Historique
Casse-noisette est un ballet-féérie composé de deux actes, trois tableaux et quinze scènes, créé le 18 décembre 1892 au
Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, chorégraphié par Lev Ivanov, sous la direction de Riccardo Drigo. À l’époque,
Stanlislava Belinskaïa joue le rôle de Clara, Antoinetta Dell-Era celui de la fée Dragée, Pavel Gerdt le prince Orgeat,
Sergueï Legat est Casse-noisette et Timofeï Stoukolkine joue Drosselmeyer. Ce ballet est une véritable icône de la scène
musicale, une des œuvres les plus célèbres de Tchaïkovski.
L’histoire est inspirée de la version d’Alexandre Dumas du conte d’Hoffmann, intitulée Casse-Noisette et le Roi des
souris, à partir duquel Ivan Vsevolojski et Marius Petipa ont imaginé le livret.
La genèse de l’œuvre
Après le succès de La Belle au bois dormant en 1890 et celui de l’opéra-ballet Mlada de Rimsky-Korsakov la même
année, le directeur des théâtres impériaux Alexandre Vsevolojski veut offrir, pour les fêtes de n d’année 1892, une
œuvre nouvelle, originale dans sa forme puisqu’elle devait réunir dans un même spectacle un opéra et un ballet féérique
rappelant les magniques mises en scène de l’Opéra de Paris. Il propose lui-même le scénario, que l’esprit brillant
de Marius Petipa transforme rapidement en un livret remis à Tchaïkovski, chargé également d’écrire la musique de
l’opéra en un acte Iolanta. Mais l’absence logique du récit, à laquelle se rajoute le fait que le ballet ne devait être que
le complément d’une œuvre lyrique, semblable aux grands divertissements français, pâtit d’autant plus que le livret de
Iolanta, dense et dramatique, avait été écrit par le frère du compositeur, Modeste Tchaïkovski, d’après un drame danois
de Henryck Hertz, La Fille du Roi René. La collaboration entre Petipa et Tchaïkovski est comme par le passé très intense
et méticuleuse. Le chorégraphe ayant divisé le ballet en deux actes et trois tableaux et rééchi scène par scène à ses
besoins musicaux.
Chaque jour, il fait parvenir à Tchaïkovski ses impératifs désirs et ses remarques : « Le Président et sa femme ornent
l’arbre de Noël : musique douce et silencieuse (64 mesures) ; l’arbre s’éclaire a giorno : musique pétillante (8 mesures) ;
la porte s’ouvre ; entrée des enfants : musique joyeuse, brillante (24 mesures) ; le Président ordonne de jouer une marche
de 64 mesures et un galop pour les enfants de 48 mesures », etc.
Sceptique quant à la logique du livret, le compositeur est peu enthousiaste de composer la musique qu’on lui commande.
« Comment voulez-vous que je représente un Conturenburg en musique ? », écrit-il dans une lettre à son neveu Bob.
Obligé d’écrire en même temps un opéra, il s’est aussi engagé à faire une longue tournée en 1891 qui devait le mener
à Berlin, Paris et aux États-Unis. C’est d’ailleurs en embarquant au Havre qu’il apprit la mort de sa sœur Alexandra,
tendrement aimée, dont le souvenir allait hanter ses compositions durant tous les mois à venir. Le ballet imaginé par
Petipa reposait sur le mime. Il l’avait voulu interprété par ses élèves de l’École Impériale de Danse : il y manquait donc
totalement des « airs » de ballet. À ce propos, Vsevolojski écrivait : « Cette œuvre est trop ‘vieux jeu’. Tous les solos et
variations que Petipa a conçus sont sans intérêt pour le public. […] Sans doute conscient des faiblesses de son travail,
Petipa tombe malade au mois d’août 1892. Il cone la réalisation scénique de son œuvre à son adjoint Lev Ivanov, mais
en se gardant la possibilité d’intervenir et de diriger la répétition générale. Ivanov, sous l’autorité du « maître », compose
les danses du divertissement (orientale : « le café » ; chinoise : « le thé » ; espagnole : « le chocolat ») et les deux grandes
valses : la Valse des ocons au premier acte, devenu un moment d’anthologie chorégraphique, danse sur la musique
d’un chœur enfantin, et la Valse des eurs au deuxième acte, envisagée comme une « valse villageoise ». Cependant,
concernant la collaboration avec Tchaïkovski, Ivanov écrivait : « je ne comprends rien à la musique » !
Richard Flahaut, programme de Casse-noisette, Ballet de l’OnR, Saison 2000-2001
Les critiques de la création
Le lendemain de la première, qui eut lieu en présence de la famille impériale, le critiques ne manquèrent pas, malgré
l’accueil bienveillant du public ébloui par la débauche de luxe offerte par [les décors et les costumes].
Au l des années
Le ballet est repris par Nicolas Sergueiev en 1909, puis Alexandre Gorsky en 1922. Remonté à Leningrad en 1923 par
Shirayev et Lopukhov, ceux-ci transforment la chorégraphie d’Ivanov, ce qui ne fait pas l’unanimité auprès des puristes.
En 1934, le Kirov demande à Vassily Vainonen de créer une version qui sera d’ailleurs donnée à Leningrad jusqu’à la
n des années 1980. D’autres versions n’ont cessé de se multiplier en Europe et aux États-Unis depuis lors. On citera
notamment celles de Roland Petit en 1976 au Ballet de Marseille, celle de Heinz Spoërli en 1980 à Bâle, celle de Thierry
Malandain en 1998, et cette même année celle de Maurice Béjart à Lausanne, ou encore la version Casse-Noisette Circus
de Jean-Christophe Maillot en 1999 au Ballet de Monte-Carlo.