(Lc 23, 37 = Isaïe 53, 12)
Dans le concert de l'attente messianique, il est probable que sous l'influence de la Septante (qui ajoute une
interprétation collective) et du Targum grec (qui met l’accent sur la gloire du serviteur), les esprits n’aient
pas beaucoup eu l’idée d’un messie Serviteur souffrant, de sorte que saint Pierre dise : « Non, cela ne t
’arrivera pas ! » (Mt 16, 22). Pour la même raison, les évangélistes ont probablement eu du mal à voir en
Jésus celui qui accomplit ces textes. C’est pourquoi malgré les ressemblances bouleversantes, aucun récit de
la passion ne fait un parallèle précis avec le texte d’Isaïe.
Ceci dit, même dans le texte de la Septante, le Serviteur (tantôt collectif, tantôt individuel) est un
personnage suffisamment flou pour permettre un questionnement sur son identité, une ouverture : après la
résurrection de Jésus, un homme assis dans son char lisait Isaïe 53, 7-8 (Septante), et demanda à Philippe : «
"Je t'en prie, de qui le prophète dit-il cela? De lui-même ou de quelqu'un d'autre?" » (Ac 8, 30-35). Et
Philippe lui explique ce qui concerne Jésus. L'eunuque accepterait que le prophète parle de lui-même car il
sait que la prophétie biblique parle d'abord pour les contemporains. L'eunuque accepterait aussi que le
prophète parle d'un autre, car il est familiarisé avec l'ouverture messianique des textes de l'Ecriture.
Dans l’évangile de saint Jean
« L’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. »
(Jn 1, 29)
Dans Jn 1,29, le Baptiste appelle Jésus « L’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. » Le mot
Agneau (grec : amnos) renvoie au texte grec d’Isaïe 53,7. Le verbe enlever ne correspond pas au texte grec.
Mais l’expression « enlever le péché », au singulier, correspond au texte hébreu d’Isaïe 53,12.
« Le bon berger donne sa vie »
(Jn 10, 18)
Le texte hébreu dit du serviteur souffrant qu’il « pose son âme » (Is 53, 4.7), c’est une expression hébraïque
qui n’existe pas en grec, mais que saint Jean a reprise, dans son texte grec (Jn 10, 18), on le traduit « donne
sa vie ».
« Bien qu’il eût fait tant de signes devant eux, ils ne croyaient pas en lui, afin que s’accomplît la parole dite
par Isaïe le prophète : Seigneur qui a cru à ce qu’il a entendu de nous, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été
révélé ? »
(Jn 12,38)
Jean cite Is 53,1: cette citation suppose l’interprétation de la mort de Jésus à l’aide du dernier Poème du
Serviteur.
(Notons que l'évangéliste cite le texte d'Isaie sans référence à sa portée primitive -le retour des exilés- mais