
dans l’apprentissage de cette transformation intérieure. C’est un état d’esprit susceptible de se
vivre à chaque instant ; à la limite, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, la vie devenant alors sa
pratique.
Pour nous, pratiquants de la voie du Bouddha, la question se pose de savoir si la tradition
que nous suivons est une religion.
La voie du Bouddha, que l’on nomme aussi Dharma, peut se résumer en deux points : la
vision  de  l’interdépendance  de  toutes  choses  et  l’action  de  compassion,  de  non-violence
altruiste. C’est une “ spiritualité ” au sens où nous venons de la définir : un enseignement et une
pratique  qui  développent  l’intelligence  et  l’action  au-delà  de  l’ego,  l’intelligence  ouverte  et
l’action altruiste.
L’enseignement  du  Bouddha  n’est  pas  une  religion  au  sens  d’une  adhésion  à  une
croyance, à un credo ou à  un  formalisme.  Nous  faisons  ici  une  distinction  très  nette  entre
croyance et spiritualité. La croyance peut être utilisée comme un tremplin ou comme une aide
vers la vie spirituelle, mais celle-ci demande de s’en libérer : en tant que fixations mentales, les
croyances et les dogmes sont des obstacles à la réalisation ultime. Par contre, si l’on entend par
“ religion ” ce qui nous relie à l’absolu, à notre nature fondamentale et essentielle – ce qui est
aussi le sens du mot “ yoga ” -, la tradition du Bouddha est une religion.
Toutes ces précisions étant entendues, le Dharma peut être dit une spiritualité, un yoga
spirituel, une science de la réalisation de la nature de  l’esprit  ou  une  voie  de  réalisation  de
l’illusion et de ses souffrances. Sa quête n’a rien d’exclusivement religieux. Au niveau essentiel,
elle est avant les particularités et les croyances spécifiques des différentes religions. L’expérience
spirituelle est au cœur de la religion mais n’est pas réductible à celle-ci. C’est en ce sens que nous
parlons volontiers d’une spiritualité non religieuse.
Quant à la deuxième partie de votre question, il me semble qu’il y a des spiritualités en
dehors du domaine des grandes religions traditionnelles. Nous préférons d’ailleurs la notion de
“ tradition ” à celle de religion. Tradition est synonyme de transmission et s’applique aussi bien
à la spiritualité qu’à la religion ou à des démarches philosophiques, humanistes et même aux
approches indigènes.
Les grandes religions n’ont pas l’exclusivité de la spiritualité. Dans nombre de traditions
primordiales  ou  indigènes,  il  existe  d’authentiques  formes  de  spiritualité,  parfois  mieux
conservées que  celles de  certaines  grandes  religions  institutionnalisées.  Aussi  est-il  juste  de
parler  d’une  spiritualité  laïque,  mais  je  préférerais  éviter  ce  mot  qui  est  très  connoté,
particulièrement en français : pour des raisons historiques, laïque a souvent fini par avoir un
sens anti-religieux et même par devenir synonyme d’athée.  Nous  pourrions  plus  justement
parler d’une spiritualité agnostique, c’est-à-dire ne reposant pas sur une croyance – ce qui est