Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales Ecole Normale Supérieure Master « Sociologie et statistique » Mémoire de recherche de Master 2 Année 2014 D onner, revendre, troquer ses biens de l’espace domestique Etude des formes émergentes d’échanges alternatifs des objets de seconde main, sur les sites Internet Charlotte Dion Mémoire dirigé par Laurence Fontaine, directrice de recherche au CNRS TABLE DES MATIERES R EMERCIEMENTS 4 INTRODUCTION 5 METHODOLOGIE 9 PARTIE 1. PROFILS D’ANNONCEURS, ARBITRAGES ET MOTIVATIONS A LA REMISE EN CIRCULATION DES BIENS 13 1.1 LES PROFILS DES ANNO NCEURS 13 1.1.1 LES PROFILS SELON LE TYPE D’ECHANGE 13 Analyse comparée par tranches de revenu des communes La particularité des ventes 1.1.2 QUI ECHANGE QUOI ? MODE DE VIE ET USAGES SOCIAUX DIFFERENCIES Une différenciation sociale par modes de vie ? Usages sociaux des sites Internet Profils de vendeurs 1.2 L ES ARBITRAGES ENTRE LES TYPES D ’ ECHANGE ET LES MOTIVATION A LA REMISE EN CIRCULATION DES BIENS 1.2.1 LA STRUCTURE DES ECHANGES : UNE LOGIQUE DE CYCLE DE VIE ? Don et vente : entre le monnayable et le non monnayable Le troc : circulation interne sur le marché de l’occasion des biens les plus recherchés Articuler les différents modes d’échanges selon les objets Le cycle de vie des objets 1.2.2 MOTIVATIONS ET ARBITRAGES A LA REMISE EN CIRCULATION Des changements dans le cycle de vie La vente : entre « stratégie de survie » et complément de revenu en temps de crise S’adapter plus facilement aux grandes tendances et au besoin de renouvellement Vers une plus grande distanciation de la relation aux objets ? Le cas du don : conflit de normes entre désintéressement, solidarité et écologie Donner ou vendre : question de morale ? C ONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 14 17 20 21 25 30 35 36 37 39 40 42 43 45 46 48 50 52 55 56 PARTIE 2. LES FORMES DE REMISE EN CIRCULATION ET LA RELATION D’ECHANGE 58 2.1 E TUDE DE LA RELATION D ’ ECHANGE PAR ANALYSE TEXTUELLE 58 2.1.1 ANALYSE DES SIMILITUDES 59 2.1.2 ANALYSE PAR CLASSIFICATION 63 Analyse par AFC 65 Analyse par test du Khi2 Analyse détaillée de chaque classe 2.1.3 TYPOLOGIE 2 .2 A NALYSE QUALITATIVE DES ECHANGES 2.2.1 LA SYMETRIE DANS L’ECHANGE L’asymétrie du don Le modèle du don contre-don sur Internet Plus facile de vendre que de donner ? Frontière poreuse entre la vente et le troc La vente sur leboncoin : la question du marchandage 2.2.2 LA RELATION DE CONFIANCE La bonne parole contre les garanties formelles Les capitaux et la stigmatisation Echange et lien social 67 70 100 108 108 108 110 111 113 115 118 119 121 123 C ONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 126 CONCLUSION 127 BIBLIOGRAPHIE 130 ANNEXE 134 ANNEXE 1. EXTRACTION DES DONNEES WEB AVEC LE LOGICIEL R ANNEXE 2. REPRESENTATIVITE DES ANNONCES DE VENTES SUR LEBONCOIN.FR 134 135 Remerciements Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidée dans la réalisation de ce mémoire et qui m’ont permis de l’améliorer continuellement. A commencer par Laurence Fontaine qui du début à la fin m’a accompagnée, soutenue et encouragée à toutes les étapes de la réalisation de ce mémoire. Elle m’a prodigué de nombreux conseils me permettant de trouver les pistes pour orienter ce mémoire et prendre plus de hauteur pour analyser et interpréter ces données micros. Je témoigne ma reconnaissance également aux personnes qui m’ont permis techniquement de réaliser ce mémoire. Olivier Godechot m’a orienté sur la piste de l’extraction automatisée des données web avec le logiciel R sans laquelle ce mémoire n’aurait été possible avec une extraction manuelle. Je remercie chaleureusement les internautes du Forum club des développeurs et It Pro, qui m’ont permis de réaliser ce programme d’extraction en corrigeant avec patience les multiples erreurs et problèmes de codage que j’ai rencontré. J’ai pu également m’entretenir avec Marie Plessz pendant les dernières étapes de mon mémoire. Elle m’a donné de nombreux conseils que ce soit pour l’interprétation statistique de mes données, sur des techniques de base de réalisation et de mise en forme d’un projet de recherche, mais également sur l’analyse générale de mon mémoire. Je remercie également ma famille et mes amis qui m’ont soutenue et encouragée, Amandine Bonnion pour sa patiente relecture et particulièrement Damien Bisson qui m’a poussée à aller de l’avant tout au long de ce travail. Introduction S’intéresser à l’émergence des échanges alternatifs sur Internet provient tout d’abord d’une interrogation sur le succès du site internet Leboncoin.fr, qui fait partie des dix sites les plus fréquentés par les internautes en 2012 selon une étude Médiamétrie. Les sites internet spécialisés dans les échanges de biens de seconde main qui existent depuis les années 2000 se sont multipliés récemment pour répondre à une demande croissante des populations. Cependant, la revente des biens de seconde main existe depuis longtemps sous diverses formes : les vides greniers annuels des communes qui connaissent un succès grandissant, mais également les Dépôts-Ventes qui concernent particulièrement le mobilier, ou encore les Antiquaires pour un public plus ciblé, et même la vente aux enchères publique qui se pratique encore et est même médiatisée par la télévision1. Ainsi, ce fait original visible sur Internet traduit un engouement général pour ces nouvelles pratiques de remise en circulation des biens de seconde main qui ne se manifeste pas seulement par la pratique de vente, mais également par de nombreuses autres formes d’échanges, dont le don, le troc, que nous étudierons dans ce mémoire, mais également la location qui commence à apparaître sur des sites internet mais qui ne sera pas étudiée dans ce travail. Nous pouvons dénombrer une dizaine de grands sites de ventes de biens de seconde main sur Internet dont fait partie Leboncoin.fr, avec Ebay, Price Minister, Amazon, consOccasion, Vivastreet.. Mais également une dizaine de sites de Troc, comme Pretachanger.fr, FranceTroc.com, Gchangetout.com, Onlinetroc, Trocvestiaire.com etc… Et pour finir un nombre quasiment égal de sites de dons, parmi lesquels figure Recup.net, Donnons.org, Toutdonner.com, Donne.consogloble.com, Jedonnetout.com etc… Ces nouvelles pratiques relèvent peut être d’une part de la situation de crise économique2, avec la réapparition d’un marché de la pauvreté depuis les années 90,3 mais cette crise touche plus généralement l’ensemble de la 1 Anthony. J « Un trésor dans votre maison », Emission M6 Alami S., Bonnet A., Brisepierre G., Darmonni J., Delbende M., Desjeux D., « La consommation économe en 2010 : enquête quantitative exploratoire sur l’évolution des pratiques et représentations de la consommation face aux crise », http://www.argonautes.fr/, 2010 3 Desjeux D., « Du consommateur malin au consommateur contraint », Le Monde économie, 2012. 2 population et engendre des comportements innovants face à la contrainte économique qui, selon l’observatoire Cetelem, ne sont que l’embryon de comportements durables qui vont s’installer en Europe ces prochaines décennies4. Nous pouvons également attribuer ces nouveaux usages à un changement plus général des modes de consommation, avec la montée des préoccupations environnementales, ainsi que d’un sentiment de rejet politique envers une consommation débridée inscrite dans nos habitudes depuis des décennies, et bien décrite par Baudrillard5. L’objectif de ce mémoire est d’étudier simultanément les pratiques de don, de revente et de troc qui se réalisent par le biais de ces sites internet. L’étude conjointe de ces trois modes de remise en circulation des objets a pour intérêt de se focaliser sur les différentes pratiques de délaissement des objets du quotidien et d’en établir les différences d’essence selon la forme d’échange. Nous nous focalisons dans cette étude sur les objets de l’espace domestique, c’est à dire tous les objets qui se retrouvent à l’intérieur de notre domicile en excluant les voitures, les annonces immobilières et les annonces de service que l’on peut trouver sur ce type de site internet. Cette sélection s’est faite pour une question d’homogénéité de l’analyse, tout en conservant une diversité d’objets entre des objets plus ou moins personnels, plus ou moins durables, plus ou moins accumulés, qui permettront de mettre à jour la diversité des pratiques également selon la nature des objets. Ces trois formes de délaissement étudiées ont pour particularité d’alimenter de manière diversifiée une circulation informelle de biens de consommation, que l’on qualifie souvent de « consommation alternative » ou « consommation maline »6. Précisément, les études précédentes et en cours se focalisent souvent sur le consommateur, celui qui nourrit la demande de ces biens de seconde main. Mais il est intéressant de se demander « qui » alimente cette circulation informelle car dans ces nouvelles formes de consommation, il faut toujours deux protagonistes, et le point de vue de l’annonceur est intéressant à analyser, notamment lorsqu’on le compare avec celui des consommateurs. Les études du Crédoc montrent que bien souvent les vendeurs sur les sites de ce type sont également des acheteurs, la vente étant une seconde étape dans le processus de familiarisation à ce type d’échange. Parallèlement, 4 Neuvy F. « La consommation alternative : nous nen sommes quau tout début. » Observatoire Cetelem Etude 2013 5 Jean Baudrillard, La société de consommation, Denoël, 1970, Folio Essai 6 Dominique Desjeux, Fabrice Clochard, Le consommateur malin face à la crise, l’Harmattan, 2013 vendre et acheter sont selon cet institut, des pratiques concernant les internautes les plus expérimentés qui se recrutent dans les catégories sociales les plus élevées. Cependant, les études du Crédoc se sont appuyées sur des sites comme Ebay ou Price Minister dont la structure et le mode de fonctionnement sont plus complexes que ceux du site Leboncoin. La formule du site Leboncoin, sans inscription préalable, et fonctionnant sur le principe des petites annonces lui confère une plus grande accessibilité sociale notamment pour les catégories populaires. Par ailleurs, les trois formes d’échanges étudiées ne sont pas égales en termes de popularité au sein de la population, la vente étant la pratique dominante. L’étude comparative nous permettra de comprendre pour quelles raisons et selon quelles modalités les pratiques de délaissement des objets se tournent davantage vers la vente que vers les autres formes d’échange. Nous pourrons nous interroger sur les possibles modifications de comportements que l’engouement pour la vente peut engendrer. Enfin, la spécificité de cette étude sur Internet est à mettre en lumière. La particularité d’Internet est à la fois d’élargir les potentialités de rencontre entre les intéressés. Comme l’affirme Frédéric De Coninck7, les plateformes de ventes en ligne permettent aux acheteurs de s’affranchir des anciennes références spatiaux-temporelles et augmentent donc les potentialités de consommation. Internet permet également de mettre en ligne des objets à tout moment de l’année contrairement aux vides greniers, et ainsi de s’adapter plus facilement aux besoins des individus qu’ils soient économiques ou relevant de motifs sociodémographiques. Mais Internet engendre également des contraintes ou avantages spécifiques liés justement à cette relation médiée par une interface, qui peut être à l’origine de formes d’échange spécifiques ou révéler au contraire des phénomènes que l’on peut observer dans la vie réelle. Ces réflexions nous conduisent à présenter les questionnements qui vont orienter ce mémoire. A savoir premièrement ce qu’il se passe en amont de l’échange, ce qui consistera à analyser les objets remis en circulation par les annonceurs, la question des arbitrages entre les différents modes de remise en circulation, mais également à s’interroger sur les motivations des annonceurs. Dans un second temps nous nous pencherons sur le déroulement de l’échange en soi qui est une problématique à part : comment 7 Coninck Frédéric, « L’achat en ligne, un nouveau rapport à l’espace de la consommation », Sociologies pratiques, 2010/1, n°20, p51-62 se réalisent les échanges sur Internet, quelles règles y président et quelles valeurs sous tendent chacune de ces pratiques ? Ainsi, la problématique qui traverse ce mémoire est la suivante : Qu’est ce que ces échanges sur Internet révèlent dans les changements de comportement, dans la relation aux objets domestiques et leur remise en circulation. Quelles configurations d’échange ce média permet de mettre en œuvre ? Méthodologie RESTRICTION DU PERIMETRE GEOGRAPHIQUE ET DES OBJETS ETUDIES Pour permettre une analyse plus fine, le terrain sera limité à la région Île de France. La diversité de cette région sur le plan sociologique et géographique permettra de donner une bonne approximation de la diversité des pratiques. D’autre part, nous étudierons dans ce mémoire uniquement la remise en circulation des objets de l’espace domestique en excluant les annonces immobilières, de voiture ou de services entre particulier car, de part leurs spécificités, compromettraient des comparaisons pertinentes. LIMITES DU TERRAIN Une des principales limites du terrain est l’information disponible sur les sites internet. La récolte d’informations auprès des annonceurs a été tentée mais le taux de réponse était trop faible. La possibilité d’obtenir des informations sociologiques précises sur les individus a donc été compromise. Une autre limite sur le site leboncoin est que l’on a seulement accès aux objets mis en vente, il n’est pas possible d’avoir une idée des ventes qui se sont finalement conclues. ETUDE DES PETITES ANNONCES SUR INTERNET Le travail de récolte des données a consisté principalement dans le recueil d’échantillons d’annonces de vente et de troc sur le site Leboncoin et d’annonces de don sur le site Recup.net. Le choix de ces sites a été motivé pour le premier par le volume des annonces publiées sur ce site et par les caractéristiques spécifiques dans la relation entre particuliers liées à son mode de fonctionnement. Concernant le site de don Recup.net, le choix s’est fait pour son caractère représentatif, ainsi que par la présence d’un forum associé à ce site internet permettant de les mettre en parallèle avec les informations recueillies sur les petites annonces. La structure des échantillons prélevés se répartit de la manière suivante : TABLE 1. Structure des échantillons récoltés Catégorie d'échange Vente Troc Don Total Effectifs 1015 960 1034 3009 Pourcentage 33,7 31,9 34,4 100 Nous avons recueilli aux environs d’un tiers d’annonces de chaque type d’échange pour pouvoir établir des comparaisons significatives dans l’analyse. Cependant, les annonces de vente sur le site Leboncoin.fr sont présentes dans une proportion sans commune mesure avec celles des dons et des annonces de troc. En effet, pour la région Île de France l’effectif global des annonces de don publiées sur l’échelle de 2 mois est approximativement aux alentours de 1000 annonces. Sur le site Leboncoin.fr, les annonces de trocs toutes catégories confondues atteignent approximativement 3000 annonces et pour les objets analysés dans ce travail8 seulement 1500 annonces. A l’inverse, les annonces globales de vente sur le site Leboncoin.fr atteignent environ 3 millions d’annonces en Île de France et pour les objets analysés dans cette étude9 le nombre d’annonces est de 2,5 millions sur une période de 2 mois. Ainsi, la pratique de vente est largement plus répandue que les pratiques de don et de troc en Île de France. Mais l’objectif de cette étude est d’analyser comparativement ces trois types d’échange, les échantillons ont donc été récoltés de façon à ce qu’ils soient comparables pour une étude statistique. ANALYSE DE LA STRUCTURE ET DE LA GEOGRAPHIE DES PETITES ANNONCES L’analyse de la structure des petites annonces c’est-à-dire des caractéristiques des objets mis en ligne nous a permis d’approcher les spécificités de ces échanges dans une perspective comparative ce qui a permis de déterminer les distinctions entre chaque types d’échange et d’en établir les arbitrages réalisés par les annonceurs. La géographie sociale des petites annonces, caractérisée par des données géographiques et des données économiques sur les revenus fiscaux moyens des communes permet à cette analyse de lui conférer une dimension sociologique en rapprochant les caractéristiques sociales des communes à 8 9 Hors catégorie Immobilier, voiture et service Ibid. (1) celles des annonces. Néanmoins, cette approche a certaines limites, notamment si l’on se réfère au concept « d’Ecological Fallacy » qui rend compte du fait que les phénomènes observés à l’échelle d’un groupe peuvent ne pas refléter les différences individuelles. Ainsi, il est tout à fait possible que seule une partie des habitants de chacune des communes, quelque soit leurs niveau de richesse moyenne, participe à ces échanges. Un travail supplémentaire a été réalisé sur le site Leboncoin, et a consisté en une récolte du nombre d’annonces total dans chaque commune pour évaluer de manière plus précise le caractère plus ou moins répandu de cette pratique. Un indicateur a été calculé, le nombre d’annonces par habitant, calculé non pas sur la base des 1000 annonces de vente mais sur la base des 2,5 millions d’annonces en Île de France. ANALYSE TEXTUELLE DES PETITES ANNONCES Un travail plus fin sur le contenu des petites annonces a été réalisé. Après avoir extrait une base de données avec les petites annonces et les informations relatives à celles ci (commune d’origine, catégorie d’objet, prix éventuel), un travail d’analyse textuelle a été mis en œuvre dans l’objectif d’établir une typologie des petites annonces sur Internet. Cette typologie est établie par une méthode d’analyse factorielle et de classification où sont couplées les données des corpus textuels avec les autres éléments caractéristiques des petites annonces, notamment le prix des objets pour le cas des ventes, leurs catégories et le lieu géographique de l’échange. Les éléments distinctifs des petites annonces seront ainsi dégagés par l’analyse textuelle. Ce travail quantitatif sur les petites annonces permettra d’approcher la question de la relation d’échange. En effet, chaque petite annonce donne des informations sur la manière dont l’annonceur conçoit l’échange, la manière dont il se présente, et propose son objet aux individus potentiellement intéressés. Cette analyse couplée à celle des forums permettra d’illustrer un ensemble de questions ayant trait à la forme de l’échange et aux règles qui le régisse. ETUDE DES FORUMS DEDIES A CES PRATIQUES De nombreux forums traitent du sujet de ces pratiques d’échanges alternatifs, un recueil des informations sur divers forums a été mis en place pour conférer à ce mémoire une approche qualitative. Les forums donnent des informations sur la manière dont se déroulent ces échanges et permettent d’éclairer le travail réalisé sur les petites annonces. Les forums rendent compte également des expériences personnelles des individus, laissant entrevoir la manière dont se façonnent les règles informelles présidant à ces échanges, les perceptions et valeurs des différents protagonistes etc.. La limite de l’étude des forums est que nous n’avons pas accès aux caractéristiques sociodémographiques des individus postant et alimentant des discussions sur les plateformes. Cependant, cette étude donne des informations générales sur les enjeux qui animent ces pratiques. Partie 1. Profils d’annonceurs, arbitrages et motivations à la remise en circulation des biens L’analyse des petites annonces permet tout d’abord de repérer la phase amont des échanges : quels individus sont concernés par ces activités ? Quels types d’objets sont remis en circulation ? Quels sont les motifs qui semblent animer ces différentes pratiques ? Ces questionnements s’appliquent aux trois types d’échange étudiés et nous invitent à en établir une analyse comparative. Est-ce les mêmes individus qui pratiquent le don, la vente ou le troc ? Est-ce les mêmes objets qui sont échangés selon les trois modes de remise en circulation étudiés ? Est-ce les mêmes motifs qui animent ces différentes pratiques ? Les données recueillies sont certes limitées pour répondre de façon exhaustive et indubitable à ces questionnements, mais nous pouvons constituer un premier panorama de ce qu’il se passe en amont de l’échange et établir des pistes de réflexion sur les logiques et grandes tendances qui semblent se dégager de l’analyse comparative. 1 .1 LES PROFILS DES ANNONCEURS 1.1.1 Les profils selon le type d’échange L’analyse de notre base de donnée nous a permis de lui conférer une dimension sociologique par l’intermédiaire des informations que l’on a pu tiré de la commune d’ou proviennent les annonces. En effet, à partir des statistiques de l’Insee, nous avons recueilli le revenu moyen net fiscal de référence des communes pour l’année 2009 qui nous donne une indication du niveau de richesse globale de la commune. Cet indicateur est à prendre avec mesure car chaque commune possède une diversité de profils sociaux, mais néanmoins, nous pouvons approcher d’une façon indirecte les caractéristiques sociales des annonceurs. Analyser le profil des annonceurs est une démarche qui doit tenir compte de la manière dont à été construite notre base, c’est à dire en prenant une proportion égale d’annonces dans chaque types d’échange. Nous avons vu en introduction que les annonces de vente dépassaient bien largement en volume les annonces de don ou de troc. L’analyse des profils doit ainsi se faire en tenant compte de cette disproportion. Cette analyse à un intérêt particulier dans une démarche de comparaison structurelle pour mesurer les différences de profils selon les types d’échange, tout en tenant compte des différences de proportion. A nalyse comparée par tranches de revenu des communes Nous allons tout d’abord présenter la base totale analysée en comparant la structure par revenu des communes des échantillons récoltés sur la base de 3009 annonces par rapport à la structure par revenu de l’ensemble des communes d’île de France sur la base de 1301 communes. Cette analyse permet de comparer la structure des profils sociaux pour l’ensemble de ces échanges alternatifs par rapport aux profils sociaux des communes d’Île de France. TABLE 2. Structure par revenu des communes et des annonces Revenu moyen des communes Jusqu'à 20 000 De 20 000 à 30 000 De 30 000 à 40 000 Plus de 40 000 Total Valeur manquante Total IDF ( communes) 60 (4,6%) 594 (45,6%) 477 (36,6%) 154 (11,8%) 1285 (99%) 16 (1%) 1301 (100%) Annonces 368 (12,2%) 1438 (47,8%) 824 (23,3%) 370 (12,2%) 3000 (99,7%) 9 (0,3%°) 3009 (100%) Source revenu des communes d’Île de France : Statistiques de l’INSEE Tout d’abord en regardant les effectifs des annonces dans chaque tranches de revenu, nous pouvons constater que les annonces sont concentrées dans les tranches de revenu moyennes et particulièrement moyennes inférieures. Néanmoins, lorsque l’on compare la répartition des annonces à la structure des communes d’Île de France, on peut constater certaines différences de représentation dans les tranches de revenu présentées. Pour tous types d’échange confondus, il existe une surreprésentation en fréquence des annonces dans les communes de la tranche de revenu la plus faible, et la tranche moyenne inférieure, ainsi qu’une sous représentation des annonces dans les communes de la tranche de revenu moyenne supérieure. Ce tableau ne tient pas compte des différences de proportion entre les types d’échange dans la réalité, ni de la taille des communes en Île de France. Nous pouvons néanmoins supposer à partir de ces données que ces pratiques sont présentes dans une plus grande proportion dans les communes de classe moyennes et de classes populaires. Nous allons maintenant comparer la structure des annonces par revenu moyen des communes, mais selon le type d’échange. Le don s’il est une pratique philanthropique est-il majoritairement pratiqué dans les communes riches ? La vente plutôt dans les communes pauvres en la considérant comme une manière de faire des économies en temps de crise ? Les hypothèses pour le troc sont plus difficiles, étant donné le caractère particulièrement novateur de cette pratique tout du moins dans notre période contemporaine. Ces analyses seront à mettre en parallèle avec les motivations à la remise en circulation des biens que nous verrons par la suite, ainsi qu’à l’observation de la structure des objets échangés. Le graphique suivant synthétise la différence structurelle de répartition des annonces selon les tranches de revenu des communes et selon le type d’échange en comparaison avec la structure des communes d’Île de France. FIGURE 1 Histogramme des tranches de revenu des communes selon le type d’échange. # # # # # # # Nous pouvons remarquer en tenant compte du volume des annonces que la majorité des annonces se concentre dans les communes de la tranche de revenu moyenne inférieure (de 20 000 à 30 000). D’autre part, les annonces dans la tranche de revenu la plus basse sont surreprésentées par rapport à la structure des communes de l’Île de France, comme le montrait la Table 2. Cependant, il existe une différenciation selon le type d’échange et selon les tranches de revenu des communes. La pratique du don semble être une pratique de classe moyenne à classe moyenne supérieure, et contrairement aux hypothèses que l’on pourrait avoir sur ce type d’échange elle est largement sous représentée dans les communes les plus riches. Cela peut s’expliquer par le fait que les dons analysés dans ce mémoire se font par l’intermédiaire de sites Internet, et la pratique du don des individus les plus aisés se fait probablement davantage par d’autres canaux. Les personnes pratiquant ces dons par le biais d’internet ne sont donc probablement pas les mêmes que les personnes qui pratiquent des dons aux associations caritatives. D’autre part, les motivations qui animent cette pratique, ainsi que la nature des dons n’est probablement pas également la même. Si les motivations sont écologistes, des études sur ce mouvement montrent que sa base sociale est principalement constituée de professions intermédiaires et de classes intellectuelles supérieures10. La vente est quant à elle moins pratiquée dans les communes les plus pauvres et davantage dans les communes à revenu moyen comparativement aux deux autres types d’échange. Elle est par ailleurs surreprésentée dans les communes les plus riches. Ainsi, comme le soulignait le rapport du Credoc, les catégories sociales aisées utilisent fréquemment ces sites internet pour réaliser des ventes. Mais contrairement à leurs conclusions, la répartition en proportion d’annonces que présente ce graphique montre que la majorité des annonces proviennent de communes à revenus moyen médian, et particulièrement médian inférieur. Cela peut s’expliquer par le fait que le site Leboncoin.fr ne fonctionne pas de la même façon que le site Ebay par exemple et est donc plus accessible aux populations à revenus plus modeste. Enfin, le troc est surreprésenté dans les communes à tranches de revenu les plus faibles, et sous-représenté dans les tranches de revenu les plus élevées comparativement aux deux autres types d’échange. Comme le montre Mariana Luzzi dans son ouvrage sur les clubs de trocs en Argentine11, ces pratiques et leur « potentiel en tant qu’instrument pour faire face aux difficultés économiques (…) les ont situés parmi les phénomènes suscités par la crise ». Ainsi, le troc se pratiquerait davantage dans une perspective de restriction économique et concernerait donc davantage les milieux populaires. 10 Brendan Prendiville, « L’écologie, la politique autrement ? : culture, sociologie et histoire des écologistes », l’Harmattan, 1993. 11 Mariana Luzzi, « Réinventer le marché, les clubs de troc face à la crise en Argentine », l’Harmattan, 2005 L a particularité des ventes Un travail supplémentaire a été réalisé sur les petites annonces qui a consisté en la récolte du nombre d’annonces dans chaque commune d’Île de France. Ce travail nous a permis de constituer un indicateur : le nombre d’annonces par habitant dans toutes les communes d’Île de France en comparant la richesse moyenne par habitant des communes à la population des communes en 2009. Le nombre d’annonces par habitant est un indicateur plus précis que le simple volume des annonces, sur le caractère plus ou moins répandu de ces pratiques selon les communes. Nous allons tout d’abord présenter graphiquement cet indicateur sur une carte de l’Île de France. L’intérêt est d’enrichir l’analyse par revenu des communes, par une analyse géographique permettant de mettre en lien des modes de vie à des espaces géographique. En Île de France, nous pouvons opposer les espaces géographiques selon plusieurs critères, en terme d’urbanité, de ruralité ou de périurbanité, mais également en termes de richesse. FIGURE 2. Carte du nombre d’annonces par habitant sur Leboncoin.fr en Île de France. [Q6] NBANPARTHAB .") "!&)#*-(/&*) "..0-# ".!".-" /)$'".!"'%&./*$-((" .*)/+-*+*-/&*))"''".0)*(-"!0)&/"..+/&'". !). %,0" '.."!3#&)&".0-'1-&'" (2&(0( +*0-' '..")4 &/1" %&' -/* %//++%&' -/*#-""#- Cette carte semble montrer que le nombre d’annonces par habitant est moins élevé à la fois à Paris et dans les communes adjacentes à la capitale, ainsi que dans les communes les plus excentrées de la capitale, c’est à dire les plus rurales notamment dans les communes les plus éloignées de Seine et Marne, des Yvelines et de l’Essonne. A l’inverse les taux d’annonces par habitant les plus forts se concentrent dans une deuxième couronne autour de Paris laissant supposer que ce sont davantage des espaces périurbains. Si l’on s’en tient à cette analyse, le mode de vie périurbain, plus éloigné des villes dynamiques mais pleinement concerné par le mode de vie urbain pourrait être davantage concerné par la pratique de la vente et de l’achat sur internet du fait notamment de la distance plus importante avec les centres de consommation. Les populations résidant dans ces communes ont généralement un niveau de vie moins élevé que les habitants de la capitale, possèdent plus souvent des logements plus grands, et se composent davantage de ménages de type famille avec enfants. A l’inverse les habitants des communes les plus rurales peuvent être moins concernés par ces pratiques du fait des caractéristiques sociodémographiques des habitants de ces communes, avec davantage de personnes âgées. Les résidant des communes rurales peuvent avoir des difficultés à trouver des acheteurs potentiels dans les lieux les plus reculés d’Île de France comme le témoigne une internaute habitant en campagne et n’arrivant pas à vendre ses objets. Revenons maintenant à la comparaison en termes de revenu des communes. La carte précédente donne des informations géographiques, mais nous n’avons que peu d’informations précises sur la variation de notre indicateur selon la richesse des communes. Le tableau suivant illustre cette question par une approche inférentielle. TABLE 3. Tableau croisé du revenu moyen des communes par nombre d’annonces par habitants pour les annonces de vente. Revenu moyen par tranche Jusqu'à 20 000 Effectif Effectif théorique Contribution au Khi2 De 20 000 à 30 000 Effectif Effectif théorique Contribution au Khi2 De 30 000 à 40 000 Effectif Effectif théorique Contribution au Khi2 Plus de 40 000 Effectif Effectif théorique Contribution au Khi2 Effectif Total Nombre d'annonce par habitant Jusqu'à 0,15 29 14,7 13,9 127 145 2,2 110 116,6 0,4 48 37,7 2,8 314 Entre 0,15 et 0,22 Entre 0,22 et 0,30 17 10 22,9 13,6 1,5 1,0 237 144 225,8 133,9 0,6 0,8 165 116 181,7 107,7 1,5 0,6 70 20 58,6 34,8 2,2 6,3 489 290 Plus de 0,30 4 8,9 2,7 85 88,2 0,1 86 71 3,2 16 22,9 2,1 191 TOTAL 60 60 19,1 593 593 3,7 477 477 5,7 154 154 13,4 1284 Khi 2 à 41,9 p< 0,001 / Phi à 0,181 p< 0,001 / V de Cramer à 0,104 p< 0,001 Ce tableau révèle que le nombre d’annonces par habitant le plus faible se retrouve plus souvent dans les communes les plus riches à plus de 40 000 euros moyen ainsi que dans les communes les plus pauvres, jusqu’à 20 000 euros moyen. Inversement, le nombre d’annonces par habitant le plus élevé se trouve davantage dans les tranches médianes de revenu. Ainsi la pratique de vente sur le site Leboncoin serait plus fréquente dans les communes à tranches de revenu intermédiaires que dans les communes très riches ou les communes très pauvres. A l’inverse des conclusions tirées de l’analyse de notre échantillon, la pratique de la vente n’est pas surreprésentée dans les communes les plus riches, ni dans les communes les plus pauvres, mais nous n’avions pas mis en place une approche inférentielle. Cela s’explique également par le fait que la comparaison dans notre échantillon avec la structure des communes d’Île de France ne tient pas compte du nombre d’habitants de chaque commune. En termes de fiabilité de l’analyse, nous pouvons davantage nous fier au nombre d’annonces par habitant si nous voulons tirer des conclusions sur la fréquence de ces pratiques selon les communes. Ainsi, il semblerait que la vente des objets de seconde main, qui de fait est l’échange alternatif principalement pratiqué par les populations, soit davantage une pratique de classe moyenne. La moindre fréquence des annonces de ventes dans les communes les plus pauvres peut probablement s’expliquer par les analyses sur la fracture numérique12. Bien que le site Leboncoin.fr soit plus accessible, la publication d’annonces par Internet peut néanmoins être un frein pour ces populations modeste ne maîtrisant pas l’outil informatique du fait d’un déficit de formation scolaire ou professionnelle. Concernant la sous représentation dans les communes les plus riches, nous pouvons avancer l’idée qu’une partie des classes supérieures s’est appropriée ce mode d’échange alternatif, mais une autre partie, sans doute la bourgeoisie traditionnelle, ne s’est pas appropriée ces pratiques innovantes et utilise d’autres canaux pour se séparer de ses objets. Cela peut être mis en parallèle avec les analyses de Valérie Pietri dans l’ouvrage de Laurence Fontaine ou elle rappelle que dans l’aristocratie d’Ancien Régime, le fait de porter des vêtements ou des bijoux de seconde main pouvait être stigmatisé, bien que l’aristocratie provinciale s’était appropriée davantage la vente des objets de seconde main. Nous pouvons également évoquer les travaux de Blandine Mortain sur l’importance de la transmission des biens au sein de la famille dans les catégories sociales supérieures13 qui peut laisser ouverte la piste d’une remise en circulation des biens par d’autres canaux que celui d’Internet. 1 .1.2 Qui échange quoi ? Mode de vie et usages sociaux différenciés Après avoir fait un aperçu des profils sociaux des annonceurs et distingué les profils selon les types d’échange, nous pouvons maintenant nous pencher sur le contenu même de ces petites annonces, à savoir quels types d’objets sont échangés. Nous pourrons ainsi nous interroger sur une possible différenciation des catégories d’objets échangés selon les profils sociaux des annonceurs. En effet, les objets dont on se sépare sont avant tout des objets que l’on possède et il semble bien probable que les objets possédés ne sont pas les mêmes selon les catégories sociales. Ainsi, la différenciation sociale 12 Granjon F.«Inégalités Numériques et reconnaissance sociale - Des usages populaires de l’informatique connectée»., Les Cahiers du numérique, 2009/1 (Vol. 5) 13 Mortain B. « Des biens et des liens. Transmission des objets et inscription lignagère dans le réseau de parenté » Thèse de doctorat de Sociologie. 2000 des annonces pourra nous donner des informations sur les modes de vie des annonceurs. D’autre part, nous avons évoqué précédemment l’idée d’une différenciation des usages selon les profils sociaux et l’analyse du contenu des petites annonces pourra apporter davantage de précision sur ces questions. U ne différenciation sociale par modes de vie ? Nous allons tout d’abord présenter la structure générale de notre échantillon général quel que soit le type d’échange. Les catégories prises en compte dans ce mémoire se sont basées sur les catégories déjà présentes sur le site Leboncoin.fr, et nous avons repris comme base à l’analyse ces catégories sur le site Recup.net avec quelques modifications. Nous avons simplifié les catégories très détaillées présentes sur le site, en des catégories plus globales pour une lecture plus claire. La catégorie Multimédia par exemple, rassemble les catégories téléphonie, informatique, jeux vidéo mais nous avons écarté les CD/DVD de part leur faible valeur monétaire qui peuvent impliquer des enjeux différents dans l’échange comme nous le verrons en deuxième partie. Voici donc un premier aperçu des objets remis en circulation, nous avons distingué quatre grandes catégories d’objets, les objets relatifs à l’équipement de la maison, les objets multimédias, les objets de divertissement, et les objets personnels. TABLE 4. Les différentes catégories d’objets échangés. Catégories d'objets Effectifs Pourcentage Multimédias 1004 33,3 Multimédia CD/DVD Cassettes 868 88 48 28,8 2,9 1,6 Divertissement/Hobbies 842 27,9 Livres & Magazines 213 7,1 Jeux & Jouets Collection Sports & Hobbies Bricolage Jardinage Accessoires & Animaux Alimentation/ Gastronomie Divers_bons 162 142 88 67 63 54 31 22 5,4 4,7 2,9 2,2 2,1 1,8 1 0,7 Objets personnels 632 21,1 Vêtements & Accessoires Vêtements & Accessoires bébé Montres & Bijoux Beauté et soin du corps 435 135 45 17 14,5 4,5 1,5 0,6 Equipement de la maison 531 17,9 Ameublement Arts de la table Electroménager Decoration Accessoires bureaux Linge de maison 268 81 77 72 29 4 8,9 2,7 2,6 2,6 1 0,1 TOTAL 3009 100,2 On peut donc constater que la première catégorie d’objet échangée est la catégorie Multimédias qui rassemble plus d’un tiers des annonces. Viennent ensuite les objets de divertissement qui rassemblent un autre tiers des annonces, puis les objets personnels avec 20% des annonces et enfin les objets relatifs à l’équipement de la maison avec 17% des annonces. Nous pouvons tout d’abord remarquer que cette répartition hiérarchique des différentes catégories d’objets ne suit pas réellement une logique hiérarchique de quantité d’objets possédés, mais relève davantage d’une logique de cycle de vie des objets. En effet, la catégorie Multimédias qui est la catégorie la plus représentée, ne correspond pas aux objets que l’on possède le plus en quantité. Les objets que l’on accumule le plus sont les objets de divertissement et les objets personnels. Ainsi, on peut émettre l’hypothèse que le cycle de vie des objets Multimédias mais également des objets personnels est plus court que celui des objets d’ameublement par exemple. Ceci reflète le fait que le besoin de renouvellement est plus fort que pour certains types d’objets que pour d’autres, nous analyserons cela plus en détail par la suite. Cependant, ce tableau est à prendre avec mesure car il convient de rappeler que la vente est largement plus pratiquée que le don et le troc. Ainsi, s’il existe des différences de structure entre vente, don et troc, ce tableau peut refléter un biais de proportion s’il l’on cherche à l’interpréter au niveau de la quantité d’objets échangés. Nous allons maintenant observer cette répartition des objets échangés selon les tranches de revenu des communes d’où proviennent les annonces. Les informations recueillies permettront de nous en apprendre davantage sur le profil des annonceurs, à savoir quels profils sociaux se séparent de quels types d’objets ? Cela revient à établir une hypothèse sur des modes de vie différenciés selon les profils sociaux que révèlerait la mise en ligne des annonces sur internet. Le tableau suivant montre la répartition des catégories d’objets échangés selon le revenu des communes. TABLE 5. Tableau croisé des catégories d’objet par tranches de revenu des communes Tranches de revenus Catégories d'objets Jusqu'a 20 000 De 20 000 à 30 000 De 30 000 à 40 000 Plus de 40 000 Total Objets multimédias Multimédia Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique 146 106,4 6 10,7 3 5,9 449 415,6 34 41,7 24 23 174 238,1 42 23,9 17 13,2 98 106,9 5 10,7 4 5,9 867 867 87 87 48 48 Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique 22 26,1 19 19,9 10 17,4 2 10,7 5 8,2 5 7,7 83 102,1 89 77,7 79 68,1 38 41,7 34 32,1 35 30,2 56 58,5 39 44,5 41 39 32 23,9 23 18,4 22 17,3 52 26,3 15 20 12 17,5 15 10,7 5 8,3 1 7,8 213 213 162 162 142 142 87 87 67 67 63 63 Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique 6 6,6 3 3,7 5 2,7 29 25,9 19 14,4 9 10,5 16 14,8 8 8,2 7 6 3 6,7 0 3,7 1 2,7 54 54 30 30 22 22 Effectif Effectif théorique Vêtements & Accessoires bébé Effectif Effectif théorique Montres & Bijoux Effectif 46 53 8 16,6 4 190 207,1 58 64,7 16 120 118,7 52 37,1 15 76 53,3 17 16,7 10 432 432 135 135 45 Effectif théorique Effectif Effectif théorique 5,5 5 2,1 21,6 6 8,1 12,4 4 4,7 5,6 2 2,1 45 17 17 Effectif Effectif théorique Effectif 37 32,9 13 124 128,5 41 82 73,6 17 25 33,1 9 268 268 80 Effectif théorique Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique Effectif Effectif théorique 9,8 14 9,4 7 8,8 2 3,4 0 0,5 38,3 35 36,9 28 34,5 14 13,4 4 1,9 22 19 21,1 26 19,8 12 7,7 0 1,1 9,9 9 9,5 11 8,9 0 3,5 0 0,5 80 77 77 72 72 28 28 4 4 Effectif 368 1438 824 370 3000 CD/DVD Cassettes Divertissement / Hobbies Livres & Magazines Jeux & Jouets Collection Sports & Hobbies Bricolage Jardinage Accessoires & Animaux Alimentation/ Gastronomie Divers_bons Objets personnels Vêtements & Accessoires Beauté et soin du corps Equipement de la maison Ameublement Arts de la table Electroménager Décoration Accessoires bureaux Linge de maison Total Khi 2 = 192 pour une significativité inférieure à 0,001 / Phi = 0,253 / V de Cramer = 0,146 L’analyse comparative avec les effectifs théoriques, révèle que des catégories d’objets sont surreprésentées ou sous représentées dans certaines tranches de revenu. Dans les communes les plus riches, les catégories Vêtements et Accessoires adultes et bébé sont surreprésentées, tout comme les Livres et Magazines, les CD et DVD, la catégorie Sports et Hobbies et les Montres et Bijoux. Dans les communes à revenus intermédiaires on retrouve davantage les catégories Bricolage, Jardinage, linge de maison, et Alimentation et Collection. Dans les tranches de revenu les plus basses, on peut observer la surreprésentation notable de la catégorie Multimédia, mais également dans une moindre mesure des catégories Electroménager et Arts de la table. Ainsi, ces différences de structure selon les tranches de revenu des communes peuvent s’interpréter selon plusieurs logiques. Tout d’abord une logique de mode de vie, par exemple, la surreprésentation des catégories Livres et Magazines, CD et DVD, mais également Sports et Hobbies dans les communes les plus riches peut s’interpréter par le fait que les classes sociales les plus élevées possèdent ces objets du fait de leurs modes de vie, les loisirs culturels et les pratiques sportives concernant davantage les milieux aisés. La surreprésentation des catégories Bricolage et Jardinage ainsi que la catégorie Collection dans les tranches moyennes de revenu, peut également traduire des variations de style de vie et de hobbies propre aux classes moyennes, notamment périurbaines avec la dominance du type d’habitat de la maison individuelle avec jardin. U sages sociaux des sites Internet Le tableau précédent révélait une information plus intrigante qui nécessite des clés d’interprétation différentes, celle de la surreprésentation de la catégorie Multimédia dans les tranches de revenu les plus basses. En effet, on peut supposer que les objets multimédias sont davantage échangés dans les milieux populaires par le biais de ces sites internet, et que les personnes issues de catégories sociales plus élevées se séparent de ces biens d’une autre façon. La question des collections est également à analyser en ce sens, dans la mesure où les riches collectionneurs n’utilisent pas ces sites internet pour se séparer de leurs collections, mais le font par le biais d’autres circuits, notamment la vente aux enchères ou le recours aux antiquaires. Les collections qui sont échangées par le biais de ces sites internet sont des objets de collection de plus faibles valeurs, qui s’apparentent davantage aux collections populaires qu’analyse finement Jackie Goode dans l’ouvrage Alternative Exchange. D’autre part, la surreprésentation de la catégorie Vêtements et Accessoires dans les tranches de revenu les plus élevées, ne signifie pas inéluctablement que les habitants des communes populaires possèdent moins de vêtements, mais probablement que ces populations se séparent de leur biens d’une autre façon, ou encore que seul les vêtements possédant une certaine valeur monétaire sont échangés par le biais de ces sites internet tout du moins dans le cas de la vente. Ainsi, l’interrogation sur la valeur des biens remis en circulation entre en jeu dans la détermination des profils des annonceurs et des caractéristiques générales du marché des biens de seconde main. Le tableau suivant présente les statistiques descriptives des prix permettant de donner une approximation sur la valeur des biens vendus ou troqués. TABLE 6. Statistiques descriptives des prix des objets vendus ou troqués Catégories d'objets Equipement de la maison Ameublement Arts de la table Electroménager Decoration Multimédias Multimédia CD/DVD Divertissement/Hobbies Livres & Magazines Jeux & Jouets Collection Sports & Hobbies Bricolage Accessoires & Animaux Alimentation/ Gastronomie Objets personnels Vêtements & Accessoires Vêtements & Accessoires bébé Montres & Bijoux Moyenne Mediane Mode Minimum Maximum 278,7 28,9 114,5 52,1 90 10 65 15 100 5 50 10 1 1 1 1 1490 500 500 600 249,6 16,7 200 8 100 5 1 1 3700 190 10,9 16,2 39,3 256,9 216,2 143,3 178,7 6 7 11 90 80 30 67,5 4 1 5 10 1 1 12 1 1 1 1 1 1 12 100 200 350 3000 1290 700 795 40,5 20,9 322,4 15 6 40 10 10 8 1 1 3 1000 250 4500 Nous pouvons avant tout constater que les prix moyens semblent relativement élevés pour l’ensemble des catégories. En effet, en prenant l’exemple de la catégorie Ameublement, la moyenne pour un meuble avoisine les 300 euros, or selon les statistiques de l’INSEE, « le budget moyen du poste meuble, tous produits confondus, s’élève à 974 euros pour les ménages juniors, à 1245 euros pour les quadras, et 1415 euros pour les ménages seniors » . Ainsi, le prix moyen d’un meuble vendu sur Leboncoin.fr représente presque un tiers du budget ameublement des 14 14 Corinne Marbach, « Le meuble en Kit », Sessi-Service des études et des statistiques industrielles, Ministère de l’économie, des Finances et de l’Industrie. ménages juniors. Cependant, le mode et la médiane sont respectivement à 100 euros et 90 euros, ce qui nuance le résultat précédent. Il en est de même pour la catégorie Vêtements et Accessoires, la dépense moyenne par habitant en 2006 en France est de 751 euros, et la moyenne des prix d’un vêtement mis en ligne sur Leboncoin.fr est de 40,5 euros, soit 5% du budget moyen annuel d’un habitant dans cette catégorie. La moyenne étant un indicateur fortement influencé par les extrêmes, nous pouvons nuancer cette information en tenant compte d’indicateurs comme la médiane, qui se situe à 15 euros. Cependant, nous pouvons néanmoins affirmer que les vêtements vendus sur Leboncoin.fr se situent dans des tranches de prix relativement élevées, surtout lorsque l’on compare ces statistiques au commentaire d’une internaute évoquant le fait que les vêtements de seconde main dans les vides greniers sont vendus entre 1 et 2 euros pièces, voir à 50 centimes pour certains. Ainsi, les biens vendus sur Leboncoin.fr ne sont probablement pas les mêmes que ceux vendus dans les vides greniers, mais on peut également émettre l’hypothèse que les annonceurs cherchent davantage à obtenir une manne financière de la vente de leurs biens en les postant sur ce site, qu’en réalisant des vides greniers. Nous pouvons réaliser ce double constat pour bons nombres de catégories d’objet, comme les livres ou CD et DVD d’occasions atteignent ici pour les livres une moyenne de 10 euros et une médiane à 6 euros sachant que le prix moyen d’un livre selon le Syndicat de la Librairie Française est de 11,50 euros selon une étude de la TNS Sofres. Quant aux CD ou DVD, la moyenne est à 16 euros, la médiane à 8, sachant que le prix moyen d’un CD en 2010 est de 13,35 euros selon le Syndicat national de l’édition phonographique. Ainsi, vendre sur Leboncoin.fr est donc une manière pour les annonceurs de se séparer de leur bien à un prix bien plus attractif que la plupart des autres canaux de remise en circulation des biens de seconde main. Mais on peut également établir le deuxième constat que les objets mis en ligne par les annonceurs sont en général des objets ayant une valeur plus importante que des objets courant pour une même catégorie. On peut à cet effet prendre l’exemple de la catégorie Alimentation/Gastronomie, qui atteint une moyenne de prix de 178 euros et révèle que ce sont bien souvent des produits de consommation alimentaire rares ou de luxe qui sont vendus ce site. Un regard sur les valeurs maximales des objets vendus ou troqués montre que le site Leboncoin.fr peut être l’occasion de réaliser des transactions de très grande importance, comme le souligne la vente de bijoux à 4500 euros, et d’objets multimédias à 3700 euros. Ainsi, se pose d’autant plus la question de la confiance pour les transactions de ce type dans le cadre d’un site de petites annonces sans encadrement juridique particulier, et sans engagement de sécurité de la part du site internet hormis les simples messages de mise en garde, mais ce sujet sera abordé plus en détail dans la seconde partie de ce mémoire. Pour mettre en rapport cette analyse de prix des objets mis en ligne à la question des profils des annonceurs, nous allons maintenant observer la répartition des prix des objets vendus selon la tranche de revenu de la commune où réside l’annonceur. Ceci nous permettra de compléter l’analyse réalisée dans la Table 5 à partir de laquelle nous avons fait le lien entre les objets mis en ligne et le mode de vie des annonceurs. L’hypothèse intuitive à confirmer serait celle d’une augmentation linéaire des prix de vente en fonction de l’augmentation de la tranche de revenu des communes. Nous avons exclu de cette analyse de prix les annonces de troc car les valeurs mentionnées pour le troc sont pour une bonne partie des valeurs de façade où l’annonceur annonce un prix à 1 euros pour remplir la case dans le formulaire, et ce même s’il souhaite exclusivement réaliser un échange. Le tableau suivant analyse la répartition des prix des objets vendus par tranches de revenu moyen des communes. FIGURE 3. Histogramme des tranches de prix et revenus des communes pour les ventes Le tableau ci dessus révèle des éléments qui peuvent sembler assez paradoxaux. En effet, lorsque l’on porte notre attention sur les annonces provenant des communes les plus pauvres, nous pouvons observer une sous représentation des objets dans les tranches de prix les plus basses, entre 1 et 10 euros, une surreprésentation dans la tranche de prix de 10 à 20 euros et une surreprésentation dans les tranches de prix les plus hautes, au delà de 200 euros. Concernant les communes les plus riches, on note une surreprésentation des objets dans les tranches de prix basses de 5 à 10 euros, pour la tranche de revenu de 30 000 à 40 000 euros, et une surreprésentation de la tranche de prix moyenne de 20 à 50 euros pour les communes dont le revenu moyen est supérieur à 40 000 euros. Ces observations peu intuitives peuvent trouver leur explication dans la structure des catégories d’objets vendus selon les communes mais également en tenant compte des prix moyens des objets vendus. En effet, nous avions remarqué par exemple que les communes les plus riches étaient les plus pourvoyeuses d’annonces dans les catégories Vêtements et Accessoires, Livres et Magazines, CD et DVD, qui sont des catégories dont les prix de ventes moyens sont inférieurs aux catégories d’objets les plus vendus dans les communes les plus pauvres à savoir les objets Multimédias, et l’Electroménager. Ces informations révèlent que la répartition des annonces ne semble pas suivre une logique linéaire de classe sociale, les catégories sociales les plus élevée ne se séparent des biens les plus couteux par le biais de ces sites internet, or c’est une pratique que réalisent les habitants des communes les plus pauvres. Ainsi, les catégories d’objets vendus ainsi que leur prix nous ont informé sur les profils sociaux des annonceurs mais également sur les usages spécifiques que font les internautes de ces sites internet selon les profils sociaux. Nous avons pu voir que les catégories d’objets vendus reflètent en partie ce que possèdent les différentes catégories sociales selon une logique de mode de vie différencié. Le cas particulier de la vente sur le site Leboncoin dénote que les objets mis en ligne sont vendus à des prix bien plus attractifs pour les annonceurs par rapport aux brocantes par exemple, mais également probablement que les annonceurs se séparent des biens en leur possession ayant le plus de valeur monétaire. C’est l’exemple qu’illustre Suzan Porter Benson15 lorsqu’elle évoque le cas de cette famille populaire américaine qui avait acquis un piano dans une période économique faste, et dont ils ont dû 15 Suzan Porter Benson, « What Goes’Round comes ‘Round », Second Hand Clothing, Furniture and Tools in working-class livres in the interwar USA. In Laurence Fontaine, Alternative Exchange, Seconde Hand ciruclations from the Sixteenth Century to the Present. Bergahan Books. se séparer suite à une perte d’emploi. Ainsi, les biens ayant le plus de valeur sont les premiers dont on se sépare en cas de difficultés économiques. Enfin, le cas des objets Multimédias est illustratif d’une différentiation dans les usages sociaux de ces sites internet, puisque ces objets sont majoritairement vendus dans les communes les plus pauvres. Ainsi, les échanges nécessitant le plus de prise de risque, et donc ayant un caractère plus novateur en terme d’usage social semble davantage être appropriés par les milieux les plus modestes. La séparation des biens de valeurs par les catégories les plus aisées se font probablement par des canaux différents et peut être plus sécurisé que par le biais de ces sites internet. P rofils de vendeurs Selon les motifs de la vente, l’annonce peut correspondre à une vente ponctuelle, ou à la vente d’un grand nombre d’objets. L’étude du site Leboncoin.fr nous a permis de mettre en lumière une pratique par laquelle les personnes ayant un nombre important d’annonce mettent en place une technique pour que les acheteurs repèrent l’ensemble de leurs annonces grâce au système de fonctionnement du moteur de recherche. En mettant un nom de code présent dans chacune de leurs annonces, les annonceurs permettent aux acheteurs de retrouver l’ensemble de leurs objets mis en vente. Ceci m’a permis de repérer des profils de vendeurs. Le tableau suivant est un aperçu de quelques profils de vendeurs dégagés sur le site Leboncoin.fr par le biais de cette méthode. Nous avons pris comme information le pseudonyme de l’annonceur, mais comme le montre le tableau, il ne donne pas ou peu d’informations sur le sexe de l’annonceur. Nous avons également ajouté la tranche de revenu moyen de la commune d’où proviennent les annonces, le nombre d’annonces totales mises en ligne par l’annonceur ainsi que les prix totaux et moyens pour chaque catégories d’objets mis en ligne. TABLE 7. Quelques profils d’annonceurs dégagés sur Leboncoin.fr Quelques profils d'annonceurs Pseudonyme Ville Les dressings de marque Tranche de revenu Liloo 75 De 20 000 à 30 000 Vêtement et accessoires Multimédia TOTAL Paris 75010 Type d'objet vendu Nb d'article en ligne Prix total Prix moyen 44 2 46 989 68 1057 22,5 34,0 23,0 334 4 18 6 362 5250 52 401 140 5843 15,7 13,0 22,3 23,3 16,1 De 20 000 à 30 000 Vêtements et accessoires Vêtement et accessoires bébé Jeux et Jouets Decoration TOTAL 482 74 32 58 646 870 94 57 206 1227 1,8 1,3 1,8 3,6 1,9 Jusqu'à 20 000 Decoration DVD/CD Livres Collection Linge de maison Jeux et Jouets Vêtement et accessoires Montres et bijoux Arts de la table Accessoires et bagagerie Ameublement Vêtement bébé TOTAL 62 2 12 10 4 4 9 8 23 4 6 1 145 634 2 44 87 15 24 86 71 202 35 65 5 1270 10,2 1 3,7 8,7 3,8 6,0 9,6 8,9 8,8 8,8 10,8 5,0 8,8 Ameublement Decoration TOTAL 7 3 10 5080 2250 7330 725,7 750,0 733,0 23 980 42,6 L'importance des vêtements bébé dans un budget Rick91 Etampes Jusqu'à 20 000 Vêtements et accessoires bébé Arts de la table Vêtement Jeux et Jouets TOTAL Les dressings aux prix brocantes Titi77 Faremoutiers Leboncoin à la façon d'un vide grenier gely Pantin Les brocanteurs d'antiquité ou d'objets designs Roque Paris 75016 Plus de 40 000 Une "Brocanteuse" de porcelaine ancienne Nathalie Champigny sur Marne De 20 000 à 30 000 Arts de la Table Tout d’abord, en regardant globalement l’ensemble de ces profils bien qu’ils soient très divers, on observe que le montant total des objets mis en ligne par ces annonceurs atteint des sommes toujours très importantes et qui dépassent généralement les 1000 euros. Cependant, cette somme n’est pas atteinte avec le même nombre d’articles pour ces différents profils et l’on peut faire une deuxième constatation qui est le cas des annonceurs ayant un nombre considérable d’objets mis en ligne. C’est le cas de « titi77 » qui a mis en ligne 646 annonces, ou de Rick91 qui a en ligne 362 annonces. Cela révèle le fait que certains annonceurs consacrent un temps conséquent à la mise en vente des objets de leur quotidien et sont donc des individus ayant un certain temps disponible à consacrer à ce que l’on peut considérer comme une « activité » en soi. Ces profils de vendeurs peuvent révéler non seulement les profils sociaux des annonceurs, mais également la manière dont est utilisé le site Leboncoin par les différents vendeurs. En effet, les vendeurs qui ont plusieurs objets en vente s’opposent sur la valeur des objets mis en vente lorsqu’il s’agit de catégories d’objets comparables. En effet, les vêtements sont parfois vendus à des prix très faible (1-2 euros la pièce) c’est le cas de « titi77 » qui vend plus de 400 vêtements à une moyenne unitaire de 1,8 euros. Mais d’autres annonceurs vendent leurs vêtements bien plus cher à l’unité, ce qui est le cas des « dressing de marque », comme « liloo75 », ou « Rick91 » qui vendent des vêtements adultes et bébé à des prix moyen entre 15 et 20 euros l’unité. On peut donc voir pour le cas des vêtements une opposition entre des annonceurs qui pratiquent des prix que l’on peut trouver dans les vides-greniers, aux annonceurs qui vendent beaucoup plus cher leurs vêtements. Dans le cas de « rick91 », la simple vente des vêtements et accessoires pour bébé représente, s’il parvient à tout vendre, un budget particulièrement conséquent de 5250 euros. On peut repérer également comme profils les brocanteurs, qui vendent des objets ou mobiliers anciens et utilisent ces sites internet pour écouler des stocks. Ces derniers possèdent par ailleurs parfois des boutiques, parfois non, le domicile étant un lieu de stockage pour se lancer dans le métier par la suite. Le profil de « Roque » correspond à ce type de brocanteur qui vend des mobiliers et de la décoration de type antiquaire ou design. A l’opposé des brocanteurs, on retrouve des profils de vendeurs qui mettent en ligne une grande diversité d’objets de la maison, du bibelot à 1 euros au meuble atteignant plusieurs centaines d’euros, en passant par les vêtements enfant sous le modèle de la brocante mais à des prix qui semblent plus élevés que ceux pratiqués dans les vides greniers. C’est le cas de « gely » qui vend tout un panel d’objets de la maison, et d’objets personnels à des prix moyens avoisinant les 10 euros pièces. La majorité des objets vendus par cet annonceur est de faible valeur, mais quelques objets plus rares sont vendus à des prix plus importants. Ces différents profils de vendeurs correspondent aux diverses motivations dans l’utilisation de ce site internet, même si le cas des « brocanteurs » est à part sous cet angle car nous pouvons considérer cette activité comme une activité réellement lucrative et en un sens semi-professionnelle. Ainsi, comme le montre Mélanie Roustan16 « s’il existait autrefois des réseaux d’occasion distincts – antiquaires, seconde main, collections en particulier –, Internet fédère tous ces marchés en un seul ». En conséquence, nous pouvons admettre que l’utilisation du site Leboncoin peut s’interpréter 16 Roustan M. « Acheter d’occasion sur internet. Parcours de consommateurs, vies d’objets » Cahier de recherche n°239. Credoc, 2007 selon les cadres des analyses des autres sites internet de vente de biens de seconde main, à la différence qu’il semble être utilisé par des profils d’annonceurs sensiblement distincts. Aux vues des différents profils d’annonceurs nous pouvons présumer que les échanges ne se déroulent pas de la même façon pour tout le monde. Nous pouvons prendre l’exemple de ce brocanteur à la fois présent sur Leboncoin et sur Ebay. Cet homme explique vendre pour cause de départ en retraite, et se défait donc de son stock d’objets anciens. Cette personne prend un style pour le moins sec et abrupt pour mettre en garde les éventuels acheteurs de la conduite à adopter pour que la vente se déroule comme il le souhaite : « Je ne suis pas marchand de tapis et ne fais pas vide grenier, ni farfouille tout à un euro, dernièrement, un « client » s’est présenté pour enlever et payer un objet qu’il m’avait réservé (pendant 15 jours), objet à 450,00 euros, a pris une heure de mon temps pour ausculter l’objet sous tous les angles, et finalement pour essayer de l’obtenir à 150,00 euros en insistant très lourdement, j’ai donc ouvert la porte à mes chiens pour qu’il essaye de les convaincre, et comme disait notre toujours regretté Coluche « c’est que ça bouffe un Doberman », alors imaginez plusieurs … » Cet individu dans la catégorie des brocanteurs décrit sèchement sa façon de concevoir la vente, et qu’il ne souhaite pas être confondu avec d’autres profils d’annonceurs qui vendent à des prix modiques et acceptent le marchandage, pratique que nous étudierons en deuxième partie. Nous pouvons donc constater que certains individus semblent utiliser le site dans une démarche qui consiste à se débarrasser le plus possible de ses objets inutiles à la façon d’un vide grenier. D’autres utilisent ce site de façon plus lucrative, mais dans tous les cas, les revenus que peuvent tirer les annonceurs de l’ensemble de leurs objets atteignent des sommes très conséquentes, ce qui montre comme l’analyse Ana Perrin Heredia dans son étude sur les budgets des milieux populaires que la vente des biens de seconde main peut représenter une manne financière conséquente. Pour approfondir ce cas particulier de la vente des biens de seconde main, nous pouvons interroger le lien à établir entre cet échange marchand informel et la question de la production domestique. En effet, comme nous l’a montré l’analyse des catégories de vendeurs, nous avons remarqué que certains vendeurs mettent en ligne un nombre considérable d’annonces. Ainsi, ce « temps domestique » consacré à la mise en ligne des annonces, mais également au dialogue et à l’échange de l’objet peut être considéré comme un temps de production domestique comme l’analyse Florence Weber17dans les activités d’autoproduction alimentaire. Mais à la différence du cas étudié par Florence Weber, c’est un temps de production domestique dédié à l’échange marchand. Ainsi, l’activité de mise en vente des objets de l’espace domestique peut être dans un sens être considérée comme une activité domestique à part entière, mais directement rémunératrice et quantifiable sur un plan monétaire, comme le témoigne certains internautes qui tiennent des carnets de comptes pour mesurer l’ampleur des bénéfices tirés de leurs vente. Ce type particulier d’échange peut comme le jardinage être également une activité domestique comportant une dimension ludique tout du moins pour certains vendeurs, celle de « jouer au marchand », comme l’analyse Dominique Roux18 dans son étude sur les brocantes à propos des consommateurs, mais qui pourrait également s’appliquer aux vendeurs. Ainsi cette partie sur le profil des annonceurs nous a permis de dégager certaines pistes sur les tendances qui semblent guider ces pratiques sur internet. Nous avons vu que l’ensemble des catégories sociales était représenté, mais la classe moyenne semble davantage concernée par cette pratique. Le don tend à être davantage présent dans les communes plus riches, tout comme la vente, et le troc davantage dans les communes plus pauvres. D’autres part, l’analyse des objets mis en ligne peut être s’interpréter à la fois comme suivant une logique de mode de vie mais elle peut également se comprendre en terme d’usages sociaux différenciés de ces sites internet, si l’on considère que la remise en circulation des objets peut se faire part bien d’autres canaux que la mise en ligne sur ces sites internet. Nous devons également prendre avec prudence notre indicateur de richesse des communes comme indicateur du profil social du fait du possible phénomène « d’Ecological Fallacy » que nous avons évoqué en introduction. Nous allons maintenant sortir de cette analyse des profils pour nous intéresser aux motivations qui peuvent animer ces pratiques en adoptant une perspective comparative entre les trois modes d’échange étudiés. 17 Florence Weber, Réduire ses dépenses, ne pas compter son temps, comment mesurer l’économie domestique ? . Genèses, 25, 1996, pp 5-28. 18 Roux D. « Les brocantes : ré-enchantement ou piraterie des systèmes marchands » Revue Française de Marketing, 201, 63-84. 2005 1 .2 Les arbitrages entre les types d’échange et les motivation à la remise en circulation des biens Cette question des profils et des caractéristiques sociales des annonceurs, mène à la celle des arbitrages, comment les individus choisissent entre les différentes formes de remise en circulation des biens ? L’angle d’approche est ici primordial, nous nous focaliserons d’une part sur l’objet en soi qui par ses propriétés peut être à l’origine d’arbitrages distincts, mais nous porterons également notre attention sur l’individu, ses valeurs, son parcours qui peuvent expliquer les préférences individuelles entre les différentes alternatives. Les individus ne se posent pas forcément la question de savoir quels objets vont être donnés, vendus, ces choix peuvent apparaître comme des évidences reflétant des normes plus ou moins intériorisées. La question de l’arbitrage doit être prise en compte dans le sens d’un éventail plus large de choix qui se présentent à l’individu, pas seulement de vendre, d’échanger ou de donner, mais également de conserver, ou encore de jeter. D’autre part, comme nous l’avons évoqué plus haut, d’autres canaux de distribution existent pour remettre en circulation ses objets et notre étude n’aborde qu’une partie des alternatives qui peuvent se poser à l’annonceur. La disproportion entre vente, don et troc est également à mettre en perspective dans cette analyse, mais ne reflète peut être pas entièrement les pratiques réelles de l’ensemble de la population puisque cette étude se focalise sur les pratiques sur Internet. Cette problématique des arbitrages est également à mettre en parallèle avec les motivations que peuvent avoir les annonceurs à se séparer de leurs objets et qui ne sont sans doute pas les mêmes selon le type d’échange choisi. Interroger les motivations des individus consiste tout d’abord à savoir pour quelles raisons les individus se séparent de leurs objets, et estiment n’en avoir plus besoin, ou du moins que la satisfaction que leur procure l’objet ne compense par l’avantage de s’en séparer. Les motifs peuvent se trouver dans des bouleversements ponctuels de la vie domestique tel que les déménagements, ou mise en couple. D’autre part, certains objets ont par nature une durée d’usage limitée, comme les vêtements d’enfant. Cependant, la volonté de se séparer des objets peut concerner des objets qui peuvent être encore utiles et correspondre ainsi à une volonté de « faire le vide » chez soi, de réaliser des économies, ou encore répondre à une demande de nouveauté, de renouvellement, plus ou moins liée à une certaine lassitude envers ses objets. Nous présenterons en première partie une analyse qui prend pour point de départ l’objet, sa nature, sa valeur, son caractère plus ou moins désuet ou au contraire à la mode, comme indicateurs plausibles des arbitrages que peuvent réaliser les individus. Nous analyserons ensuite les motivations plus individuelles pouvant expliquer la remise en circulation des objets et les alternatives qui se posent aux annonceurs et dont nous pouvons déceler l’origine non pas dans le rapport à l’objet en soi mais en rapport à des normes, des valeurs, ou des situations socio-économiques et familiales. 1 .2.1 La structure des échanges : une logique de cycle de vie ? Quels types d’échange choisir pour remettre en circulation ses objets ? La mise en vente est le choix le plus usité lorsque l’on regarde comparativement le nombre d’annonces des sites de ventes de biens de seconde main comparativement aux autres formes d’échanges, mais n’y a-t-il pas des différences structurelles selon les catégories d’objets échangés ? L’analyse comparative des échantillons récoltés permet d’appréhender davantage les différences de structure entre les types d’échange et donc d’une certaine façon les arbitrages qui peuvent être réalisés. TABLE 8. Structure des annonces selon les catégories d’objets et le type d’échange Catégories d'objets Multimédias Multimédia CD/DVD Cassettes Divertissement/Hobbies Don 205 (19,8%) 133(12,9%) 24(2,3%) 48(4,6%) 341 (33%) Vente 154 (15,2%) 105(10,3%) 49(4,8%) 0 266 (26,2%) Troc 645 (67,2%) 630(65,6%) 15(1,6%) 0 235 (24,5%) 124(12%) 47(4,5%) 19(1,8%) 9(0,9%) 29(2,8%) 61(5,9%) 6(0,6%) 24(2,3%) 22(2,1%) 155 (15%) 75(7,4%) 59(5,8%) 45(4,4%) 40(3,9%) 35(3,4%) 0 8(0,8%) 4(0,4%) 0 420 (41,4%) 14(1,5%) 56(5,8%) 78(8,1%) 39(4,1%) 3(0,3%) 2(0,2%) 40(4,2%) 3(0,3%) 0 57 (6%) Vêtements & Accessoires 124(12%) Vêtements & Accessoires béb 14(1,4%) Montres & Bijoux 0 Beauté et soin du corps 17(1,6%) Equipement de la maison 333 (32,2%) Ameublement 187(18,1%) Arts de la table 43(4,2%) Electroménager 34(3,3%) Decoration 36(3,5%) Accessoires bureaux 29(2,8%) Linge de maison 4(0,4%) 280(27,6%) 105(10,3% 35(3,4%) 0 175 (17,2%) 70(6,9%) 35(3,4%) 35(3,4%) 35(3,4%) 0 0 31(3,2%) 16(1,7%) (10(1%) 0 23 (2,3%) 11(1,1%) 3(0,3%) 8(0,8%) 1(0,1%) 0 0 TOTAL 1015(100%) 960(100%) Livres & Magazines Jeux & Jouets Collection Sports & Hobbies Bricolage Jardinage Accessoires & Animaux Alimentation/ Gastronomie Divers_bons Objets personnels 1034 (100%) En observant les différences de proportions selon les quatre grandes catégories d’objets dégagées, nous pouvons tout d’abord constater que ces trois types d’échange s’opposent non seulement selon la structure dans chaque catégorie, mais également dans la répartition au sein des catégories. Le cas particulier du troc est très distinctif d’un mode d’échange très sélectif et concentré dans une catégorie d’objets en particulier, les objets multimédias et les objets de collection. A l’inverse, pour le don et la vente, la répartition entre les grandes catégories d’objets est plus homogène entre les différentes catégories d’objets même si la structure est différente pour les deux. D on et vente : entre le monnayable et le non monnayable Les catégories d’objets donnés qui n’apparaissent pas dans les autres types d’échange sont particulières, et difficilement monnayables. C’est le cas par exemple des accessoires de bureaux et fournitures scolaires, des magazines anciens, des cassettes Audio ou VHS, ou encore des télévisions cathodiques. Ces objets donnés n’ont en général pas de valeur monétaire soit du fait de leur faible valeur d’achat, soit de leur ancienneté et leur caractère désuet. D’autres catégories comme le linge de maison et les accessoires de beauté n’apparaissent pas dans les autres types d’échange car il est probable que ces objets ne soient pas monnayables pour des questions d’hygiène. Le don de bons de réduction n’est également pas non plus monnayable, mais témoigne d’une volonté de solidarité financière, les donateurs ayant l’intention de faire profiter les personnes éventuellement intéressées par des réductions sur des produits qu’ils ne sont pas susceptibles de consommer eux même. Cette pratique pourrait profiter à la figure du « consommateur malin » que décrivent Dominique Desjeux et Fabrice Clochard19. Certaines catégories d’objets sont surreprésentées à la fois dans la catégorie des ventes et la catégorie des dons. Par exemple le don de mobilier est une catégorie surreprésentée dans l’échantillon et pourrait largement être monnayable puisqu’elle apparaît beaucoup dans la catégorie des ventes. Cela peut s’interpréter par le fait que le don est également une manière d’échanger d’une autre façon qu’en passant par le marché et montre que la solidarité peut fonctionner malgré l’attractivité lucrative du recours au marché. Mais nous verrons par la suite dans l’analyse détaillée des petites annonces que les objets mobiliers donnés sont bien souvent des objets en état usagé. D’autre part, les vêtements et accessoires sont également souvent vendus ou donnés, mais ne sont que rarement échangé. Ceci peut être mis en parallèle avec ce témoignage d’une internaute sur un forum, qui explique que les vêtements de marque se vendent sur internet, mais pour les autres il est préférable de les donner : « Ne se vendent que si ce sont des vêtements de Marques - sinon ça ne vaut rien - faites en don à la Croix Rouge ou autres Associations » Ainsi, tout comme les catégories Arts de la table et Mobilier qui sont à la fois plus souvent donnés et vendus, une hypothèse suivant une logique de rationalité économique pourrait être celle d’une différence de valeur monétaire entre ces différentes catégories d’objets. Ainsi, entre les porcelaines anciennes très recherchées et à haute valeur monétaire ou bien les accessoires de table dépareillés le choix entre le don et la vente peut s’expliquer par une question de valeur. 19 Clochard F. , Desjeux D. « Le consommateur malin face à la crise. Tome 2 Le consommateur stratège » L’Harmattan, 2013. L e troc : circulation interne sur le marché de l’occasion des biens les plus recherchés Le troc a pour première caractéristique le fait que les individus échangent leurs objets en se cantonnant au circuit interne du marché des biens de seconde main. Nous avons vu préalablement que la catégorie du troc est marquée par une surreprésentation massive de la catégorie Multimédia, des objets ayant par conséquent une importante valeur monétaire. Le cas du troc est intéressant puisque dans près de la moitié des annonces un prix est renseigné par l’annonceur. Cela signifie que les individus sont soit près à échanger ou vendre leurs objets, soit ils indiquent la valeur monétaire de leur objet pour établir un échange équitable. Le tableau suivant décrit les statistiques globales des objets troqués ou vendus : TABLE 9. Statistiques descriptives des prix des objets échangés Statistiques Valide Manquante Moyenne Médiane Mode Minimum Maximum Centiles 25 50 75 Vente 953 62 82,5 16 10 1 4500 Troc 466 494 251,1 180 1 1 4500 7 16 50 25 180 380 On peut voir à l’aide de ce tableau que les objets vendus ont un prix en moyenne de 82 euros, mais une médiane à 16 euros. Les quartiles nous informent que 75% des objets vendus le sont à moins de 50 euros. A l’inverse dans le cas du troc, la moyenne est de 251 euros et la médiane à 180 euros, ces chiffres doivent être nuancés puisque nous avons la moitié de la base de données des annonces de troc où la valeur monétaire n’est pas renseignée. Ainsi, nous pouvons simplement affirmer que 25% des annonces de troc comportent des objets dont la valeur affichée est supérieure à 180 euros. Cette différence de valeur peut s’expliquer par la prépondérance de la catégorie Multimédia dans les annonces de troc. Cependant, les annonces de troc ne concernent pas exclusivement des objets multimédias, on retrouve également dans des proportions relativement importantes les catégories Collection et Animaux. Le point commun entre ces trois catégories d’ « objet » (hors « Animaux ») est qu’ils sont très prisés par certains individus. Entre le dernier Iphone à la mode, et le dernier magnet d’une collection en vogue, le point commun est qu’ils sont particulièrement dans l’air du temps. Ceci révèle que le troc a une place particulière dans le cycle de vie des objets, les objets les plus à la pointe sont le plus souvent échangés. Cependant, il s’agit donc bien d’une logique de cycle de vie et non pas réellement de valeur monétaire puisque par exemple, les catégories comme les Montres et Bijoux qui ont une grande valeur monétaire ne sont pas troqués. Cela peut s’expliquer par le fait que les individus se séparant de leur bijoux souhaitent davantage un retour monétaire qu’un échange d’objet, lié probablement au caractère personnel des bijoux et également de leur cycle de renouvellement beaucoup plus long. A rticuler les différents modes d’échanges selon les objets Les arbitrages entre les différents modes de remise en circulation répondent souvent à des logiques qui semblent aller de soi pour les individus. Toutefois, nous ne pouvons affirmer que les individus pratiquent exclusivement la vente, le don ou le troc. Comme nous l’avons constaté précédemment, les logiques qui poussent les personnes à vendre, donner ou troquer dépendent de plusieurs facteurs et dépendent également des catégories d’objets dont souhaite se séparer l’annonceur. Ainsi, un individu peut choisir de troquer son Iphone, de vendre ses vêtements de marque et de donner ses vêtements de faible valeur. Ceux qui cherchent à se séparer de leurs objets se trouvent face à plusieurs alternatives, et peuvent trier les objets selon la destinée qu’ils souhaitent leur accorder. En effet, le témoignage de cette internaute qui se trouve dans le cas d’un déménagement montre qu’il est possible lorsque l’on a une grande quantité d’objets dont on souhaite se séparer de vendre une partie de ses biens qui sont monnayables, d’en donner une autre partie, de jeter le reste, et de conserver ce à quoi on est le plus attaché. Extrait d’un forum sur psychologie magazine « Auriez vous une méthode pour trier, jeter » « Je viens de déménager après 18 ans dans la même maison, où mon ex, mes 3 enfants ont laissé bien des choses...Ce fut dur et salutaire!!! Comme je partais vers un amoureux déjà pourvu d'un appart' (bien plus petit que ma maison, et sans garage) peu meublé, j'ai dû me poser quelques questions...Que garder ? Que donner ? Que jeter, et Que vendre (ça c'est parce que depuis j'ai lu ou vu des tas d'émissions sur le sujet, j'ignorais mes "richesses”)(…).Alors ? J'ai commencé par le plus "abondant": les livres...j'accumulais depuis l'enfance et j'ai 57 ans !!! J'ai décidé de garder seulement les "livres de chevet", pour les autres, je peux les emprunter en bibliothèque....alors j'ai donné à des oeuvres. Puis j'ai attaqué les meubles , j'avoue que j'en ai donné peu , mon ami en ayant très peu...J'ai réfléchi à qui ils pourraient servir, à qui ils feraient plaisir...et j'ai donné...etc. Pour les bibelots...J'ai gardé tous les vinyles que je vais enregistrer sur CD et ...je vais les vendre : je regrette de ne pas avoir su qu'un commissaire priseur fait les évaluations orales gratuitement et que tu peux vendre par son intermédiaire: c'est rapide et valable, je crois! Finalement...je me sens plus "légère"...et je vais encore donné ou vendre...au bout du compte moins on en a mieux on se porte...moins de ménage, moins de rangement, plus de place pour vivre, danser, recevoir, rêver...plus de temps...on cherche moins, on astique moins...et si tu vend...plus d'argent pour t'offrir massages ou voyages !! » Cette femme articule donc les différents modes de remise en circulation en fonction des caractéristiques de ses objets et des opportunités qui se présentent à elle. On voit qu’elle découvre qu’en vendant une partie de ses biens elle peut récupérer une somme d’argent utile, mais également le fait de donner ses biens suscite une réflexion sur les personnes à qui donner, et de chercher à savoir à qui ses objets pourraient faire plaisir. Cela montre que ce mémoire n’étudie qu’une partie des modes de remise en circulation des objets qui peuvent se faire également par réseau interindividuel ce qui par ailleurs était probablement le mode de remise en circulation majoritaire avant ce récent engouement généré par les sites internet et le succès des vides greniers. La question des ventes pour certaines catégories d’objets notamment les vêtements nous conduit au phénomène des marques. Certains internautes affirment que l’on vend sur Internet plus facilement des objets de marque, c’est le conseil que fourni la personne citée plus haut. D’autre part, la logique d’arbitrage peut se faire progressivement c’est le cas de cette internaute étudiante qui cherche à se séparer d’une partie de ses vêtements : « Je pensais essayer de les vendre et donner ceux qui ne partaient pas » Ainsi, les annonceurs ne savent pas forcément ce qui peut être monnayable de ce qui ne peut l’être et peuvent tenter différentes modalités d’échange. D’autre part, comme le souligne Laurence Belot dans son introduction du dossier « La France au miroir du « Bon Coin » », ce sont les usagés qui façonnent ce site internet et les responsables du site internet s’adaptent aux comportements des annonceurs en créant nouvelles catégories d’objets, ainsi, des objets que l’on ne pensait pas pouvoir vendre arrivent à un moment sur le marché, comme la catégorie « Chaussures » par exemple. L’ensemble de l’analyse qui a précédé mène à cette logique de cycle de vie des objets qui semble en partie animer les arbitrages entre les différents modes de remise en circulation. L e cycle de vie des objets L’interprétation en termes de cycle de vie des objets s’est inspirée d’une présentation lors d’un séminaire de Sociologie de la Consommation20, sur la sociologie de la mode où nous étudiions les différents types de consommateurs et le phénomène de diffusion des objets. Nous distinguions dans cette présentation les individus qui s’offrent les objets à la mode en premier, nommés les « précurseurs » et les « pionniers », ceux qui se procurent ces objets dans un laps de temps plus tardif mais qui concerne la majorité des individus nommés les « conformistes », et ceux qui acquièrent ces objets bien plus tardivement nommés les « démodés », et les « désuets ». En reprenant l’analyse réalisée précédemment, nous pourrions transposer ce raisonnement sur les cycles de diffusion à la remise en circulation des objets correspondant aux cycles de vie de ces objets. En effet, comme nous l’avons vu, les objets récents, à la mode ou bien à la pointe de la technologie sont revendus ou échangés tandis que les objets désuets ou en fin de cycle de vie seraient davantage donnés. Lorsque l’on prend en considération la différence radicale d’effectif entre les annonces de ventes et celles de dons ou de trocs, nous pourrions représenter cette loi par le graphique suivant. 20 Séminaire Sociologie de la Consommation, Thibault de Saint Paul, ENSAE, 2012/2013 FIGURE 4. Les échanges selon le cycle de vie et la valeur des objets Légende : p = pourcentage / t = temps / v = valeur En observant les pratiques de dons, de ventes et de trocs, nous pourrions placer l’usage du troc du côté des précurseurs, notamment dans le cas des objets derniers cris, celui de la vente au centre de la courbe, c’est à dire les objets ayant une utilité encore actuelle et concernant la majorité de la population, une pratique donc « conformiste », et l’acte de don à droite du graphique concernant les objets dépassés et désuets. Ainsi, nous nous sommes focalisé dans cette partie sur les objets et avons dégagé cette logique de cycle de vie qui semble être un facteur explicatif des arbitrages que peuvent réaliser les annonceurs dans la remise en circulation de leurs objets. Penchons nous maintenant sur les motivations plus individuelles qui poussent les individus à se séparer de leurs objets, ainsi que sur les valeurs associées aux différents types d’échange pouvant également jouer dans les choix des annonceurs. 1 .2.2 Motivations et arbitrages à la remise en circulation De nombreuses études interprètent la montée en puissance du marché de l’occasion comme le reflet d’une situation de consommation contrainte par la crise économique, mais également par une préoccupation plus grande envers l’environnement. Cette interprétation est valable tant pour les consommateurs qui cherchent à acquérir des biens à moindre prix qu’aux annonceurs, tout du moins les vendeurs et ceux qui pratiquent le troc, qui cherchent soit à obtenir un complément de revenu soit à consommer de façon plus économe. Ainsi, vendre ses objets permet en quelque sorte d’obtenir une contrepartie financière à la séparation des biens qui peut répondre à une nécessité économique, ou bien simplement à l’idée de ne pas perdre au change. Des motivations environnementales peuvent également se jouer dans la remise en circulation des biens, elles semblent être présente dans les pratiques de don notamment sur les sites internet comme Recup.net ou Donnons.org qui présentent la politique de leur site comme un moyen de réduire ses déchets. Enfin, plus généralement, remettre en circulation ses objets peut découler d’une volonté de faire revivre des objets qui ont été chers à l’individu à un moment donné. Ceci n’est pas incompatible avec l’idée d’une plus grande distanciation vis à vis des objets ayant pour l’individu une valeur affective, lorsqu’on la compare avec l’alternative de conserver ses objets dans son domicile. En premier lieu, lorsque l’on analyse les deux millions d’annonces en Île de France, seul près de 50 000 annonceurs mentionnent explicitement la cause de la vente. Ce chiffre est calculé en cherchant certains mots types dans le moteur de recherche du site Leboncoin.fr, notamment les mots « vend cause » qui est l’énonciateur typique des petites annonces pour annoncer le motif de la vente. Le tableau suivant présente les types de causes dégagés dans le moteur de recherche sur l’ensemble de la région Île de France. TABLE 10. Mots clés relatifs aux motifs des ventes, dégagés sur le site « Leboncoin.fr » Les motifs des ventes Déménagement, Mutation, Départ à l'étranger Double emploi, Pas l'utilité Je vide les placards Trop petit, Trop grand, Erreur de taille Héritage, Succession Cadeau Divorce, Séparation Naissance Changement de décoration Cause non determinée Total annonce Effectif 20737 6714 4892 1266 278 496 373 285 146 13189 48376 Pourcentage 43% 14% 10% 3% 1% 1% 1% 1% 0% 27% 100% Plusieurs motifs « type » ont été dégagés. Il apparaît nettement que les motifs de type Déménagement , Mutation ou Départ à l’étranger sont les premiers motifs mentionnés pour les ventes. En effet, parmi les annonces mentionnant « vend cause + raison » 43% des raisons mentionnées évoquent le changement de domicile. Viennent ensuite les motifs de type Double emploi, Pas l’utilité, ou Je vide les placards, qui révèlent que bien souvent la séparation des objets relèvent d’une volonté d’évacuer des objets trop grandement accumulé dans son espace domestique. Les autres motifs de ventes sont moins fréquemment mentionnés mais peuvent être évoqués différemment, ou ne pas être mentionnés, par exemple lorsque l’origine de la vente paraît évident (vêtements pour enfants), lorsqu’elle est plus floue ou n’est pas motivée par un impératif : changement de décoration, lassitude, ou bien lorsque le motif est plus délicat ou personnel comme dans le cas de séparation, de naissance, de succession... D es changements dans le cycle de vie Déménagement, divorce, naissance : les ressorts de la séparation des biens de l’espace domestique correspondent souvent à des changements important dans le cycle de vie des individus. Les changements de domicile qui peuvent par ailleurs être originaire d’un divorce, d’une séparation, ou encore d’une naissance apparaissent comme les premiers motifs de vente renseignés par les annonceurs. Tout changement dans le cycle de vie s’accompagne de modifications dans les possessions matérielles que l’on peut avoir comme l’explique J. Mc Alexander21. Les divorces, nouveaux emplois, naissance ou autres changements importants de ce type engendrent une modification de l’ensemble des possessions matérielles que l’on peut avoir, tout comme les relations sociales, en fonction de la perception que l’on a de soi même. Ainsi, le renouvellement des biens matériels, peut correspondre à un besoin de changement cyclique ou ponctuel lié à un changement d’image des individus. Ainsi, ce site d’échange est un moyen qui peut se substituer aux anciens modes de remise en circulation, que ce soit le dépôt vente ou les antiquaires, ou parfois pour les jeunes adultes, le stockage des biens dans la maison familiale d’origine ou encore la circulation dans le réseau interpersonnel. Dominique Desjeux, Anne Monjaret et Sophie Taponnier22 ont étudié ce moment perturbant que constitue le changement de domicile, qui engendre une circulation des objets de l’ancien espace de vie et du nouveau et constitue 21 James H. McAlexander « Divorce, the disposition of the relationship and everything », Oregon State University, 1991 22 Dominique Desjeux, Anne Monjaret, Sophie Taponier, « Quand les Français déménagent : circulation des objets domestiques et rituels de mobilité dans la vie quotidienne en France » Presse Universitaire de France. 1998, des pertes de repère pour les ménages. En effet, le déménagement est l’occasion de se séparer d’objets du quotidien auxquels les individus étaient potentiellement attachés, et nécessite d’en acquérir de nouveaux à un moment précis où les frais financiers liés aux déménagements sont importants. Ainsi, les arbitrages entre les différents modes de remise en circulation dans ce cas de figure peuvent différer selon le profil social de l’annonceur. Un ménage dont le budget est restreint va probablement davantage chercher à vendre ses objets pour limiter les frais et les nouvelles dépenses liés au déménagement. A l’inverse les ménages plus aisés vont peut être davantage se porter sur le don pour se débarrasser au plus vite des objets les plus encombrants. L a vente : entre « stratégie de survie » et complément de revenu en temps de crise Le cas spécifique de la vente des biens sur internet peut également être vu comme un moyen de faire des économies en temps de crise. Il peut s’interpréter comme une modification des comportements économiques qui peut concerner toutes les catégories de population. En effet, la vente des biens lorsque les individus se séparent d’un grand nombre d’objets du quotidien suite à un déménagement ou simplement un grand ménage peut représenter une manne financière ponctuelle d’une relativement grande ampleur comme nous avons pu le voir précédemment. C’est ce que témoigne cette internaute sur un forum du site aufeminin.com : « Ceci dit, en une semaine, en vidant nos placard de trucs inutiles, on en est à quasi 500 euros de vente et avec un déménagement et double loyer devant nous, ça fait du bien » Pour certaines catégories de population, la vente même à de très faible prix peut constituer un apport financier conséquent, c’est le cas de cette étudiante : « Ce ne sont pas des marques non ... (à part une paire de chaussure). Mais j'en ai tellement que même à 2euros pièce ça me ferait un bon revenu (et étant donné que je suis étudiante ...). Dans le cadre d’un déménagement, lorsque les anciens équipements doivent être remplacés pour des nouveaux, la vente des biens est une façon de réduire les coûts d’acquisition de nouveaux matériels pour l’équipement domestique, et ce d’autant plus que les vendeurs achètent leurs nouveaux biens sur le marché de l’occasion également comme l’a analysé le Crédoc en mettant en lumière le profil des « acheteurs-vendeurs ». Dans l’ouvrage de Laurence Fontaine23, Renata Ago nous apprend que dans l’économie d’Ancien Régime, les objets du quotidien étaient considérés comme une économie potentielle pour le futur dans la mesure où ils pouvaient être revendu si les besoins financiers s’en faisaient ressentir. Les objets étaient considérés comme des moyens d’obtenir d’autres choses plutôt que comme des objets à acquérir et à conserver. Laurence Fontaine analyse quant à elle le fait que la revente des biens de seconde main pouvait correspondre à une réaction à une modification de la situation économique du ménage, notamment des ménages modestes, comme la perte d’un travail. Cette économie parallèle représentait ainsi pour certains ménages la seule ressource disponible dans les périodes économiques difficiles ou dans le cas d’accident de la vie. Par exemple, la vente de vêtement dans l’Ancien Régime était pour certains une ressource importante. On peut voir actuellement que cette vente de vêtement est encore très importante puisqu’elle représente 27% des objets vendus dans notre échantillon. Laurence Fontaine explique dans son ouvrage24 que « (les vêtements et les objets) sont des richesses comme les autres, ce que la banalisation de l’objet dans la société de consommation actuelle nous a fait quelque peu oublier », mais justement ne voit-on pas un retour de cette considération de l’objet comme une richesse potentielle ? Le fait de reconsidérer la valeur monétaire de ses biens, même les plus modiques, peut être illustré actuellement par les chiffres du Crédoc selon lequel 30% des individus qui achètent un objet envisagent de le revendre. Ainsi, on peut observer le fait que la facilité qu’apporte ce genre de site internet pour remettre en circulation ses objets du quotidien permet aux individus de considérer leurs objets comme une manne financière potentielle et donc comme une économie possible pour le futur en cas de besoin. Comme l’analyse Ana Perrin Heredia25, la vente des biens de seconde main peut permettre aux personnes en difficulté financière d’augmenter ce qu’elle appelle le « reste à vivre » des ménages populaires, c’est à dire ce qu’il reste dans le budget de consommation après l’ensemble des dépenses fixes (logement, facture, crédit..) puisque ces revenus de rentrent pas dans les revenus fixe que l’on peut comptabiliser. Ils peuvent ainsi être alloués à des 23 Fontaine L., « Alternative Exchanges, Second Hand Circulations from the Sixteenth Century to the Present ». Berghahn Books, 2008 24 Fontaine L., « l’Economie Morale, Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe Préindustrielle » Gallimard, 2008. 25 Perrin-Heredia A. « Faire les comptes. Normes comptables, normes sociales » Genèse N°84, p 6992, 2011 dépenses qui elles non plus ne répondent pas aux normes comptables institutionnelles, notamment tout ce qui a attrait à la consommation personnelle. Cette analyse est d’autant plus valable lorsque l’on prend en considération les analyses réalisées précédemment sur les prix pratiqués sur Leboncoin, qui sont bien plus élevés que dans les brocantes et vide-greniers et permettent aux personnes ayant du temps à consacrer à cette activité de mise en vente de récupérer des revenus conséquents et ce quel que soit le milieux social d’appartenance. Ces considérations peuvent être mises en parallèle avec la question de l’arbitrage entre donner ou vendre. Choisir de donner ses biens plutôt que les vendre est une option pour les personnes ayant les moyens de donner leurs biens une fois qu’ils ont conscience de leur valeur monétaire. Comme nous l’avons montré plus haut, la vente des biens sur le marché de l’occasion est une manne financière qui peut être très importante, pouvant aider un grand nombre de ménage quel que soit leur niveau social dans les dépenses quotidiennes sans pour autant être un complément de revenu fixe. S ’adapter plus facilement aux grandes tendances et au besoin de renouvellement Dans le cadre des ventes ou du troc, la montée en puissance de ce type d’échange peut permettre aux individus de s’adapter plus facilement aux grandes tendances de la mode et au besoin de renouvellement des biens courants et permet ainsi d’émettre l’hypothèse que ces nouvelles pratiques peuvent engendrer une plus grande circulation des objets de l’espace domestique. Le cas du troc sur le site Leboncoin.fr est particulièrement illustratif de ce phénomène. En effet, de nombreux trocs ont lieu dans la catégorie des biens électroniques ou informatiques, les derniers Smartphones ou ordinateurs à la mode s’échangent. Le cas du troc qui se fait souvent d’un modèle plus ancien vers un modèle plus récent moyennant une contrepartie financière, ou bien encore d’une marque à l’autre, montre bien que tout en se cantonnant au marché des biens de seconde main, les individus s’adaptent aux grandes tendances à moindre coût financier. Le cas de la vente n’est pas aussi explicite, mais néanmoins, vendre son Smartphone devenu obsolète au bout d’un an est également un moyen d’obtenir une partie du financement pour obtenir le Smartphone dernier cri. Ces biens les plus à la mode et à hautes valeurs monétaires ne seraient probablement pas renouvelés aussi fréquemment pour certaines personnes si le marché des biens de seconde main n’existait pas. Ce n’est que très récemment par exemple que les opérateurs mobiles se sont adaptés à cette demande constante de renouvellement en proposant des offres de reprises des anciens téléphones contre l’achat d’un nouveau moyennant une contrepartie financière. Mais en observant les tarifs de reprise des opérateurs aux tarifs de mise en vente sur le site Leboncoin.fr, le marché de l’occasion reste toujours plus attractif pour les annonceurs. L’avantage que proposent les opérateurs, que ne peut garantir ces sites internet est la garantie de fonctionnement des objets et la sécurité dans l’échange que nous aborderons en 2ème partie. Cette idée d’adaptation à la mode peut se retrouver dans d’autres catégories d’objets lorsque les annonceurs présentent dans les motifs de vente « je vide mes placards » ou bien pour le mobilier « changement de décoration ». Le besoin de renouvellement et d’adaptation à la mode qu’il concerne les objets Multimédias, ou les objets personnels comme les vêtements ou de décoration semble bien présent dans les motifs de séparation des biens. C’est ce qu’évoque cette internaute postant sur un sujet « Que faire de ses vieux vêtements ? » « Je revends, je donne et j’achète (des vêtements “seconde main” sans problème). C’est le plaisir de changer, d’essayer du nouveau (même si cela n’est pas du neuf), et aussi de donner une nouvelle vie à des pièces dont je me suis lassée, ou sur lesquelles je reconnais mes erreurs » On voit donc que ces formes d’échanges alternatifs quel qu’ils soient peuvent répondre d’une logique de renouvellement et refléter peut être une tendance à l’intensification de la circulation des biens de seconde main. Cette tendance peut ou non concurrencer le marché du neuf comme l’analyse Dominique Roux26. Dans certains marchés, le marché de l’occasion détourne les consommateurs du marché du neuf, mais dans d’autres cas il peut être un moyen de démocratiser la consommation de certains produits par un effet de circulation descendante. En effet, les individus ayant les moyens de se payer certains objets neufs à renouvellement rapide remettent en circulation leurs biens à plus bas prix et se permettent ainsi d’acheter de nouveau du neuf tout en donnant les moyens aux individus ayant des revenus plus modeste d’acquérir ces biens de génération plus ancienne. 26 Roux D. « L’activité d’occasion : menace ou opportunité pour les producteurs et distributeurs de produits neuf ». Décisions Marketing, 25-35, 2001 V ers une plus grande distanciation de la relation aux objets ? La possibilité et la facilité d’échange permise par ces nouveaux sites internet interrogent une modification durable de la relation des individus aux objets. Se dirigerait-on comme l’affirme Mélanie Roustand « vers une forme de dématérialisation de la relation aux objets, où les objets sont considérés pour leur valeur d’usage, et moins pour leur valeur symbolique et identitaire, attaché de manière univoque à un seul et unique possesseur 27» ? Un cas illustratif est la prolifération de la vente ou la location des robes de mariée, vêtement chargé de symbolisme, il ne serait plus qu’un support tant pour le vendeur que pour l’acheteur. La remise en circulation massive des objets du quotidien irait-elle à l’inverse d’une tendance à la conservation des objets, en référence à la thèse de Valérie Guillard sur « la tendance de certains consommateur à tout garder »28? Les modifications de comportements sur ce point ne sont peut être encore qu’embryonnaire, néanmoins, la relation aux objets dans le cadre d’une remise en circulation est intéressante. Lorsque l’on entend de nombreuses émissions au moment de fêtes de fin d’année sur la revente des cadeaux de noël, la question des biens « chaud » et des biens « froids » qu’évoque Dominique Desjeux29 est un angle d’approche pertinent pour comprendre une partie des arbitrages, notamment celui qui se réalise entre remettre en circulation ou conserver ses objets. Comme l’analyse Maurice Godelier30, dans les sociétés du Pacifique ou l’échange sous forme de dons était très développé, un aspect que les ethnologues n’avaient pas montré était la hiérarchisation des objets, entre les objets que l’on garde et ceux destinés à la remise en circulation. Le symbolisme attaché à certains objets les empêche d’être remis en circulation, qu’il soit des biens transmis par des tiers, notamment la famille proche, ou biens des objets ayant une dimension chargée d’histoire sur notre propre identité. Cette question a été analysée par Blandine Mortain31 dans le cas de la transmission des objets de l’espace domestique au sein des familles, où elle révèle la fréquence de ces pratiques notamment dans les familles 27 Mélanie Roustan, Peut-on parler d’une dématérialisation de la consommation ? Cahier de Recherche, Credoc, 2004. 28 Valérie Guillard. La tendance de certains consommateurs à tout garder, Thèse en science de Gestion, université Paris Dauphine, 2009 29 Erner G. avec la participation de Desjeux D. « Le cadeau de mes soucis : comment recycler ses cadeaux ». France Inter, Emission Service Public, 3 janvier 2013 30 Maurice Godelier. « L’énigme du don ». Champs- Essai, Flammarion. 1996 31 Mortain B. « Des biens et des liens. Transmission des objets et inscription lignagère dans le réseau de parenté » Thèse de doctorat de Sociologie. 2000. aisées. Sur ce point, les annonces mentionnant « héritage » ou « succession » interrogent ce possible renversement de perspective lorsque les annonceurs se séparent de objets porteurs de l’histoire et des valeurs familiales. Le fait de remettre en circulation ses objets n’est pas non plus incompatible avec un certain attachement symbolique, qu’ils soient donnés ou vendus. Ce point peut être illustré dans cette petite annonce de robe de mariée : “Donne robe de mariée datant des années 80 avec des très beaux tissus en piqué blanc + jupon + voile long en tulle bordé de dentelle stockée dans une cave depuis quelques années, pour personne souhaitant la remettre à neuf. Je ne peux me résoudre à la jeter “ Cette personne a stocké de longues années cette robe dans son placard avant de se résoudre à s’en séparer, mais la remise en circulation est comme elle l’indique dans l’annonce un moyen de lui donner une seconde vie. Cela entre en résonnance avec l’analyse de Laurence Fontaine32, selon laquelle la remise en circulation des objets est un moyen « de ne pas jeter nos souvenirs et notre histoire ». D’autre part, comme l’analyse Jean Claude Beaune33, les objets aimés ou mal aimés, peuvent avoir une vie propre, circuler même au sein de l’espace domestique, en étant d’abord visible, puis caché dans les greniers, les placards, pour finalement sortir de l’espace domestique. L’annonce de la robe de mariée concerne la vente d’un objet, mais le don peut s’analyser de la même manière, comme l’illustre cette annonce d’un bien désuet, un répondeur à cassette, mais qui pourrait faire le bonheur d’un collectionneur: “ Vintage répondeur à cassette PANASONIC je ne peux me résoudre à le jeter, en bon état, prévoir remplacement de la courroie, avec son bloc alimentation 12V, pour collectionneur, cinéma, premier contact par mail merci” Sur le site Récup.net, de nombreuses annonces de ce type sur des lecteurs cassette, ou autres objets dépassés sur le plan technologique sont présentes. Donner est ici présenté comme un moyen de ne pas jeter ces objets et donc de leur donner une seconde vie, même s’ils ne sont plus dans l’air du temps. Ces objets dépassés peuvent servir tant à des personnes dans le besoin n’ayant pas les moyens de s’offrir les nouveaux appareils à la mode, qu’aux personnes nostalgiques des objets anciens, et surfant sur la mode citadine ou néo rurale de la brocante ou du « vintage ». C’est ce qu’analyse Nicky Gregson et Louise 32 Belot L. avec la participation de Le Goff J. , Fontaine L. , Caillé A. Debonneuil M., Maniglier P. « La France au miroir du boncoin », Le Monde, 4 Janvier 2013 33 Beaune J-C. Le déchet, le rebut, le rien . Champs Vallon. 1999. Crewe dans leur ouvrage34, dans lequel ils analysent cette mode du vintage reposant sur une consommation de plus en plus individualiste et distinctive qui s’opposent aux consommateurs répondant davantage à des logiques de stratégie de survie. Cette question de la distanciation aux objets a été analysée par Barbara T.Phillips et Trina Sego35, qui rappellent la distinction entre les consommateurs dans leur rapport aux objets entre les « Packrats » et les « Purgers ». Les Packarts, seraient ceux qui ont des difficultés à se séparer de leurs objets du fait de disposition psychologique à un attachement symbolique aux objets chargés d’histoire, et les Purgers, seraient les individus qui ont tendance à faire constamment le tri et le vide dans leurs objets du quotidien. Mais une analyse intéressante montrerait que paradoxalement, ce serait le profil des Packrats qui aurait davantage tendance à se tourner vers la vente des objets, du fait que la contrepartie financière est une compensation à la perte de l’objet dont ils sont attachés, tandis que les Purgers auraient davantage tendance à se tourner vers des formes de délaissement non marchand comme le don à des associations caritatives pour se débarrasser au plus vite des objets sans se soucier du retour monétaire. Ainsi, la distanciation des objets peut provenir de la contrepartie financière que peut procurer la vente, mais également simplement de la volonté de faire revivre ses objets comme dans le cas de dons et révèle parfois une modification de la relation des individus à leurs objets. Les différents profils entre donateur et vendeur ne sont pas si facilement identifiables, mais on peut voir que dans les deux cas, ces nouvelles formes d’échanges peuvent donner des motivations supplémentaires aux individus les plus attachés à leurs objets pour s’en séparer. L e cas du don : conflit de normes entre désintéressement, solidarité et écologie Le cas du don est intéressant à analyser lorsque l’on interroge les motivations des annonceurs. Nous avons vu plus haut qu’il pouvait être motivé par une volonté de faire revivre ses objets, ou bien simplement de faire le vide chez soi, mais le don en soi est traditionnellement associé à une idée de générosité, et ce d’autant plus lorsqu’on le compare à l’alternative de la vente. Certaines annonces mentionnent en effet que le donataire doit être 34 Nicky Gregson, Louise Crewe, Second Hand Culture, Oxford, 2003. Barbara J.Phillips, Trina Sego. « The Role of identity in Disposal : Lessons from Mothers’Disposal of Children’s Possession. » Boise State University, 2011. 35 une association, un étudiant, ou encore, « une personne dans le besoin ». Ceci nous invite à penser que les anciennes valeurs religieuses de charité, ou même simplement de philanthropie dans le sens d’une aide des personnes aisées vers les plus pauvres sont des valeurs qui peuvent être à l’origine de ces dons sur ces sites internet. Cependant, lorsque l’on regarde les sites internet dédiés au don, on voit apparaître une autre motivation très actuelle qui est le don pour des motivations écologiques. En effet, ces sites internet présentent le don comme une alternative à la production de déchet et incitent les gens à donner et recycler leurs objets. Cela illustre peut être le changement récent dans notre rapport aux déchets qui s’est construit au XXème siècle comme le décrit Suzan Strasser36. En effet, l’auteure montre qu’avant le XXème siècle, tout objet du quotidien était réutilisé et recyclé, comme le montre la figure du chiffonnier décrite par Simone Delattre37 dans le Paris du 19ème siècle. L’arrivée de la culture de la consommation de masse dans les sociétés occidentales a modifié notre rapport aux objets du quotidien et a généré une production massive de déchets non recyclés. Ainsi cette réapparition des pratiques de récupération et de remise en circulation des objets peut se laisser voir comme un retour vers des pratiques anciennes, où la récupération des objets et le don étaient inscrits dans les habitudes. Cependant, une constatation que l’on peut faire tout d’abord est que les responsables de ces sites internet considèrent que les donateurs vont mettre en ligne ce qu’ils considèrent comme des déchets destinés à l’abandon. Nous pourrions faire un parallèle indirect avec les analyses de l’anthropologue Mary Douglas38 sur le pur et l’impur, à l’origine des réflexions sociologiques sur les déchets. Ces sites internet ont pour politique de faire revivre les déchets, c’est en quelque sorte la politique du recyclage qui s’intègre dans la mouvance écologiste. Cependant cette politique peut mener à des situations délicates de conflits de normes entre la générosité associée au don et les motivations écologistes de recyclage des déchets. Nous pouvons prendre l’exemple du cas explicite des annonces dans lesquelles figurent la mention « À venir récupérer avant le (date) sinon poubelle ». Cette mention qui apparaît régulièrement dans les annonces a été reprise dans un sujet du forum du site Recup.net et 36 37 Suzan Strasser, « Waste and Want, a social history of Trash », Holt Paperbacks, 1999 Simone Delattre, Les douzes heures noires, la nuit à Paris au XIXème siècle, Albin Michel, 2000. 38 Mary Douglas, De la souillure, Paris, La Découverte, 2001( 1ère édition 1966) considérée comme choquante par les utilisateurs de ce site, les individus récupérant les objets étant assimilés à cette idée de récupération des ordures. D’autre part, cette idée de donner pour ne pas jeter peut être à l’origine de conflit de normes dans le déroulement même de l’échange. En effet, on peut prendre l’exemple du témoignage de cette étudiante sur le forum Recup.net qui raconte ne pas avoir compris l’attitude d’un donateur à qui elle a expliqué sa situation délicate étant étudiante en difficulté financière, et malgré cela, ce dernier à mis la priorité de son don à la personne qui viendrait chercher son objet le plus rapidement. On peut retrouver cette idée dans un grand nombre de petites annonces de dons portant la mention « au plus rapide » Ainsi, le don n’est pas forcément une œuvre de charité ou de philanthropie dans le cadre de ces sites internet qui se réfèrent davantage à la notion d’écologie. Nous pouvons illustrer ce cas de la norme du don purement écologiste par le profil qu’a créer un donateur sur le site Recup.net : « Pour récupérer mes objets : RV uniquement par mail chez moi et en soirée entre 18h30 et 21h30. RER E VILLIERS SUR MARNE + 308 OU RER A CHAMPIGNY + 208B ou S - Arrêt Square Houdon dans les 2 cas. Merci de ne demander que si vous avez bien compris ce qui est proposé et si vous êtes sur d'être motivé pour vous déplacer. Ne pas oublier qu'il faut : 10 secondes pour mettre un objet à la poubelle. Au moins 2 minutes pour mettre une annonce en ligne. 5 minutes si photo. Au moins 2 minute par question même en faisant du copier coller d'une annonce à l'autre. Ma devise : Mieux vaut une bonne occaze qu'une cochonnerie neuve. Je ne donne pas par générosité mais parce que je trouve stupide cette logique consumériste qui veut que pendant que l'un jette, l'autre achète la même chose. Je ne donne que ce dont je n'ai plus besoin pour ne pas mettre à la poubelle ce qui peut encore servir et n'hésite pas à essayer de revendre ce qui peut l'être. Je n'achète en neuf que ce que je ne trouve pas en occasion et avec la différence j'emmène mes enfants au cinéma ou ailleurs. » L’exemple de ce profil de donateur est illustratif de ces différences de normes entre le don par générosité et le don purement écologique qui, bien qu’ils puissent certainement aller de pairs sont parfois opposés et laissent apparaître un certain cynisme dans ce type d’échange. Ainsi, à l’opposé du « don sans calcul » qu’évoque Laurence Fontaine en parlant des valeurs de l’aristocratie dans l’Ancien régime39, on voit ici un don calculé, mesuré en temps passé à mettre en ligne l’annonce, considéré comme temps perdu à faire autre chose. On voit également dans cette citation que ce don 39 Fontaine L. « L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle », Gallimard, 2008 écologique est associé à une critique de la société de consommation que nous avons évoqué en introduction. D onner ou vendre : question de morale ? Entre donner et vendre, l’arbitrage relève parfois d’une question de morale, notamment celle entourant la notion d’argent et de profit. En effet, le témoignage de cet internaute exprime cette ambiguïté dans laquelle peuvent se trouver certaines personnes qui souhaitent se séparer de certains biens matériels : Extrait d’un forum : « Donner ou vendre “quoi de mieux” » Q uestion « Je me retrouve avec plein de chose à désencombrer et me demande quoi en faire réellement? Préparant un voyage et ayant un petit budget ma première idée est de vendre le maximum de choses à prix pas trop brader mais après réflexion je me dit que d'une part je n'arriverai peut être pas à vendre, de deux je n'ai peut être pas besoin d'un plus gros budget pour mon voyage (suffira de limiter mes consommations) et de trois c'est plus "moral" et "désencombrant" de tout donner. Qu'en pensez vous ? » Réponse1. « Salut, je pense que la vente a petit prix permet aussi de ne pas faire l’aumône, ou en donner l'impression comme lorsque l'on donne a des personnes dans le besoin. Sinon tu as une autre solution qui te permettra de faire une petite étude sociologique.je m'explique: tu as donc une autre solution qui serait de laisser l'acheteur fixer le prix lui même en lui demandant, s'il était a ta place ce qu'il qualifierait de prix décent. Réponse 2 « J'aurai envie de dire, ça dépend quoi! Si c'est des objets de valeurs importantes, il peut être intéressant financièrement d'en vendre, sans compter que donner des objets de valeur peut gêner certaines personnes. » Dans cet échange sur le forum, les participants mettent en lumière cette question de la morale qui entoure les pratiques de don et de revente, selon laquelle donner serait plus « moral » que de vendre. Cette idée de morale associée au don se retrouve dans le témoignage de cette auditrice à la radio40 sur une émission abordant la question de la revente des cadeaux de noël. L’auditrice est scandalisée à l’idée que l’on puisse revendre ses cadeaux et met en avant l’idée que l’on doit davantage donner que vendre. Ici on peut rappeler que cette question de la revente des cadeaux de noël qui devient une pratique de plus en plus courante illustre la frontière floue entre le don et le marché, les biens revendus sont considérés non plus comme des cadeaux, entrant dans la logique du don, mais s’insèrent dans la logique de marché en acquérant une valeur monétaire. C’est ce passage d’une conception à l’autre 40 Erner G. avec la participation de Desjeux D. « Le cadeau de mes soucis : comment recycler ses cadeaux ». France Inter, Emission Service Public, 3 janvier 2013 qui peut choquer les valeurs de certains comme de cette auditrice. Mais comme le rappelle Laurence Fontaine, même dans l’économie aristocratique du don dans l’Ancien Régime41, « les dons pouvait aisément trouver un chemin vers le marché » qu’elle illustre par un aristocrate qui écrivait dans son carnet de compte la valeur monétaire des biens qu’il avait reçu par donation. Mais nous pouvons voir par cette citation que le don n’est pas non plus un mode d’échange des plus naturel, comme l’évoque le premier répondant en montrant le côté péjoratif de l’idée de charité et de faire l’aumône. Cela montre que la vente à petit prix permet de maintenir les partenaire sur un pied d’égalité tandis que l’asymétrie du don peut constituer une gêne dans la relation d’échange, c’est ce que nous aborderons plus en détail dans la deuxième partie. Cela entre en résonnance avec la notion de « morale économique » qu’a étudié Anna Perrin Heredia42 en évoquant le lien, dans son étude un lien religieux, entre économie et morale. L’auteure montre la tension qui peut exister entre le fait de vouloir respecter la morale économique qui interdit par exemple aux femmes musulmanes de prendre des crédits ou d’accumuler de l’argent et les situations de contraintes économiques liées aux « épreuves de la vie », mais elle montre également que le comportement économique peut en soi être emprunt de morale. Dans notre cas, cela peut s’illustrer par le fait de vendre à des prix « décents» comme l’indique le répondant n°1 ou comme le mentionnent de nombreux annonceurs qui souhaitent se défaire rapidement de leur bien : « à débattre dans la limite du raisonnable », qui montre que dans la vente, chacun peut y trouver son compte. C onclusion de la première partie Nous avons donc pu constater dans cette première partie une diversité de profils sociaux qui pratiquent ces échanges alternatifs bien que les trois types d’échange ne semblent pas concerner exactement les mêmes types d’individus. Notre analyse sur les profils est néanmoins à prendre avec mesure du fait de la limite de nos données et de nos indicateurs. 41 Fontaine L. « L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle », Gallimard, 2008 42 Perrin-Heredia A. « Logiques économiques et comptes domestiques en milieux populaires, Ethnographie d’une zone urbaine sensible » Thèse de doctorat de Sociologie, 2010. L’analyse comparative nous a permis de dégager une logique de cycle de vie dans les arbitrages entre les différents types d’échange. Néanmoins, la vente est le phénomène majoritaire et nous avons dans l’ensemble de cette analyse comparé le don et le troc à cette pratique de vente qui est largement dominante. Le fait de considérer les objets comme une richesse potentielle semble concerner la majorité de la population et explique non seulement la logique de cycle de vie entre les trois types d’échange que nous avons dégagé, mais également les arbitrages en la défaveur du don. La faiblesse du troc ne s’interprète pas de la même manière, mais plutôt par une difficulté à se détacher du passage par la monnaie que nous allons approfondir dans la seconde partie. D’autre part, les normes, les valeurs et les logiques qui semblent motiver ces pratiques expliquent également cette dominance de la vente, ou l’on voit par exemple que les arbitrages entre le don et la vente pour des questions de morale ne sont pas si évidentes et que le passage par le marché pour se séparer de ses biens semble être paré d’une certaine légitimité, même une légitimité « morale », dans un contexte économique difficile où les individus prêtent davantage attention à leur façon de consommer et de gérer leur budget. Ceci nous amène à ce que Laurence Fontaine appelle la « moralisation du marché »43, ou l’on voit que le marché peut, s’il est régulé, être considéré comme un moyen de démocratisation dans l’accès à la consommation pour les catégories sociales les plus modestes. Nous allons maintenant aborder dans la seconde partie de ce mémoire la façon dont se déroulent ces échanges en interrogeant la nature même de ces échanges sur Internet, et les structures de régulation de ces différents types d’échange que façonnent les particuliers par leurs expériences. 43 Fontaine L. « Le marché, histoire d’une conquête sociale », Gallimard, 2014 Partie 2. Les formes de remise en circulation et la relation d’échange Après nous être penché sur la phase amont de l’échange, le descriptifs des annonceurs, leurs motivations et les différents choix qu’ils opèrent dans la remise en circulation de leur bien, nous allons maintenant nous intéresser au moment même de l’échange, c’est à dire à la façon dont se déroulent ces échanges entre particuliers en dehors des règles juridiques, commerciales, ou associatives, qui peuvent encadrer ces pratiques. Les sites internet ont certes une marge de manœuvre dans le contrôle des annonces mises en ligne, mais celle ci est très limitée dans les sites que nous avons étudié et le déroulement et les règles de l’échange sont laissées en grande partie aux mains des différents protagonistes. Ceci nous permettra d’approcher une analyse des échanges marchands et non marchands dans le cadre spécifique d’Internet dans un contexte très particulier où il n’y a pas d’instance de régulation supérieure, et nous permettra de nous interroger sur la nature même de ces échanges. Notre méthodologie s’est appuyée sur l’analyse textuelle des petites annonces que nous étudierons dans un premier temps, puis nous approfondirons notre étude par une analyse plus qualitative avec notamment l’apport de l’étude des forums sur Internet. 2 .1 Etude de la relation d’échange par analyse textuelle Cette partie de l’analyse statistique est portée spécifiquement sur l’analyse du contenu des petites annonces par les méthodes de l’analyse textuelle. Le logiciel utilisé pour réaliser les analyses est Iramuteq, un logiciel libre qui fonctionne sur la base du logiciel R. L’analyse textuelle consiste en plusieurs éléments. Tout d’abord repérer les associations courante de termes au sein même des petites annonces par la pratique d’un découpage des petites annonces en plusieurs segments de texte, c’est ce qu’on appelle l’analyse des similitudes. Mais l’analyse textuelle permet également de repérer les ressemblances de vocabulaire entre les petites annonces pour parvenir à réaliser des typologies par la méthode de la classification. Par cette méthode, l’analyse du contenu des petites annonces est complétée par des variables associées à ces dernières permettant de repérer les facteurs annexes pouvant influencer cette classification. Le travail réalisé repose sur une base de données globale d’environ 2700 annonces composée de petites annonces et complétée par des variables associées à chacune d’entre elles. Les variables sélectionnées sont le revenu moyen de la commune de l’annonce par tranche, la catégorie d’objets mis en ligne, le prix des objets pour celles pour lesquelles il est mentionné et le département d’où provient la petite annonce. L’analyse va permettre entre autre de répondre à la question de savoir si les formes des petites annonces s’opposent selon le type d’échange, mais également de repérer les formes et associations de termes récurrentes dans l’ensemble des petites annonces. Les variables associées dans l’élaboration de la typologie vont permettre de mieux comprendre les oppositions, si elles se font davantage selon le type d’échange ou selon la catégorie d’objets par exemple, mais encore de repérer l’influence possible des critères de prix et de revenu moyen. 2 .1.1 Analyse des similitudes Dans le graphique ci-dessous, la taille des branches reliant les différents mots est proportionnelle à la fréquence des associations entre les mots, la taille des mots est également proportionnelle à la fréquence à laquelle ils apparaissent dans la base. FIGURE 5. Graphique analyse des similitudes L’analyse de ce graphique permet tout d’abord de repérer les trois types d’échange qui apparaissent distinctement dans la base. Les termes « vendre » « donner » et « échanger » sont souvent des termes d’introduction aux petites annonces. D’autre part, le mot « Etat » est le plus fréquent dans la base. On peut repérer dans les associations les plus proches de ce terme des adjectifs comme « impeccable », « excellent » « très » « bon ». La qualification de l’état de l’objet mis en ligne est essentielle dans l’ensemble des annonces quel que soit le type d’échange, ce qui paraît logique dans des échanges de biens de seconde main, mais en regardant la taille des branches reliant ce mot aux autres, on remarque qu’il est davantage associé aux mots « vendre » et « échanger » qu’au mot « donner ». Ainsi, on peut émettre l’hypothèse que la mention de l’état de l’objet est moins souvent considérée comme une nécessité dans le cadre d’un don que dans le cadre des ventes ou des trocs. Lorsque l’on regarde plus précisément les termes associés les plus fréquemment aux différents types d’échange, on peut remarquer certaines régularités significatives. En effet, dans le cas du don, les termes « venir », « chercher », « retirer » « prendre » « place », indiquent que le don se pratique le plus fréquemment par une remise en main propre au domicile de l’annonceur. Le terme « heure », que l’on retrouve à cet endroit, montre également que les annonces de don comportent davantage de conditions précises sur le moment et le lieu du retrait. Dans le cas de la vente, les termes les plus fréquemment associés se divisent en trois groupes. Tout d’abord des termes relatifs au prix de vente : « ferme », « négociable » « débattre ». On découvre ici la pratique de la négociation et du marchandage dans le cadre des petites annonces, où l’on voit que certains annonceurs y sont ouverts, d’autres n’y sont pas. La mention fréquente de ces termes dans l’annonce, que ce soit pour indiquer que l’annonceur y est opposé ou y est ouvert révèle en tous les cas que c’est une pratique courante pour les consommateurs. D’autre part, on retrouve des termes associés aux prix d’achat et à la valeur du bien mis en vente (« acheté », « valeur »), ce qui montre que d’une part, le prix affiché de l’objet mis en vente est comparé au prix du neuf, montrant ainsi la plus ou moins grande attractivité de cet achat d’occasion par rapport au neuf. Mais on peut également remarquer que cet élément, le prix d’achat ou la valeur, est indiqué par l’annonceur sans vérification possible, hormis les cas où l’objet est encore en vente dans le marché du neuf et dans les cas où l’annonceur indique qu’il dispose de la facture d’origine. Ainsi, l’indication du prix d’achat peut apparaître comme une attraction supplémentaire des potentiels acheteurs, mais sous la simple garantie de la parole des annonceurs. Enfin, une dernière catégorie de termes associée à la vente est la mention de la cause de la vente, ou l’on voit ici qu’elle est associée au terme « déménagement ». Cette mention de la cause présente dans les ventes et non dans l’échange ou dans le don montre tout d’abord que par rapport à l’échange, la cause n’est ici pas explicite puisque dans l’échange les individus se séparent d’un bien pour en acquérir un autre. D’autre part, par rapport au don, elle est un élément apportant de la confiance dans l’échange qui n’apparaît peut être pas nécessaire dans le cadre du don. Dans le cadre du troc, on retrouve de nombreux termes associés par rapport aux deux autres types d’échange. Tout d’abord des termes qui semblent montrer que ce type d’échange est particulier, notamment dans le rapport annonceurs/acheteurs potentiels. La fréquence du terme « Bonjour » en introduction des petites annonces mais également de termes comme « Cordialement », ou encore « N’hésitez pas à me contacter pour toute question », montre que cette forme d’échange semble relativement plus ouverte au dialogue que les autres types d’échange. C’est le cas notamment lorsque l’on compare aux annonces de don, où l’on retrouve davantage de termes associés à des conditions restrictives ainsi que pour les annonces de vente ou l’on retrouve plus de termes relatifs à la confiance dans l’achat et l’attractivité de l’objet. La question de la confiance est néanmoins très présente dans les annonces d’échange car on y trouve associé des termes comme « facture », « garantie ». Certaines annonces, mais dans une proportion plus réduite, affichent des termes plus fermés au dialogue, notamment « sérieux » et « abstenir », qui montre que la formule « pas sérieux s’abstenir » est parfois présente, mais également « condition » « vérifier » « profil », montre que certaines annonces posent également des conditions dans l’échange et sont moins ouvertes au dialogue. De plus, les termes associés au troc montrent que ce type d’échange se réalise de deux façons différentes. En effet, dans un cas l’annonceur propose un objet et attend des propositions de la part des intéressés : « étudie » « toute » « proposition ». Dans d’autres cas, l’annonceur propose un échange contre quelque chose de très précis, on le retrouve avec la mention du mot « uniquement » dans les annonces. D’autre part, les modalités de l’échange dans le cas du troc apparaissent dans les petites annonces. On retrouve la question du contact, « premier » « contact » « répond » « mail » « sms ». On retrouve également les modalités de retrait, « indiquer », « jour », « retrait », ainsi que les modalités de paiement « paiement », « espèce » qui indique que le retrait se fait plus souvent en main propre dans le cadre du troc. Ainsi, les différents éléments qui ressortent de ce graphique montrent que les trois types d’échange sont assez différents sous plusieurs aspects, tant pour les modalités de l’échange que pour le vocabulaire employé donnant des indications sur le rapport entre les annonceurs et les intéressés. L’analyse par la classification qui va suivre permettra d’approfondir et de détailler ces premières analyses. D’autres informations apparaissent dans ce graphique, notamment la question des modalités d’envoi qui apparait à part car présente a priori dans l’ensemble des annonces. L’envoi postal ou la remise en main propre sont les deux possibilités qui apparaissent ici équivalente, nous ne pouvons distinguer une fréquence supérieure de l’une ou de l’autre. D’autre part, une autre association de termes est intéressante, qui est la suivante : « tapez », « moteur » « recherche » « consulter » « voir » « annonce ». Elle révèle la pratique singulière sur le site Leboncoin.fr par laquelle les annonceurs utilisent des pseudonymes sur ce site, pour permettre aux éventuels intéressés de retrouver l’ensemble de leurs annonces mises en ligne. Cette pratique n’est possible que sur le site Leboncoin.fr, du fait des spécificités du moteur de recherche. Cela montre également que certains annonceurs ont de nombreux objets mis en vente sur le site, ainsi la vente sur leboncoin peut être une pratique intensive et régulière ou bien plus occasionnelle dans d’autres cas comme nous l’avons vu dans la première partie de ce mémoire. 2 .1.2 Analyse par classification L’analyse statistique qui va suivre consiste en l’application d’une méthode de classification du corpus de données textuelles. L’objectif est d’obtenir plusieurs classes distinctes et d’observer quelles sont leurs caractéristiques. Cela consiste à distinguer quels mots et associations de mots les composent, ainsi que de savoir quelles variables sont le plus associées à chacune de ces classes. Pour pouvoir analyser plus finement le corpus, un nombre relativement élevé de classe a été recherché dans l’objectif d’affiner avec plus de précision les distinctions qui opposent chacune des petites annonces. La méthode de classification du logiciel Iramuteq reproduit la méthode du logiciel Alceste, qui se réalise par étape. En effet, le corpus est d’abord divisé en deux classes qui s’opposent fortement, puis le logiciel découpe la classe la plus importante en deux plus petites, en maintenant une cohérence dans le vocabulaire de chaque classe. L’analyse factorielle des correspondances est une méthode complémentaire dans la classification avec Iramuteq mais n’est pas utilisée sur la base du vocabulaire, elle est utilisée de façon à représenter graphiquement les relations entre les classes, si elles sont plus ou moins éloignées ou rapprochées. Le dendrogramme suivant représente le découpage des classes selon la méthode expliquée plus haut. On peut apercevoir la hiérarchie du découpage, ainsi que le volume des classes. FIGURE 6. Dendrogramme. La répartition en volume d’annonces de chaque classe est graduée avec trois classes plus petites qui représentent entre 6% et 8% des annonces, deux classes moyennes avec environ 15% des annonces chacune et deux classes un peu plus importantes avec environ 22% des annonces chacune. On peut remarquer également la logique du découpage qui a d’abord opposé la classe 3 à une deuxième et cette classe 3 qui rassemble un effectif important ne s’est pas subdivisée par la suite. Elle est donc fortement homogène et se distingue particulièrement des autres. A nalyse par AFC L’analyse factorielle des correspondances suivante ou AFC représente graphiquement la répartition des classes sur un plan factoriel et permet de repérer les rapprochements et distances entre les classes. L’AFC suivante se porte sur les mots et permet d’avoir un premier aperçu du contenu des classes, c’est à dire du vocabulaire présent dans les annonces regroupées dans chaque classe. FIGURE 7. AFC du vocabulaire selon les classes Légende : Rouge = Classe 1, / Gris = Classe 2 / Vert Clair = Classe 3 / Turquoise = Classe 4/ Bleu = Classe 5 Violet = Classe 6 / Rose Fuchsia = Classe 7 Comme le montre l’AFC ci-dessus, la classe 3 de couleur verte et les autres classes s’opposent sur l’axe vertical. La classe 7 quant à elle se démarque sur l’axe horizontal. Les autres classes sont regroupées dans le coin inférieur droit du graphique. Un premier aperçu des mots qui composent ces classes permet de voir qu’elles sont regroupées selon différents critères. En effet, les mots les plus récurrents sont relatifs d’une part au type d’échange, par exemple les mots « échange », « donner », apparaissent dans des classes différentes. On remarque également que les classes sont fortement influencées par la catégorie d’objets mis en ligne, du vocabulaire typique de certains objets ressort fortement dans la composition des classes. La classe 5 en bleu correspond à de l’ameublement, les mots relatifs aux dimensions, les mots « meuble », « matelas », semblent montrer le caractère distinctif de cette classe. Les autres classes suivent en partie la même logique, le graphique suivant qui est la même AFC mais sur les variables permet de révéler plus facilement cet élément. FIGURE 8. AFC des variables selon les classes. Légende : Rouge = Classe 1, / Gris = Classe 2 / Vert Clair = Classe 3 / Turquoise = Classe 4/ Bleu = Classe 5 Violet = Classe 6 / Rose Fushia = Classe 7 Le graphique ci dessus confirme donc l’analyse de l’AFC sur les mots, qui est l’importance de la catégorie des objets vendus dans la formation des classes. Les variables dont la taille est la plus grande sur le graphique sont les plus distinctives de la classe. En effet, les catégories « Multimédia », « Collection », « Ameublement », « Vêtement » sont des variables qui sont fortement impliquées dans la formation des classes. Ce résultat montre que le vocabulaire utilisé pour vendre certains types d’objets est très typique selon les catégories, de telle sorte que cela soit à l’origine d’une plus forte distinction des classes selon les objets échangés. Néanmoins, la catégorie d’échange apparaît aussi de façon relativement distincte, plus particulièrement pour le troc mais également pour la vente et le don auxquels sont associés pour chacun trois classes différentes. Cela montre également que les annonces se regroupent certes en fonction des catégories d’échanges, mais également selon d’autres critères parmi lesquels le type d’objets semble fortement distinctif. Cependant, les catégories d’objets et le type d’échanges peuvent être reliés comme le montre l’analyse de la première partie de ce mémoire. En effet, dans la catégorie troc, les objets le plus souvent mis en ligne sont les objets multimédias, et cette information ressort particulièrement pour la classe 3 à gauche du graphique. Cependant la répartition des objets dans les autres catégories d’échange n’est pas aussi marquée que pour le troc, et montre que le biais se limite probablement à cette classe. A nalyse par test du Khi2 Pour compléter cette catégorisation des classes, le logiciel nous permet d’analyser le Khi2 des différentes variables selon les classes. Pour chacune des variables, on peut repérer quelles sont les modalités les plus distinctives pour chaque classe. Tout d’abord, voyons le test du Khi2 pour la variable du type d’échanges dans le document ci dessous. FIGURE 9. Khi 2 des types d’échange selon les classes. Le graphique ci dessus montre que les types d’échange sont distinctifs pour la formation de certaines classes. La classe 1 est spécifique aux annonces de dons, la classe 5 également mais dans une moindre mesure, la classe 3 spécifique aux annonces de trocs et la classe 7 également mais dans une moindre proportion et la classe 6 spécifique aux annonces de ventes. La classe 2 et 4 ne se distinguent pas nettement par le type d’échange. Le graphique suivant représente comparativement le Khi 2 de la variable « Types d’objets » selon les classes. FIGURE 10. Khi 2 de la catégorie d’objet selon les classes. Pour avancer dans la catégorisation des classes, on constate que la classe 3 qui était distinctive du troc est majoritairement composée d’objets multimédias, ce qui avait déjà été remarqué dans les AFC. D’autre part, la classe 5 se distingue nettement par la catégorie « Ameublement », ce qui confirme l’impression de la première AFC sur les mots. La classe 6 quant à elle se distingue par la catégorie « Vêtement » et la classe 7 par la catégorie « Collection ». Les classes 1, 2 et 4 sont moins distinctives dans la variable catégories d’objets. Voyons maintenant le test du Khi2 par classes selon la tranche de revenu des communes. FIGURE 11. Khi2 des tranches de revenu par classe Légende : Rmoy_0= revenu non renseigné/ Rmoy_1 = Jusqu’à 20 000 euros / Rmoy_2 = De 20 000 à 30 000 euros / Rmoy_3 = de 30 000 à 40 000 euros / Rmoy_4 = Plus de 40 000 euros L’analyse des revenus présente des Khi 2 faibles puisqu’ils ne dépassent pas 50 en positif et – 20 en négatif. Néanmoins, la classe 3 se distingue fortement par la tranche de revenu la plus basse (jusqu’à 20 000 euros), ce qui correspond aux analyses réalisées en première partie de mémoire, sur le fait que les annonces de troc concernaient majoritairement les milieux les plus modestes. Néanmoins, la classe 7 qui concerne également des annonces de trocs mais d’objets de collection est sous représentée dans les tranches de revenu les plus basses et surreprésentée dans les tranches de revenu moyennes et hautes. La classe 6 qui concerne les ventes, notamment de vêtements est légèrement surreprésentée dans les tranches de revenu supérieures. Le test du Khi 2 pour les autres variables, notamment la variable Département, est quasiment insignifiant. Pour les tranches de prix, la variation de Khi 2 est également faible, l’information qui ressort n’apporte pas plus d’information que celle apportée par les différents types d’échange selon les classes. Nous allons maintenant voir plus en détail le contenu précis de chacune des classes, notamment les mots et associations de mots les plus fréquents qui les composent. L’idée est qu’au delà du vocabulaire propre aux catégories d’objets qui ressort fréquemment dans chaque classe, nous allons tenter de dégager plus particulièrement le vocabulaire propre aux types d’échange, mais également de façon plus générale la façon dont se déroule les échanges si les différentes classes permettent de distinguer ces éléments. A nalyse détaillée de chaque classe L’analyse détaillée de chaque classe va consister en l’élaboration de plusieurs analyses complémentaires permettant de caractériser au mieux les formes d’échange dans chacune des classes. Nous établirons tout d’abord un résumé des caractéristiques de la classe selon les variables comme nous l’avons vu précédemment. Ensuite, nous montrerons les mots caractéristiques de chaque classe et leur fréquence, qui nous intéressent particulièrement dans cette étude. Ces mots spécifiques qui ont été dégagés concernent les modalités de l’échange, les modalités de contact, le vocabulaire positif, négatif ou défensif qui peut apparaître dans les annonces ainsi que les autres mots caractéristiques de l’échange. Enfin, pour compléter ce dernier élément, le logiciel Iramuteq permet de repérer les segments de texte caractéristiques et répété que l’on peut retrouver dans les annonces, mais nous n’avons pas sur ce point d’indication de fréquence des associations de mots. Ces différentes étapes seront répétées pour chacune des classes de telle sorte que l’on pourra repérer les différentes formes d’échange en croisant le vocabulaire spécifique aux variables concernées CLASSE 1 La classe 1 a un effectif relativement important dans la base de données puisqu’elle représente près de 15% des annonces. Le tableau suivant récapitule les principales caractéristiques de cette classe en fonction des différentes variables. TABLE 11. Caractéristiques de la classe 1 selon les variables Variables Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 P 392 927 42.29 664.44 1.620292e-146 Livres 107 194 55.15 236.22 2.621435e-53 Jardinage 53 62 85.48 227.89 1.718334e-51 Beauté 13 16 81.25 51.15 8.563339e-13 Vaisselle 33 80 41.25 39.15 3.924990e-10 Alimentation 17 34 50.00 29.72 5.001221e-08 Bureau 12 21 57.14 26.76 2.307968e-07 Linge 3 4 75.00 10.42 1.247290e-03 Décoration 20 73 27.40 7.30 6.896509e-03 CDVD 22 92 23.91 4.48 3.431931e-02 Electroménager 21 89 23.60 3.99 4.575884e-02 Divers 5 15 33.33 3.40 6.527818e-02 Jeux 46 227 20.26 3.39 6.572559e-02 Bricolage 13 57 22.81 2.04 1.536302e-01 120 623 19.26 6.28 1.222321e-02 420 1667 25.19 212.59 3.744919e-48 105 448 23.44 21.66 3.254715e-06 Catégorie d'échange Don Type d'objet Tranche de revenu Rmoy_3 Tranche de prix Prix_0 Département 91 Comme l’indiquaient les analyses précédentes, cette classe représente 42% des annonces de don, avec un Khi 2 important à 664. Les types d’objets spécifiques qui la composent sont assez diversifiés puisque l’on y trouve à la fois des livres que des équipements de jardinage, des produits et accessoires de beauté, de la vaisselle, de l’alimentation ou encore des accessoires de bureau ou encore du linge de maison. Il est possible de qualifier ces objets comme secondaires dans l’équipement d’une maison, et souvent accumulés. Nous allons maintenant voir le vocabulaire spécifique de cette classe selon les critères qui nous intéressent dans cette étude à savoir ceux permettant de déterminer la façon dont se déroulent les échanges. TABLE 12. Vocabulaire spécifique de la classe 1* Vocabulaire Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 p venir 191 284 67.25 609.63 1.349400e-134 chercher 159 266 59.77 414.21 4.446733e-92 place 143 291 49.14 262.06 6.095825e-59 récupérer 49 93 52.69 96.34 9.655902e-23 prendre 42 114 36.84 38.45 5.630083e-10 domicile 34 69 49.28 58.39 2.153986e-14 métro 27 50 54.00 54.84 1.310403e-13 retirer 49 122 40.16 55.40 9.819410e-14 disponibilités 6 7 85.71 25.47 4.487091e-07 soir 13 20 65.00 36.12 1.856669e-09 journée 12 22 54.55 24.61 7.001869e-07 week-end 14 16 87.50 61.41 4.639822e-15 semaine 24 40 60.00 58.61 1.917660e-14 heure 8 13 61.54 20.24 6.838717e-06 emporter 6 9 66.67 17.32 3.159847e-05 rapidement 15 37 40.54 16.88 3.976271e-05 Modalités de l'échange Modalités du contact coordonnées 13 14 92.86 62.04 3.363167e-15 préciser 12 14 85.71 51.05 8.992551e-13 numéro 11 31 35.48 8.91 2.836124e-03 contact 22 75 29.33 10.26 1.361911e-03 association 15 17 88.24 66.61 3.302920e-16 collectionneur 8 13 61.54 20.24 6.838717e-06 poubelle 5 8 62.50 12.97 revendeur 4 5 80.00 15.33 9.041098e-05 passer 11 25 44.00 14.79 1.202747e-04 chemin 11 13 84.62 45.91 1.237803e-11 sérieux 12 46 26.09 3.58 5.856078e-02 Destinataire de l'objet Vocabulaire positif ou négatif 3.173004e-04 * Les mots dans le logiciel Iramuteq sont triés par ordre de Khi2 du plus fort au plus faible, le tableau ci dessus n’a pas repris l’ensemble des mots sélectionnés par le logiciel et nous les avons triés par logique sémantique. Le tableau précédent révèle plusieurs éléments. Tout d’abord dans les modalités de l’échange, cette classe semble être caractérisée majoritairement par la remise en main propre au domicile de l’annonceur, les mots « Domicile » et « Place » sont représentés chacun à 50% dans cette classe avec des Khi2 relativement important. D’autre part, les mots caractéristiques de moment dans la journée sont très souvent mentionnés dans cette classe « Journée », « Week-end », « Semaine », « Soir », ce qui révèle que les conditions de l’échange sont davantage précisées dans les annonces de cette classe. Le mot « rapidement » indique une certaine injonction dans l’échange, si une personne est intéressée, l’annonceur attend qu’elle vienne chercher l’objet dans les plus brefs délais. On retrouve également un vocabulaire assez défensif comme le montre le mot « revendeur », les donateurs tentent de mettre en garde les individus souhaitant revendre les objets donnés dans l’annonce. On note également la présence du mot « poubelle », représenté à 60% dans cette classe, qui bien que le Khi2 soit faible, est caractéristique de certaines annonces de don, comme l’évoquait certains témoignages dans les forums du site Recup.net. Les annonceurs souhaitent que leur objet soit récupéré rapidement sinon ils préviennent les potentiels intéressés que leur annonce ne restera pas longtemps en ligne. De plus, on retrouve deux mots spécifiques dans cette classe caractérisée par le don qui sont relatifs à la mention des personnes potentiellement destinées aux objets notamment le mot « association » qui apparaît 15 fois, et est représenté à 88% dans cette classe, mais également le mot « collectionneur » qui est représenté à 60 % dans cette classe. Ce tableau peut être complété par la liste des segments de textes répétés dans les annonces de la classe résumée dans le tableau suivant. TABLE 13. Segments de texte caractéristiques de la classe 1 Modalités d'échange Modalités de contact A venir chercher sur place Laissez vos coordonnées A prendre sur place Retirer sur place Rendez vous Etat de l'objet Vocabulaire +/- Un peu usé Autre vocabulaire Bonjour Lot de Fonctionne toujours S'il vous plait Pour personne dans le besoin Bon état Je ne me déplace pas Pour collectionneur Pour association précisez le nom et le but Pas d'envoi Très bon état Je ne réserve pas Envoi possible Parfait état Pas sérieux s'abstenir Envoi offert Excellent état Langage sms passez votre chemin Envoi possible à vos frais Domicile ou envoi possible On retrouve les éléments du premier tableau avec un peu plus de nuances. Par exemple dans le cas des modalités de l’échange, certaines annonces de don mentionnent un envoi possible, ou encore un envoi offert. D’autre part, certaines annonces mentionnent l’état de l’objet. On retrouve également le vocabulaire défensif vu dans le premier tableau : « Pas sérieux s’abstenir », mais également d’autre formule restrictive comme « Je ne me déplace pas », « Je ne réserve pas », « Langage sms passez votre chemin ». Mais également du vocabulaire plus ouvert comme l’indiquent les mots d’introduction ou de conclusion « Bonjour » ou « S’il vous plait ». Enfin pour la mention des préférences envers les destinataires de l’objet, une nouvelle formule apparaît qui est la mention « Pour personne dans le besoin ». D’autre part, la mention « Association » est complétée par des injonctions restrictives de préciser le nom et le but de l’association en question. Cependant, les informations données par les segments de texte sont à prendre avec plus de mesure que le premier tableau car ils ne présentent pas d’indication chiffrée sur la fréquence de leurs apparition dans les petites annonces, on ne peut donc mesurer à quel point ces phrases types sont répandues, mais on peut déduire les phrases les plus souvent retrouvées dans cette classe en croisant avec les données du premier tableau. Ainsi, pour conclure sur cette première classe composée majoritairement de don d’objets divers et plus encombrant par leur nombre et leur accumulation que par leur taille, les annonceurs s’inscrivent probablement dans une démarche de désencombrement. On peut établir que cette catégorie se caractérise par des annonces mentionnant très fréquemment des conditions assez précises dans l’échange, et assez souvent un vocabulaire relativement défensif à l’égard des potentiels intéressés. On peut donc déduire que l’échange ne se présente pas dans les meilleures conditions et peut se dérouler parfois difficilement lorsque l’on analyse ce premier contact que représente la petite annonce. CLASSE 2 La classe 2 présente un petit effectif de 8,8 % des annonces totales et d’après le dendogramme, elle provient d’un dédoublement avec la classe 1 étudiée précédemment et partagera donc logiquement certaines ressemblance avec elle. Le tableau suivant récapitule les modalités des variables caractéristiques de cette classe. TABLE 14. Caractéristiques de la classe 2 selon les variables Variables Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 p 120 1131 10.61 6.88 8.732319e-03 Animaux 52 91 57.14 271.91 4.344629e-61 Jeux 45 227 19.82 36.75 1.345228e-09 Alimentation 10 34 29.41 18.14 2.056020e-05 Livres 33 194 17.01 17.22 3.323440e-05 CD DVD 17 92 18.48 11.00 9.121457e-04 Bricolage 11 57 19.30 7.93 4.852706e-03 Divers 4 15 26.67 5.98 1.449725e-02 Hobbies 16 115 13.91 3.86 4.959513e-02 45 225 20.00 37.57 8.801823e-10 NA NA NA NA NA 94 36 279 12.90 6.34 1.181456e-02 77 47 434 10.83 2.52 1.120888e-01 Catégorie d'échange Vente Type d'objet Tranche de prix Prix_2 Tranche de revenu NA Département Cette classe n’est pas particulièrement spécifique à une catégorie d’échange en particulier, la catégorie vente se dégage avec 120 annonces concernées, soit 10% des annonces de vente, mais le Khi2 est faible. Les catégories sont assez diverses, la catégorie Accessoires pour animaux se détache un peu plus nettement que les autres, mais on retrouve dans cette classe également les catégories Jeux, Alimentation, Livres, CD/DVD, et Bricolage qui sont représentées aux environs de 20% dans cette classe. La tranche de prix 2, qui correspond aux objets de 5 à 10 euros ressort légèrement, avec un Khi 2 moyen. Cela montre que cette classe, tout comme la classe 1, est composée d’objets divers, non encombrant, à faible valeur, mais cette fois ci davantage vendus que donnés. Le dédoublement avec la classe 1 effectué par le logiciel peut s’expliquer par cette diversité des objets mis en ligne et également par leur nature un peu similaire, des objets de faible valeur que l’on accumule facilement. Voyons maintenant le vocabulaire spécifique à cette classe résumé dans le tableau suivant. TABLE 15. Vocabulaire spécifique de la classe 2 Vocabulaire Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 p Modalités d'échange chèque 10 12 83.33 83.22 7.330973e-20 Paypal 5 6 83.33 41.54 1.156970e-10 espèce 13 39 33.33 29.52 5.523520e-08 paiement 13 29 44.83 47.22 6.356427e-12 frais 22 167 13.17 4.16 4.139279e-02 réduction 2 4 50.00 8.45 3.642971e-03 envoyer 16 39 41.03 50.95 9.459577e-13 adresse 4 9 44.44 14.26 1.594632e-04 retrait 4 19 21.05 3.56 5.910886e-02 transport 6 17 35.29 14.91 1.127434e-04 expédition 5 11 45.45 18.44 1.754930e-05 possible 35 236 14.83 11.44 7.174075e-04 envoi 44 316 13.92 11.35 7.557037e-04 message 7 13 53.85 32.93 9.531956e-09 sms 14 92 15.22 4.83 2.798776e-02 Modalités de contact texto 3 7 42.86 10.12 1.469262e-03 email 6 24 25.00 7.88 4.993349e-03 mail 25 136 18.38 16.16 5.833763e-05 contact 14 75 18.67 9.27 2.329309e-03 contacter 22 165 13.33 4.41 3.564993e-02 appeler 9 23 39.13 26.49 2.650533e-07 réponds 10 30 33.33 22.65 1.944852e-06 rappeler 4 7 57.14 20.39 6.320465e-06 hésitez 23 67 34.33 55.39 9.880493e-14 demander 20 90 22.22 20.70 5.384226e-06 photo 33 183 18.03 20.48 6.023496e-06 Vocabulaire positif ou négatif supplémentaires 5 9 55.56 24.54 7.296990e-07 rapide 7 19 36.84 18.68 1.545158e-05 taper 24 179 13.41 4.97 2.580082e-02 annonce 24 152 15.79 9.65 1.898262e-03 valeur 12 70 17.14 6.17 1.296754e-02 rareté 3 3 100.00 31.07 2.490481e-08 magnifique 5 14 35.71 12.66 3.734808e-04 pratique 6 23 26.09 8.60 3.362884e-03 Autre vocabulaire Tout d’abord, nous retrouvons du vocabulaire spécifique à la vente à savoir les modalités de paiement, qui comme le montre le tableau, peuvent se faire de trois façons différentes : soit en espèce, notamment dans le cas des remises en main propre, soit par chèque, soit via le site de paiement en ligne Paypal, notamment dans le cas d’envoi par la poste. En effet, le mot « Envoi » est représenté à 13% dans cette classe, ce qui est conséquent compte tenu de l’effectif de la classe. Ainsi, la pratique de l’envoi postal semble assez fréquente pour cette classe caractérisée davantage par la vente. Un vocabulaire assez présent apparaît sur les modalités de contact entre annonceurs et intéressés. Trois types de contacts apparaissent dans le vocabulaire, à savoir les contacts par SMS, les mails et les appels téléphoniques. Le tableau qui va suivre montrera que ces mots ne signifient pas forcément que les annonceurs préfèrent être contactés par l’un ou l’autre des moyens de communication, mais parfois qu’ils en excluent certains. Néanmoins, ce vocabulaire sur les modalités de contacts révèle que les annonceurs prêtent une importance aux moyens de communication dans l’échange. Ainsi, certains moyens de communication, peut être plus ou moins maîtrisé, ou plus ou moins formels sont privilégiés dans l’échange. Concernant le vocabulaire positif ou négatif, on retrouve dans ces annonces davantage de vocabulaires ouverts, avec notamment les mots « Hésitez », « Demander », « Photos supplémentaires », ce qui montre que l’annonceur est ouvert à renseigner davantage le potentiel intéressé sur son objet pour faciliter la vente. Les mots « Rareté », « Magnifique », « Pratique », montrent que les objets semblent être mis en valeur dans cette classe. On retrouve également une formule qui sera présente dans d’autres classes, qui est celle de « Tapez pour voir mes autres annonces », qui montre que sur le site Leboncoin.fr, les annonceurs ont plusieurs objets mis en vente. Ceci paraît logique pour ces catégories d’objets facilement accumulables et correspondrait à la même démarche pour les annonceurs que la classe 1 de faire le vide de ses placards. La présence de cette formule, à environ 15% est relativement importante compte tenu de l’effectif de la classe et montre que même sur des objets très divers et de faible valeur, les annonceurs utilisent cette possibilité pour attirer les potentiels acheteurs. Le tableau suivant récapitule les segments de textes que l’on retrouve à plusieurs reprises dans cette classe. TABLE 16. Segments de textes caractéristiques de la classe 2 Modalités d'échange Modalités de contact Etat de l'objet Vocabulaire +/- Autre vocabulaire Paiement en espèce uniquement Premier contact par mail Très bon état Pas sérieux s'abstenir Tapez pour voir mes autres annonces Remise en main propre Je ne répond pas aux sms Parfait état Bonjour Envoi possible Premier arrivé premier servi Envoi offert N'hésitez pas à me contacter pour toute question Echange possible Photos sur demande Faire offre On retrouve certains éléments vus dans le tableau précèdent, mais d’autres formules apparaissent. En effet, tout d’abord dans les modalités d’échanges, l’envoi postal apparaît dans les segments de textes caractéristiques, mais également la remise en main propre. La formule « Frais de port à votre charge » qui indique que lors des envois postaux, ce sont bien souvent les acheteurs qui payent les frais de port. Cela révèle que le rapport annonceurs/intéressés semble pencher davantage en faveur des annonceurs, tout du moins sur ce point, mais également que la remise en main propre est peu être privilégiée. La formule « Faire offre » apparaît également, et correspond aux annonces de vente dont le prix n’est pas mentionné, et où les vendeurs proposent aux acheteurs de leur fixer un prix de vente qu’ils sont libres d’accepter ou de refuser. Cette pratique peut révéler plusieurs choses, peut être une incertitude du vendeur sur la valeur de son objet, ce que l’on peut facilement imaginer lorsque les individus évacuent des biens anciens de leurs greniers. Mais cela peut être également une stratégie de vente, pour tenter d’obtenir un prix plus élevé lorsque le vendeur refuse plusieurs offres, à la manière des enchères en quelque sorte. Les formules qui apparaissent sur les modalités de contact montrent que les annonceurs, lorsqu’ils évoquent ces modalités de contact, le font plutôt de manière restrictive, en indiquant la démarche à suivre pour les potentiels intéressés, c’est ce qu’illustre les deux formules, « Premier contact par mail » et « Ne répond pas aux sms ». Ainsi, la mention des modalités de contact apparaît dans les annonces lorsque l’annonceur souhaite précisément ne pas être contacté par un mode de communication particulier. Les deux formules semblent indiquer que le mail semble être privilégié comme premier contact, qui est un mode de communication plus formel que le sms ou encore l’appel téléphonique. Ainsi, cela dénote du fait que les annonceurs préfèrent d’abord maintenir une certaine distance dans l’échange, tout du moins à ses débuts. Concernant les formules sur l’état de l’objet, on ne retrouve pas contrairement à la classe 1 la mention d’état d’objet usagé ou simplement « fonctionnel », la mention de l’état semble être toujours positive. Le vocabulaire positif ou négatif apparaît plus nuancé par cette analyse, car on retrouve des formules positives, comme « Bonjour », « N’hésitez pas à me contacter », mais également des formules plus négatives comme « Pas sérieux s’abstenir », ou encore « Premier arrivé premier servi ». Le défaut de cette analyse par segment de texte est que l’on ne peut repérer la fréquence des segments donc la proportion plus ou moins grande des formules positives ou négatives, mais le tableau précédent semble montrer que le vocabulaire positif semble l’emporter sur le vocabulaire plus négatif. Ainsi pour résumer, cette classe qui concerne davantage les ventes, se caractérise par plusieurs éléments. Tout d’abord la possibilité d’envoi postal pour des objets peu volumineux, mais également par l’impression d’un double rapport de forces entre vendeurs et acheteurs potentiels, à la fois la présence de conditions de contacts plus formels qui maintiennent une certaine distance dans l’échange, tout en utilisant un vocabulaire ouvert pour faciliter la vente ainsi que la possibilité de faire une offre sur le prix, mais également le lien mentionné vers les autres annonces du vendeurs. C’est donc un mélange d’échanges formels, d’ouvertures commerciales, et de volonté de se débarrasser d’un grand nombre d’objets, que l’on retrouve dans ces annonces de vente d’objets assez divers avec néanmoins un climat de confiance comme le témoigne la possibilité fréquente d’envoi postal pouvant s’expliquer par la faible valeur des objets vendus. CLASSE 3 La classe 3 est une des classes les plus importante en volume d’annonce puisqu’elle représente 22,6% des annonces. L’analyse factorielle présentée plus haut révélait que cette classe se distinguait nettement des autres classes sur l’axe vertical, ce qui laisse à penser qu’elle présente des caractéristiques particulièrement distinctes des autres. D’autre part, dans le dendrogramme, à l’issue du premier découpage, cette classe ne s’est pas subdivisée elle est donc fortement homogène. Le tableau suivant récapitule ses principales caractéristiques selon les modalités des variables qui la composent. TABLE 17. Caractéristiques de la classe 3 selon les variables Variables Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi 2 P 706 1278 55.24 1265.20 4.129422e-277 669 922 72.56 1821.71 0.000000e+00 Prix_7 180 258 69.77 356.38 1.730827e-79 Prix_8 80 140 57.14 99.93 1.577721e-23 Prix_6 70 178 39.33 30.20 3.898279e-08 347 1177 29.48 49.68 1.806570e-12 93 107 311 34.41 27.48 1.588231e-07 94 80 279 28.67 6.49 1.087094e-02 Catégorie d'échange Troc Type d'objet Multimédia Tranche de prix Tranche de revenu Rmoy_1 Département Ce tableau montre que cette classe est très fortement caractérisée par des annonces de troc, puisqu’elle représente plus de la moitié des annonces de troc. Elle est aussi fortement caractérisée par les annonces d’objets multimédias qui sont représentées à 72% dans cette classe. Les tranches de prix sont parmi les plus hautes avec des Khi2 importants. Ces éléments reflètent le biais évoqué plus haut dans l’analyse, lié au fait que les annonces de troc sont majoritairement composées d’objets multimédias. Mais néanmoins, au delà du troc, les objets multimédias, qui peuvent être vendus ou donnés, peuvent également être présent dans cette classe puisque le pourcentage est plus élevé. Les caractéristiques sur les tranches de revenu et le département reflètent l’analyse de la première partie de ce mémoire où l’on retrouve davantage de troc dans les communes à plus faible revenu moyen ainsi que dans les départements les plus pauvres, à savoir le 93 et le 94. Le tableau suivant présente le vocabulaire spécifique que l’on retrouve dans la classe 3. TABLE 18. Vocabulaire spécifique de la classe 3 Vocabulaire Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi 2 P 942.51 5.646118e-207 Modalités d'échanges échange 461 703 65.58 vendre 142 492 28.86 13.06 3.010349e-04 contre 440 627 70.18 1001.14 1.014818e-219 rajout 77 79 97.47 259.71 1.984006e-58 équivalent 5 6 83.33 12.70 3.661279e-04 complément 6 6 100.00 20.62 5.604431e-06 étudie 41 46 89.13 118.23 1.544055e-27 proposition 109 147 74.15 234.07 7.722745e-53 rajouter 26 35 74.29 54.12 1.881826e-13 sms 54 92 58.70 70.64 4.287452e-17 appel 17 20 85.00 44.87 2.108061e-11 répond 20 26 76.92 44.29 2.829283e-11 contacter 66 165 40.00 30.17 3.962227e-08 379 56.20 276.67 3.990550e-62 Modalités de contact Vocabulaire positif ou négatif bonjour bonsoir 213 7 8 87.50 19.34 1.092026e-05 souhaiter 90 112 80.36 221.42 4.434629e-50 cordialement 51 88 57.95 64.74 8.525391e-16 merci 108 224 48.21 90.34 2.005039e-21 uniquement 68 151 45.03 45.66 1.410055e-11 seulement 29 46 63.04 43.71 3.800531e-11 préférence 21 53 39.62 8.96 2.761416e-03 raisonnable 11 12 91.67 32.90 9.712596e-09 sérieuse 15 18 83.33 38.23 6.286128e-10 sérieux 24 46 52.17 23.39 1.325175e-06 abstenir 28 47 59.57 37.35 9.887398e-10 acheté 59 104 56.73 71.67 2.546002e-17 valeur 24 70 34.29 5.61 1.782258e-02 facture 142 152 93.42 457.40 1.767101e-101 garantie 97 111 87.39 276.00 5.588517e-62 état 234 908 25.77 7.30 6.876334e-03 neuf 206 522 39.46 101.03 9.060700e-24 parfaitement 17 28 60.71 23.51 1.245694e-06 impeccable 10 23 43.48 5.79 1.610028e-02 origine 56 86 65.12 91.42 1.159969e-21 Autre vocabulaire Le vocabulaire typique de la classe nous donne des informations plus précises sur la façon dont se déroulent les échanges dans cette classe caractérisée majoritairement par le troc d’objets multimédias. Un premier élément intéressant est le fait que le troc n’est pas toujours la solution unique proposée par l’annonceur, la vente et le troc peuvent être deux alternatives possibles pour l’annonceur. En effet, cela montre que les annonceurs proposant un troc sont intéressés par un objet sur le marché de l’occasion et se donnent la possibilité de l’acquérir directement par un échange avec une personne intéressée par son objet et disposant de l’objet qui l’intéresse. Mais elle peut également vendre son objet et acquérir l’objet désiré en échange auprès d’un autre annonceur. Ainsi, la frontière entre la vente et le troc est assez floue sur ce point. D’autre part, le mot « Equivalent », montre que l’annonceur souhaite un objet soit de valeur équivalente, lorsque l’échange ne se fait pas sur des objets de même catégorie, soit d’état équivalent puisqu’il s’agit d’objets de seconde main. D’autre part, lorsque les objets ne sont pas de valeurs équivalentes, les annonceurs précisent qu’il peut y avoir un paiement complémentaire de la part de l’un ou de l’autre. Un autre élément intéressant est le fait que les annonceurs proposant un objet à l’échange ne souhaitent pas toujours un objet en particulier, la mention « Etudie proposition » révèle cette pratique, ou les annonceurs attendent des intéressés de leur proposer un objet à l’échange. Cette pratique semble assez difficile à concevoir dans la pratique s’il n’y a aucune indication de la part de l’annonceur des potentiels besoins ou intérêts qu’il peut avoir. Le fait de pratiquer cette forme de troc par le biais d’internet paraît assez difficile à réaliser, alors qu’elle pourrait être envisageable dans le cadre de pratique de troc en face à face, où chacun des intéressés peut voir ce que les autres proposent en échange. D’autre part, la question de la valeur de l’objet entre en compte dans cette configuration, le mot « Valeur » apparaît dans ces annonces et semble indiquer la question spécifique au troc relative au fait que même si cet échange se réalise normalement sans transfert pécunier, la référence à la valeur monétaire du bien semble néanmoins incontournable dans de nombreux cas. Concernant les modalités de contacts, peu de vocabulaires ressort dans cette classe mais contrairement à la classe 2, le mot « Appel » apparaît assez fréquemment. Ainsi, l’appel téléphonique, qui est un mode de communication relativement informel et davantage réservé aux proches, est pratiqué souvent dans le cadre du troc. On remarque également la présence très fréquente dans cette classe d’un vocabulaire caractéristique des formules de politesse que l’on retrouve dans une moindre mesure dans les autres classes à savoir les mots comme « Bonjour », « Bonsoir » « Cordialement » , « Merci » etc.. Ces éléments montrent que le troc semble être une forme d’échange plus ouverte au dialogue direct avec un contact plus informel et plus facile entre annonceurs et intéressés. Enfin, une autre catégorie de vocabulaire apparaît dans cette classe relative à la question de la confiance au cours de l’échange. En effet, les objets échangés sont des objets multimédias dont la valeur souvent renseignée est très élevée, ce qui incite les annonceurs non seulement à rassurer les potentiels intéressés, mais également à prendre eux même des précautions pour que l’échange puisse bien se dérouler. On retrouve en effet les mots comme « Sérieux », « Sérieuse », les mots « Facture » et « Garantie » qui sont des éléments supplémentaires permettant aux intéressés d’être rassurés sur l’état de l’objet ainsi que sur sa provenance. Le vocabulaire sur l’état de l’objet est plus rassurant que dans la classe 2, avec des mots comme « Irréprochable », « Impeccable », « Parfaitement », etc.. Le tableau suivant présente les segments de texte caractéristiques de la classe 3. TABLE 19. Segments de textes caractéristiques de la classe 3 Modalités d'échange Bonjour j'échange Je souhaite échanger Modalités de contact Etat de l'objet Vocabulaire +/- Contact par mail En bon état Merci d'avance Contact uniquement par téléphone Merci de me contacter par Je ne réponds pas aux sms Parfait état S'il vous plait Comme neuf N'hésitez pas à me contacter pour plus d'information Toujours protégé Photos sur demande Rajout de votre part Jamais utilisé Annonce sérieuse Faire proposition Sous garantie Pas sérieux s'abstenir De même valeur Neuf avec facture Vend ou échange Rajout de ma part Echange en main propre uniquement Je peux me déplacer Echange uniquement contre A débattre dans la limite du raisonnable On retrouve les formules de phrases déduites du tableau précédent, avec quelques informations supplémentaires. Par exemple la mention « Echange en main propre uniquement » révèle que contrairement à la vente, la question de l’envoi postal est plus problématique. En effet, dans le cas d’un envoi par la poste, nous avons vu que la pratique la plus courante est que l’acheteur envoie d’abord son paiement puis l’annonceur envoie l’objet. Il s’agit en quelque sorte d’un rapport de force et de confiance spécifique dans l’échange en faveur de l’annonceur. Dans le cadre du troc, les deux intéressés sont sur un pied d’égalité, ainsi, il n’y a pas forcément de règle préétablie pour déterminer qui envoie le premier son objet dans le cadre d’une relation de confiance. Ainsi, cela peut expliquer que l’échange de certains objets, notamment des objets de valeurs se fassent majoritairement en main propre. On retrouve également une formule supplémentaire confirmant l’ouverture de ce type d’échange par rapport au du don et dans une moindre mesure à la vente, celle révélant le fait que l’annonceur peut se déplacer pour réaliser l’échange. En effet, dans le cadre des deux autres formes d’échanges, la transaction se réalise souvent au domicile de l’annonceur. Dans le cadre du troc, l’annonceur accepte de faire l’effort de se déplacer pour arranger l’intéressé, ce qui dénote qu’il s’agit bien d’un échange régit par des règles de réciprocité. Les formules autours du terme « Sérieux » illustrent bien que le « sérieux » s’applique tant à l’annonceur qu’à l’intéressé, avec la formule « annonce sérieuse » et « pas sérieux s’abstenir ». La question de la confiance s’applique donc des deux côtés et chacun cherche à se rassurer et à rassurer le partenaire de l’échange. Ainsi, pour résumer les caractéristiques de cette classe, nous avons pu être renseigné sur les différentes façons dont peut se dérouler le troc, contre des objets similaires ou pas, avec la référence souvent présente à la valeur monétaire de l’objet, tout du moins dans le cas de ces objets multimédias. Nous avons pu voir également que ce type d’échange semble plus ouvert au dialogue direct entre les partenaires, qui peut être complémentaire avec les différents éléments relatifs à la confiance dans l’échange, le dialogue informel et direct amenant plus les individus à se faire confiance mutuellement que dans le cadre d’échange trop informel. Néanmoins le fait que ce type de troc se fasse sur des objets de grandes valeurs implique tout de même des précautions prise par l’annonceur, mais également une volonté de rassurer les intéressés sur la qualité du bien proposé. CLASSE 4 La classe 4 fait partie des classes à effectifs restreint, puisqu’elle représente 7,7% des annonces totales. Elle résulte selon le dendrogramme d’un découpage avec les classes 1 et 2 qui contenait des objets divers, de faibles valeurs, l’une majoritairement caractérisée par le don, l’autre par la vente. Il est donc probable que cette classe ait quelques similitudes avec ces deux classes. Le tableau suivant récapitule les principales modalités des variables caractéristiques de cette classe. TABLE 20. Caractéristiques de la classe 4 selon les variables Variables Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 P 116 927 12.51 42.44 7.296372e-11 Cassettes 41 47 87.23 425.91 1.265106e-94 CDVD 30 92 32.61 83.02 8.103370e-20 Multimédia 106 922 11.50 26.28 2.949773e-07 Hobbies 16 115 13.91 6.54 1.052325e-02 Electroménager 11 89 12.36 2.83 9.230985e-02 Prix_6 27 178 15.17 14.91 1.129204e-04 Prix_5 18 162 11.11 2.84 9.198183e-02 Prix_0 139 1667 8.34 2.08 1.495887e-01 NA NA NA NA NA 73 752 9.71 5.67 1.728897e-02 Catégorie d'échange Don Type d'objets Tranche de prix Tranche de revenu NA Département 75 Cette classe est davantage composée d’annonces de dons, puisqu’elle représente 12% des annonces de dons avec un Khi2 à 42. Les catégories d’objets mis en ligne sont davantage des objets à dominante technologique, notamment les Cassettes qui sont presque exclusivement représentées dans cette classe, les CD et DVD à 32 % dans cette classe, les objets Multimédias présent à 11% et l’électroménager à 12 %. Les tranches de prix révèlent que cette classe ne comporte pas exclusivement des annonces de dons, mais également des annonces de ventes, puisque certaines tranches de prix élevés y sont représentées, mais avec des Khi2 faible. Les autres caractéristiques ne sont pas significatives. Il s’agit donc à la fois d’un mélange d’objets technologiques de faibles valeurs ou dépassés et d’objets technologiques à plus hautes valeurs. Voyons maintenant le vocabulaire typique présent dans cette classe dans le tableau suivant : TABLE 21. Vocabulaire spécifique de la classe 4 Vocabulaire Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 P Modalités d'échange NA Modalités de contact NA Vocabulaire positif ou négatif discuter 2 4 50.00 10.13 1.461520e-03 remercier 2 4 50.00 10.13 1.461520e-03 bricoleur 8 16 50.00 40.65 1.818597e-10 qualité 8 34 23.53 12.19 4.808380e-04 fonctionnement 10 24 41.67 39.43 3.407351e-10 merveille 4 5 80.00 36.97 1.198356e-09 ancien 9 53 16.98 6.58 1.028579e-02 mauvais 3 8 37.50 10.07 1.507813e-03 problème 4 17 23.53 6.06 1.380384e-02 Autre vocabulaire Le vocabulaire qui nous intéresse sur les modalités d’échanges ou de contacts n’apparaît pas de façon distinctive dans cette classe. Nous retrouvons d’autres types de vocabulaire assez contradictoires notamment sur l’état des objets mis en ligne. Les mots « bricoleur », « mauvais », « problème », indiquent que ces objets à dominante technologique ne sont pas en plein état de marche, nous pouvons supposer qu’il s’agit davantage des annonces de dons. A l’inverse le vocabulaire comme « Qualité », « Merveille », semble être plus rassurant sur l’état de l’objet et peut probablement correspondre aux quelques annonces de ventes présentes dans cette classe. TABLE 22. Segments de textes caractéristiques de la classe 4 Modalités d'échange Etat de l'objet Vocabulaire +/- Autre vocabulaire Donne un lot Pour bricoleur Bonjour Tapez pour voir mes autres ventes Pas de vente au détail Bon état Echange possible Très bon état A venir prendre sur place état de marche Pas d'envoi état d'usure Possibilité d'envoi à vos frais Pour pièce Prix ferme à tester Je fais de la place dans mes cd Le tableau ci dessus présentant les segments de texte caractéristiques nous donne davantage d’information sur cette petite classe. Tout d’abord, une pratique qui est la vente en lot notamment pour les CD/DVD ou Cassettes, des objets possédés en grand nombre. La mention « Je fais de la place dans mes cd » montre que la mise en ligne de ces objets, qu’ils soient donnés ou vendus, vient d’une volonté de faire de la place dans ses étagères, soit parce que les objets n’ont plus d’utilité (cassettes), soit pour avoir la place d’en acquérir de nouveaux. Les CD et DVD sont aussi échangés, comme l’illustre la mention « Echange possible » à la manière de collection que l’on complète ou dont on se sépare au fur et à mesure. Ceci entre dans la même démarche que ce que nous avons analysé pour la classe 1 et 2. Le vocabulaire concernant l’état de l’objet semble naturellement concerner davantage les objets multimédias ou électroménagers. On voit apparaître des formules comme « Pour pièce » lorsque l’objet n’est plus en état de marche, ou encore « A tester », ce qui révèle que les annonceurs retrouvent dans leurs placards ou greniers des objets anciens dont ils ne savent pas s’ils sont encore fonctionnels. En mettant en parallèle les informations recueillies sur les forums, on peut suggérer sans trop d’erreurs qu’il s’agit des annonces de dons, tout comme les annonces portant la mention « Pour bricoleur ». Les annonceurs plutôt que de jeter leurs objets les proposent à d’éventuels intéressés qui pourrait leur donner une seconde vie. Pour résumer les informations sur cette classe, l’absence de vocabulaire positif ou négatif ou encore sur les modalités de contact montre que ces annonces sont plutôt neutre dans leurs formulations. Dans le cas des objets en état d’usure ou à réparer, les annonceurs ont probablement moins de chance d’être contactés et de trouver preneurs, et postent donc leurs annonces sans y ajouter de nombreuses conditions ou de formalités à l’échange. On retrouve également la pratique de la vente en lot pour les petits objets que l’on possède en grande quantité (CD/DVD) ce qui confirme bien le fait que les annonceurs souhaitent faire de la place et évacuer leurs objets le plus rapidement possible et de façon plus aisée. En effet, vendre ou donner un CD à la fois demande beaucoup plus de temps, même si les annonceurs pourraient y gagner davantage en termes pécunier en les vendant séparément. La mention des mots pour bricoleur ou à réparer témoigne d’une posture différente des annonceurs de cette classe comparativement à la classe 1, ou l’on observe qu’ils souhaitent davantage donner une seconde vie à leurs objets, qu’à s’en débarrasser coûte que coûte. CLASSE 5 La classe 5 est une classe d’effectif moyen puisqu’elle rassemble 15,5% des annonces globales. Le tableau suivant récapitule les informations relatives aux modalités des variables qui caractérisent les annonces de cette classe. TABLE 23. Caractéristiques de la classe 5 selon les variables Variables Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 P Don 252 927 27.18 132.10 1.424258e-30 Vente 212 1131 18.74 13.23 2.756812e-04 Ameublement 223 266 83.83 1025.69 4.678254e-225 Electroménager 45 89 50.56 85.29 2.583055e-20 Décoration 38 73 52.05 75.67 3.344935e-18 Bricolage 27 57 47.37 44.67 2.332961e-11 Vaisselle 27 80 33.75 20.65 5.514863e-06 Bureau 6 21 28.57 2.72 9.882446e-02 Bébé 31 157 19.75 2.20 1.380765e-01 Prix_5 52 162 32.10 35.46 2.600379e-09 Prix_0 281 1667 16.86 4.28 3.855716e-02 Prix_4 47 234 20.09 3.93 4.750799e-02 Rmoy_0 2 3 66.67 5.97 1.454763e-02 Rmoy_2 235 1369 17.17 4.57 3.251267e-02 Catégorie d'échange Type d'objet Tranche de prix Tranche de revenu Département 91 102 448 22.77 20.48 6.028457e-06 78 74 406 18.23 2.51 1.133662e-01 Tout d’abord, il convient de noter que cette classe comporte presque le même nombre d’annonces de ventes et de dons ce qui en fait une classe mixte sur le plan des échanges, un aspect intéressant dans notre analyse. D’autre part, la modalité la plus significative lorsque l’on regarde le Khi2 est la catégorie d’objet « Ameublement » qui est représentée à 83% dans cette classe. La catégorie « Electroménager » est également significativement présente, et dans une moindre mesure les catégorie « Bricolage », « Décoration », et « Vaisselle ». La variable tranches de prix se divise en deux catégories, les prix assez élevés, compris entre 20 et 100 euros et les prix non renseignés qui concernent les dons. Les autres variables ne sont pas significatives lorsque l’on regarde le Khi 2 mais la tranche de revenu entre 25 000 et 30 000, est représentée à près de 20%. On retrouve également davantage d’annonces dans les Yvelines et dans l’Essonne. Le tableau suivant présente le vocabulaire spécifique à cette classe. TABLE 24. Vocabulaire spécifique de la classe 5 Vocabulaire Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 P Modalités d'échange débattre 11 23 47.83 18.36 1.831975e-05 prix 37 192 19.27 2.14 1.436660e-01 règlement 5 7 71.43 16.67 4.452773e-05 livraison 9 18 50.00 16.34 5.287595e-05 enlever 7 11 63.64 19.42 1.049441e-05 retirer 36 122 29.51 18.76 1.482659e-05 enlèvement 6 9 66.67 17.94 2.275446e-05 rer 14 31 45.16 20.87 4.904887e-06 véhicule 14 17 82.35 58.03 2.580462e-14 indispensable 10 11 90.91 47.70 4.969475e-12 weekend 2 3 66.67 5.97 1.454763e-02 réservation 3 5 60.00 7.53 6.072651e-03 Modalités de contact NA Vocabulaire positif ou négatif rapidement 9 37 24.32 2.19 1.390101e-01 urgent 14 34 41.18 17.16 3.433814e-05 achetée 6 18 33.33 4.35 3.694628e-02 cause 28 41 68.29 87.87 6.981684e-21 déménagement 17 19 89.47 79.47 4.892733e-19 naissance 3 9 33.33 2.17 1.406754e-01 réparer 14 20 70.00 45.40 1.609880e-11 qualité 9 34 26.47 3.11 7.762273e-02 état 189 908 20.81 26.25 3.001634e-07 général 16 36 44.44 23.12 1.525104e-06 nettoyer 9 15 60.00 22.65 1.939702e-06 nettoyage 7 11 63.64 19.42 1.049441e-05 vieux 6 12 50.00 10.88 9.746726e-04 correct 5 10 50.00 9.06 2.616752e-03 usage 15 24 62.50 40.55 1.917822e-10 usée 3 4 75.00 10.77 1.030804e-03 déchirée 2 3 66.67 5.97 1.454763e-02 abime 5 6 83.33 21.02 4.551198e-06 confortable 7 12 58.33 16.77 4.210340e-05 idéal 14 39 35.90 12.43 4.231702e-04 Autre vocabulaire Comme on pouvait le suggérer avec la dominante de la catégorie Ameublement ou Electroménager dans cette classe, on voit apparaître un vocabulaire spécifique dans les modalités d’échanges qui se pratiquent le plus souvent par une remise en main propre. L’échange peut se faire au domicile de l’annonceur lorsque celui-ci mentionne « A retirer », ou « A enlever », ou bien parfois une livraison est possible, le mot « Livraison » apparaît 9 fois dans cette classe. D’autre part, la mention du prix et du mot « Débattre », semblent indiquer que les objets d’ameublement de valeurs relativement élevées mais qui ne sont pas aussi recherché que les objets multimédias, laissent les annonceurs ouverts à la négociation. Cela peut également s’expliquer lorsque l’on voit le vocabulaire « Rapidement » ou « Urgent » ainsi que les mentions de la cause de la vente « Déménagement », qui attestent que les annonceurs souhaitent se séparer rapidement de leur meuble et sont donc près à en négocier le prix pour faciliter la vente. Mais le caractère urgent de la vente lié à un déménagement est également valable dans le cas de dons, ce qui d’ailleurs peut être une motivation à donner ses meubles plutôt que de les vendre, pour trouver plus rapidement preneurs. Le caractère encombrant du mobilier en général peut expliquer la volonté des annonceurs de se séparer rapidement de ces objets. Cependant, sur ce point, on voit apparaître un vocabulaire autour de l’état des objets qui semble montrer que ces derniers sont bien souvent en état d’usage, même si d’autres mots peuvent mettre en valeur leur bonne conservation, la différence pouvant s’expliquer entre les annonces de dons et celles de ventes. L’analyse par segment de texte permet de compléter l’analyse des mots et de voir les éventuels contresens que l’on peut faire en prenant les mots à part. TABLE 25. Segments de textes caractéristiques de la classe 5 Modalités d'échange Etat de l'objet Vocabulaire +/- Autre vocabulaire Je donne Bon état général Photos sur demande Cause déménagement Je vends Très bon état N'hésitez pas à me contacter pour plus d'informations Cause double emploi Echange contre Parfait état Idéal pour A venir chercher sur place Etat neuf De marque Véhicule indispensable Jamais servi Lot de Pas de livraison A réparer Tapez pour voir mes autres ventes Livraison possible Etat d'usage Gare Peut encore servir Envoi possible ou rendez-vous Prix à débattre Pas de réservation En effet, on observe que le mot « Livraison » ne signifie pas forcément que l’annonceur accepte de livrer son objet, mais qu’il s’y oppose parfois lorsque la demande provient de l’intéressé. D’autre part, le vocabulaire sur l’état, qui apparaissait fréquemment de façon négative dans le premier tableau, signale que des segments de texte valorisant le bon état de l’objet apparaissent également dans cette classe. On peut repérer certaines phrases positives, notamment sur la disponibilité de l’annonceur à fournir des photos ou des renseignements aux intéressés. Pour résumer, cette classe, caractéristique des objets d’ameublement et d’électroménager, des objets volumineux dont on se sépare souvent lors de déménagement et qui peuvent facilement encombrer le domicile des annonceurs lorsqu’ils n’en ont plus l’utilité. Ainsi, ils sont plus enclin à s’en séparer rapidement, ce qui peut se faire soit en les donnant notamment lorsque les meubles ne sont pas dans des états irréprochables, soit en les vendant mais en étant ouverts à la négociation pour que l’échange se fasse le plus rapidement possible. Les annonceurs ne mentionnent donc pas de vocabulaire défensif ou de condition restrictive à l’échange, on peut donc conclure que le rapport de force est davantage en faveur de l’intéressé dans ce type d’échange, même dans les cas où il s’agit de don. CLASSE 6 La classe 6 est la plus importante des classe puisqu’elle représente 23,2% des annonces. Elle résulte selon le dendrogramme d’un troisième découpage et s’oppose aux classes 1, 2 4 et 5. Le tableau suivant récapitule ses caractéristiques selon les modalités des variables qui la composent. TABLE 26. Caractéristiques de la classe 6 selon les variables Variables Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 P 526 1131 46.51 519.81 4.663846e-115 Vêtements 362 445 81.35 972.49 1.716971e-213 Bébé 104 157 66.24 170.89 4.719076e-39 Accessoires 59 68 86.76 157.11 4.849529e-36 Catégorie d'échange Vente Type d'objets Bijoux 53 71 74.65 107.53 3.399895e-25 Hobbies 34 115 29.57 2.68 1.016676e-01 Prix_3 138 246 56.10 160.86 7.350562e-37 Prix_4 117 234 50.00 101.11 8.703871e-24 Prix_2 113 225 50.22 98.56 3.160333e-23 Prix_1 106 226 46.90 76.17 2.608917e-18 Prix_5 55 162 33.95 10.97 9.260728e-04 Rmoy_4 52 164 31.71 6.95 8.392081e-03 Rmoy_3 163 623 26.16 3.69 5.462864e-02 131 406 32.27 21.16 4.232760e-06 Tranche de prix Tranche de revenu Département 78 Cette classe est majoritairement composée d’annonces de ventes, puisqu’elle représente près de la moitié des annonces de ventes avec un Khi2 très important à 519. Concernant les types d’objets caractéristiques de cette classe, on retrouve en premier lieu les vêtements qui sont représentés à 81% dans cette classe avec un Khi2 très important à 972. Viennent ensuite les vêtements et accessoires pour bébé, les accessoires, et les bijoux qui chacun sont représentés presque aux trois quarts dans cette classe avec des Khi2 importants. Il s’agit donc majoritairement d’objets à caractère personnel. Les tranches de prix sont plutôt basses ce qui est logique compte tenu des objets vendus, et se situent entre 1 euros et 50 euros, la tranche 50 à 100 euros est néanmoins représentée à 30% dans cette classe. Les tranches de revenu des communes sont peu significatives pour caractériser cette classe, même si elles se situent davantage dans les communes plutôt riches, et l’on retrouve une surreprésentation du département des Yvelines qui est un département composé d’avantage de classes aisées. Voyons maintenant le vocabulaire spécifique à cette classe dans le tableau suivant. TABLE 27. Vocabulaire spécifique de la classe 6 Vocabulaire Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 P remise 110 187 58.82 140.72 1.856315e-32 main 129 230 56.09 149.52 2.203100e-34 propre 122 230 53.04 123.11 1.322307e-28 Modalités d'échanges retrait 8 19 42.11 3.82 5.074199e-02 45 113 39.82 18.05 2.147844e-05 124 316 39.24 50.16 1.415169e-12 possible 78 236 33.05 13.73 2.109873e-04 postal 24 39 61.54 32.47 1.211047e-08 lettre 16 27 59.26 19.81 8.548111e-06 colissimo 21 26 80.77 48.64 3.070870e-12 minimax 5 5 100.00 16.55 4.744945e-05 frais 61 167 36.53 17.42 2.988712e-05 port 37 100 37.00 10.96 9.319317e-04 possibilité envoi supplément 20 31 64.52 29.90 4.538729e-08 prix 69 192 35.94 18.44 1.751505e-05 hésitez 24 67 35.82 6.08 1.370040e-02 renseignement 14 21 66.67 22.36 2.265456e-06 6 10 60.00 7.60 5.826366e-03 achat 24 58 41.38 10.90 9.614872e-04 achetée 10 18 55.56 10.60 1.129219e-03 marque 185 283 65.37 307.90 6.266701e-69 authentique 15 23 65.22 22.89 1.713729e-06 original 56 133 42.11 27.67 1.440033e-07 contrefaçon 16 30 53.33 15.38 8.788546e-05 taper 79 179 44.13 46.34 9.945411e-12 Modalités de contact NA Vocabulaire positif ou négatif affaire Autre vocabulaire consulter 17 21 80.95 39.48 3.315501e-10 voir 56 166 33.73 10.81 1.011433e-03 annonce 52 152 34.21 10.76 1.034961e-03 vente 48 132 36.36 13.29 2.668268e-04 qualité 14 34 41.18 6.20 1.275787e-02 parfait 4 8 50.00 3.22 7.265520e-02 magnifique 8 14 57.14 9.07 2.604892e-03 impeccable 11 23 47.83 7.86 5.067572e-03 petit 63 199 31.66 8.43 3.698252e-03 très 162 379 42.74 91.28 1.245620e-21 bon 196 619 31.66 30.30 3.695401e-08 état 286 908 31.50 47.80 4.718037e-12 neuf 147 522 28.16 8.43 3.687170e-03 joli 28 42 66.67 45.00 1.974027e-11 excellent 44 87 50.57 37.45 9.384332e-10 superbe 12 16 75.00 24.16 8.869457e-07 véritable 10 10 100.00 33.14 8.555737e-09 idéal 14 39 35.90 3.55 5.955585e-02 jamais 48 109 44.04 27.35 1.698514e-07 portées 15 16 93.75 44.83 2.150500e-11 étiquette 15 17 88.24 40.48 1.981982e-10 Les modalités d’échange révèlent que la suite de mot « Remise en main propre » est représentée tout de même à 50% dans cette classe, mais on retrouve tout un ensemble de vocabulaires relatif à l’envoi postal qui est très bien représenté dans cette classe également, le mot « envoi » est représenté à 40% dans cette classe par exemple, et l’on retrouve toutes les modalités d’envoi : lettre, colissimo, minimax, dont l’envoi par colissimo semble privilégié puisque ce mot est représenté à 80% dans cette classe. En effet, ce type d’envoi permet un suivi de l’objet sur le site en ligne de la poste, tandis que l’envoi par lettre ou par colis minimax ne permet pas de suivi, donc ils offrent moins de garanties à l’acheteur de suivre le colis et de prouver que l’annonceur a bien envoyé l’objet. On retrouve également une catégorie de vocabulaire sur le thème de la confiance avec les mots comme « original », « authentique », qui montre que les vêtements de marque sont très souvent vendus sur le site, comme le montre la fréquence très élevée du mot « marque », présent 185 fois dans les annonces et à 80% parmi les annonces totales. On peut noter également toute une panoplie de vocabulaires mettant en avant l’objet « Magnifique », « Impeccable », « Superbe » « Joli », illustrant le fait que ces annonces sur des objets plutôt personnels que sont les vêtements et les accessoires, sont vendus de façon davantage « commerciale » que les autres objets plus neutres, pour lesquels les intéressés attendent davantage de garanties techniques, ou bien simplement des informations sur l’état de l’objet. Les mots « Tapez » et « Consultez », sont très présents dans cette classe, ce qui révèle que la stratégie du pseudonyme pour accéder à l’ensemble des annonces du vendeur est particulièrement pratiquée pour les annonces de vêtements. Ainsi, les vêtements et accessoires se vendent souvent par quantité, ce qui révèle que l’on se sépare souvent de ces biens en « faisant le vide » dans son dressing. Enfin on retrouve un vocabulaire plutôt positif avec les mots « hésitez », qui sous tend la formule « n’hésitez pas pour toutes questions », et témoigne de l’ouverture des annonceurs dans le cadre de la vente de ces biens particuliers que sont les vêtements et accessoires, pour fournir des renseignements sur les mesures, l’état de l’objet etc… Le tableau suivant relatif aux segments de texte caractéristiques confirme les informations fournies par les statistiques sur les mots. TABLE 28. Segments de textes caractéristiques de la classe 6 Modalités d'échanges Modalités de contact Remise en main propre Me contacter par mail Etat de l'objet Vocabulaire +/- Autre vocabulaire Très bon état Très beau Idéal pour Envoi possible Excellent état Très joli De la marque Envoi en colissimo avec numéro de suivi Neuf jamais porté Excellente qualité Produit original Ce n'est pas une contrefaçon Tapez pour voir mes autres ventes Très peu porté N'hésitez pas à me contacter pour plus d'information Frais de port en supplément A nettoyer Photos sur demande Retrait sur place ou envoi possible Sans trous ni taches D'autres articles disponibles Possibilité de remise en main propre Pas d'envoi Maison non fumeur et sans animaux Remise sur les prix si plusieurs achat Envoi en lettre verte sans suivi Echange contre Paiement en espèce En effet, on retrouve les deux possibilités d’échange, l’envoi ou la remise en main propre qui ne sont parfois pas exclusifs l’un de l’autre comme le montre la formule « Retrait sur place ou envoi possible ». On retrouve les formules positives mettant en valeur l’objet, son état etc. On voit également que l’utilisation du pseudonyme pour accéder au « dressing » de l’annonceur peut s’accompagner de pratiques commerciales comme le signale la formule « Remise sur les prix si plusieurs achats ». Pour résumer les caractéristiques de cette classe, nous pouvons constater que pour ces objets de faible volume, l’envoi postal semble assez couramment pratiqué ce qui témoigne d’une certaine confiance dans l’échange et qui peut s’expliquer par la relativement faible valeur des objets échangés. En effet, il n’y a pas particulièrement d’intérêt à tromper l’un ou l’autre des partenaires lorsque l’enjeu pécunier est faible comme l’atteste les tranches de prix auxquelles sont généralement vendus les vêtements et accessoires. La problématique de la confiance se retrouve dans l’assurance de l’authenticité des produits vendus qui sont très souvent des marques, comme nous l’avions remarqué en première partie de ce mémoire. Les caractéristiques de cette classe dénotent un certain caractère plus « commercial » dans l’échange que d’autre annonces plus neutres, notamment par rapport aux classes 1,2 4 et 5, où l’on voit que les annonceurs mettent plus souvent en valeur leurs objets, et incitent les intéressés à acheter plusieurs choses en même temps en pratiquant des réductions dans le cas de plusieurs achats comme le font de nombreux magasins dans le cadre de promotions commerciales. CLASSE 7 La classe 7 représente le plus petit effectif en volume d’annonces puisqu’elle représente 6,2% des annonces totales. Cependant, lorsque l’on regarde les analyses factorielles présentées plus haut, nous avions remarqué que cette classe se distinguait fortement des autres sur l’axe horizontal. D’autre part, selon le dendrogramme, la classe 7 résulte du deuxième découpage, ce qui signifie qu’elle s’est opposé distinctement aux autres dans les premières étapes de la classification. Le tableau suivant présente les principales caractéristiques de cette classe selon les modalités des variables. TABLE 29. Caractéristiques de la classe 7 selon les variables Variables Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 P 159 1278 12.44 138.43 5.860809e-32 Collection 133 190 70.00 1408.87 2.487070e-308 Jeux 55 227 24.23 135.96 2.035770e-31 Prix_0 169 1667 10.14 88.56 4.942948e-21 Prix_1 26 226 11.50 11.70 6.257617e-04 Rmoy_2 114 1369 8.33 17.97 2.247556e-05 Rmoy_4 17 164 10.37 5.13 2.350726e-02 Dep_95 36 336 10.71 13.05 3.027092e-04 Dep_94 31 279 11.11 12.59 3.874936e-04 Dep_91 38 448 8.48 4.61 3.177640e-02 Catégorie d'échange Troc Type d'objet Tranche de prix Tranche de revenu Département Cette classe est majoritairement composée d’annonces de troc, avec un Khi 2 important, même si elles ne représentent que 12% des annonces de troc. Lorsque l’on regarde les types d’objets caractéristiques, on constate qu’il s’agit majoritairement d’annonces d’objets de collection et de jeux, représentant respectivement 70% et 24% des annonces de leur catégorie avec des Khi2 importants. Contrairement à la classe 3 qui représentait également le troc, les tranches de prix majoritaires sont les tranches où le prix n’est pas renseigné et où le prix est compris entre 1 et 5 euros. Il s’agit donc de petits objets de collection, et lorsque l’on regarde plus en détail le contenu des annonces, les objets échangés sont très souvent des cartes, des timbres, des magnets. Les individus possèdent des collections d’objets de très faible valeur, voir obtenus gratuitement dans les magasins proposant les magnets (collection associées à certains produits commerciaux) qu’ils souhaitent compléter. Nous avons observé en lisant les annonces que parfois l’annonceur mettait en ligne son objet de collection pour son enfant, ils s’agit donc bien souvent d’objets collectionnés par les enfants. Les tranches de revenu des communes se situent davantage dans les communes à revenu moyen, entre 20000 et 30000 euros moyen pour la commune et plus souvent dans les départements 95 et 94. Nous pouvons également faire la remarque que ces objets troqués s’opposaient sur les deux axes de l’analyse factorielle à la classe 3 qui était caractérisée également par des objets troqués mais par des objets multimédias. Les départements d’où proviennent ces annonces ne sont également pas les mêmes que les trocs pratiqués dans la classe 3. Le tableau suivant récapitule le vocabulaire spécifique à cette classe. TABLE 30. Vocabulaire spécifique de la classe 7 Variables Effectif dans la classe Effectif total Pourcentage Khi2 P 27 45 60.00 226.81 2.952229e-51 Modalités d'échange prévoir frais 43 167 25.75 115.37 6.524332e-27 port 30 100 30.00 100.29 1.315450e-23 envoi 49 316 15.51 51.89 5.875095e-13 poste 13 41 31.71 46.39 9.709740e-12 enveloppe 8 12 66.67 75.65 3.394767e-18 timbrée 2 6 33.33 7.60 5.834524e-03 affranchir 5 5 100.00 75.69 3.313536e-18 tarif 13 19 68.42 127.09 1.774488e-29 remise 22 187 11.76 10.52 1.180068e-03 main 22 230 9.57 4.79 2.858539e-02 propre 25 230 10.87 9.24 2.374122e-03 6 30 20.00 9.90 1.654292e-03 cordialement 10 88 11.36 4.13 4.206248e-02 merci 26 224 11.61 12.04 5.206284e-04 moteur 28 37 75.68 310.26 1.917915e-69 annonce 48 152 31.58 176.18 3.313820e-40 taper 47 179 26.26 130.68 2.915967e-30 liste 17 31 54.84 127.16 1.709781e-29 compléter 6 10 60.00 49.87 1.640482e-12 série 55 71 77.46 632.95 1.143678e-139 collection 17 47 36.17 73.55 9.822663e-18 collector 4 4 100.00 60.54 7.223210e-15 collectionneur 3 13 23.08 6.38 1.152016e-02 doublon 2 3 66.67 18.86 1.406519e-05 Modalités de contact réponds Vocabulaire positif ou négatif Autre vocabulaire manquer 9 40 22.50 18.47 1.725425e-05 proposer 16 60 26.67 43.95 3.363297e-11 identique 2 6 33.33 7.60 5.834524e-03 Nous pouvons noter tout d’abord dans les modalités de l’échange que l’envoi postal semble très fréquent pour ce type d’échange contrairement au troc de la classe 3 pratiqué sur des objets de valeur. On voit une nouvelle pratique d’échange qui est l’envoi d’une enveloppe affranchie au nom du destinataire pour permettre à l’annonceur d’envoyer ses objets à échanger. Ainsi, comme pour les autres échanges sur des objets de faible valeur, la confiance est très présente dans l’échange puisqu’il n’y pas d’enjeux pécuniers. On retrouve également un vocabulaire positif avec les mots « Cordialement » et « Merci » assez présents dans cette classe compte tenu du faible effectif de la classe. Et à l’inverse une absence de vocabulaire négatif, ou de conditions restrictives à l’échange. On voit que ces collections sont souvent très grandes comme l’illustre les mots « Série », « Liste ». Les annonceurs possèdent des doublons et des objets manquants, c’est sur ces deux éléments que se réalise le troc. La pratique des pseudonymes pour accéder aux autres annonces est également assez fréquente dans le cadre de ces échanges. Le tableau suivant présente les segments de texte caractéristiques de la classe, mais n’apporte pas plus d’informations que le tableau sur les mots. TABLE 31. Segments de textes caractéristiques de la classe 7 Modalités d'échange Modalités de contact Prévoir frais de port si envoi par courrier Je réponds vite aux mails, merci Vocabulaire +/- Autre vocabulaire Cordialement Pour voir mes autres annonces tapez Enveloppe retour affranchie Image manquante Remise en main propre ou envoi possible Série complète En double Pour résumer les caractéristiques de cette classe, on pourrait qualifier ces échanges sous les termes d’une simplicité et cordialité dans l’échange et d’une confiance réciproque, liés non seulement au fait qu’il s’agit d’un troc et non d’une vente, mais également parce que les objets échangés n’ont quasiment pas de valeur monétaire. 2 .1.3 Typologie Nous allons maintenant tenter de réaliser une typologie des petites annonces selon les différents critères dégagés dans l’analyse précédente. Cette analyse sera réalisée selon les éléments qui nous intéressent à savoir les modalités et les formes de l’échange, qui laissent transparaître la problématique de la confiance, mais également d’autres éléments qui peuvent caractériser ces différentes formes d’échange. L’analyse détaillée des annonces par classification nous a permis de repérer tout un ensemble de vocabulaires décrivant la façon dont se déroulent les échanges et la posture de l’annonceur dans l’échange. Pour résumer ces différents éléments, nous avons pu repérer tout d’abord la question des modalités d’envoi, qui peuvent se faire soit par la poste, soit par remise en main propre au domicile de l’annonceur, soit à un endroit arrangeant les deux partenaires. Ces différentes modalités concrètes d’échange de l’objet reflètent non seulement la question de la confiance entre les partenaires, l’envoi postal étant une possibilité qui révèle une certaine confiance de l’intéressé vis à vis de l’annonceur. Mais elles reflètent également dans une moindre mesure la question du rapport de force entre annonceur et intéressé, notamment lorsque l’échange se fait uniquement au domicile de l’annonceur trahissant un rapport de force en faveur de ce dernier. Ensuite viennent l’ensemble du vocabulaire sur les conditions de jours, et parfois d’heures précises auxquelles doivent se dérouler l’échange. Nous retrouvons également la mention de conditions d’un langage maîtrisé pour s’adresser à l’annonceur, ou bien encore la mention spécifique d’un destinataire souhaité de l’objet. Ces éléments reflètent un rapport de force annonceur/consommateur en faveur de l’annonceur. A l’inverse le vocabulaire de mise en garde sur le sérieux des intéressés s’oppose au vocabulaire de politesse et d’ouverture de l’annonceur, ce qui révèle que le rapport de force peut également se trouver en faveur de l’intéressé. A ce sujet on retrouve dans certaines annonces une série de vocabulaire et de formules que l’on pourrait qualifier de « commerciales », notamment lorsque l’annonceur décrit son objet avec des mots très valorisant, qu’il fait référence à la valeur d’achat de son objet, ou encore qu’il propose des réductions si l’intéressé lui achète plusieurs objets etc.. Ce côté commercial se retrouve également dans les annonces ou l’annonceur est prêt à fournir des renseignements ou des photos supplémentaires sur l’objet. A l’inverse, le côté commercial peut s’opposer à certaines annonces dans lesquelles les annonceurs souhaitent non pas « faire de l’argent » mais se débarrasser de leurs objets et parfois au plus vite. C’est le cas notamment lors de la mention de la cause de la vente par exemple pour les déménagements où le temps fait défaut à l’annonceur pour pouvoir vendre son objet. Nous pouvons le retrouver également pour la vente ou le don en lot, dénotant le fait que les annonceurs souhaitent se séparer d’un grand nombre d’objets à la fois. Enfin la problématique de la confiance que nous avons évoquée plus haut se retrouve également dans les différentes modalités de paiement. On voit que le paiement en espèce ou par le site Paypal, sont les modes de paiement les plus sûrs, tandis que le paiement par chèque est moins sécurisé du fait du risque de chèque en bois. Ce dernier mode de paiement révèle donc une certaine confiance entre les deux partenaires dans l’échange tandis que les deux premiers révèlent la volonté de prendre des précautions supplémentaires dans l’échange. D’autres éléments présent dans les annonces sont relatifs à la confiance comme la mention de vocabulaire garantissant la qualité de l’objet, la présence de facture, de garantie du fournisseur, la présence de l’emballage d’origine etc.. En dehors de ces mentions sur des garanties concrètes, le vocabulaire mentionnant le sérieux de l’annonce ou encore affirmant le bon état de l’objet, sont des garanties orales qui révèlent la volonté de l’annonceur d’introduire de la confiance dans l’échange. Ainsi, pour réaliser la typologie de ces petites annonces, nous pouvons résumer ces éléments en deux axes à la manière d’une analyse factorielle que nous allons schématiser graphiquement. Tout d’abord un premier axe relatif à la confiance dans l’échange, nous opposerons les annonces dans lesquelles les partenaires se font confiance aux annonces où l’annonceur prend des mesures de précaution. D’autre part, ce même axe peut se coupler à la question de l’ouverture dans l’échange, au dialogue notamment, les vocabulaires de politesse, la disponibilité de l’annonceur pour faciliter l’échange, qui s’opposent au vocabulaire de mise en garde. Enfin nous pouvons dégager un deuxième axe relatif au rapport de force entre les partenaires de l’échange, lorsqu’il est plus ou moins en faveur de l’un ou de l’autre selon les critères mentionnés plus haut. On peut également joindre à cet axe l’opposition entre les annonces plus commerciales, dans lesquelles l’annonceur met en avant son objet, sa valeur, ou le rapport de force est en faveur de l’annonceur, et les annonces plus neutres où l’annonceur souhaite avant tout se débarrasser de son objet, dans ce cas le rapport de force est davantage en faveur de l’intéressé. Le graphique suivant synthétise les différents éléments dégagés de l’analyse par classification en les ordonnant selon les axes que nous avons mis en avant plus haut. FIGURE 12. Schéma synthétique de la typologie par axe. Pour analyser ce schéma, nous pouvons procéder classe par classe en justifiant la position de chacune sur le graphique. Tout d’abord, la classe 1 composée majoritairement de dons d’objets divers, a été positionnée en bas à droite du graphique. Le rapport de force est en faveur de l’annonceur car nous avons distingué dans cette classe les éléments comme la précision de nombreuses conditions à l’échange, un échange qui se déroule majoritairement à domicile bien que les objets soient de faibles volumes, ainsi que certaines injonctions comme le fait que l’échange doit se dérouler rapidement sous menace de finir à la poubelle, les mentions « Non sérieux s’abstenir », ou encore la mention de destinataire privilégié pour l’objet. Cette classe montre que le don d’objet divers, motivé souvent par la volonté de faire le vide des objets inutiles dans sa maison, ne se déroule pas forcément toujours de façon agréable pour les partenaires de l’échange. On peut voir que l’annonceur prend des précautions et mentionne des conditions précises ce qui peut révéler qu’il a connu auparavant de mauvaises expériences avec des donataires. Ces objets divers qui sont donnés ne suscitent peut être pas un intérêt très grand comparativement à du mobilier par exemple qui sur une échelle d’utilité est bien plus attractif pour les donataires et peuvent donc peut être mener à un moindre engagement dans l’échange de la part du donataire. Ceci pouvant expliquer les précautions et la moindre confiance qui peuvent régner dans ce type d’échange. La classe 2 qui concerne des annonces de vente d’objets divers a été positionnée plus au centre du graphique. Ceci s’explique par le vocabulaire plus commercial que l’on retrouve dans cette classe avec une certaine mise en avant des objets, souligné par le fait de mettre des liens vers les autres annonces du vendeur, ou encore la présence de formules positives sur la possibilité de renseigner l’intéressé sur l’objet. Mais on retrouve une certaine distance dans les modalités de contacts qui se font majoritairement par mail pour ces types d’objets et d’échange. Ainsi, cette classe montre que l’échange est assez neutre, le rapport de force n’est pas particulièrement distinctif puisqu’il s’agit d’objets à faibles enjeux, qui ne sont pas particulièrement utiles ou bien n’ont pas une grande valeur monétaire ou encore une grande attractivité sur le plan technologique ou de la mode. Les modalités d’échanges sont très variées ce qui montre l’ouverture des annonceurs à ce qui peut arranger l’intéressé, sans poser de conditions très précises dans l’échange. La classe 3 qui concerne la majorité des annonces de trocs d’objets multimédias a été positionnée à droite du graphique, dans la partie haute. Le positionnement au milieu sur l’axe de la confiance s’explique par le fait que ce type d’échange se caractérise par un certain vocabulaire visant à rassurer les intéressés, comme la mention de la présence de facture et de garantie, mais également à rassurer l’annonceur par rapport à d’éventuels intéressés mal intentionnés. En effet, les modalités d’échanges se font généralement par remise en main propre car l’envoi postal est plus risqué pour des objets de grandes valeurs, ainsi que dans le cadre d’un troc ou les règles d’envoi sont moins établies que dans le cadre d’une vente. Nous avons positionné cette classe à droite du graphique sur le plan du rapport de force car l’annonceur est le premier à proposer l’objet et attend en retour des objets de qualités équivalentes, il est donc au courant de l’état de son objet et prend des précautions car il ne dispose que de peu d’informations sur l’objet que l’intéressé va lui proposer. Cet échange qui est néanmoins caractérisé par la réciprocité explique néanmoins la présence d’un vocabulaire positif, et ouvert, avec la présence de formules de politesse visant à ce que la communication se déroule bien, tout comme le montre le fait que le contact par téléphone est souvent privilégié dans cette classe. Ainsi, nous pourrions qualifier ce type d’échange de cordial mais sécuritaire avec un rapport de force penchant davantage en faveur de l’annonceur malgré la réciprocité propre au troc. La classe 4 se compose majoritairement d’annonces de dons et de façon marginale d’annonces de ventes, d’objets à caractère technologique, mais souvent dépassés ou en mauvais état ou bien encore des CD ou DVD à faibles valeurs et possédés en grande quantité. Nous avons placé cette classe à gauche du graphique sur le plan du rapport de force car elle est composée souvent de vente en lot, montrant que les individus souhaitent se débarrasser le plus possible de leurs objets et le plus rapidement possible. Nous avons positionné cette classe plutôt en haut sur l’axe de la confiance, car les annonces mentionnent la possibilité d’un envoi par la poste. Les mentions « Pour bricoleurs » ou « A réparer », présent dans cette classe révèlent l’honnêteté des annonceurs, leurs faibles attente vis à vis des intéressés. Ils souhaitent trouver preneur, même s’ils ne sont pas pressés de s’en débarrasser du fait du caractère peu encombrant de ces objets. Contrairement à la classe 1 où les annonces de dons étaient très défensives, cette classe est plutôt ouverte au dialogue, et l’échange semble se dérouler plus facilement. Les motivations à se débarrasser de ces objets peuvent expliquer la différence, peut être des motivations écologique lorsque les individus souhaitent donner une seconde vie à leur objet en les proposant à quelqu’un sachant les remettre en état de marche, ou encore la volonté de faire de la place dans ses étagères dans le cadre des CD ou DVD, mais sans forcément avoir envie de les jeter à la poubelle s’ils ne trouvent pas preneur rapidement. La classe 5 composée d’annonces de dons et de ventes, mais principalement d’objets d’ameublements, a été placée en haut à gauche du graphique. Le placement à gauche sur le plan du rapport de force s’explique par le fait que bien souvent ces annonces, que ce soit pour le don ou la vente sont mises en ligne par les annonceurs avec l’intention de s’en débarrasser le plus rapidement possible du fait du caractère encombrant des objets mobiliers. Dans le cadre des dons, les objets mobiliers sont souvent en mauvais état, mais peuvent servir à des personnes souhaitant se meubler sans trop de frais, les annonceurs souhaitent donc trouver preneur au plus vite. Dans le cadre des ventes, le mobilier est logiquement plus souvent en meilleur état, mais les annonceurs mentionnent la possibilité de débattre le prix, pour faciliter la vente et se séparer du bien au plus vite, parfois même certains proposent de livrer le mobilier. Sur le plan de la confiance, cette classe a été placée en haut du graphique car les annonces comportent des formules d’ouverture, notamment à fournir des renseignements ou photos supplémentaires à l’annonceur. D’autre part, l’échange se déroule souvent au domicile de l’annonceur ce qui témoigne d’une certaine confiance et ouverture même si le type d’objet mobilier est plutôt contraint à une remise en main propre au domicile de l’annonceur. Ainsi, on peut qualifier les échanges dans cette classe d’ouvert, où l’intéressé est davantage en position de force, même si les mobiliers ont une utilité plus grande que les petits objets divers vendus ou donnés. Cela s’explique principalement par le motif de la séparation de ces biens ainsi que par la nature encombrante des biens mobiliers qui incite les annonceurs à vouloir s’en séparer rapidement. La confiance dans l’échange peut également s’expliquer par l’attractivité du mobilier qu’il soit donné ou vendu (notamment si le prix est négociable), qui montre que ces biens sont probablement donnés plus facilement et plus rapidement que d’autres biens moins recherchés, tout comme ils peuvent être vendus plus rapidement que d’autres objets moins utiles et moins durable, comme par exemple les vêtements, accessoires ou autres objets divers. On peut donc conclure que les échanges dans cette classe se déroulent facilement et se déroulent probablement davantage dans un climat de confiance que pour l’échange d’autres types de biens. La classe 6 composée majoritairement d’annonces de vente et d’objet de type vêtements et accessoires a été placée en haut du graphique et plutôt à droite. Le placement en haut du graphique s’explique par la fréquence de la possibilité d’envoi postal dans les annonces de vente de vêtements et accessoires qui témoignent d’une certaine confiance dans l’échange. La confiance est également recherchée avec un vocabulaire garantissant la qualité et l’authenticité de l’objet. Le placement à droite du graphique s’explique par le caractère assez commercial que l’on retrouve dans le vocabulaire et les formules de ces annonces. Le rapport de force est davantage en faveur de l’annonceur qui propose l’objet à la vente et n’est pas dans une situation d’urgence pour se séparer de ses objets. Le fait de faire le vide dans son dressing n’implique pas forcément que l’on souhaite à tout prix se débarrasser de ses biens au plus vite car ils peuvent être stockés facilement. Mais également parce que la vente de ces biens qui se situent dans des tranches de prix moyens, peut représenter une manne financière conséquente pour l’annonceur, et ce sont des biens souvent vendus en grande quantité comme le révèle l’utilisation fréquente des pseudonymes pour accéder à l’ensemble des ventes de l’annonceur. Cela montre ce dernier souhaite néanmoins tirer une certaine somme d’argent de ses biens mis en vente, comme le révèle le fait que les vêtements vendus sont bien souvent des vêtements de marque. La possibilité de faire des réductions sur ces biens à un caractère davantage commercial que la mention prix à débattre dans la classe 5 puisque les réductions s’appliquent si les intéressés achètent plusieurs objets à l’annonceur. Enfin la classe 7 composée d’annonces de troc d’objets de collection ou de jeux a été placée en haut et au milieu du graphique. La présence en haut du graphique sur l’échelle de la confiance s’explique tout d’abord par les modalités d’échanges avec la pratique de l’enveloppe préaffranchie qui témoigne d’une confiance réciproque dans l’échange et d’une simplicité à réaliser ce type d’échange de biens de faible volume ( carte, magnets, etc..). La confiance et l’ouverture dans l’échange est également liée au vocabulaire positif et aux formules de politesse souvent présentes dans ces échanges, tout comme ils l’étaient dans la classe 3 pour le troc d’objets multimédias. Mais contrairement à la classe 3 cette classe a été placée au centre du graphique sur l’échelle du rapport de force et en haut sur le plan de la confiance car on pourrait qualifier ce troc d’une réciprocité presque parfaite, l’annonceur est autant demandeur que le consommateur pour compléter sa collection et il n’y a aucun enjeu monétaire dans la réalisation de cet échange pouvant jouer dans un potentiel facteur de risque à l’échange. Ainsi, on peut qualifier cette classe d’une certaine simplicité dans l’échange et d’une parfaite réciprocité et confiance entre les deux partenaires. Pour conclure sur l’analyse textuelle des petites annonces, on peut voir des différences dans la façon dont se déroulent les échanges selon leur type, mais également selon la catégorie d’objet mis en ligne. En effet, la question de la réciprocité dans l’échange entre en jeu, mais dépend également de la valeur de l’objet mis en ligne, de la disposition dans laquelle se trouve l’annonceur pour se séparer de son objet. Les motivations qui président à la séparation du bien, la nature du bien et son encombrement, sont autant de motifs qui vont influer sur la façon dont se passer l’échange, notamment si l’annonceur est pressé pour des raisons personnelles (déménagement) ou économiques (besoin d’argent). Nous avons pu ainsi dégager dans la typologie des petites annonces deux axes d’opposition des petites annonces, qui sont relatifs d’une part au rapport de force entre annonceur et intéressé, mais également au climat de confiance qui règne plus ou moins dans l’échange. Les trois types d’échange ne s’opposent pas de façon catégorique selon ces critères, mais un ensemble de combinaison de critère permet d’analyser la façon dont se déroulent les échanges. Ces distinctions que l’on a dégagées par l’analyse quantitative mettent en lumière des questions touchant à la nature propre des échanges étudiés, et aux caractéristiques spécifique de ces échanges informels qui sortent des cadres traditionnels des échanges de biens. C’est ce que nous allons étudier de façon plus théorique dans la prochaine partie. 2 .2 Analyse qualitative des échanges Dans cette partie, nous allons analyser davantage sur un plan qualitatif la façon dont se déroulent les échanges. Par un travail mêlant l’analyse des forums et les lectures bibliographique, nous allons tenter d’approfondir les logiques qui animent ces échanges et qui peuvent éclairer l’analyse statistique que nous avons réalisée précédemment. 2.2.1 La symétrie dans l’échange Dans cette étude comparative sur les trois types d’échange, nous pouvons discerner comme point commun une interrogation sur la symétrie dans l’échange qui engendre des configurations particulières d’échange et un rapport de force spécifique entre annonceur et intéressé. Dans le cadre de la vente, le retour est monétaire, dans le cadre du troc, le retour est matériel, mais peut également s’accompagner d’un complément monétaire. Ces relations sont donc en quelque sorte « symétriques ». A l’inverse, le don est a priori un échange asymétrique puisqu’il n’exige pas officiellement de contrepartie, tout du moins dans le cadre de ces dons pratiqués sur Internet. Cette absence de symétrie dans le cas du don va tout particulièrement interroger cette question du rapport de force entre donateur et donataire et influer sur la manière dont va se dérouler l’échange. L ’asymétrie du don Le don n’implique donc a priori aucune contrepartie, mais dans le cadre des échanges par le biais de ces sites internet, la particularité est que les individus se rencontrent au moment de la remise en main propre. Ainsi contrairement aux dons réalisés par l’intermédiaire des associations, le don par remise en main propre suppose une relation plus personnelle qui sort donc de l’anonymat. De cette particularité découle un rapport de force spécifique entre annonceur et intéressé lié à l’asymétrie du don et interroge la question de la dignité du donataire lors de l’échange. L’extrait du forum cité page 46 illustre bien cette question de la dignité dans le cas particulier du don. En effet, selon le répondant, vendre à petit prix permet de ne pas « faire l’aumône » ou ne pas laisser croire que nous sommes dans le besoin. Cette situation peut se retrouver particulièrement dans certaines annonces de don ou les annonceurs mentionnent qu’ils préfèrent donner à des personnes dans le besoin ou des étudiants. Encore faut-il être en mesure de justifier de sa condition économique pour être « digne » de recevoir le don. Cela rappelle les analyses de Laurence Fontaine44 sur l’économie aristocratique du don qui menait à des situations où les personnes en difficultés économiques devaient faire figure du « bon pauvre » qui doit « mériter » l’assistance. La question se pose alors pour les donataires de savoir comment justifier de sa condition économique, et le moment de la justification qu’elle se fasse par email ou au moment de l’échange est un moment délicat pour la dignité de la personne. La pratique de don est donc connotée pour certains comme une pratique de charité et peut être un frein pour certains donataires qui préfèrent acheter des objets à bas prix plutôt que les recevoir en don sans contrepartie. En effet, l’asymétrie de ce type d’échange engendre en quelque sorte une dette ou un sentiment d’obligation envers le donateur qui n’est pas supportable pour tous, même si cette dette en quelque sorte peut s’effacer par une « conduite » de politesse comme l’affirment un grand nombre de donateurs sur le forum Recup.net. Florence Weber en analysant les différentes formes de l’échange45, montre qu’un échange peut être caractérisé également par un échange de mot, dans ce cas, il s’agirait d’un remerciement ou de politesse en contrepartie de la récupération de l’objet. Cependant, comme l’illustre Laurence Fontaine dans son analyse de la pièce Timon d’Athènes, un des personnage refuse un don de ce noble Timon : « je me fiche bien de ta nourriture : elle m’étoufferait car je ne saurais te payer de flatteries », l’auteure montre que la réciprocité du don par un retour de politesse n’est pas forcément suffisante pour faire de ce type d’échange un échange réciproque et maintient donc le don comme un échange inéquitable engendrant un rapport de pouvoir du donateur envers le donataire. Laurence Fontaine souligne que dans l’économie du don aristocratique, la dette de reconnaissance lors de don amicaux entre noble ne doit pas conduire à un abaissement de la dignité entre les deux protagonistes. Cela révèle bien que cette dette de reconnaissance à laquelle sont obligés les donataires envers les donateurs peut comporter des ambiguïtés, notamment 44 Fontaine L. « L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle », Gallimard, 2008 45 Weber F., « Forme de l’échange, circulation des objets et relations entre les personnes. » Hypothèses, P 287 à 298. 2001. dans la forme qu’elle doit prendre, est ce qu’un simple merci suffit ? Les attentes de conduite de reconnaissance des donateurs lors de l’interaction pendant l’échange peuvent varier selon les individus et générer des situation parfois délicates comme le témoigne les nombreux sujets sur le forum Recup.net, où les donateurs se plaignent de la conduite des donataires. Le reportage cité plus haut illustre cet enjeu particulier posé dans le don sur Internet qui est la rencontre en face à face par laquelle peut se jouer un rapport de force lié à cette asymétrie de l’échange et à la personnalisation du don. En effet, dans la pratique des boites d’échange de voisinage46, les individus ne se rencontrent pas en face à face, et ce détail semble avoir une grande importance. En effet, un interviewé témoigne le fait qu’il ne souhaite pas rencontrer la personne qui récupère son objet, et serait lui même gêné d’être vu prendre un objet dans cette boîte. L e modèle du don contre-don sur Internet Ce reportage sur les boites d’échange de voisinage montre également un élément intéressant ou un interviewé déclarait qu’il ne se sentirait gêné de prendre quelque chose dans la boite s’il n’y déposait pas lui même un objet en retour. Cela fait penser à une forme intéressante de contrepartie qui a pu être observée sur le site Donnons.org, liée au fonctionnement de cette plateforme. En effet, sur ce site, les individus donateurs ou donataires accèdent au profil de la personne avec qui ils échangent. Ce profil contient certaines informations, notamment sur les activités de la personne en question, si elle a déjà donné par l’intermédiaire de ce site, ou si elle a plutôt reçu des dons. Nous avons pu observer dans les annonces de don sur ce site une information intéressante donnée comme condition de l’échange par certains donateurs, celle de donner également par l’intermédiaire du site. Dans l’annonce, cette contrepartie se présente sous la forme d’une injonction « Priorité aux donneurs » ou bien « Je donne à ceux qui donne ». Ainsi, lorsque le donateur reçoit des demandes pour venir récupérer son objet, il/elle réalise un tri selon le profil, et en l’occurrence, ce tri correspond en quelque sorte à une forme de réciprocité généralisée à l’échelle du site internet. 46 Landry M. « Je donne donc je suis » Reportage. http://www.rts.ch/video/emissions/religion/fautpas-croire/4782045-reportage-je-donne-donc-je-suis.html La justification que certains apportent dans le forum à ce type de sélection est qu’un don sans retour, qui se répète souvent est considéré comme un abus, certains qualifient les individus qui ne font que recevoir de « profiteurs ». En effet, le contre-don différé qu’observait Malinowski dans les formes d’échanges des îles de Mélanésie, se retrouve en quelque sorte dans ce type de site internet où les objets circulent, et ceux qui donnent le plus sont le plus à même de recevoir le plus d’objet en retour. P lus facile de vendre que de donner ? Les pratiques de don sur Internet sont largement moins répandues que la vente de biens de seconde main, et ce dans des proportions incomparables. Ceci ne signifie pas que le don est en soi une pratique moins répandue puisque les dons aux associations sont une pratique courante et ancienne largement diffusée dans la population. Cependant cette question de la symétrie dans l’échange et les difficultés que témoignent de nombreux donateurs à réaliser leurs dons, montrent que le don peut être difficile dans le cas spécifique d’Internet. En effet, la personnalisation du don qu’implique l’échange en face à face révèle d’autant plus l’asymétrie de cette forme d’échange qui peut être mal vécue sur le plan de la dignité de la part des donataires. D’autre part, nous avons remarqué dans l’analyse textuelle qu’un grand nombre d’objets donnés était souvent en état défectueux ou à réparer, comme nous l’avons analysé dans la première partie sur la logique de cycle de vie des objets entre les différentes formes d’échange. Ainsi, la logique du don d’objets sur Internet concerne un public probablement différent des consommateurs de biens sur les sites de ventes, le don étant davantage une pratique de dépannage, destinée aux personnes les plus démunies, aux bricoleurs et permettant de se meubler par exemple à moindre frais pour les plus jeunes démarrant dans la vie et ayant une exigence moins forte sur la qualité des objets, ou leurs marques. De plus, nous avons remarqué en analysant comparativement la taille des petites annonces, que les annonces de don étaient bien souvent beaucoup plus courtes que les annonces de ventes ou de trocs, les donateurs semblent donc renseigner moins d’informations sur leurs objets que les vendeurs. Ainsi, l’asymétrie d’information qu’évoque G. Akerlof dans son analyse sur le marché des voitures d’occasion semble d’autant plus forte dans le cas des dons que dans le cas des ventes et des trocs. Ainsi dans le cadre des dons sur Internet les donataires n’ont que peu d’informations sur l’objet mis en ligne s’ils en ont des exigences particulières. Nous n’avons que peu de renseignement sur les donataires mais sur les forums, certains donataires se plaignent de la qualité médiocre des objets reçus. Ainsi, il peut exister des divergences de point de vue entre certains donataires plus exigeant et d’autres plus enclin à récupérer des objets en ne prêtant pas une grande importance à leur qualité. Le don, un échange qui n’accorde pas de valeur monétaire aux objets, ces derniers étant plus souvent désuet, et par le fait que cet échange met en jeu des questions de dignité et de rapport de force peut être à l’origine d’un certains délaissement des donataires vers ce type d’échange et engendrer une plus grande inclinaison à se porter vers l’achat de biens de seconde main à faible prix. Ainsi, on peut se demander s’il n’est pas plus simple pour un individu souhaitant se séparer de son objet de choisir de le vendre plutôt que de le donner pour l’ensemble de ces raisons comme témoigne cette internaute sur le forum du site Recup.net : « Bonjour, je donne dès que les objets dont je me débarrasse sont en état correct, je donne en ce moment une imprimante 3 en 1, la personne me dit venir le lendemain, jour férié, voulant vraiment terminer cette transaction au plus vite, je lui donne un créneau le matin et un l'après midi !! Mon imprimante est toujours à la maison !! Il y a quelques années, je donnais deux grille-pain, après plusieurs lapins, j'ai remis mes grilles pain en vente, ils sont partis tous les deux !! Ca ne donne vraiment pas envie de donner !! » Cette internaute vend un objet qui n’est pas désuet et semble en très bon état de fonctionnement, mais comme nous l’avons évoqué plus haut, le fait qu’une grande partie des objets donnés soient en état médiocre peut nuire à la pratique du don dans sa globalité. C’est ce qu’évoque G. Akerlof47 par le phénomène d’anti-sélection, c’est à dire que la présence de voiture de mauvaise qualité fait disparaître du marché les voitures de bonne qualité. Ainsi, il est probable que le public intéressé par les dons ait plus d’exigence que l’on ne pourrait le croire sur la qualité des objets à récupérer. L’ensemble de ces raisons peut expliquer le moindre engagement des donataires dans le cadre de l’échange comme le témoigne de nombreux donateurs sur le forum Recup.net. Ces derniers se plaignent que les donataires ne viennent pas au rendez vous, ou ne donnent plus signe de vie après un engagement, que l’on retrouve dans les petites annonces lorsque les donateurs mentionnent la phrase « pas de lapin s’il vous plait ». Cela 47 Akerlof G., « The Market for Lemons, Quarterly », Journal of Economics, 1970 explique également les nombreuses conditions mentionnées dans les annonces de dons pour prévenir les potentiels intéressés de la conduite à tenir lors de l’échange. Ainsi, le don est un mode d’échange qui semble difficile et ce d’autant plus dans le cadre des sites internet où les partenaires se rencontrent en face à face et où l’information fournie par l’annonceur sur l’objet est plus limitée que dans les annonces de vente. F rontière poreuse entre la vente et le troc Le troc est par nature un échange symétrique puisqu’il s’agit d’une transaction d’un objet contre un autre. Cependant la symétrie de cet échange est ambigüe du fait du non recours à la monnaie. En effet, cette question se pose lorsque l’on se réfère à la question d’un échange « équitable » c’est à dire d’objets ayant une certaine équivalence selon différents principes, que ce soient leurs valeurs monétaire, leurs utilités, leurs raretés. Cependant, l’analyse statistique des annonces de troc nous a montré que les frontières entre la vente et le troc étaient parfois floues, puisqu’un grand nombre d’annonceurs mentionne qu’ils peuvent vendre ou troquer leurs biens et que près de la moitié des annonces de trocs renseigne la valeur monétaire du bien. D’autre part, de nombreuses annonces de troc se font avec des compensations monétaires lorsque la valeur des biens n’est pas identique ce qui montre que le troc peut également se faire en parallèle d’une circulation monétaire. Ainsi, la frontière entre la vente et le troc est assez floue, les annonceurs souhaitant acquérir un objet en l’échangeant contre le leur peuvent très bien réaliser cette transaction en deux fois en vendant leur bien puis achetant celui qu’il désire. D’autre part, certains annonceurs mettent en ligne un objet à échanger mais n’indiquent aucune préférence sur ce qu’ils souhaiteraient en retour. L’échange dans le cadre de ces sites internet est difficile dans la mesure où la personne intéressée peut proposer indéfiniment les objets qu’elle possède sans avoir jamais l’assurance que ses objets puissent convenir à l’annonceur. C’est la raison pour laquelle un entrepreneur sur un forum souhaite construire un site de troc sur internet en mettant en place un système de monnaie autre que l’argent et intégré au site pour réalisé une communauté d’échange au sein de sa plateforme web, c’est également le principe des Systèmes d’Echanges Locaux. Les objets auraient chacun des points ou des unités de valeurs que l’on pourrait échanger contre d’autres objets de natures différentes. Ceci montre que le troc à du mal à se défaire d’une forme de monnaie d’échange pour répondre à cette question de l’équivalence. Ceci nous conduit à nous interroger sur la valeur des objets dont font souvent référence les annonceurs dans les annonces de troc. Ainsi, le parallèle que l’on peut faire avec le marché est bien cette référence à une unité de valeur qu’elle soit monétaire lorsqu’elle est clairement affichée comme pour les derniers Smartphones, une valeur d’utilité comme dans le cas des vêtements pour enfant ou l’ameublement, et une valeur de rareté comme dans le cas des objets de collection. Dans ce dernier cas, on voit de nombreux annonceurs classer leurs collections de cartes en fonction de leur rareté et précisent qu’ils échangent par exemple une carte rare contre deux cartes communes. C’est également un des motifs expliquant le fait que la majorité des échanges que nous avons pu observer sur le site Leboncoin.fr se faisait pour des objets de même nature, que ce soit des objets High Tech, des vêtements pour enfants (vêtements de fille contre vêtements de garçon), ou encore des petits objets de collection, car la question de l’équivalence est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre dans le cas d’objet de nature différente puisque les cadre de référence à la valeur que possède l’objet ne sont pas toujours les mêmes sauf s’il l’on se réfère à la valeur monétaire. Cependant, cette valeur pose bien des difficultés car elle n’est pas toujours intrinsèque à l’objet mais peut varier selon les protagonistes. Par exemple un même individu pourra considérer que son antique autoradio est désuet et n’a aucune valeur monétaire, tandis qu’un autre pourra le convoiter comme un objet rare de collection. Il est à noter sur ce point que sur le site Leboncoin, il existe un certain flou chez les annonceurs dans la catégorisation des objets, ou l’on retrouve par exemple des jouets anciens dans la catégorie « Jouets », et les mêmes se retrouvent dans la catégorie « Collection ». Cela pourrait être mis en parallèle avec la critique du modèle économique Walrassien d’André Orléans commenté par Ivan Jaffrin48, qui explique que le rapport à la valeur n’est pas incarné dans les choses et exprimé par le prix, mais « endogénéisé » c’est à dire pensé comme interne, en fonction du rapport aux autres et exprimé par le désir. 48 Jaffrin I. « De la crise économique à la critique de la science économique. Une présentation de l’ouvrage d’André Orléan, l’Empire de la valeur», Revue européenne des sciences sociales, 2012 L a vente sur leboncoin : la question du marchandage La vente est le phénomène le plus massif sur Internet, et est donc la solution vers laquelle se porte la majorité des individus pour remettre en circulation leurs objets. Nous avions évoqué plus haut les motivations qui peuvent expliquer cet engouement, mais nous nous intéressons dans cette partie à la façon dont se déroule les échanges. La vente fait partie, a priori comme le troc, des échanges symétrique, d’un objet contre un retour monétaire, mais sur ce point une pratique largement répandue sur le site Leboncoin.fr est celle du marchandage. C’est donc sur la question de la fixation du prix de vente que l’on peut à nouveau s’interroger sur la question de la symétrie dans l’échange. L’usage du marchandage est comme nous l’avons vu dans l’analyse textuelle une pratique très répandue et cela se confirme dans l’analyse des forums dédiés à la vente sur ce site internet. Comme l’analyse Laurence Fontaine, il existe « un jeu systématique de surévaluer pour le marchand et sous-évaluer pour l’acheteur »49. Le marchandage qui passe par un échange verbal, une discussion sur le prix pour finir sur un accord où tout le monde y trouve son compte est comme l’affirme l’auteure dans son autre ouvrage, « une structure de moralisation du marché50 » permettant aux acheteurs d’accéder aux biens qu’ils convoitent à un prix estimé juste, et aux vendeurs de vendre à un prix raisonnable en limitant leur profit et donc en limitant la dimension mercantile de cette pratique. Le marchandage ne se retrouve pas que dans ce marché de l’occasion, puisqu’il existe dans divers domaines de la consommation courante depuis longtemps, des magasins de meubles aux vendeurs d’automobiles. D’autre part, si l’on tient compte du phénomène des soldes, la question du juste prix à donner à un bien est particulièrement actuelle dans nos sociétés. Pour citer de nouveau Laurence Fontaine, le marchandage implique « une similarité de statut (..) qui présuppose une égalité sociale entre l’acheteur et le vendeur. » C’est la raison pour laquelle dans l’Ancien Régime, les nobles ne s’abaissaient pas au marchandage mais y envoyaient leurs valet. Or on voit dans cette pratique sur Internet que les vendeurs ne sont pas tous ouverts au marchandage comme le révèle le grand nombre d’annonces mentionnant « prix ferme » ou « non négociable ». 49 Fontaine L. « L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle », Gallimard, 2008 50 Fontaine L. « Le marché, histoire d’une conquête sociale », Gallimard, 2014 Sur les forums sur Internet, cette pratique suscite de nombreux débats. Elle est parfois considérée comme « irrespectueuse » envers les vendeurs : « J'ai mis des affaires en vente et c'est terrible limite faudrait leur donner c'est pénible déjà que je les vends pas chères histoire d'en tirer un petit quelque chose et ben non c’est pas encore assez bas j'avoue ca me soule » « Négocier " pour la forme" alors que le produit est en très bon état et à prix correct (puisque tu négocies pas parce qu'il est trop cher mais pour la forme), ben franchement je trouve que c'est un manque de respect qui me laisse pantoise » « Mince alors, on n'est pas au bled ou chez un vendeur de voitures neuves tout de même. » Certains considèrent que cette pratique est justifiable dans de grandes enseignes de commerce, comme les vendeurs d’automobile. D’autres pensent qu’elle est réservée aux souks orientaux, comme l’a étudié Canetti dans les souks de Marrakech51, avec l’habitude inscrite dans les moeurs du « marchandage pour le marchandage ». Mais elle n’est pour certains pas acceptable entre particulier et justement, contrairement à l’analyse de Laurence Fontaine, du fait de la similarité de statut entre acheteurs et vendeurs. « Les gens ne sont plus sérieux, surtout en temps de crise comme nous le vivons, les gens cherchent à escroquer leur semblable en permanence... » Sur ce thème de la crise, les acheteurs et les vendeurs sont considérés comme des égaux donc le marchandage n’a pour certains pas sa place. « La crise, elle est pour tout le monde, vendeur et acheteur, et franchement, si je n'ai pas de sous, je n'aurais pas l'idée d'acheter une crêpière, mais plutôt à manger. » Ainsi, l’idée d’égalité de statut implique ici une égalité d’intérêts, où le vendeur souhaite faire des économies en temps de crise, et l’acheteur souhaite consommer à bas prix. Le marchandage est donc une pratique défavorable aux vendeurs puisqu’elle déséquilibre cette égalité d’intérêt. Mais cela présuppose que le prix fixé par le vendeur est estimé juste par rapport à sa valeur neuve et ne doit donc pas être négocié. Cela évoque les analyses de Laurence Fontaine52 sur le rapport des religieux aux marchands qui doivent maintenir cette idée de « juste prix » en évaluant « par un examen minutieux la valeur et le prix des choses » permettant au vendeur de légitimer son activité. Laurence Fontaine met en rapport cette question de la légitimité de cette activité de marchand à la notion de risque qu’il encoure comparé à 51 52 Canetti E. , Les voix de Marrakech », Albin Michel, 1980 Fontaine L. « Le marché. Histoire et usages d’une conquête sociale ». L’Harmattant. 2014. l’usurier dont la profession était interdite. Dans notre cas, le risque est partagé entre les deux partenaires d’où cette idée d’équivalence de statut. Cette volonté de consommation à bas prix est intéressante lorsque l’on regarde le témoignage de cette vendeuse sur un forum qui répond à une acheteuse souhaitant négocier le prix d’un sèche-linge de marque : « Ecoutez madame, vos problèmes financiers ne me concernent pas, il y a des centaines de sèches linges à vos prix, alors à l'avenir, prenez plutôt du bas de gamme dans vos prix, plutôt que du haut de gamme, trop cher pour vous. » Ainsi, le site Leboncoin n’est pas utilisé par les individus uniquement pour consommer moins cher, mais pour consommer des produits de meilleures qualités à des prix moins élevés, c’est cette figure du « consommateur malin » qu’évoquent Dominique Desjeux et Fabrice Clochard53, qui est à la fois à la recherche d’économies, mais également de qualité à moindre prix. C’est ainsi une façon de permettre aux milieux plus modeste d’accéder à des produits plus fiable que les produits bas de gamme ayant une durée de vie plus limitée. L’accès au marché pour tous qu’évoque Laurence Fontaine dans son ouvrage est donc particulièrement illustratif dans le cas des pratiques sur Leboncoin, et met en lumière cette tendance à la démocratisation des pratiques de consommation. Ainsi les milieux les plus modestes, peuvent acquérir des biens autrefois réservés aux catégories sociales les plus riches permettant de lisser certains principes structurant des appartenances sociales. Pour revenir à la question du marchandage, cette pratique est également parfois considérée comme humiliante pour ceux qui la pratiquent, selon le point de vue des vendeurs. « Désolée, mais moi j'ai une dignité et je n'oserais pas m'humilier pour 5 euros, surtout sur un article qui n'est qu'à 35 euros et neuf en plus. Je n’aurais même pas l'idée, j'aurais trop honte. Les gens sont libres, si le prix est trop haut, et bien qu'ils passent leur chemin, au lieu de perdre et mon temps et le leur. » « Un acheteur sérieux verra que mes prix sont justes et ne fera pas des propositions ridicules, s'il veut vraiment ce que je vend, il saura se tenir correct » Dans le cas de ces internautes, pratiquer le marchandage ne signifie pas une égalité de statut, mais révèle une situation d’infériorité du marchandeur envers le vendeur, à la manière des nobles qui ne s’abaisseraient pas à de telles pratiques. Les annonceurs estiment ici que leurs prix sont « justes » par 53 Clochard F. Desjeux D. « Le consommateur malin face à la crise. Tome 2 Le consommateur stratège. » L’Harmattan, 2013. rapport à leur valeur neuve et ne sont donc pas surévalués. Ici, une analyse plus détaillée des profils sociaux des annonceurs et des acheteurs aurait été particulièrement intéressante. Mais cette pratique du marchandage n’est pas décriée par tous, comme nous avons pu le voir dans l’analyse textuelle, certains mentionnent que le prix est négociable. C’est le point de vue de cet internaute : « Moi je crois que c’est le jeu. Leboncoin c’est un peu la brocante moderne, non? Et l’occasion, les gens le négocie toujours. » Par ailleurs, la pratique du marchandage est parfois même anticipée par les annonceurs qui adaptent leurs prix d’annonces à cette pratique fréquente du marchandage : « Il faut mettre toujours un peu plus cher que le prix que tu veux en obtenir (dans la limite du raisonnable) comme ça tu anticipes les marchandages » Ainsi, bien que la vente soit à priori un échange symétrique, dans le cas de ces pratiques informelles de vente sur internet, la question de la fixation du prix met en jeu d’autres questions que le simple échange marchand dans l’économie classique. Des questions d’honneur, de dignité, interrogent cette question d’égalité de statut présente à priori dans l’échange marchand. On voit qu’ici le consommateur n’est pas roi comme l’analyse Sophie Dubuisson Quellier54, mais bien au contraire le rapport de force dans le cadre d’une vente peut aller davantage en faveur de l’annonceur. 2 .2.2 La relation de confiance Contrairement aux analyses de Sophie Dubuisson Quellier55 sur le rôle des consommateurs dans le marché du neuf, où l’Etat et les différentes structures commerciales ont progressivement mis en place des droits et des devoirs aux consommateurs, dans le cadre des échanges informel sur ces sites internet, aucune loi et aucun contrat ne régit la relation d’échange. Ainsi le bon déroulement de l’échange se réalise par les différentes règles que définissent et façonnent ponctuellement et individuellement les différents protagonistes. C’est aussi ce qui différencie le site Leboncoin d’un grand site comme Ebay qui dispose d’un certain nombre de processus favorisant la confiance dans l’échange. C’est ce qu’analysent Ken Hillis, Michael Petit et Nathan 54 Dubuisson-Quellier S. « De la souveraineté à la gouvernance des consommateurs : l'espace du choix dans la consommation », L'Économie politique 3/2008 (n° 39), p. 21-31. 55 Ibid Scott Epley56 dans leur ouvrage dans lequel ils expliquent que le site Ebay s’est équipé de dispositifs techniques favorisant la confiance, notamment l’inscription des vendeurs et acheteurs permettant un système de notation, mais également la présence d’un forum associé au site permettant aux usagés de répondre à leurs questions, par exemple à celles permettant de faire en sorte que l’échange se déroule bien en cas de litige. Dans le cas du site Leboncoin nous nous retrouvons face à des échanges ressemblant à « l’économie de bazar » dans l’Ancien Régime que décrit Laurence Fontaine dans son ouvrage. Parmi les règles qui régissaient cette économie spécifique, la question de la confiance était primordiale dans une situation où il existait une asymétrie d’information particulièrement criante. C’est ce que développent David Masclet et Thierry Pénard57 en analysant le cas des transactions marchandes sur les sites Internet : « la possibilité de changer facilement d’identité et la distance physique entre l’acheteur et le vendeur peuvent créer un climat de méfiance entre les partenaires et susciter des comportements opportunistes (non paiement du biens, retard dans l’envoi du bien, envoi d’un produit non conforme au produit décrit )» Le principe de base du site Leboncoin est l’achat de proximité qui peut réduire l’incertitude dans une certaine mesure mais nous avons vu que l’envoi postal était fréquemment pratiqué, ainsi, ces analyses peuvent s’appliquer également aux sites que nous étudions. Ainsi, acheteurs comme vendeurs font appels à leurs capitaux propres, à des précautions, des règles d’échange leur permettant de s’assurer de la confiance à accorder à leur partenaire. L a bonne parole contre les garanties formelles Nous avons pu distinguer également d’autres facteurs pouvant apporter de la confiance mais jouant sur des registres parfois très opposés comme nous l’avons remarqué dans l’analyse textuelle. En effet, le principe de la bonne parole des annonceurs s’oppose à des garanties formelles qu’ils peuvent fournir aux intéressés. Mais il en est de même pour les consommateurs lors des différentes étapes de la réalisation de l’échange. Tout d’abord concernant l’état des objets mis en ligne, nous avons vu dans l’analyse des similitudes que ce mot était le plus employé par les annonceurs. 56 Hillis K., Petit M. Scott Epley N. « Every Day Ebay : Culture, Collecting and Desire. » Routledge, 2006. 57 Masclet D. , Pénard T. « Pourquoi évaluer son partenaire lors d'une transaction à la eBay ? », Revue d'économie politique 3/ (Vol. 117), p. 365-386. 2007 Cependant, il repose en partie sur la bonne parole des annonceurs notamment dans le cas des objets à caractère technologique dont on ne peut vérifier entièrement le bon fonctionnement pendant l’instant fugace de l’échange en main propre. Ceci est encore plus valable lorsque les objets sont envoyés par la poste, ou seules les photos publiées dans l’annonce peuvent donner des informations sur la qualité de l’objet, mais une photo peut autant valoriser un objet que dissimuler ses défauts. Cela rappelle l’analyse de Pascal Chantelat sur le lien marchand ou il évoque le fait que la confiance se construit sur le savoir sur autrui mais il « ne relève pas d’une logique de transparence, (..) il suffit de savoir que les apparences sont normales et non alarmante ». D’autre éléments relevant de la bonne parole des annonceurs comme la mention du motif de la vente qui est un élément apportant de la confiance, permettant aux acheteurs de comprendre une logique rassurante dans la séparation de l’objet, les annonceurs ne se séparent ainsi pas de l’objet parce qu’il est défaillant. Mais cette information ne peut pas réellement être vérifiée et repose sur la bonne foi de l’annonceur. Ainsi, dans l’ensemble de ces cas, la confiance repose sur « la foi en l’honnêteté des autres, sur la conviction de ne pas être trompé par autrui »58. Comme l’affirmait Simmel « Toute connaissance psychologique d’autrui est exclusivement la projection d’une interprétation de processus conscient (..) incités par des impressions physiques émanant de lui »59 D’autre part, Pascal Chantelat analyse bien que dans le cas des transactions marchandes instantanées, la moindre fausse note peut faire douter les protagonistes dans l’échange, et en cela les garanties de bonne parole ont moins d’impact que les garanties formelles que peuvent parfois fournir les annonceurs. En effet, sur cette question de l’état, à la bonne parole des annonceur s’opposent les garanties formelles qu’ils peuvent parfois fournir, comme la facture d’achat prouvant que l’objet n’a pas été volé ou n’est pas déjà un objet de seconde main, les garanties constructeurs dans le cas des objets à caractère technologique figurent également parmi ces garanties formelles que peuvent fournir les annonceurs pour rassurer les consommateurs sur la qualité de leurs objets. D’autre part, la confiance est également en jeu du côté des consommateurs et les annonceurs prennent des précautions contre des possibles escroqueries 58 Chantelat P. « La Nouvelle Sociologie Économique et le lien marchand : des relations personnelles à l'impersonnalité des relations. » Revue française de sociologie 43-3. pp. 521-556. 2002 59 Simmel, G. « Philosophie de l’argent », Presse universitaires de France p 604 1988 de leur part. Cela concerne par exemple les modes de paiement. La plupart des annonceurs préfèrent une remise en main propre avec un paiement en espèce, mais dans le cas des envois par la poste, le paiement par chèque possède un certain risque pour l’annonceur (chèque sans provision), d’autres préfèrent le paiement par le site sécurisé Paypal. La remise en main propre n’est pas exempte de précautions prises par les annonceurs. C’est le cas de cette femme contactée sur un forum qui déclare ne faire des remises en main propre qu’en bas de son immeuble, jamais à l’intérieur de son domicile et toujours en présence de son mari. D’autres personnes sur les forums ont des lieux de préférence pour les remises en main propre comme les centres commerciaux ou les gares car il y a beaucoup de monde , ceci permettant d’éviter pour eux les potentielles agressions pour les objets de valeurs. D’autres personnes vendent les objets de valeurs uniquement par envoi postal pour éviter la remise en main propre, on retrouve dans les annonces la mention « pas de remise en main propre ». Ainsi le processus de confiance dans ces échanges non formalisés par des règles commerciales ou étatiques repose sur des éléments réels, mais également subjectifs, expliquant la concurrence des grandes enseignes de la distribution qui s’emparent de ce marché de l’occasion, certaines depuis longtemps (Décathlon) et permettent d’offrir aux consommateurs l’avantage d’être un intermédiaire garantissant la confiance dans la transaction marchande. L es capitaux et la stigmatisation Comme le décrit Laurence Fontaine dans cette « économie de bazar » de l’Ancien Régime, plusieurs règles régissent les échanges et apportent de la confiance entre les partenaires. Parmi elles, figure la réputation. Dans le cadre des échanges sur les sites internet étudiés la réputation ne se construit pas par une succession d’échange durable comme dans le cadre des relations de crédit étudiés par Laurence Fontaine, ou un procédé de notation comme le fait le site Ebay, mais la réputation peut se faire sur des critères beaucoup plus subjectif et ceci est valable pour les deux protagonistes annonceurs et intéressés. Par exemple le pseudonyme du vendeur peut être un facteur discriminant et nuire à la réputation de celui ci. C’est le témoignage d’un internaute d’un forum dédié à la communauté musulmane qui conseillait pour mieux vendre de changer son nom à consonance arabe pour un nom à consonance française. D’autre part, la maîtrise du langage et des codes de politesse est également un facteur discriminant dans la relation d’échange, c’est ce qu’évoque Laurence Fontaine dans la 3ème étape de la transaction qui permet la confiance, en évoquant le fait que les paroles échangées permettent aux protagonistes d’en apprendre davantage sur l’honnêteté du partenaires. C’est ce que témoigne cette internaute en parlant du contact par téléphone comparé au contact par mail : « Par téléphone, je sens le sérieux ou pas des gens, par leur intonation, c'est pas pareil que par mail » Ainsi, la maîtrise du langage est un facteur jouant dans la transaction, et il semblerait que le langage oral ait plus d’importance et bénéficie de plus de crédit de confiance que le langage écrit. Mais la maîtrise du langage écrit et de l’orthographe ou encore les codes de politesse dans le langage par mail ont également leur importance comme le témoigne ces individus : « Un truc aussi qui me saoule aussi ce sont les gens qui ne disent ni bonjour ni rien et qui font 50 fautes à la ligne en écrivant en langage SMS ... » Ainsi, le sérieux des protagonistes est évalué par différents critères très subjectifs qui jouent sur l’image et la présentation de soi. Des processus de discrimination dans l’échange peuvent s’opérer et souvent en la défaveur des personnes modestes ou stigmatisées. Ceci peut engendrer un cercle d’échange favorisant les personnes éduquées à niveau social médian, tout du moins maîtrisant le langage et les codes de l’échange de cette catégorie de population. Laurence Fontaine explique que l’apparence dans l’échange joue un rôle important en la faveur des personnes ayant le plus de capitaux ou du moins en le faisant croire, qu’elle illustre par les dépenses d’habillement des marchands. Ceci peut être illustré par ce témoignage : « Donc hier, après une heure de retard, le pote (un jeune et bel étudiant en école de commerce roulant en Audi A5) arrive, chiquement vêtu. La classe et me prend l'appareil à raclette. Il était super gentil et s'est excusé pour son retard. On voit les gens qui ont une éducation et les autres. » Les réflexions de Pascal Chantelat60 mènent aux mêmes conclusions sur la transaction marchande, en montrant que la confiance ne repose pas sur la personnalité d’autrui, en cela, c’est un échange impersonnel, mais sur la personne des individus : « la face qu’elle se construit en public, sa 60 Chantelat P. « La Nouvelle Sociologie Économique et le lien marchand : des relations personnelles à l'impersonnalité des relations. » Revue française de sociologie 43-3. pp. 521-556. 2002 présentation, ses apparences extérieures, sa façade personnelle et non sa personnalité ». Cela nous mène à nous interroger plus précisément sur la question de la personnalisation des échanges et donc indirectement sur la question du lien social à travers ces pratiques. E change et lien social Laurent Caillé 61 évoque le fait que ces nouvelles formes d’échanges sont devenues « un outil pour reconstruire du lien ». Il apparaît en effet selon l’observatoire Sorgem que les individus utilisant ces sites internet apprécient ces liens. Les échanges par le biais d’internet peuvent engendrer des rencontres bonnes ou mauvaises, des micros conflits, mais des gens a priori inconnus interagissent, et se fabriquent des règles dans l’interaction. Cependant, contrairement au lien social durable qu’a étudié Laurence Fontaine dans la relation de crédit, un lien qui justement par sa durée permet d’établir une relation de confiance entre les partenaires, il s’agit ici davantage d’échanges fugaces comme le définirait Simmel62 mais qui peuvent faire société : « Le nombre infini des formes de relations et de sortes d’échanges réciproques entre les hommes, de médiocre importance forment le tissu sans lequel la société s’effriterait, c’est grâce à elles que s’opère le travail de synthèse, de liaison, de mise en forme. » Ainsi, on pourrait affirmer que ces échanges constituent un moyen de former du lien social, même s’il ne s’agit pas de relation durable, et la confiance entre les protagonistes ne se base pas sur l’intensité de ce lien, mais sur les éléments plus subjectifs que nous avons vus précédemment. Cependant, dans certaines situations des relations d’échanges durables peuvent se créer comme le témoigne cette internaute sur le forum Recup.net, où elle raconte avoir entretenu une relation d’amitié durable suite à une pratique de don. Des formes d’échanges durables peuvent également se créer lorsque l’on voit la pratique des pseudonymes sur le site Leboncoin, où les acheteurs peuvent, s’ils sont satisfaits de leur premier échange, continuer à regarder ce que vend la personne. Mais ce système est embryonnaire par rapport au système du site Ebay où les acheteurs peuvent entretenir une 61 Belot L. avec la participation de Le Goff J. , Fontaine L. , Caillé A. Debonneuil M., Maniglier P. « La France au miroir du boncoin », Le Monde, 4 Janvier 2013 62 Simmel G. « Sociologie de la Sociabilité ». 1903. Urbi III p 109-114. 1980 relation durable avec certains vendeurs en les enregistrant dans leurs comptes favoris. 63 Cependant, comme nous l’avons vu, ces échanges constituent certes du lien social, mais ne sont pas exempts de rapports de force, de conflits, mettant en jeu les rapports sociaux et les hiérarchies qui structurent la société. Ceci est particulièrement vrai lorsque l’on observe la pratique du don que nous avons étudié plus haut où l’asymétrie qui le caractérise implique une relation inégalitaire et donc un lien social non pas intégrateur mais révélateur de rapport de pouvoir. Dans le cadre du troc, la relation a priori symétrique semble jouer en la faveur d’un lien social plus intégrateur où les partenaires sont mis sur un pied d’égalité. C’est probablement la raison pour laquelle l’analyse textuelle laisse transparaître une tonalité particulière relevant davantage d’une relation plus conviviale que d’une transaction marchande froide et impersonnelle. Concernant la vente, nous avons remarqué la tendance des annonceurs à jouer au marchand en mettant en avant leurs objets, en imitant les règles du marché du neuf. Comme le rappelle Florence Weber la conception classique d’une transaction marchande est qu’« une transaction économique doit être anonyme, une relation personnelle doit être désintéressée »64, Laurence Fontaine, évoque quant à elle le fait que « l’échange monétaire met effectivement en équivalence les choses échangées indépendamment des liens personnels ». Ainsi, le passage par la monnaie selon l’opposition classique entre transaction marchande et non marchande engendrerait davantage des liens plus impersonnels se rapprochant de la relation commerciale formelle. Mais les deux auteures nuancent la réalité de cette dichotomie entre la transaction économique impersonnelle et la relation personnelle qui s’éloigne du calcul économique intéressé. En effet, selon Florence Weber, l’échange marchand peut être considéré d’emblée comme social car il repose sur les mêmes contraintes rituelles qui prévalent au sein des échanges sociaux65. Nous avons vu en effet, que l’impersonnalité de la relation de vente n’est pas toujours de mise dans le cadre de ces transactions, dans le sens ou la frontière entre la personne privée et la figure de « l’annonceur », vendeur, troqueur ou donateur n’est parfois 63 Hillis K., Petit M. Scott Epley N. « Every Day Ebay : Culture, Collecting and Desire. » Routledge, 2006 64 64 Weber Florence, « Forme de l’échange, circulation des objets et relations entre les personnes. » Hypothèses, 2001. P 287 à 298. 65 Weber F. « Transactions marchandes, échanges rituels, relations personnelles. Une ethnographie économique après le Grand Partage ». Genèse, 41, pp 85-107. 2000 pas délimitée de façon stricte comme dans les échanges marchands classiques. En effet, la remise en main propre des objets se fait parfois à l’intérieur même du domicile des annonceurs et certaines personnes, pour vendre des vêtements, mentionnent dans leur annonce « vous pouvez venir l’essayer sur place », et les domiciles se transforment ainsi en cabine d’essayage le temps de l’échange. Certains vendeurs mentionnent les motifs de leurs ventes laissant transparaître une partie de leur vie personnelle, d’autres mentionnent également l’histoire de l’objet construisant ainsi un imaginaire autours de l’objet emprunt de la vie de son ancien possesseur. D’autre part, les partenaires de l’échange se contactent et accèdent au nom réel du partenaire de l’échange contrairement au site Ebay où la transaction peut rester dans l’anonymat du pseudonyme.66 D’autre part, nous avons vu plus haut dans la pratique du marchandage que les partenaires se considèrent parfois comme des pairs, ou comme des voisins. Ainsi on peut apercevoir l’idée que vendeurs et consommateurs dans ce marché des biens de seconde main se considèrent comme un même groupe mais dans une dimension parfois personnelle s’opposant au marché du neuf et donc échappant à ses règles. C’est ce que témoigne l’internaute citée plus haut qui déclare que vendeurs comme acheteurs sont tous concernés par la crise et semble donc déduire de ce fait qu’un comportement de solidarité même dans une transaction marchande devrait être de mise. Ainsi, comme l’affirme Pascal Chantelat 67« la relation marchande est d’emblée une relation sociale non pas parce qu’elle fait intervenir des valeurs, des normes, des émotions, ou des réseaux de relations personnelles mais parce qu’elle présente un « minimum » de réciprocité sociale », mais elle n’est pas une relation personnelle au sens d’une relation chaude, intime et durable que l’on peut entretenir avec sa famille ou ses amis. Cela peut s’illustrer par le principe « d’abstraction sentimentale »68 qu’exprime l’internaute citée page 116 : « Vos problème financiers ne me concernent pas » dans la question du marchandage. 66 Burnet E. « Du marché aux esclaves à eBay », Médium 1/ (N°6), p. 65-78. 2006 Chantelat P. La Nouvelle Sociologie Économique et le lien marchand : des relations personnelles à l'impersonnalité des relations. In: Revue française de sociologie 43-3. pp. 521-556. 2002 68 Chantelat P. « La Nouvelle Sociologie Économique et le lien marchand : des relations personnelles à l'impersonnalité des relations. » Revue française de sociologie 43-3. pp. 521-556. 2002. 67 C onclusion de la deuxième partie L’analyse statistique nous a permis de dégager les éléments distinctifs dans les petites annonces qu’ils soient relatifs aux types d’échange, mais également aux catégories d’objets échangés. Ces éléments nous ont permis d’établir une échelle graduelle en termes de facilité dans l’échange, témoignée par les divers éléments relatifs à la confiance et au rapport de force, où l’on voit que le troc figure parmi les échanges les plus équilibrés, et donc le plus facile à réaliser tout du moins dans la démarche des annonceurs. La vente se caractérise par des échanges fluides également mais davantage formels et commerciaux, tandis que le don semble plus difficile à réaliser. Notre analyse détaillée de chaque classe nous a montré que ce modèle dépend également d’autre facteurs, notamment la disposition dans laquelle se trouve l’annonceur pour réaliser l’échange et ses motivations, les caractéristiques des objets vendus qui suscitent plus ou moins de prise de risque dans l’échange, mais les différences doivent également se trouver dans le profil des annonceurs, malheureusement nous n’avons pas pu dégager d’éléments significatifs à ce sujet faute d’informations détaillées sur les annonceurs. L’analyse qualitative nous a permis de dégager les fondements théoriques et intrinsèques à ces différents types d’échange mais également à la particularité des échanges par le biais d’Internet. Ces éléments ont dévoilé cette problématique entourant le don, mais également le flou dans lequel se trouve le troc par rapport à la vente. La prédominance de la vente par rapport à ces deux types d’échange trouve donc des explications dans la nature même des échanges, mais n’est pas exempte de difficultés, notamment dans la mise en place des règles de l’échange qui sont laissés à la convenance et aux positions particulières des différents protagonistes. Conclusion Les échanges alternatifs étudiés dans ce mémoire ne sont qu’une partie des multiples formes d’échanges qui se développent actuellement. Nous pouvons constater par exemple le phénomène de la location des biens par internet, ou la vente de produits artisanaux fait main par des particuliers par le biais de sites spécialisés. Mais il y a également toutes les formes d’échanges alternatifs qui ne passent pas par les sites internet au delà des brocantes, vides greniers et Dépôts Ventes. Nous pouvons prendre l’exemple des trocs de vêtements, mais également l’organisation de système d’échange complet comme les Système d’Echange Locaux, qui établissent des communauté d’échange avec une monnaie parallèle, consistant en une forme de troc d’objet, de service, et de compétence. Il existe également dans le domaine de l’alimentation, le phénomène des Amaps qui rapproche le consommateur du producteur. Le point commun de l’ensemble de ces pratiques est la tendance à la prise en main des échanges par les individus qui cherchent à limiter les intermédiaires. Les motivations peuvent être multiples, des préoccupations écologiques, une réponse à la crise, des réactions politiques face aux excès de notre système économique. Ces formes émergentes d’échange sont en partie contestataires vis à vis d’un ordre économique sur lequel les individus cherchent davantage à prendre le dessus. Ceci est à mettre en parallèle avec le contexte de crise économique où l’esprit de débrouillardise conduit les individus à réinventer leur rapport à l’économie. Mais qui dit retour à des pratiques anciennes, dit retour à des problématiques anciennes entourant le fondement même de ces échanges. L’analyse statistique des échanges nous a révélé les multiples formes que peuvent prendre ces échanges et complétée par l’analyse qualitative, nous a montré les enjeux en termes de rapports de force, de confiance, qui entourent ces pratiques façonnées individuellement par les individus. Ainsi, nous nous retrouvons face aux problématiques qui entourent la nature même de l’échange en général et qui relèvent également de multiples facteurs que ce soit la valeur, ou encore la disposition dans laquelle se trouvent les protagonistes. L’intérêt de notre analyse comparative de trois de ces formes d’échanges dont une largement dominante, la vente des biens de seconde main, est de mieux comprendre les enjeux et les problématiques qui se posent à ces individus novateurs dans leurs façon de consommer et leurs rapports aux objets. Nous avons pu ainsi mieux comprendre les éléments potentiellement explicatifs d’un engouement particulier pour la vente comparée au don et au troc. Cela s’explique par l’ambiguïté propre à ces deux types d’échange qui entrent en concurrence avec la vente mais sur des registres différents et qui au final ont du mal à se défaire de la facilité du passage par la monnaie notamment dans le cas du troc. Mais cela traduit également une tendance à reconsidérer les objets comme des richesses potentielles en contexte de crise économique. L’analyse comparative a également révélé les enjeux qui entourent ces nouvelles pratiques qui semblent engendrer une plus intense circulation des biens de seconde main au sein de la population, notamment par rapport à l’alternative de jeter ou de conserver les objets. D’autre part, la prédominance de la vente entre en concurrence avec le don et nous mène à nous interroger sur la concurrence plus globale entre la vente des biens de seconde main dont les sites internet comme Leboncoin peuvent engendrer par rapport aux pratiques plus anciennes de remise en circulation des biens, notamment les dons aux associations, mais également la circulation des biens au sein des réseaux familiaux et amicaux. Pour revenir aux problématiques globales qui entourent ces échanges alternatifs, nous nous sommes focalisés dans cette étude sur les annonceurs, les consommateurs n’étant analysés que de façon indirecte. Ainsi, nous avons pu repérer du côté des annonceurs des motivations écologiques comme dans le cas des dons, mais avec toute leurs ambiguïtés, et nous avons constaté d’une certaine manière que la crise engendre des comportements de débrouillardise, analysés par Dominique Desjeux69, mais où ici ce n’est pas en soi la consommation, mais la gestion du budget domestique qui suscite de l’ingéniosité face à la crise. Cependant, ces pratiques ne relèvent pas réellement de la consommation engagée que décrit Sophie Dubuisson Quellier70, dans le sens où elles ne font pas toutes explicitement référence à une dimension politique, et se cantonne davantage à une dimension individuelle des pratiques de consommation et d’échange. Cela ne va pas à l’encontre de l’idée que chaque individu puisse avoir en partie des motivations politiques, notamment lorsque les annonceurs 69 Clochard F. , Desjeux D. « Le consommateur malin face à la crise. Tome 2 Le consommateur stratège » L’Harmattan, 2013. 70 Dubuisson Quellier S. « La consommation engagée » Les presses de Sciences politiques. 2009 sont également acheteurs de biens de seconde main et s’opposent donc au marché, il ne s’agit donc pas d’un boycott de produits spécifiques, mais d’un boycott du marché du neuf. En effet, nous avons remarqué également que dans ce cas spécifique d’Internet, annonceurs comme consommateurs se considèrent parfois comme étant sur un pied d’égalité. Nous pouvons y voir d’une certaine façon une vision de solidarité face à la crise, même en passant par le marché informel, cela rejoindrait ici les analyses de Laurence Fontaine71. En effet, annonceurs comme consommateur dans le cadre des ventes y trouve bon compte dans le passage par ce marché informel, même si parfois des logiques de rapport de force et de hiérarchisation sociale sont tout de même persistantes. Ainsi nous pouvons nous interroger sur l’idée que les enjeux écologiques, politiques, sociaux sont facilités par ces échanges non pas du fait d’une volonté affichée des individus mais seraient atteint de façon indirecte, et en maintenant les problématiques propres et parfois anciennes à ces différents types d’échanges. 71 Fontaine L. « Le marché, histoire d’une conquête sociale », Gallimard, 2014 Bibliographie [1] A kerlof G., « The Market for Lemons, Quarterly », Journal of Economics, 1970 [2] B audrillard J., La société de consommation , Denoël, Folio Essai, 1970. [3] B eaune J-C. Le déchet, le rebut, le rien » Champs Vallon. 1999. 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EXTRACTION DES DONNEES WEB AVEC LE LOGICIEL R L’extraction des petites annonces a été un travail fastidieux du fait de la particularité des petites annonces sur Internet. Voici donc un extrait les lignes de codes pour réaliser cette extraction qui pourra servir à toute personne intéressée par un travail sur ce type de données. install.packages("XML") 1. Extraire les différentes pages selon les catégories d'objets docu<sprintf("http://www.leboncoin.fr/_loisirs_/offres/ile_de _france/?o=%s",1:8) 2. Extraire les liens (href) vers les annonces détaillées de chacune des pages links <- sapply(docu, function(x) { xpathSApply (htmlParse(x) "//div[contains(@class,'listlbc')]/a", xmlGetAttr,name = "href")}) listli<-as.vector(links) 3. Extraction des tables en tenant compte des valeurs manquantes dans chaque table v<-NA MyTable <- data.frame() for (i in 1: length(listli)) { v[i] <- readHTMLTable(listli[i], head=2) val <- as.character(v[[i]]$V2) prix <- grep('^[0-9].*[^a-zA-Z0-9]$', val, perl=T) if (length(prix)!=0) { MyTable[i,1] <- val[prix] } else {MyTable[i,1] <- NA } vil <- grep('^[a-zA-Z].{4,1000}$', val, perl=T) if (length(vil)!=0) { MyTable[i,2] <- val[vil] } else {MyTable[i,2] <- NA } cp <- grep('^[0-9]{5}$', val, perl=T) if (length(cp)!=0) { MyTable[i,3] <- val[cp] } else {MyTable[i,3] <- NA } } names(MyTable) <- c("prix", "vil", "cp") 4. Extraction des petites annonces (div) : texte, type et catégorie d'objet for (i in 1:length(listli)) { a[i]<-xpathSApply(htmlParse(listli[i]), "//div[contains(@class,'AdviewContent')]//div[@class='conten t']", xmlValue) b[i]<-xpathSApply(htmlParse(listli[i]), "//div[contains(@class,'content color')]//span[@class='fine_print']/a[2]", xmlValue ) c[i]<-xpathSApply(htmlParse(listli[i]), "//div[contains(@class,'contentcolor')]//span[@class='fine_print']/a[3]", xmlValue ) } ANNEXE 2. REPRESENTATIVITE DES ANNONCES DE VENTES SUR LEBONCOIN.FR Cette annexe revient sur la représentativité de notre échantillon, nous avons simplement comparé la structure de notre échantillon à la structure de l’ensemble des annonces d’Île de France selon les tranches de revenu des communes. TABLE 31. Représentativité de l’échantillon pour la vente Revenu fiscal moyen des communes en 2009 Jusqu'à 20 000 De 20 000 à 30 000 De 30 000 à 40 000 Plus de 40 000 Echantillon récolté 10% 44% 28% 19% Île de France 12% 41% 40% 8% On peut voir avec cet histogramme que notre échantillon est bien représentatif dans les tranches de revenu les plus basses mais qu’il existe un décalage dans les tranches de revenu les plus hautes avec une sous représentation de la tranche 30 000 à 40 000 euros moyen, et une surreprésentation de la tranche plus de 40 000 euros. Nous pouvons voir que ce décalage ne fait que confirmer nos analyses sur la vente, avec une surreprésentation pour les tranches de revenu moyen et une sous représentation peut être d’autant plus forte pour la tranche de revenu la plus élevée.