La chirurgie à haute fréquence: son mode d`action

es mains sont les principaux instruments de travail de
l’homme. Les gants les protègent contre le froid, la
saleté, la contamination et les blessures.
Dans le secteur médical, on a recours à des gants
spéciaux pour la protection des patients et du personnel.
Utilisés correctement, les gants médicaux doivent éviter
la transmission de germes entre le personnel médical et
les patients.
Un maximum de sensibilité au toucher, une élasticité
élevée et un port agréable comptent également parmi les
qualités indispensables de ces produits. Une faible
épaisseur de 0,2 mm permet de bien répondre à ces
exigences ; il s’agit alors toutefois de savoir si, et dans
quelle mesure, un tel gant d’opération peut assurer une
protection contre les tensions d’environ 1300 volts, telles
qu’elles sont utilisées dans la chirurgie à haute
fréquence.
1. Aspects généraux de la chirurgie à haute fréquence
Au moyen d’énergie électrique trans-
formée en chaleur, on peut couper
des tissus biologiques et arrêter des
hémorragies.
Cette technologie, utilisée avec des
tensions électriques élevées, com-
porte certains risques. Afin de ré-
duire ces risques au minimum, il im-
porte de bien comprendre le mode
d’action du procédé.
1.1. Interaction entre le courant
électrique et le tissu biologique
Trois effets entrent en jeu lorsque le
courant électrique agit sur l’orga-
nisme : l’effet faradique, l’effet électrolytique et l’effet
thermique.
1.1.1. L’effet faradique
Les cellules nerveuses et musculaires peuvent être
excitées électriquement et sont irritées par le courant
électrique.
Pour les tissus humains, l’effet d’irritation est maximal
pour un courant alternatif d’environ 100 Hz ; au fur et à
mesure que la fréquence augmente, l’irritation diminue
et le courant perd son effet nocif ou dangereux pour la
vie (fig. 1).
1.1.2. L’effet électrolytique
Le courant électrique provoque un flux d’ions dans les
tissus biologiques. Les ions sont de minuscules
particules électriquement chargées.
Lorsqu’on applique un courant continu, les ions à charge
positive se déplacent vers le pôle négatif, et les ions
négatifs vers le pôle positif, où ils endommagent le tissu
biologique. Le courant continu ne
convient donc pas à l’application en
chirurgie.
Par contre, si l’on utilise un courant
alternatif à très haute fréquence,
les particules chargées changent
sans cesse de direction, c’est-à-dire
qu’elles sont amenées à osciller et
n’ont donc pas d’influence nocive.
1.1.3. L’effet thermique
Sous l’effet du courant électrique, le
tissu est échauffé, le degré de cet
échauffement dépendant des fac-
teurs suivants :
La chirurgie à haute fréquence: son mode
d’action, ses risques et comment les minimiser
L
Fig. 1 :
Rapport entre la fréquence du courant
alternatif et l’effet d’irritation sur les cellules
Effet d’irritation neuromusculaire
Numéro 5 2004
1
2
de la densité de courant
de la résistance spécifique du tissu
de la durée d’application de l’énergie
électrique
Plus la densité de courant est élevée,
plus l’augmentation de la température, et
donc l’effet thermique, sont importants.
A l’extrémité de l’électrocautère mono-
polaire (électrode active), la densité de
courant augmente, un arc électrique se
forme et, localement, apparaît une tem-
pérature très élevée. A cet endroit, le
tissu peut être coupé ou cautérisé.
Par contre, au niveau de la surface im-
portante de l’électrode neutre, la densité
de courant et l’augmentation de la tem-
pérature sont si faibles qu’elles restent
sans effet.
2. Principe de la chirurgie HF
Le principe de la chirurgie HF s’appuie sur les phéno-
mènes décrits ci-dessus. Au moyen de l’effet thermique,
on coupe des tissus et arrête des hémorragies. Afin
d’éviter la lésion des tissus par l’effet électrolytique et
l’irritation des cellules nerveuses et
musculaires par l’effet faradique, on
utilise des courants alternatifs à haute
fréquence d’au moins 100 kHz.
Fondamentalement, la chirurgie HF peut
être utilisée à deux fins : pour couper ou
pour coaguler.
2.1. Coupe de tissus
Le courant à densité élevée échauffe si
rapidement le liquide contenu dans les
cellules du corps que la pression de
vapeur qui en résulte fait éclater la
membrane cellulaire (fig. 2). On utilise
ce principe pour couper, et dans une
moindre mesure pour coaguler des
tissus. Les petits vaisseaux avoisinants
sont également resserrés, de sorte que
l’hémorragie est stoppée.
2.2. Coagulation
Dans le cas d’un échauffement lent du
tissu, le liquide s’évapore à l’intérieur et
à l’extérieur de la cellule sans détruire la
membrane cellulaire (fig. 3). Le tissu
rétrécit, ses éléments en mesure d’être
coagulés sont thermiquement cautéri-
sés. On obtient ainsi un arrêt de l’écoule-
ment du sang, même de vaisseaux de
plus grande taille.
3. Techniques de la chirurgie à haute
fréquence
Dans la chirurgie à haute fréquence, on
applique deux méthodes qui se distin-
guent par la voie empruntée par le
courant électrique : la technique mono-
polaire et la technique bipolaire.
3.1. Technique monopolaire
Dans la technique monopolaire, un
puissant effet thermique apparaît au
niveau de la fine électrode active (pointe
de l’électrocautère) en raison de l’augmentation de la
densité de courant. Dans les tissus avoisinants du champ
opératoire, on peut ainsi procéder à une coupe ou à
une coagulation. Dans les tissus plus éloignés, la densité
de courant est nettement réduite ; sans
effet thermique, le courant quitte le corps
en tant qu’énergie électrique par la
grande surface de contact de l’électrode
neutre (fig. 4).
Par rapport à la coupe au bistouri, les
avantages suivants en résultent :
hémorragies évitées
transport de germes évité
tissus ménagés
Le degré de coagulation de la surface
de coupe dépend de la forme de l’élec-
trode et de la ligne de coupe, la profon-
deur de la coagulation dépendant, quant
à elle, de l’intensité du courant HF.
3.2. Technique bipolaire
La technique bipolaire est surtout
appliquée en microchirurgie et neuro-
chirurgie, et ne peut être utilisée que
pour la coagulation. On travaille ici avec
une électrode active bipolaire (pincette),
les deux pôles étant en contact avec le
Chaleur
Fig. 5 :
Mode d’action de la technique bipolaire
Fig. 4 :
Mode d’action de la technique monopolaire
Fig. 3 :
Processus dans la cellule lors de
la coagulation
Chaleur
Fig. 2 :
Processus dans la cellule lors de la coupe
3
champ opératoire. Une électrode
neutre n’est pas nécessaire. L’éner-
gie électrique est appliquée à la
pincette, aux extrémités de laquelle
l’effet thermique assure la coagu-
lation du tissu (fig. 5).
4. La chirurgie HF en toute sécurité
Des standards de sécurité très
stricts et des innovations techniques
font de la chirurgie à haute fré-
quence, correctement appliquée,
une méthode d’opération très sûre.
La connaissance des risques, à elle seule, contribue
déjà à éviter des effets indésirables tels que les
décharges électriques au mauvais endroit. Les gants
chirurgicaux ne sont pas nécessaires comme protection,
mais doivent bien entendu être portés pour des raisons
d’aseptie.
4.1. Risques pour le patient
S’il y a entre le champ opératoire et l’électrode neutre un
contact avec un objet mis à la terre (par exemple la
table d’opération), il peut y avoir des dérivations
indésirables du courant. Au lieu de sortir par l’électrode
neutre, l’énergie électrique se décharge par cette surface
de contact. Plus cette surface est petite (densité de
courant élevée), plus l’effet thermique est puissant et
risque de provoquer une brûlure.
4.2. Sécurité du patient
Pour la protection du patient, il con-
vient de tenir compte des aspects
suivants :
veiller au positionnement correct
(sec et isolé)
éviter tout contact avec des objets
mis à la terre
éviter tout contact ponctuel de
peau à peau (entre médecin/auxi-
liaire et patient, entre différentes
parties du corps du patient)
câble court, pas de points de
contact
les câbles ne doivent pas former
de boucles ni être fixés par des
attaches métalliques
manipuler les désinfectants avec
précaution (l’alcool qu’ils contien-
nent peut être enflammé par une
étincelle électrique)
déposer la poignée de l’électrode
à l’endroit prévu à cet effet
utiliser la tension la plus faible
possible
positionner correctement les élec-
trodes neutres
4.3. Risques pour l’opérateur
En raison des effets décrits ci-
dessus, la chirurgie à haute fré-
quence est une méthode d’opération sûre pour le
chirurgien comme pour le patient. Néanmoins, il peut
y avoir des décharges électriques accidentelles. Si
cela se produit au niveau de la main du chirurgien, on
parle de claquage. L’arc électrique entre l’instrument
chirurgical et la main du médecin provoque un bref
dégagement de chaleur. La température élevée ainsi
apparue détruit d’une part le film du gant chirurgical,
et peut d’autre part entraîner des brûlures douloureuses
de la main.
Les « claquages thermiques » apparaissent surtout
lorsqu’on procède à une coagulation avec une électrode
monopolaire via une pincette. Si l’électrode est activée
trop tôt, alors que la pincette n’est pas encore en contact
avec le tissu, le courant ne peut pas cheminer à travers
le patient vers l’électrode neutre, et passe donc à travers
la pincette vers la main. Si la surface de contact entre la
pincette et la main du chirurgien est très petite (la
pincette n’étant saisie que légère-
ment) et la densité du courant
par conséquent très élevée, une
grande chaleur est dégagée. On
assiste ainsi à ce qui constitue en
fait l’effet voulu de la chirurgie HF,
mais au mauvais endroit. L’énergie
thermique est si élevée qu’un
claquage peut se produire - le film
de latex fond, un trou apparaît dans
le gant et la main de l’opérateur peut
subir une brûlure.
L’échauffement local important peut
détruire des gants chirurgicaux en
latex naturel comme en latex syn-
thétique.
Fig. 6 :
Cheminement voulu du courant
en chirurgie HF monopolaire
Fig. 7 :
Coagulation contre l’air
Courant
Claquage
4
4.4. Conseils pour l’opérateur
Comme pour le patient, il y a égal-
ement pour l’opérateur des mesures
à prendre, qui permettent d’éviter
aisément les incidents :
contrôler l’appareil avant sa mise
en service, éviter les boucles de
câble, vérifier le bon raccordement
des électrodes et des commuta-
teurs, etc.
utiliser par principe des acces-
soires correspondant à l’appareil
utiliser des pincettes isolées
toujours commencer par appliquer l’électrode (ou la
pincette dans le cas de la coagulation) sur le tissu
avant de l’activer
changer régulièrement de gants pendant l’opération :
les graisses cutanées et le contact avec des liquides
font peu à peu gonfler le film de latex, ce qui finit par
réduire la résistance du gant
5. Un gant chirurgical assure-t-il une protection effi-
cace en chirurgie HF ?
On attend d’un gant chirurgical qu’il protège entre autres
contre les blessures par courant HF.
Fondamentalement, le caoutchouc est un isolant. L’effet
isolant dépend de la composition physique du film de
caoutchouc ainsi que de son épaisseur. Plus le film est
épais, plus l’effet est élevé.
La chirurgie HF utilise des tensions moyennes de
1200 V avec des pointes jusqu’à 4000 V. Selon la norme
EN 60903, la protection contre des tensions aussi élevées
exige des gants de protection pour électriciens de la
classe de protection II, d’une épaisseur de paroi de 2,3
mm (fig. 8). Or, pour assurer un maximum de sensibilité
au toucher et un port aussi agréable
que possible, l’épaisseur de paroi des
gants chirurgicaux n’est que de 0,2
mm environ (soit 1/10 de l’épaisseur
d’un gant d’électricien).
Ces gants protègent donc quelque
peu, mais certainement pas à 100 %
contre le claquage. Rappelons toute-
fois que dans le cas d’une application
correcte de la chirurgie HF, le port
de gants à titre de protection n’est
pas nécessaire.
L’effet isolant du caoutchouc dépend non seulement de
son épaisseur, mais aussi de ses propriétés physiques.
Dans le cas d’interventions prolongées, le matériau des
gants a tendance à gonfler, c’est-à-dire à absorber de
plus en plus la sueur et les liquides s’écoulant de la
plaie opératoire, ce qui réduit encore l’effet isolant du
caoutchouc.
Des gants chirurgicaux frais et secs permettent de réduire
la probabilité d’un claquage. Dans son propre intérêt, le
chirurgien devrait donc changer de gants à intervalles
réguliers pendant des opérations de longue durée.
Pour encore plus de sécurité, il est recommandé de
porter deux paires de gants. On a ainsi une double
couche de caoutchouc, et la couche d’air entre les sur-
faces de caoutchouc a un effet isolant supplémentaire.
Fig. 8 :
Gant d’électricien, gant chirurgical
Tableau : Résistivité de divers matériaux en [Ω.cm]
pour courants alternatifs de 0,3 à 1 mégahertz (MHz)
Tissus biologiques Métaux
Sang 0,16.103Argent 0,16.10-5
Muscles, reins 0,2.103Cuivre 0,17.10-5
Foie, rate 0,3.103Or 0,22.10-5
Cerveau 0,7.103
Poumons 1,0.103
Tissus gras 3,3.103
Gant chirurgical en latex naturel : 1010 – 1013 Ω.cm
Impressum
Édition et fabrication : Semperit Technische Produkte Ges.m.b.H. & Co KG, Editeur : Sempermed, Modecenterstrasse 22, A-1031 Vienne, Tel. +43-1-79 777-621,
Fax: +43-1-79 777-630, E-Mail: [email protected], Rédaction : Martina Büchele, Texte : Dr. Michael Höchtl, Peter Pöcksteiner.
08/2004 DM1500853
6. Conclusion
Fondamentalement, on peut affirmer que l’application
de la chirurgie HF n’exige pas le port de gants, et que
ces derniers ne peuvent pas être considérés comme
des gants de protection dans ce contexte. Si la
méthode est correctement appliquée et que le
générateur HF ne présente pas de défaillance, une
décharge du courant électrique au travers du chirurgien
est peu probable.
Pour le cas où il y aurait malgré tout des courants
« déviés » pendant le travail et donc un risque de cla-
quage, des mesures de sécurité et d’isolation supplé-
mentaires, telles que l’utilisation de pincettes spéciales
ou le port de deux paires de gants superposées,
permettent de réduire au minimum la probabilité d’un
tel claquage.
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !