Bulletin de Greenpeace sur la politique climatique de la Belgique La Belgique, cancre européen, peut-elle faire la leçon climatique à Varsovie ? Les politiques belges aiment se montrer dans les conférences sur le climat et pointer les faiblesses des autres pays... Mais ont-ils fait leurs devoirs chez eux avant de se rendre au COP de Varsovie ? Avant de donner des leçons sur la scène internationale, mieux vaut avoir un bon bulletin à la maison. On en est loin ! L'Europe ne remplit pas ses obligations en matière de climat Pour avoir un accord climat ambitieux à Paris en 2015, les pays développés doivent, dès l'année prochaine, s'engager à diminuer davantage leurs émissions de gaz à effet de serre. Pour le moment, les promesses de réduction d'émissions amènent le monde vers un réchauffement potentiel de +5°C. On est donc loin de la limite de +2°C d'augmentation que les états se sont engagés à atteindre. Il est dès lors évident que l'Union européenne (UE) n'est absolument pas en mesure de faire la leçon aux autres grands pays développés... Comme le rappelle « climate action tracker », l'objectif de l'UE est largement insuffisant. Son objectif de réduction pour 2020 reste de 20%, soit beaucoup moins que ce que les scientifiques demandent pour limiter la température à +2°C (25-40% de réduction demandée, ce qui pour l'UE signifierait plus ou moins 40%). Cet objectif de -20% est déjà pratiquement atteint en 2013, notamment à cause de la crise ou de l'exportation des activités émettrices de CO2 vers d'autres pays... Objectif actuel : - 20% -30% Évaluation de l'objectif européen par climate action tracker Dans cette Europe trop peu ambitieuse, la Belgique est un des plus mauvais élèves L'objectif européen de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% en 2020 a été réparti entre les pays européens. Dans cette optique, la Belgique est appelée à diminuer ses émissions de 15% en 2020 par rapport à 2005, sans tenir compte des émissions liées à l'industrie. Même dans le cadre de cet objectif de réduction européen trop faible, la Belgique ne remplira vraisemblablement pas ses devoirs d'ici 2020. D'après l'agence européenne de l'environnement, la Belgique n'atteindrait pas son objectif 2020, ni en matière de diminution de CO2, ni en matière de part d'énergies renouvelables, à moins de prendre des mesures supplémentaires. Bulletin de Greenpeace sur la politique climatique de la Belgique Evolution des émissions de gaz à effet de serre belges entre 2005 et 2020 hors industrie selon l'ambition La Belgique n'a pas encore prévu de financement pour aider les pays du Sud à lutter contre les changements climatiques et à s'y adapter En plus de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, les pays développés doivent donner aux pays les plus pauvres les moyens de se développer sans émettre de gaz à effet de serre et de s'adapter aux changements climatiques. Les pays développés, dont la Belgique, se sont donc engagés à augmenter ces financements climatiques jusqu'à hauteur de 100 milliards $ par an d’ici 2020. A Varsovie, ces états doivent urgemment mettre l'argent sur la table. A l'heure d'écrire ces lignes, tous nos voisins ont fait des promesses de financement climatique pour les prochaines années. A moins d'une décision surprise de dernière minute, les ministres belges, eux, se rendront à Varsovie sans le moindre euro à proposer aux pays qui souffriront le plus des changements climatiques. Pire, la Belgique n'a pas respecté son précédent engagement de financement climatique. Seuls 2/3 des 150 millions qui avaient été promis entre 2008 et 2012 ont été versés. Vu le manque d'engagement financier de la Belgique, quelle est sa crédibilité au moment d'assurer le lien, qu'elle prétend vouloir assurer à Varsovie, entre les pays en développement et les pays riches ? Les ministres qui représenteront la Belgique à Varsovie n'ont pas fait leur travail en matière de climat à leur niveau de pouvoir Le bulletin du secrétaire d'état à l'environnement Melchior Wathelet : 5/10 A Varsovie, c'est lui qui représentera la Belgique et qui mènera la délégation belge. Il parlera au nom de notre pays au sein de l'assemblée Onusienne sur le climat. Son faible bulletin en matière climatique lui permettra-t-il d'assumer son rôle de monsieur climat à Varsovie ? Les réformes de l'état successives ont petit à petit retiré des mains du Gouvernement fédéral la plupart des leviers de la politique climatique. Toutefois, il reste certains domaines de compétence fédérale importants pour le climat comme la gestion de l'éolien offshore, du réseau électrique ou Bulletin de Greenpeace sur la politique climatique de la Belgique surtout le puissant levier de la fiscalité... Le principal reproche qu'on peut adresser à Monsieur Wathelet en matière de climat est ce qu'il n'a pas fait. Le climat a rarement été pris en compte par le secrétaire d'état au cours de cette législature. L'absence de plan climat au fédéral coordonnant les initiatives prises à ce niveau de pouvoir est, à ce titre, emblématique. En matière de mesures prises, mis à part l'éolien offshore, dossier qui a eu le mérite d'avancer durant cette législature, les autres leviers d'une politique climatique ont été absolument négligés par le Gouvernement fédéral. État des lieux des principales mesures liées au climat prises par le gouvernement fédéral : La liste non exhaustive des mesures reprises ici ne relève pas uniquement de la compétence du secrétaire d'état. Toutefois, en tant que responsable des politiques climatiques du Gouvernement, nous estimons que sa responsabilité politique est engagée pour toutes ces mesures. Description Dans son accord de Gouvernement, le fédéral promettait d'optimaliser le fonctionnement de la Commission Nationale Climat (CNC) et de renforcer son rôle. La CNC est l'organe central de coordination des politiques climatiques au niveau belge. Elle met autour de la table les régions et le fédéral. L'accord de Gouvernement prévoyait la mise en place d'un droit de substitution au profit de l'autorité fédérale au cas où une Région ou une Communauté ne respecte pas les obligations internationales découlant de la ConventionCadre des Nations unies sur les changements climatiques. Réforme du régime fiscal des voitures de société : intégration de l'impact sur l’environnement (émissions de CO2) dans le calcul de l'avantage en nature. L'accord de Gouvernement promettait que les recettes de la mise aux enchères des quotas CO2 européens serviraient à mettre en place des politiques climatiques. Évaluation Score Non seulement le rôle de la CNC n'a pas été renforcé mais -qui plus est, la coordination des politiques climatiques a été chaotique durant cette législature. Ne soyons pas injuste : la responsabilité n'en incombe pas uniquement à Monsieur Wathelet. Mais son manque d'initiative, notamment en 2012 où il avait la présidence de l'institution, démontre un manque de volonté de faire avancer ce dossier. 0 Le droit de substitution du fédéral est reconnu théoriquement, c'est une bonne chose. Mais les modalités d'application de ce droit ne sont pas prévues et rendent son application hautement improbable. C'est donc un droit de substitution assez symbolique. Cette mesure fiscale a le mérite d'avoir désacralisé cette + aberration environnementale et sociale que sont les voitures de société, mais elle reste très largement insuffisante. Le cœur du soutien fiscal affecté aux voitures de société n'a pas été entamé par la réforme. Toujours pas de décision au moment d’écrire ces lignes. -Cela dépend des discussions relatives au partage de l'effort entre les régions et le fédéral. Mais il semble acquis que l'accord ne prévoira qu'une obligation très limitée d'utiliser l'argent issu de la vente des quotas CO2 pour des politiques climatiques. Bulletin de Greenpeace sur la politique climatique de la Belgique La loi spéciale de financement devait prévoir un mécanisme de responsabilisation climat, avec un système de bonus-malus pour les régions, les poussant à respecter leur engagement de réduction d'émissions dans le secteur du bâtiment. Le mécanisme est en cours d'approbation et la loi spéciale devrait être votée durant cette législature. Mais l'objectif fixé par l'accord est si peu ambitieux qu'il devrait être atteint par les trois régions sans prendre de mesures additionnelles. Il sera aisé pour les régions d'aller au-delà de l'objectif prévu. Or, dans ce cas, le mécanisme prévoit des bonus pour les régions... Bref, ce mécanisme risque bien de récompenser le manque d'ambition. Il a été détourné de son objectif premier. Le gouvernement fédéral s'est M. Wathelet a mis en place un nouveau mécanisme de 0 engagé en début de législature soutien à l'offshore dans le cadre de sa décision sur la à soutenir le développement de prolongation de Tihange 1. Mais ce mécanisme, en liant l'éolien offshore. le niveau de soutien au prix de l'électricité, fait peser une plus grande incertitude sur ce dernier. Si le prix de l'électricité est plus bas que prévu, le mécanisme ne dégagera pas de rentrée financière. D'où viendra alors le financement de l'offshore ? Le fédéral s'est engagé, dans Comme le rappelait IEW, le plan d'investissement dans le 0 l'accord de Gouvernement, à rail du gouvernement fédéral est largement insuffisant utiliser les leviers dont il dispose pour faire face à la nécessaire augmentation de la pour réduire les émissions de fréquentation et pour résoudre les problèmes de gaz à effet de serre et les ponctualité.1 D'autre part, le levier fiscal, principal outil pollutions causées par les climatique fédéral en matière de transport, n'a pas du différents modes de transport. tout été utilisé pendant la législature. -Suppression de la plupart des La suppression de ces déductions fiscales sans déductions fiscales pour les coordination et sans contrepartie au niveau des régions investissements économiseurs s’est avérée catastrophique pour les investissements dans d'énergie dans le bâtiment. la rénovation de notre parc immobilier hyper énergivore. -Le Gouvernement a annoncé Si cette mesure se confirmait, cela pousserait à la qu'il diminuerait la TVA sur consommation d'électricité et serait une décision l'électricité à 6%. politique particulièrement néfaste au niveau climatique. Le bulletin de la Ministre flamande de l'environnement Joke Schauvliege : 2/10 A Varsovie, la Ministre de l'environnement flamande représentera la Belgique au niveau européen. Étant donné son bulletin désastreux en matière de politique climatique en Flandre, elle peut difficilement prétendre donner des leçons aux autres pays... Au cours de la législature, la Ministre flamande a mis en place un plan climat absolument sans ambition. Il prévoit une diminution des émissions hors industrie d'à peine 5,2% en 2020. Bien trop faible lorsqu'on le compare avec l'objectif imposé dans le cadre des obligations européennes qui devrait tourner autour de -15% (celui-ci dépend des discussions, toujours en cours, sur le partage de la charge entre les régions). Si Joke Schauvliege ne prend pas de mesures additionnelles dans son plan climat, la Flandre devra acheter massivement des « crédits carbones » pour environ 10% 1 http://www.iewonline.be/spip.php?article6007 Bulletin de Greenpeace sur la politique climatique de la Belgique de ses émissions de 2005. Ces crédits carbones sont des quotas de CO2 achetés à l'étranger pour des mesures climatiques prises dans d'autres pays. Problème : par manque de contrôle, ces « crédits carbones » aboutissent rarement à de vraies réductions de CO2... Bien qu'il faille faire attention avec les comparaisons, l'objectif actuel classe la Flandre au même rang que les pires élèves au niveau mondial, tels que les USA (-3%/1990) ou l'Australie (-3% /1990). Son plan climat est si faible que même le SERV et le Minaraad, organe rassemblant ONG, syndicats et entreprises, ont estimé que la Ministre Schauvliege devait proposer des mesures supplémentaires.2 Petits arrangements comptables Pour atteindre les objectifs fixés par l’Europe, la Ministre Schauvliege n’a pas hésité à utiliser quelques manipulations comptables au niveau des chiffres. Citons ici : - L'exclusion de certains gaz, comme l'oxyde nitreux (N2O), du rapportage de la Région, amenant à une diminution artificielle de l'objectif de la Région. - En 2011, la Ministre réalisait des cartes de forêts en Flandre et constatait que la Région comptait 177 000 hectares de forêts sur son territoire. Deux ans plus tard, elle annonce que ce chiffre est passé à 185 000 hectares. Bos+, par exemple, s’est très rapidement montré sceptique. A juste titre. Il s’avère en fait que le système de « Boswijzer » n’est pas infaillible et que des quartiers de villas à Latem-Saint-Martin et Brasschaat sont désignés comme forêts… - En 2010, la Ministre Schauvliege avait déjà « arrangé les chiffres » dans la comptabilité de son précédent plan climat. Elle avait artificiellement transféré des crédits reçus via l'ETS (crédit pour les grandes entreprises) vers le non ETS. Elle jouait sur le fait que les objectifs de réduction pour l'ETS et le non ETS sont différents. Voyez l'analyse faite par BBL ici Le bulletin du Ministre de l'environnement wallon Philippe Henry : 5 ou 7/10 (selon l’implémentation du plan climat) Il est encore trop tôt pour juger le travail abattu par le gouvernement wallon en matière de climat. Toutefois, avec un objectif de réduction de -30% en 2020 prévu dans l'accord de gouvernement, la Wallonie s'en sort plutôt mieux en matière d'ambition climatique. Mais le plan climat wallon, qui expliquera comment cet objectif sera atteint, doit encore être approuvé. Il reste donc pas mal d'inconnues à lever, ce qui rend notre évaluation délicate à l’heure actuelle. D'autant que certaines craintes existent quant à l'implémentation du plan. Le financement, notamment, n'est pas garanti. D'autre part, l'indécision du Gouvernement wallon sur les dossiers du photovoltaïque ou de l'éolien pendant cette législature a très fortement handicapé le développement à court terme du renouvelable en Wallonie. Là aussi, beaucoup de décisions doivent encore être prises d'ici la fin de la législature pour contrebalancer ce bulletin très mitigé. 2 http://www.serv.be/serv/publicatie/advies-vlaams-klimaatbeleidsplan-2013-2020