LA PERSÉCUTION DES JUIFS
Pour aborder le sort des Juifs pendant la seconde guerre mondiale, il est
indispensable de connaître le contexte qui a pu permettre l’impensable. Nous
proposons ici le résumé d’un article de François et Renée Bédarida dans, La
France des années noires , tome 2 , de l’Occupation à la Libération, p.149-182,
réed.Seuil Histoire, 2000. Cet article est intitulé « la persécution des Juifs ». En
effet, les auteurs insistent sur la distinction fondamentale à apporter entre le
terme de répression qui s’applique à attaquer les personnes pour ce qu’elles font,
et le terme de persécution qui consiste à pourchasser des personnes pour ce
qu’elles sont. Pour les Juifs, le crime qui leur est reproché est d’être né.
1)UNE « QUESTION JUIVE » EN FRANCE
Pour comprendre la portée des événements de la période 1940-1944, il faut
repartir de la sociologie du phénomène juif dans la France de l’entre-deux
guerres. Les auteurs préviennent qu’on ne peut pas parler à proprement parler
d’une « communauté juive ». Les Juifs vivant en France forment un courant très
hétérogène. Il y a déjà une division entre les Juifs français et les Juifs étrangers.
Il y a en 1939, 150 000 Français de confession israélite (parmi eux, 90 000 sont
de « vieille souche » ) et 150 000 Juifs étrangers. Parmi ceux qui sont Français,
leur fierté d’appartenir à la Nation s’est renforcée lors de la guerre 14-18. Leur
francité s’est trouvée reconnue dans le sacrifice pour la patrie. Beaucoup de
choses opposent donc les Juifs français et les Juifs étrangers. Ces derniers
présentent beaucoup de différences (mode de vie, culture, pratique religieuse,
langue parlée le yiddish). Ils sont originaires de Pologne, de Roumanie, de
Hongrie, Tchécoslovaquie, Russie, et depuis peu d’Allemagne et d’Autriche. Ces
immigrés ( à part les Allemands et les Autrichiens) ont une autre différence avec
leurs coreligionnaires français, on les retrouve plutôt au bas de l ‘échelle sociale.
Ce sont en grande partie des travailleurs manuels, des ouvriers, des artisans. Ils
vivent surtout à Paris, 100 000 d’entre eux vivent dans des quartiers pauvres du
centre et de l’est (le Pletzl dans le 4
ème
arrondissement, Belleville, les Buttes
Chaumont). Les Français de confession israélite vivent plutôt dans les quartiers
bourgeois de l’ouest parisien. Les Juifs étrangers arrivés récemment sur le sol
français ont tendance à se regrouper dans des associations qui sont censées les
aider : Union des sociétés juives de France ( à tendance communiste) ou la
Fédération des sociétés juives de France ( de tendance sioniste). De manière
générale, les solidarités sont plus ancrées chez les immigrants récents, les
israélites français ne se reconnaissent pas dans le sionisme. On peut même
distinguer une inquiétude chez les Juifs français qui craignent un regain
d’antisémitisme face à l’immigration juive venue d’Europe centrale.
De fait, cet antisémitisme présente deux visages. L’un est violent, haineux,
alimenté par des phobies et des fantasmes. Il se retrouve à droite et à l’extrême
droite. Un autre antisémitisme est présent, plus latent, banalisé, insidieux. On le
retrouve chez certains communistes et socialistes.
La France de 1939, est le premier pays d’immigration au monde. La xénophobie
et l’antisémitisme s’entremêlent largement. En toile de fond, on retrouve deux
thèmes majeurs : le juif avide d’or et de richesses, et le juif errant, apatride.
Mais attention, comme le montre l’historien Ralph Schor, il existe aussi un « front
philosémite », chez les républicains et démocrates attachés aux droits de
l’homme, et dans le courant chrétien un journal comme La Croix a bien changé
depuis l’affaire Dreyfus, pour certains intellectuels chrétiens l’antisémitisme