Stratégies marketing horloger Quand le luxe s’en prend à l’art Valeurs. Les marques ont souvent essayé de s’approprier des œuvres ou des artistes. Cette voie n’est pas sans risque. Sylvie Jeanbourquin Extériorisé. Dans le domai- ne de la promotion de l'art, le partenariat est une liaison 28 PME Magazine / janvier 2009 DR A rt et luxe ont évidem ment des valeurs communes: la beauté, la rareté qui lui est si souvent liée, l’exception dont on rêve. Dès lors, il est très tentant pour de nombreuses marques horlogères de promouvoir l’art, d'y faire référence, ou tout simplement de créer. Le mécénat, qui se rapproche le plus de la finalité de l'art pour l’art, est d’ailleurs répandu dans la branche. La Fondation Cartier pour l'art contemporain passe commande à des artistes. La Fondation d'entreprise Montblanc soutient des mécènes. Le Rolex Institute propose de coacher de jeunes artistes par des maîtres dans leur discipline, comme Martin Scorsese pour le cinéma. En matière d'architecture, Breguet a investi 5 millions de francs dans la restauration du Trianon de Marie-Antoinette à Versailles, en lien avec sa montre mythique. «Le mécénat a en premier lieu une vocation philanthropique. Cet investissement permet toutefois à la marque d'améliorer son image en choisissant d'agir dans la durée, d'effectuer des choix pérennes», commentait Marie-Noëlle Letellier, fondatrice d'atelierLUXE, lors de la Journée internationale du marketing horloger à La Chaux-deFonds. Communication. Les montres Tudor font appel à l'artiste new-yorkais Ron Ferri pour créer leur visuel publicitaire. commerciale extériorisée qui peut être assimilée à du sponsoring de manifestation culturelle. On pense à Chopard au Festival de Cannes, Parmigiani au Festival de Jazz de Montreux, Rolex à la Scala. La marque accroît ou consolide sa notoriété en s'associant à un événement. En général, elle analyse les retombées pour se faire une idée des retours sur investissement. L’industrie du luxe aime également faire référence à l'art dans sa communication, en s'associant à des artistes «ambassadeurs» (cinéma, danse, musique). En matière de publicité, cette association est moins fréquente mais bien présente. Girard-Perregaux métaphorise sa manufacture sur le thème du temps qui valorise («Le temps apporte de la valeur»). La marque entoure son garde-temps d'un tableau de Gauguin, ou de bois brut transformé en précieux Stradivarius. «La référence à l'art pictural est la plus délicate. Un tableau placé à côté d'une montre peut lui faire concurrence. Le tableau doit clairement, mais discrètement se rattacher aux valeurs de la marque. L'œuvre de Gauguin n'occupe pas le devant de la scène.» Soft cannibalism. L'horlo- gerie veut être considérée ellemême comme un métier d'art. Elle doit donc faire attention de ne pas trop insister sur les chefs-d'œuvre. Le risque de cannibalisation apparaîtrait aussitôt. Certaines marques préfèrent s'affirmer ellemêmes comme créatrices d'art en mettant par exemple en scène leur patrimoine dans des musées privés. Le plus célèbre est sans conteste celui de Patek Philippe à Genève. Il regroupe 1000 pièces. Depuis quelques années, les musées privés se multiplient, comme s’ils voulaient devenir une sorte de passage obligé vers la vraie légitimité du luxe. Certaines pubs horlogères accèdent au statut de véritables œuvres d'artistes. Tudor a mandaté l'artiste new-yorkais Ron Ferri − qui travaille à l'encre noire sur les photographies − pour créer son visuel publici- Stratégies taire. Une initiative très remarquée, qui a tout simplement fait connaître la marque. Dans le même état d'esprit, Piaget a confié aux artistes français Pierre & Gilles − qui mêlent peinture et photographie − la conception de leur campagne. L’opération peut être considérée comme réussie puisqu’elle a permis à Piaget d'affirmer son esprit moderne et décalé à travers le style des artistes. Sans cannibalisation. Autre succès: Cartier, qui fait appel à sept signatures prestigieuses de la bande dessinée pour le lancement de son modèle Ballon bleu. Cette série de BD a fait l'objet d'un coffret très original qui a marqué l'événement. «Dans ces trois exemples, la publicité devient un lieu privilégié de création, d'émotion, de magie. Ou l'art en soi. La communication est inventive, inédite, elle permet de se démarquer dans un environnement concurrentiel.» Subversif. Certaines pubs res- sortent par leur ton subversif. Ce fut le cas de la campagne 2005 de la marque de prêt-àporter Marithé et François Girbaud, aux frontières du luxe, et qui a détourné «La Cène» de Léonard de Vinci, en remplaçant les hommes par des femmes. Ce choix avait provoqué l'ire des évêques français qui avaient déposé plainte pour injure envers la religion, et qui l'avait faite interdire. Les médias se sont emparés de l'affaire évoquant, et affichant, la publicité dans de nombreuses publications. Et en 2006, un nouveau jugement l’a finalement autorisée... L'art a pour vocation d'être pérenne. La communication publicitaire est éphémère. Les rapports entre art et communication ne sont pas toujours aussi aboutis. Ils sont en fait contradictoires. L'art a pour vocation d'être pérenne, la communication publicitaire est éphémère. L'art a un caractère unique, la pub fait référence à quelque chose de quantifiable; le geste d'un artiste est en principe désintéressé, la raison d'être de la communication est avant tout commerciale (sauf peut-être en matière de mécénat). Le choix de l'art pour communiquer n'est-il pas trop risqué? Il faut en tout cas un lien identifiable du côté des valeurs. «Quand Citroën a sorti son modèle Picasso en faisant référence à l'artiste, elle a tenté de récupérer la notoriété du grand maître pour sa marque. Mais le grand public voit bien qu'il n'y a pas de lien entre les deux. Dans les produits de grande consommation, où l'on n’est pas dans les mêmes valeurs que l'art (beauté, rareté, exception), la communication risque fort de ne pas atteindre son objectif.» Publicité «En tant que client d’UBS titulaire d’un contrat hypothé­ caire, j’ai toujours pu me fier entièrement à UBS. En outre je ne crois pas qu’UBS com­ mettra à nouveau de telles erreurs. UBS va retourner aux bons principes typiquement suisses. J’en suis convaincu.» 0ETER7/TTIGER Client d’UBS depuis 1978 © UBS 2008. Tous droits réservés. ,ESCLIENTESETCLIENTSDl5"3ONTLAPAROLE