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Dimanche 17 juin 2007
François CLAVAIROLY, pasteur de l’Eglise réformée de France à Paris-
Saint- Esprit. Les chants sont interprétés par le chœur Per cantum, dirigé par
Etienne LESTRINGANT. A l’orgue : Marie-Louise GIROD.
Un repas chez Simon, un message de pardon.
Luc 7, 36 - 50.
Musique : Chant 247 - Nos cœurs te chantent (NCTC) « Dans toutes nos détresses »,
strophe 1.
Introduction :
FC : Bonjour et bon dimanche à tous. Je vous propose de prendre un peu de temps ce matin
pour l’écoute, la méditation et la prière Pour entendre, dans l’évangile, le récit d’un repas
chez Simon le pharisien. Un repas chez Simon, afin d’y recevoir un message de pardon.
Nous écoutons maintenant le récit de ce repas auquel Jésus est invité et où intervient une
femme qui n’était pas invitée.
Lecture biblique :
« Un pharisien invita Jésus à manger chez lui ; Jésus entra dans la maison du pharisien et
se mit à table. Survint une femme de la ville qui était pécheresse ; elle avait appris qu’il
(Jésus) était à table dans la maison du pharisien. Apportant un flacon de parfum en albâtre
et se plaçant par derrière, tout en pleurs, aux pieds de Jésus, elle se mit à baigner ses
pieds de larmes ; elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et répandait
sur eux du parfum.
Voyant cela, le pharisien qui l’avait invité se dit en lui-même : « Si cet homme était un
prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse ».
Jésus prit la parole et lui dit : « Simon, j’ai quelque chose à te dire » - « Parle, Maître », dit-
il. « Un créancier avait deux débiteurs ; l’un lui devait cinq cent pièces d’argent, l’autre
cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi rembourser, il fit grâce de leur dette à tous les
deux ? Lequel des deux l’aimera le plus ? Simon répondit : « Je pense que c’est celui
auquel il a fait grâce de la plus grande dette ». Jésus lui dit : « Tu as bien jugé ».
Et, se tournant vers la femme, il dit à Simon : « Tu vois cette femme. Je suis entré dans ta
maison : tu ne m’as pas versé d’eau sur les pieds, mais elle, elle a baigné mes pieds de
ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas donné de baiser, mais elle,
depuis qu’elle est entrée, elle n’a pas cessé de me couvrir les pieds de baisers. Tu n’as
pas répandu d’huile odorante sur ma tête, mais elle, elle a répandu du parfum sur mes
pieds. Si je te déclare que ses péchés si nombreux ont été pardonnés, c’est parce qu’elle a
montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu, montre peu d’amour ». Il dit
à la femme : « Tes péchés ont été pardonnés ».
Les convives se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est cet homme qui va jusqu’à
pardonner les péchés ? ». Jésus dit à la femme : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix ».
(Luc 7, 36-50).
Aujourd’hui recevez la grâce, la miséricorde, et la paix du Christ.
Le texte de l’évangile de Luc que nous venons de lire est un enseignement sur le pardon. Il
nous place devant la question de savoir si nous mesurons bien ce que veut dire être
pardonné. Et il nous demande si nous savons, une fois que nous sommes pardonnés, dire
merci et rendre grâce pour le nouveau départ rendu possible et pour le recommencement de
la vie qu’il permet. C’est que le pardon permet d’avancer dans la vie, d’aller à nouveau de
l’avant. Et c’est ce que nous allons voir maintenant en reprenant quelques instants ce récit
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de l’évangile, dont trois versets ont été mis en musique par Etienne Lestringant, pour la chorale Per Cantum,
trois versets qui illumineront cette méditation.
Musique : Chant « Elle pleurait… ».
Au fond, ce récit, c’est l’histoire d’un repas qui aurait pu mal tourner. Simon invite Jésus à sa table car il le
trouve épatant, agréable, et il est assuré de passer avec lui un bon moment. Et s’il est un peu intrigué par sa
personnalité, s’il se doute qu’il a un côté un peu prophète, il est persuadé qu’en tout état de cause la soirée
sera passionnante. Elle le sera en effet !
Car voilà qu’une femme de mauvaise vie, de mauvaise réputation, le texte grec dit simplement « une
pécheresse », vient troubler le repas. Elle pleure et vient mouiller de ses larmes les pieds de Jésus, et puis elle
les sèche avec ses cheveux et puis répand du parfum sur eux. Bref elle commet un geste étonnant,
symbolique, un geste tout entier fait d’humilité et de respect, mais plus que cela, ce faisant, elle honore Jésus
de façon ostentatoire et presque excessive. Elle l’encense, au sens littéral du terme. Et c’est trop !
En faisant cela elle attire en effet l’attention sur elle et sur Jésus, elle déplace la conversation, elle sème le
doute chez notre hôte qui se demande maintenant si Jésus n’aurait pas pu prévenir cet incident, ou tout au
moins le prévoir et l’empêcher, pour éviter ce contact physique, quasi charnel, et cette proximité presque
érotique et gênante entre un homme et une femme au cours d’un repas.
En fait, par ce geste, elle se rend très proche du Christ, mais elle suscite aussi et elle provoque, cela est
incontestable, un dialogue très intense et direct entre Jésus et Simon.
Elle se révèle comme disciple du Christ mais elle suggère maintenant que Simon, dont le nom signifie -
comme par hasard - « écoute », entende le maître à son tour. « Simon, j’ai quelque chose à te dire ».
Ouvrons nous aussi nos oreilles, Jésus a quelque chose à nous dire.
Les larmes versées par cette femme ne sont donc pas inutiles. Elles n’expriment pas seulement de façon
émouvante le lien qui se noue entre elle et Jésus. Et Dieu sait si l’on a glosé sur la nature de ce lien ! Elles
sont la cause d’un enseignement de Jésus sur le pardon. Car cette femme qui pleure, pleure de joie, en réalité,
et d’une joie imprenable, celle qui provient de la conscience vive d’être pardonnée, et d’être pardonnée par
celui-là seul qui peut pardonner tous les péchés.
Simon n’avait pas entendu cela. Il n’avait pas perçu qui était réellement son invité d’un soir. Il n’avait sans
doute pas compris que la conversation de ce repas ne serait pas seulement faite de convenances et de
réflexions polies sur la religion, la morale ou la politique. Ou sur la personnalité de Jésus. Mais
fondamentalement sur le pardon des péchés.
Il n’aura même pas perçu la profondeur de la détresse de cette femme, sa grande détresse et son immense
bonheur lorsque, après qu’elle aura reçu dans la foi la certitude de son pardon, elle osera défaire sa tresse, elle
osera détresser ses cheveux en signe de remerciement, elle osera abandonner sa détresse pour exprimer
maintenant sa reconnaissance à celui qui la pardonne.
Lui, Simon, portait un intérêt à Jésus, elle, elle mettait toute sa foi en lui.
Comme aujourd’hui beaucoup de nos contemporains portent, certes, un réel intérêt à Jésus, alors que ceux qui
se réclament de lui vivent entièrement de son pardon, de sa parole et de sa grâce.
Musique : Chant « Tes péchés sont pardonnés… ».
Tes péchés sont pardonnés. Voici une phrase classique. Voici des mots connus. Des mots de la religion, des
mots de l’évangile. Ici, des mots de Jésus. « Seulement » des mots diront les uns. Une « réalité nouvelle »,
diront les autres. Car cette réalité est celle qui ouvre la route à cette femme de l’évangile, qui était comme
immobile, figée, stigmatisée, étiquetée pour longtemps comme pécheresse. Voici que Jésus lui offre la
possibilité d’un recommencement. Voici qu’il lui redonne le monde, voici qu’il lui redonne la vie, et qu’elle
peut aller la vivre nouvellement au vu et au su de tous, maintenant libérée et libre.
Et pour inaugurer cette nouvelle vie, comme pour marquer d’un signe exubérant, l’exubérance de cette offre
nouvelle, et pour dire à l’excès son amour en réponse au pardon qu’elle reçoit, elle fait un geste de
remerciement, gratuit, sans que personne ne le lui ait demandé, sans que le Christ ne l’exige en retour, un
geste simplement pour dire merci.
Et du coup elle nous interroge par ce geste, avec un clin d’œil joyeux, complice, ému, qu’elle nous ferait
discrètement, en disant : « Et vous ? Savez-vous, comme moi, à qui dire merci ? Savez-vous à qui adresser
vos cris intérieurs de reconnaissance ? Savez-vous dire merci ouvertement, publiquement, comme moi qui
était femme publique, et qui ne craint maintenant plus le jugement de quiconque?
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Savez-vous dire merci en donnant de vous-mêmes mais sans que personne ne vous y oblige ?
Sans que personne ne vous sollicite, ni ne vous y invite ? Savez-vous prendre l’initiative et donner, savez-
vous répandre du parfum, offrir de l’argent, vous rendre disponibles, mais sans culpabilité aucune puisque
vous êtes pardonnés et que vous pouvez faire de votre vie ce que vous voulez ?
Savez-vous honorer le Christ, par exemple, en vous joignant à d’autres personnes, en compagnie d’autres
êtres pardonnés comme vous qui chantent et pleurent de joie? Savez-vous être débordants de reconnaissance
comme déborde ce vase de parfum, pour exprimer la joie de vivre libre, sans qu’aucune instance de ce monde,
ni morale ni religieuse ni politique, n’aie prise sur vous ni ne vous contraigne ni ne vous juge ?
Savez-vous vivre aujourd’hui du pardon qui vous est offert et que nul ne pourra jamais vous reprendre ?
C’est tout cela que Simon entend soudain, dans sa propre maison, devant ses propres amis. Lui qui, comme
beaucoup, ne se sentait pas spécialement débiteur envers Dieu, lui qui le fréquentait régulièrement par la
prière, l’observance et les célébrations, et qui lui donnait de temps en temps des offrandes, le voici bousculé,
dérangé, interpellé par ce geste en excès.
Il avait le sentiment de n’avoir finalement que peu de choses à se faire pardonner, et du coup il réalise, face à
la générosité de cette femme, qu’il ne sait que très peu, lui le fidèle, dire merci, ni même comment dire merci
et à qui dire merci.
Il réalise que le pardon des péchés n’est pas seulement une expression verbale ou rituelle, mais une réalité
vivante et qui libère la parole et le geste. Et qui fait premièrement jaillir du cœur un cri de joie, un cri de
reconnaissance, comme le reprendra à son compte bien plus tard, par exemple, la belle déclaration de foi de
l’Eglise réformée de France dans sa toute première phrase, précisément : « l’Eglise éprouve avant toute chose,
le besoin de faire monter au Père des miséricordes, le cri de sa reconnaissance et de son adoration. ». Le
pardon a donc partie liée avec la joie !
Musique : Quelques notes joyeuses d’orgue.
Voilà donc ce qu’inspire à un lecteur comme moi ce récit de l’Evangile : une réflexion sur le pardon. Mais un
pardon compris non comme une chose très compliquée, très intellectualisée et difficile à expliquer, mais
comme ce qui provoque un cri de libération, comme le soulagement d’un poids trop lourd, comme la
délivrance, enfin, d’un corps et d’un esprit empêchés de s’exprimer librement, comme la possibilité offerte de
crier sa joie –même avec des larmes- et de dire merci. Et du coup, après l’accomplissement de ce geste et de
ce remerciement à Dieu, la possibilité de pouvoir pardonner à mon tour à mon frère ou à ma sœur, à mon
conjoint, à ma femme à mon mari. Et de créer aussi avec lui, avec elle, des relations vraiment renouvelées.
Etre pardonné, c’est par conséquent aussi entrer dans de nouvelles relations avec autrui. Non plus dans des
relations conditionnées par la peur du jugement, -en Christ, il n’y plus de jugement-, non plus dans des
relations faussées par la culpabilité qui ronge, -en Christ, aucune culpabilité n’a le dernier mot-, mais dans des
relations de confiance et de libre responsabilité. Maintenant va en paix, ta foi t’a sauvé(e).
Musique : Chant « Ta foi t’a sauvée ».
« Ta foi t’a sauvée. Va en paix ». Vous savez combien ces phrases résonnent très fort dans le cœur des
croyants. Ta foi t’a sauvée, c'est-à-dire que Dieu a œuvré pour toi, et qu’il t’a libéré. Et qu’il n’y a qu’à le
croire sur Parole. La foi est bien ici l’œuvre de Dieu dans la vie des croyants. Non pas une disposition
naturelle qu’il faudrait titiller ou réveiller à force de pratique religieuse, non pas une sorte de crédulité
originelle ou biologique qu’on pourrait analyser au scanner comme certains veulent s’en persuader, ou pire
encore une prédisposition naïve à admettre des choses invraisemblables comme beaucoup le pensent encore,
mais la foi est l’œuvre de Dieu qui agit et qui inaugure une histoire singulière chez ceux qu’il a choisis.
Le « ta foi t’a sauvé » est en effet suivi d’un « va en paix » qui signifie une invitation à une marche, à un
commencement, à une aventure dans le monde, comme celle d’Abraham qui jadis, le premier, se mit en
marche sur une seule parole de Dieu.
La femme de l’évangile a été mise en route un peu de la même façon que lui. D’abord elle a osé entrer dans
la maison où elle savait trouver le Christ, elle l’a toucet a vu qu’il acceptait de se laisser toucher par elle,
elle a perturbé un repas et provoqué un dialogue entre Jésus et Simon, au point que nous nous sommes un peu
identifiés à lui, et maintenant la voici appelée à sortir, à quitter la scène, et à assumer sa vie sous un jour
nouveau. Va en paix lui dit Jésus.
Au fond le pardon, selon l’évangile, c’est cela : c’est le don de la marche. C’est l’invitation décisive à partir, à
repartir d’un bon pied. C’est la possibilité du recommencement avec soi-même et avec les autres, sans peur et
sans reproche. C’est l’assurance que le passé ne sera plus jamais compté comme dette par quiconque, et qu’il
ne sera plus inscrit au passif de nos vies. C’est par conséquent l’acceptation qu’un autre que nous répare ce
qui est à réparer, qu’un autre que nous efface la dette que nous ne sommes pas en mesure de régler. C’est le
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consentement à notre finitude et à notre faiblesse. Et c’est, au moment d’un nouveau départ, l’aveu de notre
humanité désormais portée par de nouvelles promesses.
Le pardon ne dénie pas le passé ni ne fuit en avant mais il propose au présent la réconciliation, enfin, avec soi-
même. Et il permet l’avènement d’une identité singulière, renouvelée, apaisée. Va en paix nous dit Jésus. La
paix, vous savez, se dit « eirenè » en grec et traduit un mot hébreu qui se dit « shalom », désignant le bonheur
et la plénitude de l’être.
Nous pouvons imaginer maintenant que la femme au parfum ouvre une nouvelle page de sa vie, et que c’est
dans la paix du Christ et la plénitude d’une vie renouvelée qu’elle invente son avenir et découvre de nouvelles
relations une nouvelle famille, un nouvel horizon, un nouveau parfum de vie.
Nous pouvons aussi penser à Simon, c'est-à-dire un peu à nous-mêmes, en vérité, et nous dire qu’après tout,
ce repas ne fut pas totalement un désastre, car nous voici à notre tour invités à découvrir Jésus mais sous un
jour nouveau : non pas seulement comme un homme sympathique, à l’enseignement généreux et porteur de
valeurs positives, comme celle du respect, de l’amour et de la fraternité, comme un convive agréable que nous
voudrions bien avoir à notre table, mais comme celui qui fondamentalement, et au nom de Dieu, nous offre le
pardon. Un pardon qui libère nos vies enchaînées dans nos systèmes, nos vies enfermées dans nos mensonges,
nos vies humiliées par nos trahisons secrètes, et parfois même déchirées et blessées par tant de souffrances.
Et puis nous pouvons enfin , avec Simon, non plus tant désirer inviter Jésus à un repas pour nous faire plaisir,
mais tout simplement nous laisser inviter par lui à sa table, la table sainte sur laquelle est placée la coupe de
bénédiction à laquelle chacun est invité à boire, et où le pain qu’il nous offre est le signe d’une réelle présence
et d’un réel pardon sur chacune de nos vies.
Ce repas chez Simon fait donc penser secrètement à un autre repas, celui de la Cène, celui de jeudi Saint où
seront pardonnés, justement, tous ceux qui l’abandonnent, le trahissent et le renient, où seront pardonnés tous
ses disciples, toute l’Eglise, et avec elle chacune et chacun de nous.
Dans la certitude de ce pardon offert et sans cesse renouvelé pour qui veut le recevoir dans la foi, aujourd’hui
même, nous pouvons alors sereinement et librement prier Dieu, Notre Père, et c’est ce à quoi nous invite
maintenant la chorale :
Per cantum : « Notre Père ».
Bénédiction :
Au moment de nous quitter, au moment où la journée commence, au moment où nous allons voter pour le
député de notre circonscription, au moment où mille choses nous attendent, des petites et peut-être des
grandes, nous nous plaçons sous la bénédiction de Dieu.
Pour aujourd’hui et pour toujours, qu’elle soit pour chacune et chacun de vous une parole de bien, une parole
qui fait du bien, et qui réalise en vous l’œuvre que le Seigneur a préparée pour vous :
Que le Seigneur te bénisse et te garde,
Que le Seigneur fasse briller sa face sur toi et t’accorde sa grâce !
Que le Seigneur lève sa face vers toi et te donne la paix !
Amen. ».
Musique : Chant 247 - Nos cœurs te chantent (NCTC), strophes 2 et 4.
Orgue.
MEDITATIONS RADIODIFFUSEES - France Culture Dimanche 8h30
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