échanges et qui peuvent éclairer l’analyse statistique
que nous avons réalisée précédemment.
2.2.1 La symétrie dans l’échange
Dans cette étude comparative sur les trois types d’échange, nous pouvons
discerner comme point commun une interrogation sur la symétrie dans
l’échange qui engendre des configurations particulières d’échange et un
rapport de force spécifique entre annonceur et intéressé. Dans le cadre de la
vente, le retour est monétaire, dans le cadre du troc, le retour est matériel,
mais peut également s’accompagner d’un complément monétaire. Ces
relations sont donc en quelque sorte « symétriques ». A l’inverse, le don est a
priori un échange asymétrique puisqu’il n’exige pas officiellement de
contrepartie, tout du moins dans le cadre de ces dons pratiqués sur Internet.
Cette absence de symétrie dans le cas du don va tout particulièrement
interroger cette question du rapport de force entre donateur et donataire et
influer sur la manière dont va se dérouler l’échange.
L ’asymétrie du don
Le don n’implique donc a priori aucune contrepartie, mais dans le cadre
des échanges par le biais de ces sites internet, la particularité est que les
individus se rencontrent au moment de la remise en main propre. Ainsi
contrairement aux dons réalisés par l’intermédiaire des associations, le don
par remise en main propre suppose une relation plus personnelle qui sort
donc de l’anonymat. De cette particularité découle un rapport de force
spécifique entre annonceur et intéressé lié à l’asymétrie du don et interroge la
question de la dignité du donataire lors de l’échange.
L’extrait du forum cité page 46 illustre bien cette question de la dignité
dans le cas particulier du don. En effet, selon le répondant, vendre à petit prix
permet de ne pas « faire l’aumône » ou ne pas laisser croire que nous
sommes dans le besoin. Cette situation peut se retrouver particulièrement
dans certaines annonces de don ou les annonceurs mentionnent qu’ils
préfèrent donner à des personnes dans le besoin ou des étudiants. Encore
faut-il être en mesure de justifier de sa condition économique pour être
« digne » de recevoir le don. Cela rappelle les analyses de Laurence Fontaine44
sur l’économie aristocratique du don qui menait à des situations où les
personnes en difficultés économiques devaient faire figure du « bon pauvre »
qui doit « mériter » l’assistance. La question se pose alors pour les donataires
de savoir comment justifier de sa condition économique, et le moment de la
justification qu’elle se fasse par email ou au moment de l’échange est un
moment délicat pour la dignité de la personne. La pratique de don est donc
connotée pour certains comme une pratique de charité et peut être un frein
pour certains donataires qui préfèrent acheter des objets à bas prix plutôt que
les recevoir en don sans contrepartie.
En effet, l’asymétrie de ce type d’échange engendre en quelque sorte une
dette ou un sentiment d’obligation envers le donateur qui n’est pas
supportable pour tous, même si cette dette en quelque sorte peut s’effacer par
une « conduite » de politesse comme l’affirment un grand nombre de
donateurs sur le forum Recup.net. Florence Weber en analysant les
différentes formes de l’échange45, montre qu’un échange peut être caractérisé
également par un échange de mot, dans ce cas, il s’agirait d’un remerciement
ou de politesse en contrepartie de la récupération de l’objet. Cependant,
comme l’illustre Laurence Fontaine dans son analyse de la pièce Timon
d’Athènes, un des personnage refuse un don de ce noble Timon : « je me
fiche bien de ta nourriture : elle m’étoufferait car je ne saurais te payer de
flatteries », l’auteure montre que la réciprocité du don par un retour de
politesse n’est pas forcément suffisante pour faire de ce type d’échange un
échange réciproque et maintient donc le don comme un échange inéquitable
engendrant un rapport de pouvoir du donateur envers le donataire.
Laurence Fontaine souligne que dans l’économie du don aristocratique, la
dette de reconnaissance lors de don amicaux entre noble ne doit pas
conduire à un abaissement de la dignité entre les deux protagonistes. Cela
révèle bien que cette dette de reconnaissance à laquelle sont obligés les
donataires envers les donateurs peut comporter des ambiguïtés, notamment
44
Fontaine L. « L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle »,
Gallimard, 2008
45
Weber F., « Forme de l’échange, circulation des objets et relations entre les personnes. »
Hypothèses, P 287 à 298. 2001.
dans la forme qu’elle doit prendre, est ce qu’un simple merci suffit ? Les
attentes de conduite de reconnaissance des donateurs lors de l’interaction
pendant l’échange peuvent varier selon les individus et générer des situation
parfois délicates comme le témoigne les nombreux sujets sur le forum
Recup.net, où les donateurs se plaignent de la conduite des donataires.
Le reportage cité plus haut illustre cet enjeu particulier posé dans le don
sur Internet qui est la rencontre en face à face par laquelle peut se jouer un
rapport de force lié à cette asymétrie de l’échange et à la personnalisation du
don. En effet, dans la pratique des boites d’échange de voisinage46, les
individus ne se rencontrent pas en face à face, et ce détail semble avoir une
grande importance. En effet, un interviewé témoigne le fait qu’il ne souhaite
pas rencontrer la personne qui récupère son objet, et serait lui même gêné
d’être vu prendre un objet dans cette boîte.
L e modèle du don contre-don sur Internet
Ce reportage sur les boites d’échange de voisinage montre également un
élément intéressant ou un interviewé déclarait qu’il ne se sentirait gêné de
prendre quelque chose dans la boite s’il n’y déposait pas lui même un objet
en retour. Cela fait penser à une forme intéressante de contrepartie qui a pu
être observée sur le site Donnons.org, liée au fonctionnement de cette
plateforme. En effet, sur ce site, les individus donateurs ou donataires
accèdent au profil de la personne avec qui ils échangent. Ce profil contient
certaines informations, notamment sur les activités de la personne en
question, si elle a déjà donné par l’intermédiaire de ce site, ou si elle a plutôt
reçu des dons.
Nous avons pu observer dans les annonces de don sur ce site une
information intéressante donnée comme condition de l’échange par certains
donateurs, celle de donner également par l’intermédiaire du site. Dans
l’annonce, cette contrepartie se présente sous la forme d’une injonction
« Priorité aux donneurs » ou bien « Je donne à ceux qui donne ». Ainsi,
lorsque le donateur reçoit des demandes pour venir récupérer son objet,
il/elle réalise un tri selon le profil, et en l’occurrence, ce tri correspond en
quelque sorte à une forme de réciprocité généralisée à l’échelle du site
internet.
46
Landry M. « Je donne donc je suis » Reportage. http://www.rts.ch/video/emissions/religion/fautpas-croire/4782045-reportage-je-donne-donc-je-suis.html
La justification que certains apportent dans le forum à ce type de sélection
est qu’un don sans retour, qui se répète souvent est considéré comme un
abus, certains qualifient les individus qui ne font que recevoir de
« profiteurs ». En effet, le contre-don différé qu’observait Malinowski dans les
formes d’échanges des îles de Mélanésie, se retrouve en quelque sorte dans
ce type de site internet où les objets circulent, et ceux qui donnent le plus sont
le plus à même de recevoir le plus d’objet en retour.
P lus facile de vendre que de donner ?
Les pratiques de don sur Internet sont largement moins répandues que la
vente de biens de seconde main, et ce dans des proportions incomparables.
Ceci ne signifie pas que le don est en soi une pratique moins répandue
puisque les dons aux associations sont une pratique courante et ancienne
largement diffusée dans la population.
Cependant cette question de la symétrie dans l’échange et les difficultés
que témoignent de nombreux donateurs à réaliser leurs dons, montrent que
le don peut être difficile dans le cas spécifique d’Internet. En effet, la
personnalisation du don qu’implique l’échange en face à face révèle d’autant
plus l’asymétrie de cette forme d’échange qui peut être mal vécue sur le plan
de la dignité de la part des donataires.
D’autre part, nous avons remarqué dans l’analyse textuelle qu’un grand
nombre d’objets donnés était souvent en état défectueux ou à réparer,
comme nous l’avons analysé dans la première partie sur la logique de cycle de
vie des objets entre les différentes formes d’échange. Ainsi, la logique du don
d’objets sur Internet concerne un public probablement différent des
consommateurs de biens sur les sites de ventes, le don étant davantage une
pratique de dépannage, destinée aux personnes les plus démunies, aux
bricoleurs et permettant de se meubler par exemple à moindre frais pour les
plus jeunes démarrant dans la vie et ayant une exigence moins forte sur la
qualité des objets, ou leurs marques.
De plus, nous avons remarqué en analysant comparativement la taille des
petites annonces, que les annonces de don étaient bien souvent beaucoup
plus courtes que les annonces de ventes ou de trocs, les donateurs semblent
donc renseigner moins d’informations sur leurs objets que les vendeurs.
Ainsi, l’asymétrie d’information qu’évoque G. Akerlof dans son analyse sur le
marché des voitures d’occasion semble d’autant plus forte dans le cas des
dons que dans le cas des ventes et des trocs. Ainsi dans le cadre des dons sur
Internet les donataires n’ont que peu d’informations sur l’objet mis en ligne
s’ils en ont des exigences particulières.
Nous n’avons que peu de renseignement sur les donataires mais sur les
forums, certains donataires se plaignent de la qualité médiocre des objets
reçus. Ainsi, il peut exister des divergences de point de vue entre certains
donataires plus exigeant et d’autres plus enclin à récupérer des objets en ne
prêtant pas une grande importance à leur qualité. Le don, un échange qui
n’accorde pas de valeur monétaire aux objets, ces derniers étant plus souvent
désuet, et par le fait que cet échange met en jeu des questions de dignité et de
rapport de force peut être à l’origine d’un certains délaissement des
donataires vers ce type d’échange et engendrer une plus grande inclinaison à
se porter vers l’achat de biens de seconde main à faible prix.
Ainsi, on peut se demander s’il n’est pas plus simple pour un individu
souhaitant se séparer de son objet de choisir de le vendre plutôt que de le
donner pour l’ensemble de ces raisons comme témoigne cette internaute sur
le forum du site Recup.net :
« Bonjour, je donne dès que les objets dont je me débarrasse sont en état
correct, je donne en ce moment une imprimante 3 en 1, la personne me dit
venir le lendemain, jour férié, voulant vraiment terminer cette transaction au
plus vite, je lui donne un créneau le matin et un l'après midi !! Mon
imprimante est toujours à la maison !! Il y a quelques années, je donnais
deux grille-pain, après plusieurs lapins, j'ai remis mes grilles pain en vente, ils
sont partis tous les deux !! Ca ne donne vraiment pas envie de donner !! »
Cette internaute vend un objet qui n’est pas désuet et semble en très bon
état de fonctionnement, mais comme nous l’avons évoqué plus haut, le fait
qu’une grande partie des objets donnés soient en état médiocre peut nuire à
la pratique du don dans sa globalité. C’est ce qu’évoque G. Akerlof47 par le
phénomène d’anti-sélection, c’est à dire que la présence de voiture de
mauvaise qualité fait disparaître du marché les voitures de bonne qualité.
Ainsi, il est probable que le public intéressé par les dons ait plus d’exigence
que l’on ne pourrait le croire sur la qualité des objets à récupérer.
L’ensemble de ces raisons peut expliquer le moindre engagement des
donataires dans le cadre de l’échange comme le témoigne de nombreux
donateurs sur le forum Recup.net. Ces derniers se plaignent que les
donataires ne viennent pas au rendez vous, ou ne donnent plus signe de vie
après un engagement, que l’on retrouve dans les petites annonces lorsque les
donateurs mentionnent la phrase « pas de lapin s’il vous plait ». Cela
47
Akerlof G., « The Market for Lemons, Quarterly », Journal of Economics, 1970
explique également les nombreuses conditions mentionnées dans les
annonces de dons pour prévenir les potentiels intéressés de la conduite à
tenir lors de l’échange.
Ainsi, le don est un mode d’échange qui semble difficile et ce d’autant plus
dans le cadre des sites internet où les partenaires se rencontrent en face à face
et où l’information fournie par l’annonceur sur l’objet est plus limitée que
dans les annonces de vente.
F rontière poreuse entre la vente et le troc
Le troc est par nature un échange symétrique puisqu’il s’agit d’une
transaction d’un objet contre un autre. Cependant la symétrie de cet échange
est ambigüe du fait du non recours à la monnaie. En effet, cette question se
pose lorsque l’on se réfère à la question d’un échange « équitable » c’est à
dire d’objets ayant une certaine équivalence selon différents principes, que ce
soient leurs valeurs monétaire, leurs utilités, leurs raretés.
Cependant, l’analyse statistique des annonces de troc nous a montré que
les frontières entre la vente et le troc étaient parfois floues, puisqu’un grand
nombre d’annonceurs mentionne qu’ils peuvent vendre ou troquer leurs
biens et que près de la moitié des annonces de trocs renseigne la valeur
monétaire du bien. D’autre part, de nombreuses annonces de troc se font
avec des compensations monétaires lorsque la valeur des biens n’est pas
identique ce qui montre que le troc peut également se faire en parallèle d’une
circulation monétaire. Ainsi, la frontière entre la vente et le troc est assez
floue, les annonceurs souhaitant acquérir un objet en l’échangeant contre le
leur peuvent très bien réaliser cette transaction en deux fois en vendant leur
bien puis achetant celui qu’il désire.
D’autre part, certains annonceurs mettent en ligne un objet à échanger
mais n’indiquent aucune préférence sur ce qu’ils souhaiteraient en retour.
L’échange dans le cadre de ces sites internet est difficile dans la mesure où la
personne intéressée peut proposer indéfiniment les objets qu’elle possède
sans avoir jamais l’assurance que ses objets puissent convenir à l’annonceur.
C’est la raison pour laquelle un entrepreneur sur un forum souhaite
construire un site de troc sur internet en mettant en place un système de
monnaie autre que l’argent et intégré au site pour réalisé une communauté
d’échange au sein de sa plateforme web, c’est également le principe des
Systèmes d’Echanges Locaux. Les objets auraient chacun des points ou des
unités de valeurs que l’on pourrait échanger contre d’autres objets de natures
différentes. Ceci montre que le troc à du mal à se défaire d’une forme de
monnaie d’échange pour répondre à cette question de l’équivalence.
Ceci nous conduit à nous interroger sur la valeur des objets dont font
souvent référence les annonceurs dans les annonces de troc. Ainsi, le
parallèle que l’on peut faire avec le marché est bien cette référence à une
unité de valeur qu’elle soit monétaire lorsqu’elle est clairement affichée
comme pour les derniers Smartphones, une valeur d’utilité comme dans le
cas des vêtements pour enfant ou l’ameublement, et une valeur de rareté
comme dans le cas des objets de collection. Dans ce dernier cas, on voit de
nombreux annonceurs classer leurs collections de cartes en fonction de leur
rareté et précisent qu’ils échangent par exemple une carte rare contre deux
cartes communes.
C’est également un des motifs expliquant le fait que la majorité des
échanges que nous avons pu observer sur le site Leboncoin.fr se faisait pour
des objets de même nature, que ce soit des objets High Tech, des vêtements
pour enfants (vêtements de fille contre vêtements de garçon), ou encore des
petits objets de collection, car la question de l’équivalence est beaucoup plus
difficile à mettre en œuvre dans le cas d’objet de nature différente puisque les
cadre de référence à la valeur que possède l’objet ne sont pas toujours les
mêmes sauf s’il l’on se réfère à la valeur monétaire.
Cependant, cette valeur pose bien des difficultés car elle n’est pas toujours
intrinsèque à l’objet mais peut varier selon les protagonistes. Par exemple un
même individu pourra considérer que son antique autoradio est désuet et n’a
aucune valeur monétaire, tandis qu’un autre pourra le convoiter comme un
objet rare de collection. Il est à noter sur ce point que sur le site Leboncoin, il
existe un certain flou chez les annonceurs dans la catégorisation des objets, ou
l’on retrouve par exemple des jouets anciens dans la catégorie « Jouets », et
les mêmes se retrouvent dans la catégorie « Collection ». Cela pourrait être
mis en parallèle avec la critique du modèle économique Walrassien d’André
Orléans commenté par Ivan Jaffrin48, qui explique que le rapport à la valeur
n’est pas incarné dans les choses et exprimé par le prix, mais « endogénéisé »
c’est à dire pensé comme interne, en fonction du rapport aux autres et
exprimé par le désir.
48
Jaffrin I. « De la crise économique à la critique de la science économique. Une présentation de
l’ouvrage d’André Orléan, l’Empire de la valeur», Revue européenne des sciences sociales, 2012
L a vente sur leboncoin : la question du marchandage
La vente est le phénomène le plus massif sur Internet, et est donc la
solution vers laquelle se porte la majorité des individus pour remettre en
circulation leurs objets. Nous avions évoqué plus haut les motivations qui
peuvent expliquer cet engouement, mais nous nous intéressons dans cette
partie à la façon dont se déroule les échanges. La vente fait partie, a priori
comme le troc, des échanges symétrique, d’un objet contre un retour
monétaire, mais sur ce point une pratique largement répandue sur le site
Leboncoin.fr est celle du marchandage. C’est donc sur la question de la
fixation du prix de vente que l’on peut à nouveau s’interroger sur la question
de la symétrie dans l’échange.
L’usage du marchandage est comme nous l’avons vu dans l’analyse
textuelle une pratique très répandue et cela se confirme dans l’analyse des
forums dédiés à la vente sur ce site internet. Comme l’analyse Laurence
Fontaine, il existe « un jeu systématique de surévaluer pour le marchand et
sous-évaluer pour l’acheteur »49. Le marchandage qui passe par un échange
verbal, une discussion sur le prix pour finir sur un accord où tout le monde y
trouve son compte est comme l’affirme l’auteure dans son autre ouvrage,
« une structure de moralisation du marché50 » permettant aux acheteurs
d’accéder aux biens qu’ils convoitent à un prix estimé juste, et aux vendeurs
de vendre à un prix raisonnable en limitant leur profit et donc en limitant la
dimension mercantile de cette pratique. Le marchandage ne se retrouve pas
que dans ce marché de l’occasion, puisqu’il existe dans divers domaines de la
consommation courante depuis longtemps, des magasins de meubles aux
vendeurs d’automobiles. D’autre part, si l’on tient compte du phénomène des
soldes, la question du juste prix à donner à un bien est particulièrement
actuelle dans nos sociétés.
Pour citer de nouveau Laurence Fontaine, le marchandage implique « une
similarité de statut (..) qui présuppose une égalité sociale entre l’acheteur et le
vendeur. » C’est la raison pour laquelle dans l’Ancien Régime, les nobles ne
s’abaissaient pas au marchandage mais y envoyaient leurs valet. Or on voit
dans cette pratique sur Internet que les vendeurs ne sont pas tous ouverts au
marchandage comme le révèle le grand nombre d’annonces mentionnant
« prix ferme » ou « non négociable ».
49
Fontaine L. « L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle »,
Gallimard, 2008
50
Fontaine L. « Le marché, histoire d’une conquête sociale », Gallimard, 2014
Sur les forums sur Internet, cette pratique suscite de nombreux débats. Elle
est parfois considérée comme « irrespectueuse » envers les vendeurs :
« J'ai mis des affaires en vente et c'est terrible limite faudrait leur donner c'est
pénible déjà que je les vends pas chères histoire d'en tirer un petit quelque
chose et ben non c’est pas encore assez bas j'avoue ca me soule »
« Négocier " pour la forme" alors que le produit est en très bon état et à prix
correct (puisque tu négocies pas parce qu'il est trop cher mais pour la
forme), ben franchement je trouve que c'est un manque de respect qui me
laisse pantoise »
« Mince alors, on n'est pas au bled ou chez un vendeur de voitures neuves
tout de même. »
Certains considèrent que cette pratique est justifiable dans de grandes
enseignes de commerce, comme les vendeurs d’automobile. D’autres pensent
qu’elle est réservée aux souks orientaux, comme l’a étudié Canetti dans les
souks de Marrakech51, avec l’habitude inscrite dans les moeurs du
« marchandage pour le marchandage ». Mais elle n’est pour certains pas
acceptable entre particulier et justement, contrairement à l’analyse de
Laurence Fontaine, du fait de la similarité de statut entre acheteurs et
vendeurs.
« Les gens ne sont plus sérieux, surtout en temps de crise comme nous le
vivons, les gens cherchent à escroquer leur semblable en permanence... »
Sur ce thème de la crise, les acheteurs et les vendeurs sont considérés
comme des égaux donc le marchandage n’a pour certains pas sa place.
« La crise, elle est pour tout le monde, vendeur et acheteur, et franchement,
si je n'ai pas de sous, je n'aurais pas l'idée d'acheter une crêpière, mais plutôt
à manger. »
Ainsi, l’idée d’égalité de statut implique ici une égalité d’intérêts, où le
vendeur souhaite faire des économies en temps de crise, et l’acheteur
souhaite consommer à bas prix. Le marchandage est donc une pratique
défavorable aux vendeurs puisqu’elle déséquilibre cette égalité d’intérêt. Mais
cela présuppose que le prix fixé par le vendeur est estimé juste par rapport à
sa valeur neuve et ne doit donc pas être négocié. Cela évoque les analyses de
Laurence Fontaine52 sur le rapport des religieux aux marchands qui doivent
maintenir cette idée de « juste prix » en évaluant « par un examen minutieux
la valeur et le prix des choses » permettant au vendeur de légitimer son
activité. Laurence Fontaine met en rapport cette question de la légitimité de
cette activité de marchand à la notion de risque qu’il encoure comparé à
51
52
Canetti E. , Les voix de Marrakech », Albin Michel, 1980
Fontaine L. « Le marché. Histoire et usages d’une conquête sociale ». L’Harmattant. 2014.
l’usurier dont la profession était interdite. Dans notre cas, le risque est partagé
entre les deux partenaires d’où cette idée d’équivalence de statut.
Cette volonté de consommation à bas prix est intéressante lorsque l’on
regarde le témoignage de cette vendeuse sur un forum qui répond à une
acheteuse souhaitant négocier le prix d’un sèche-linge de marque :
« Ecoutez madame, vos problèmes financiers ne me concernent pas, il y a
des centaines de sèches linges à vos prix, alors à l'avenir, prenez plutôt du bas
de gamme dans vos prix, plutôt que du haut de gamme, trop cher pour
vous. »
Ainsi, le site Leboncoin n’est pas utilisé par les individus uniquement pour
consommer moins cher, mais pour consommer des produits de meilleures
qualités à des prix moins élevés, c’est cette figure du « consommateur malin »
qu’évoquent Dominique Desjeux et Fabrice Clochard53, qui est à la fois à la
recherche d’économies, mais également de qualité à moindre prix. C’est ainsi
une façon de permettre aux milieux plus modeste d’accéder à des produits
plus fiable que les produits bas de gamme ayant une durée de vie plus limitée.
L’accès au marché pour tous qu’évoque Laurence Fontaine dans son ouvrage
est donc particulièrement illustratif dans le cas des pratiques sur Leboncoin,
et met en lumière cette tendance à la démocratisation des pratiques de
consommation. Ainsi les milieux les plus modestes, peuvent acquérir des
biens autrefois réservés aux catégories sociales les plus riches permettant de
lisser certains principes structurant des appartenances sociales.
Pour revenir à la question du marchandage, cette pratique est également
parfois considérée comme humiliante pour ceux qui la pratiquent, selon le
point de vue des vendeurs.
« Désolée, mais moi j'ai une dignité et je n'oserais pas m'humilier pour 5
euros, surtout sur un article qui n'est qu'à 35 euros et neuf en plus. Je
n’aurais même pas l'idée, j'aurais trop honte. Les gens sont libres, si le prix
est trop haut, et bien qu'ils passent leur chemin, au lieu de perdre et mon
temps et le leur. »
« Un acheteur sérieux verra que mes prix sont justes et ne fera pas des
propositions ridicules, s'il veut vraiment ce que je vend, il saura se tenir
correct »
Dans le cas de ces internautes, pratiquer le marchandage ne signifie pas
une égalité de statut, mais révèle une situation d’infériorité du marchandeur
envers le vendeur, à la manière des nobles qui ne s’abaisseraient pas à de
telles pratiques. Les annonceurs estiment ici que leurs prix sont « justes » par
53
Clochard F. Desjeux D. « Le consommateur malin face à la crise. Tome 2 Le consommateur
stratège. » L’Harmattan, 2013.
rapport à leur valeur neuve et ne sont donc pas surévalués. Ici, une analyse
plus détaillée des profils sociaux des annonceurs et des acheteurs aurait été
particulièrement intéressante.
Mais cette pratique du marchandage n’est pas décriée par tous, comme
nous avons pu le voir dans l’analyse textuelle, certains mentionnent que le
prix est négociable. C’est le point de vue de cet internaute :
« Moi je crois que c’est le jeu. Leboncoin c’est un peu la brocante moderne,
non? Et l’occasion, les gens le négocie toujours. »
Par ailleurs, la pratique du marchandage est parfois même anticipée par les
annonceurs qui adaptent leurs prix d’annonces à cette pratique fréquente du
marchandage :
« Il faut mettre toujours un peu plus cher que le prix que tu veux en obtenir
(dans la limite du raisonnable) comme ça tu anticipes les marchandages »
Ainsi, bien que la vente soit à priori un échange symétrique, dans le cas de
ces pratiques informelles de vente sur internet, la question de la fixation du
prix met en jeu d’autres questions que le simple échange marchand dans
l’économie classique. Des questions d’honneur, de dignité, interrogent cette
question d’égalité de statut présente à priori dans l’échange marchand. On
voit qu’ici le consommateur n’est pas roi comme l’analyse Sophie Dubuisson
Quellier54, mais bien au contraire le rapport de force dans le cadre d’une
vente peut aller davantage en faveur de l’annonceur.
2 .2.2 La relation de confiance
Contrairement aux analyses de Sophie Dubuisson Quellier55 sur le rôle des
consommateurs dans le marché du neuf, où l’Etat et les différentes structures
commerciales ont progressivement mis en place des droits et des devoirs aux
consommateurs, dans le cadre des échanges informel sur ces sites internet,
aucune loi et aucun contrat ne régit la relation d’échange. Ainsi le bon
déroulement de l’échange se réalise par les différentes règles que définissent
et façonnent ponctuellement et individuellement les différents protagonistes.
C’est aussi ce qui différencie le site Leboncoin d’un grand site comme
Ebay qui dispose d’un certain nombre de processus favorisant la confiance
dans l’échange. C’est ce qu’analysent Ken Hillis, Michael Petit et Nathan
54
Dubuisson-Quellier S. « De la souveraineté à la gouvernance des consommateurs : l'espace du
choix dans la consommation », L'Économie politique 3/2008 (n° 39), p. 21-31.
55
Ibid
Scott Epley56 dans leur ouvrage dans lequel ils expliquent que le site Ebay s’est
équipé de dispositifs techniques favorisant la confiance, notamment
l’inscription des vendeurs et acheteurs permettant un système de notation,
mais également la présence d’un forum associé au site permettant aux usagés
de répondre à leurs questions, par exemple à celles permettant de faire en
sorte que l’échange se déroule bien en cas de litige.
Dans le cas du site Leboncoin nous nous retrouvons face à des échanges
ressemblant à « l’économie de bazar » dans l’Ancien Régime que décrit
Laurence Fontaine dans son ouvrage. Parmi les règles qui régissaient cette
économie spécifique, la question de la confiance était primordiale dans une
situation où il existait une asymétrie d’information particulièrement criante.
C’est ce que développent David Masclet et Thierry Pénard57 en analysant le
cas des transactions marchandes sur les sites Internet : « la possibilité de
changer facilement d’identité et la distance physique entre l’acheteur et le
vendeur peuvent créer un climat de méfiance entre les partenaires et susciter
des comportements opportunistes (non paiement du biens, retard dans
l’envoi du bien, envoi d’un produit non conforme au produit décrit )» Le
principe de base du site Leboncoin est l’achat de proximité qui peut réduire
l’incertitude dans une certaine mesure mais nous avons vu que l’envoi postal
était fréquemment pratiqué, ainsi, ces analyses peuvent s’appliquer également
aux sites que nous étudions.
Ainsi, acheteurs comme vendeurs font appels à leurs capitaux propres, à
des précautions, des règles d’échange leur permettant de s’assurer de la
confiance à accorder à leur partenaire.
L a bonne parole contre les garanties formelles
Nous avons pu distinguer également d’autres facteurs pouvant apporter de
la confiance mais jouant sur des registres parfois très opposés comme nous
l’avons remarqué dans l’analyse textuelle. En effet, le principe de la bonne
parole des annonceurs s’oppose à des garanties formelles qu’ils peuvent
fournir aux intéressés. Mais il en est de même pour les consommateurs lors
des différentes étapes de la réalisation de l’échange.
Tout d’abord concernant l’état des objets mis en ligne, nous avons vu dans
l’analyse des similitudes que ce mot était le plus employé par les annonceurs.
56
Hillis K., Petit M. Scott Epley N. « Every Day Ebay : Culture, Collecting and Desire. » Routledge,
2006.
57
Masclet D. , Pénard T. « Pourquoi évaluer son partenaire lors d'une transaction à la eBay ? »,
Revue d'économie politique 3/ (Vol. 117), p. 365-386. 2007
Cependant, il repose en partie sur la bonne parole des annonceurs
notamment dans le cas des objets à caractère technologique dont on ne peut
vérifier entièrement le bon fonctionnement pendant l’instant fugace de
l’échange en main propre. Ceci est encore plus valable lorsque les objets sont
envoyés par la poste, ou seules les photos publiées dans l’annonce peuvent
donner des informations sur la qualité de l’objet, mais une photo peut autant
valoriser un objet que dissimuler ses défauts. Cela rappelle l’analyse de Pascal
Chantelat sur le lien marchand ou il évoque le fait que la confiance se
construit sur le savoir sur autrui mais il « ne relève pas d’une logique de
transparence, (..) il suffit de savoir que les apparences sont normales et non
alarmante ».
D’autre éléments relevant de la bonne parole des annonceurs comme la
mention du motif de la vente qui est un élément apportant de la confiance,
permettant aux acheteurs de comprendre une logique rassurante dans la
séparation de l’objet, les annonceurs ne se séparent ainsi pas de l’objet parce
qu’il est défaillant. Mais cette information ne peut pas réellement être vérifiée
et repose sur la bonne foi de l’annonceur. Ainsi, dans l’ensemble de ces cas,
la confiance repose sur « la foi en l’honnêteté des autres, sur la conviction de
ne pas être trompé par autrui »58. Comme l’affirmait Simmel « Toute
connaissance psychologique d’autrui est exclusivement la projection d’une
interprétation de processus conscient (..) incités par des impressions
physiques émanant de lui »59 D’autre part, Pascal Chantelat analyse bien que
dans le cas des transactions marchandes instantanées, la moindre fausse note
peut faire douter les protagonistes dans l’échange, et en cela les garanties de
bonne parole ont moins d’impact que les garanties formelles que peuvent
parfois fournir les annonceurs.
En effet, sur cette question de l’état, à la bonne parole des annonceur
s’opposent les garanties formelles qu’ils peuvent parfois fournir, comme la
facture d’achat prouvant que l’objet n’a pas été volé ou n’est pas déjà un objet
de seconde main, les garanties constructeurs dans le cas des objets à caractère
technologique figurent également parmi ces garanties formelles que peuvent
fournir les annonceurs pour rassurer les consommateurs sur la qualité de
leurs objets.
D’autre part, la confiance est également en jeu du côté des consommateurs
et les annonceurs prennent des précautions contre des possibles escroqueries
58
Chantelat P. « La Nouvelle Sociologie Économique et le lien marchand : des relations personnelles
à l'impersonnalité des relations. » Revue française de sociologie 43-3. pp. 521-556. 2002
59
Simmel, G. « Philosophie de l’argent », Presse universitaires de France p 604 1988
de leur part. Cela concerne par exemple les modes de paiement. La plupart
des annonceurs préfèrent une remise en main propre avec un paiement en
espèce, mais dans le cas des envois par la poste, le paiement par chèque
possède un certain risque pour l’annonceur (chèque sans provision), d’autres
préfèrent le paiement par le site sécurisé Paypal.
La remise en main propre n’est pas exempte de précautions prises par les
annonceurs. C’est le cas de cette femme contactée sur un forum qui déclare
ne faire des remises en main propre qu’en bas de son immeuble, jamais à
l’intérieur de son domicile et toujours en présence de son mari. D’autres
personnes sur les forums ont des lieux de préférence pour les remises en
main propre comme les centres commerciaux ou les gares car il y a beaucoup
de monde , ceci permettant d’éviter pour eux les potentielles agressions pour
les objets de valeurs. D’autres personnes vendent les objets de valeurs
uniquement par envoi postal pour éviter la remise en main propre, on
retrouve dans les annonces la mention « pas de remise en main propre ».
Ainsi le processus de confiance dans ces échanges non formalisés par des
règles commerciales ou étatiques repose sur des éléments réels, mais
également subjectifs, expliquant la concurrence des grandes enseignes de la
distribution qui s’emparent de ce marché de l’occasion, certaines depuis
longtemps (Décathlon) et permettent d’offrir aux consommateurs l’avantage
d’être un intermédiaire garantissant la confiance dans la transaction
marchande.
L es capitaux et la stigmatisation
Comme le décrit Laurence Fontaine dans cette « économie de bazar » de
l’Ancien Régime, plusieurs règles régissent les échanges et apportent de la
confiance entre les partenaires. Parmi elles, figure la réputation. Dans le
cadre des échanges sur les sites internet étudiés la réputation ne se construit
pas par une succession d’échange durable comme dans le cadre des relations
de crédit étudiés par Laurence Fontaine, ou un procédé de notation comme
le fait le site Ebay, mais la réputation peut se faire sur des critères beaucoup
plus subjectif et ceci est valable pour les deux protagonistes annonceurs et
intéressés.
Par exemple le pseudonyme du vendeur peut être un facteur discriminant
et nuire à la réputation de celui ci. C’est le témoignage d’un internaute d’un
forum dédié à la communauté musulmane qui conseillait pour mieux vendre
de changer son nom à consonance arabe pour un nom à consonance
française.
D’autre part, la maîtrise du langage et des codes de politesse est également
un facteur discriminant dans la relation d’échange, c’est ce qu’évoque
Laurence Fontaine dans la 3ème étape de la transaction qui permet la
confiance, en évoquant le fait que les paroles échangées permettent aux
protagonistes d’en apprendre davantage sur l’honnêteté du partenaires.
C’est ce que témoigne cette internaute en parlant du contact par téléphone
comparé au contact par mail :
« Par téléphone, je sens le sérieux ou pas des gens, par leur intonation, c'est
pas pareil que par mail »
Ainsi, la maîtrise du langage est un facteur jouant dans la transaction, et il
semblerait que le langage oral ait plus d’importance et bénéficie de plus de
crédit de confiance que le langage écrit. Mais la maîtrise du langage écrit et de
l’orthographe ou encore les codes de politesse dans le langage par mail ont
également leur importance comme le témoigne ces individus :
« Un truc aussi qui me saoule aussi ce sont les gens qui ne disent ni bonjour
ni rien et qui font 50 fautes à la ligne en écrivant en langage SMS ... »
Ainsi, le sérieux des protagonistes est évalué par différents critères très
subjectifs qui jouent sur l’image et la présentation de soi. Des processus de
discrimination dans l’échange peuvent s’opérer et souvent en la défaveur des
personnes modestes ou stigmatisées. Ceci peut engendrer un cercle
d’échange favorisant les personnes éduquées à niveau social médian, tout du
moins maîtrisant le langage et les codes de l’échange de cette catégorie de
population. Laurence Fontaine explique que l’apparence dans l’échange joue
un rôle important en la faveur des personnes ayant le plus de capitaux ou du
moins en le faisant croire, qu’elle illustre par les dépenses d’habillement des
marchands. Ceci peut être illustré par ce témoignage :
« Donc hier, après une heure de retard, le pote (un jeune et bel étudiant en
école de commerce roulant en Audi A5) arrive, chiquement vêtu. La classe
et me prend l'appareil à raclette. Il était super gentil et s'est excusé pour son
retard. On voit les gens qui ont une éducation et les autres. »
Les réflexions de Pascal Chantelat60 mènent aux mêmes conclusions sur la
transaction marchande, en montrant que la confiance ne repose pas sur la
personnalité d’autrui, en cela, c’est un échange impersonnel, mais sur la
personne des individus : « la face qu’elle se construit en public, sa
60
Chantelat P. « La Nouvelle Sociologie Économique et le lien marchand : des relations personnelles
à l'impersonnalité des relations. » Revue française de sociologie 43-3. pp. 521-556. 2002
présentation, ses apparences extérieures, sa façade personnelle et non sa
personnalité ». Cela nous mène à nous interroger plus précisément sur la
question de la personnalisation des échanges et donc indirectement sur la
question du lien social à travers ces pratiques.
E change et lien social
Laurent Caillé 61 évoque le fait que ces nouvelles formes d’échanges sont
devenues « un outil pour reconstruire du lien ». Il apparaît en effet selon
l’observatoire Sorgem que les individus utilisant ces sites internet apprécient
ces liens. Les échanges par le biais d’internet peuvent engendrer des
rencontres bonnes ou mauvaises, des micros conflits, mais des gens a priori
inconnus interagissent, et se fabriquent des règles dans l’interaction.
Cependant, contrairement au lien social durable qu’a étudié Laurence
Fontaine dans la relation de crédit, un lien qui justement par sa durée permet
d’établir une relation de confiance entre les partenaires, il s’agit ici davantage
d’échanges fugaces comme le définirait Simmel62 mais qui peuvent faire
société :
« Le nombre infini des formes de relations et de sortes d’échanges
réciproques entre les hommes, de médiocre importance forment le tissu sans
lequel la société s’effriterait, c’est grâce à elles que s’opère le travail de
synthèse, de liaison, de mise en forme. »
Ainsi, on pourrait affirmer que ces échanges constituent un moyen de
former du lien social, même s’il ne s’agit pas de relation durable, et la
confiance entre les protagonistes ne se base pas sur l’intensité de ce lien, mais
sur les éléments plus subjectifs que nous avons vus précédemment.
Cependant, dans certaines situations des relations d’échanges durables
peuvent se créer comme le témoigne cette internaute sur le forum Recup.net,
où elle raconte avoir entretenu une relation d’amitié durable suite à une
pratique de don. Des formes d’échanges durables peuvent également se créer
lorsque l’on voit la pratique des pseudonymes sur le site Leboncoin, où les
acheteurs peuvent, s’ils sont satisfaits de leur premier échange, continuer à
regarder ce que vend la personne. Mais ce système est embryonnaire par
rapport au système du site Ebay où les acheteurs peuvent entretenir une
61
Belot L. avec la participation de Le Goff J. , Fontaine L. , Caillé A. Debonneuil M., Maniglier P.
« La France au miroir du boncoin », Le Monde, 4 Janvier 2013
62
Simmel G. « Sociologie de la Sociabilité ». 1903. Urbi III p 109-114. 1980
relation durable avec certains vendeurs en les enregistrant dans leurs comptes
favoris. 63
Cependant, comme nous l’avons vu, ces échanges constituent certes du lien
social, mais ne sont pas exempts de rapports de force, de conflits, mettant en
jeu les rapports sociaux et les hiérarchies qui structurent la société. Ceci est
particulièrement vrai lorsque l’on observe la pratique du don que nous avons
étudié plus haut où l’asymétrie qui le caractérise implique une relation
inégalitaire et donc un lien social non pas intégrateur mais révélateur de
rapport de pouvoir.
Dans le cadre du troc, la relation a priori symétrique semble jouer en la
faveur d’un lien social plus intégrateur où les partenaires sont mis sur un pied
d’égalité. C’est probablement la raison pour laquelle l’analyse textuelle laisse
transparaître une tonalité particulière relevant davantage d’une relation plus
conviviale que d’une transaction marchande froide et impersonnelle.
Concernant la vente, nous avons remarqué la tendance des annonceurs à
jouer au marchand en mettant en avant leurs objets, en imitant les règles du
marché du neuf. Comme le rappelle Florence Weber la conception classique
d’une transaction marchande est qu’« une transaction économique doit être
anonyme, une relation personnelle doit être désintéressée »64, Laurence
Fontaine, évoque quant à elle le fait que « l’échange monétaire met
effectivement en équivalence les choses échangées indépendamment des liens
personnels ». Ainsi, le passage par la monnaie selon l’opposition classique
entre transaction marchande et non marchande engendrerait davantage des
liens plus impersonnels se rapprochant de la relation commerciale formelle.
Mais les deux auteures nuancent la réalité de cette dichotomie entre la
transaction économique impersonnelle et la relation personnelle qui s’éloigne
du calcul économique intéressé.
En effet, selon Florence Weber, l’échange marchand peut être considéré
d’emblée comme social car il repose sur les mêmes contraintes rituelles qui
prévalent au sein des échanges sociaux65. Nous avons vu en effet, que
l’impersonnalité de la relation de vente n’est pas toujours de mise dans le
cadre de ces transactions, dans le sens ou la frontière entre la personne privée
et la figure de « l’annonceur », vendeur, troqueur ou donateur n’est parfois
63
Hillis K., Petit M. Scott Epley N. « Every Day Ebay : Culture, Collecting and Desire. » Routledge,
2006
64 64
Weber Florence, « Forme de l’échange, circulation des objets et relations entre les personnes. »
Hypothèses, 2001. P 287 à 298.
65
Weber F. « Transactions marchandes, échanges rituels, relations personnelles. Une ethnographie
économique après le Grand Partage ». Genèse, 41, pp 85-107. 2000
pas délimitée de façon stricte comme dans les échanges marchands
classiques. En effet, la remise en main propre des objets se fait parfois à
l’intérieur même du domicile des annonceurs et certaines personnes, pour
vendre des vêtements, mentionnent dans leur annonce « vous pouvez venir
l’essayer sur place », et les domiciles se transforment ainsi en cabine
d’essayage le temps de l’échange. Certains vendeurs mentionnent les motifs
de leurs ventes laissant transparaître une partie de leur vie personnelle,
d’autres mentionnent également l’histoire de l’objet construisant ainsi un
imaginaire autours de l’objet emprunt de la vie de son ancien possesseur.
D’autre part, les partenaires de l’échange se contactent et accèdent au nom
réel du partenaire de l’échange contrairement au site Ebay où la transaction
peut rester dans l’anonymat du pseudonyme.66
D’autre part, nous avons vu plus haut dans la pratique du marchandage que
les partenaires se considèrent parfois comme des pairs, ou comme des
voisins. Ainsi on peut apercevoir l’idée que vendeurs et consommateurs dans
ce marché des biens de seconde main se considèrent comme un même
groupe mais dans une dimension parfois personnelle s’opposant au marché
du neuf et donc échappant à ses règles. C’est ce que témoigne l’internaute
citée plus haut qui déclare que vendeurs comme acheteurs sont tous
concernés par la crise et semble donc déduire de ce fait qu’un comportement
de solidarité même dans une transaction marchande devrait être de mise.
Ainsi, comme l’affirme Pascal Chantelat 67« la relation marchande est
d’emblée une relation sociale non pas parce qu’elle fait intervenir des valeurs,
des normes, des émotions, ou des réseaux de relations personnelles mais
parce qu’elle présente un « minimum » de réciprocité sociale », mais elle n’est
pas une relation personnelle au sens d’une relation chaude, intime et durable
que l’on peut entretenir avec sa famille ou ses amis. Cela peut s’illustrer par le
principe « d’abstraction sentimentale »68 qu’exprime l’internaute citée page
116 : « Vos problème financiers ne me concernent pas » dans la question du
marchandage.
66
Burnet E. « Du marché aux esclaves à eBay », Médium 1/ (N°6), p. 65-78. 2006
Chantelat P. La Nouvelle Sociologie Économique et le lien marchand : des relations personnelles à
l'impersonnalité des relations. In: Revue française de sociologie 43-3. pp. 521-556. 2002
68
Chantelat P. « La Nouvelle Sociologie Économique et le lien marchand : des relations personnelles
à l'impersonnalité des relations. » Revue française de sociologie 43-3. pp. 521-556. 2002.
67
C onclusion de la deuxième partie
L’analyse statistique nous a permis de dégager les éléments distinctifs dans
les petites annonces qu’ils soient relatifs aux types d’échange, mais également
aux catégories d’objets échangés. Ces éléments nous ont permis d’établir une
échelle graduelle en termes de facilité dans l’échange, témoignée par les
divers éléments relatifs à la confiance et au rapport de force, où l’on voit que
le troc figure parmi les échanges les plus équilibrés, et donc le plus facile à
réaliser tout du moins dans la démarche des annonceurs. La vente se
caractérise par des échanges fluides également mais davantage formels et
commerciaux, tandis que le don semble plus difficile à réaliser. Notre analyse
détaillée de chaque classe nous a montré que ce modèle dépend également
d’autre facteurs, notamment la disposition dans laquelle se trouve
l’annonceur pour réaliser l’échange et ses motivations, les caractéristiques des
objets vendus qui suscitent plus ou moins de prise de risque dans l’échange,
mais les différences doivent également se trouver dans le profil des
annonceurs, malheureusement nous n’avons pas pu dégager d’éléments
significatifs à ce sujet faute d’informations détaillées sur les annonceurs.
L’analyse qualitative nous a permis de dégager les fondements théoriques
et intrinsèques à ces différents types d’échange mais également à la
particularité des échanges par le biais d’Internet. Ces éléments ont dévoilé
cette problématique entourant le don, mais également le flou dans lequel se
trouve le troc par rapport à la vente. La prédominance de la vente par rapport
à ces deux types d’échange trouve donc des explications dans la nature même
des échanges, mais n’est pas exempte de difficultés, notamment dans la mise
en place des règles de l’échange qui sont laissés à la convenance et aux
positions particulières des différents protagonistes.
Conclusion
Les échanges alternatifs étudiés dans ce mémoire ne sont qu’une partie des
multiples formes d’échanges qui se développent actuellement. Nous pouvons
constater par exemple le phénomène de la location des biens par internet, ou
la vente de produits artisanaux fait main par des particuliers par le biais de
sites spécialisés. Mais il y a également toutes les formes d’échanges alternatifs
qui ne passent pas par les sites internet au delà des brocantes, vides greniers
et Dépôts Ventes. Nous pouvons prendre l’exemple des trocs de vêtements,
mais également l’organisation de système d’échange complet comme les
Système d’Echange Locaux, qui établissent des communauté d’échange avec
une monnaie parallèle, consistant en une forme de troc d’objet, de service, et
de compétence. Il existe également dans le domaine de l’alimentation, le
phénomène des Amaps qui rapproche le consommateur du producteur.
Le point commun de l’ensemble de ces pratiques est la tendance à la prise
en main des échanges par les individus qui cherchent à limiter les
intermédiaires. Les motivations peuvent être multiples, des préoccupations
écologiques, une réponse à la crise, des réactions politiques face aux excès de
notre système économique. Ces formes émergentes d’échange sont en partie
contestataires vis à vis d’un ordre économique sur lequel les individus
cherchent davantage à prendre le dessus. Ceci est à mettre en parallèle avec le
contexte de crise économique où l’esprit de débrouillardise conduit les
individus à réinventer leur rapport à l’économie. Mais qui dit retour à des
pratiques anciennes, dit retour à des problématiques anciennes entourant le
fondement même de ces échanges.
L’analyse statistique des échanges nous a révélé les multiples formes que
peuvent prendre ces échanges et complétée par l’analyse qualitative, nous a
montré les enjeux en termes de rapports de force, de confiance, qui
entourent ces pratiques façonnées individuellement par les individus. Ainsi,
nous nous retrouvons face aux problématiques qui entourent la nature même
de l’échange en général et qui relèvent également de multiples facteurs que ce
soit la valeur, ou encore la disposition dans laquelle se trouvent les
protagonistes.
L’intérêt de notre analyse comparative de trois de ces formes d’échanges
dont une largement dominante, la vente des biens de seconde main, est de
mieux comprendre les enjeux et les problématiques qui se posent à ces
individus novateurs dans leurs façon de consommer et leurs rapports aux
objets. Nous avons pu ainsi mieux comprendre les éléments potentiellement
explicatifs d’un engouement particulier pour la vente comparée au don et au
troc. Cela s’explique par l’ambiguïté propre à ces deux types d’échange qui
entrent en concurrence avec la vente mais sur des registres différents et qui au
final ont du mal à se défaire de la facilité du passage par la monnaie
notamment dans le cas du troc. Mais cela traduit également une tendance à
reconsidérer les objets comme des richesses potentielles en contexte de crise
économique.
L’analyse comparative a également révélé les enjeux qui entourent ces
nouvelles pratiques qui semblent engendrer une plus intense circulation des
biens de seconde main au sein de la population, notamment par rapport à
l’alternative de jeter ou de conserver les objets. D’autre part, la prédominance
de la vente entre en concurrence avec le don et nous mène à nous interroger
sur la concurrence plus globale entre la vente des biens de seconde main dont
les sites internet comme Leboncoin peuvent engendrer par rapport aux
pratiques plus anciennes de remise en circulation des biens, notamment les
dons aux associations, mais également la circulation des biens au sein des
réseaux familiaux et amicaux.
Pour revenir aux problématiques globales qui entourent ces échanges
alternatifs, nous nous sommes focalisés dans cette étude sur les annonceurs,
les consommateurs n’étant analysés que de façon indirecte. Ainsi, nous avons
pu repérer du côté des annonceurs des motivations écologiques comme dans
le cas des dons, mais avec toute leurs ambiguïtés, et nous avons constaté
d’une certaine manière que la crise engendre des comportements de
débrouillardise, analysés par Dominique Desjeux69, mais où ici ce n’est pas en
soi la consommation, mais la gestion du budget domestique qui suscite de
l’ingéniosité face à la crise.
Cependant, ces pratiques ne relèvent pas réellement de la consommation
engagée que décrit Sophie Dubuisson Quellier70, dans le sens où elles ne font
pas toutes explicitement référence à une dimension politique, et se cantonne
davantage à une dimension individuelle des pratiques de consommation et
d’échange. Cela ne va pas à l’encontre de l’idée que chaque individu puisse
avoir en partie des motivations politiques, notamment lorsque les annonceurs
69
Clochard F. , Desjeux D. « Le consommateur malin face à la crise. Tome 2 Le consommateur
stratège » L’Harmattan, 2013.
70
Dubuisson Quellier S. « La consommation engagée » Les presses de Sciences politiques. 2009
sont également acheteurs de biens de seconde main et s’opposent donc au
marché, il ne s’agit donc pas d’un boycott de produits spécifiques, mais d’un
boycott du marché du neuf.
En effet, nous avons remarqué également que dans ce cas spécifique
d’Internet, annonceurs comme consommateurs se considèrent parfois
comme étant sur un pied d’égalité. Nous pouvons y voir d’une certaine façon
une vision de solidarité face à la crise, même en passant par le marché
informel, cela rejoindrait ici les analyses de Laurence Fontaine71. En effet,
annonceurs comme consommateur dans le cadre des ventes y trouve bon
compte dans le passage par ce marché informel, même si parfois des logiques
de rapport de force et de hiérarchisation sociale sont tout de même
persistantes. Ainsi nous pouvons nous interroger sur l’idée que les enjeux
écologiques, politiques, sociaux sont facilités par ces échanges non pas du fait
d’une volonté affichée des individus mais seraient atteint de façon indirecte,
et en maintenant les problématiques propres et parfois anciennes à ces
différents types d’échanges.
71
Fontaine L. « Le marché, histoire d’une conquête sociale », Gallimard, 2014
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RTS.ch. 2013
[50] N euvy F. « La consommation alternative : nous n'en sommes qu'au
tout début » Observatoire Cetelem. Etude. 2013
Annexe
A NNEXE 1. EXTRACTION DES DONNEES WEB AVEC LE
LOGICIEL R
L’extraction des petites annonces a été un travail fastidieux du fait de la
particularité des petites annonces sur Internet. Voici donc un extrait les lignes
de codes pour réaliser cette extraction qui pourra servir à toute personne
intéressée par un travail sur ce type de données.
install.packages("XML")
1. Extraire les différentes pages selon les catégories
d'objets
docu<sprintf("http://www.leboncoin.fr/_loisirs_/offres/ile_de
_france/?o=%s",1:8)
2. Extraire les liens (href) vers les annonces détaillées de
chacune des pages
links <- sapply(docu, function(x)
{ xpathSApply (htmlParse(x) "//div[contains(@class,'listlbc')]/a",
xmlGetAttr,name = "href")})
listli<-as.vector(links)
3. Extraction des tables en tenant compte des valeurs
manquantes dans chaque table
v<-NA
MyTable <- data.frame()
for (i in 1: length(listli)) {
v[i] <- readHTMLTable(listli[i], head=2)
val <- as.character(v[[i]]$V2)
prix <- grep('^[0-9].*[^a-zA-Z0-9]$', val, perl=T)
if (length(prix)!=0) { MyTable[i,1] <- val[prix] } else
{MyTable[i,1] <- NA }
vil <- grep('^[a-zA-Z].{4,1000}$', val, perl=T)
if (length(vil)!=0) { MyTable[i,2] <- val[vil] } else
{MyTable[i,2] <- NA }
cp <- grep('^[0-9]{5}$', val, perl=T)
if (length(cp)!=0) { MyTable[i,3] <- val[cp] } else
{MyTable[i,3] <- NA }
}
names(MyTable) <- c("prix", "vil", "cp")
4. Extraction des petites annonces (div) : texte, type et
catégorie d'objet
for (i in 1:length(listli)) {
a[i]<-xpathSApply(htmlParse(listli[i]),
"//div[contains(@class,'AdviewContent')]//div[@class='conten
t']",
xmlValue)
b[i]<-xpathSApply(htmlParse(listli[i]),
"//div[contains(@class,'content
color')]//span[@class='fine_print']/a[2]",
xmlValue )
c[i]<-xpathSApply(htmlParse(listli[i]),
"//div[contains(@class,'contentcolor')]//span[@class='fine_print']/a[3]",
xmlValue ) }
ANNEXE 2. REPRESENTATIVITE DES ANNONCES DE
VENTES SUR LEBONCOIN.FR
Cette annexe revient sur la représentativité de notre échantillon, nous
avons simplement comparé la structure de notre échantillon à la structure de
l’ensemble des annonces d’Île de France selon les tranches de revenu des
communes.
TABLE 31. Représentativité de l’échantillon pour la vente
Revenu fiscal moyen des communes en 2009
Jusqu'à 20 000
De 20 000 à 30 000
De 30 000 à 40 000
Plus de 40 000
Echantillon récolté
10%
44%
28%
19%
Île de France
12%
41%
40%
8%
On peut voir avec cet histogramme que notre échantillon est bien
représentatif dans les tranches de revenu les plus basses mais qu’il existe un
décalage dans les tranches de revenu les plus hautes avec une sous
représentation de la tranche 30 000 à 40 000 euros moyen, et une
surreprésentation de la tranche plus de 40 000 euros. Nous pouvons voir que
ce décalage ne fait que confirmer nos analyses sur la vente, avec une
surreprésentation pour les tranches de revenu moyen et une sous
représentation peut être d’autant plus forte pour la tranche de revenu la plus
élevée.
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