Quand le luxe s’en prend à l’art
Valeurs. Les marques ont souvent essayé de s’approprier des œuvres ou des artistes.
Cette voie n’est pas sans risque.
Sylvie Jeanbourquin
A
rt et luxe ont évi-
d e m m e n t d e s
valeurs commu-
nes: la beauté, la
rareté qui lui est si souvent
liée, l’exception dont on rêve.
Dès lors, il est très tentant
pour de nombreuses marques
horlogères de promouvoir
l’art, d'y faire référence, ou
tout simplement de créer. Le
mécénat, qui se rapproche le
plus de la finalité de l'art pour
l’art, est d’ailleurs répandu
dans la branche.
La Fondation Cartier pour
l'art contemporain passe
commande à des artistes. La
Fondation d'entreprise Mont-
blanc soutient des mécènes.
Le Rolex Institute propose
de coacher de jeunes artis-
tes par des maîtres dans leur
discipline, comme Martin
Scorsese pour le cinéma. En
matière d'architecture, Bre-
guet a investi 5 millions de
francs dans la restauration
du Trianon de Marie-Antoi-
nette à Versailles, en lien avec
sa montre mythique.
«Le mécénat a en premier lieu
une vocation philanthropique.
Cet investissement permet
toutefois à la marque d'amé-
liorer son image en choisis-
sant d'agir dans la durée, d'ef-
fectuer des choix pérennes»,
commentait Marie-Noëlle
Letellier, fondatrice d'ate-
lierLUXE, lors de la Journée
internationale du marketing
horloger à La Chaux-de-
Fonds.
Extériorisé.
Dans le domai-
ne de la promotion de l'art,
le partenariat est une liaison
commerciale extériorisée
qui peut être assimilée à du
sponsoring de manifestation
culturelle. On pense à Cho-
pard au Festival de Cannes,
Parmigiani au Festival de
Jazz de Montreux, Rolex à
la Scala. La marque accroît
ou consolide sa notoriété en
s'associant à un événement.
En général, elle analyse les
retombées pour se faire une
idée des retours sur investis-
sement.
L’industrie du luxe aime éga-
lement faire référence à l'art
dans sa communication,
en s'associant à des artistes
«ambassadeurs» (cinéma,
danse, musique). En matière
de publicité, cette association
est moins fréquente mais bien
présente. Girard-Perregaux
métaphorise sa manufacture
sur le thème du temps qui
valorise («Le temps apporte
de la valeur»). La marque
entoure son garde-temps
d'un tableau de Gauguin, ou
de bois brut transformé en
précieux Stradivarius. «La
référence à l'art pictural est
la plus délicate. Un tableau
placé à côté d'une montre
peut lui faire concurrence. Le
tableau doit clairement, mais
discrètement se rattacher aux
valeurs de la marque. L'œu-
vre de Gauguin n'occupe pas
le devant de la scène.»
soft cannibalism.
L'horlo-
gerie veut être considérée elle-
même comme un métier d'art.
Elle doit donc faire attention
de ne pas trop insister sur les
chefs-d'œuvre. Le risque de
cannibalisation apparaîtrait
aussitôt. Certaines marques
préfèrent s'affirmer elle-
mêmes comme créatrices
d'art en mettant par exemple
en scène leur patrimoine dans
des musées privés. Le plus
célèbre est sans conteste celui
de Patek Philippe à Genève. Il
regroupe 1000 pièces. Depuis
quelques années, les musées
privés se multiplient, comme
s’ils voulaient devenir une
sorte de passage obligé vers la
vraie légitimité du luxe.
Certaines pubs horlogères
accèdent au statut de vérita-
bles œuvres d'artistes. Tudor a
mandaté l'artiste new-yorkais
Ron Ferri − qui travaille à l'en-
cre noire sur les photographies
− pour créer son visuel publici-
CommuniCation.
Les montres Tudor font appel à l'artiste new-yorkais Ron Ferri pour créer
leur visuel publicitaire.
DR
28 PME Magazine / janvier 2009
STRATÉGIES MARKETING HORLOGER