est tout à fait intéressante, et devrait faire rééchir
actuellement ceux qui émettent des avis péremp-
toires, hostiles au retour aux pianofortes anciens,
et sur lesquels nous reviendrons plus tard.
Dans les années 1920, une pianiste polonaise,
Wanda Landowska, se prit de passion pour le
clavecin, instrument que personne ne jouait
plus depuis un siècle, le piano ayant pris toute
la place réservée aux instruments à clavier. Elle
t construire par la Maison Pleyel des instru-
ments qui reprenaient la technologie des saute-
reaux grattant les cordes, et de plusieurs plans
de cordes avec des commandes permettant de
varier les registrations.
Wanda Landowska eût sans doute l’intuition
que le succès du clavecin ne passait pas forcé-
ment par la seule musique ancienne, bien qu’elle
reste, même à nos oreilles actuelles, une for-
midable interprète de Bach, Haendel, Rameau,
Couperin et Scarlatti. À la fois, elle encouragea
ses amis compositeurs à écrire pour l’instrument,
(c’est elle qui a suscité les remarquables concer-
tos de Francis Poulenc et de Manuel de Falla), et
d’autre part, elle fut d’accord avec la démarche
de la Maison Pleyel, dont les techniciens ne s’ins-
pirèrent que très peu des clavecins historiques,
mais pensèrent qu’ils pouvaient, ers de plus
d’un siècle de facture pianistique, reprendre
le principe du clavecin et y apporter des solu-
tions modernes: structure métallique, jeux plus
nombreux commandés par cinq à sept pédales
et une lourde tringlerie, sautereaux lourds, en
partie métalliques. Cet instrument hybride, aux
possibilités de registrations pléthoriques pour la
musique ancienne, manquait d’une chose pour-
tant essentielle pour un instrument de musique:
la qualité et la puissance sonore.
Pourtant, de nombreuses maisons (Sperrhake,
Lindholm, Neupert, etc.…) construisirent
jusque dans les années 1980, des instruments
plus ou moins inspirés de ces principes, et qui
pouvaient faire illusion en enregistrement
solo, mais montrèrent leurs limites, bien que
de grands interprètes tels que Robert Veyron-
Lacroix, Rafael Puyana ou Karl Richter les défen-
dirent longtemps, dès qu’il s’agissait de jouer en
public ou de marier l’instrument à d’autres.
Du clavecin “moderne” à
l’actuelle “copie d’ancien”
Dans les années 1960, certains clavecinistes tels
que Gustav Leonhard, aux Pays-bas, ou Anthoine
Georoy-Dechaume, en France, ne se satisrent
plus de cette situation, d’autant qu’ils représen-
taient l’avant garde de la recherche interprétative,
lisant avec passion tous les anciens traités d’in-
terprétation, collectionnant les boîtes à musique
du passé qui étaient les seuls “enregistrements”
venus des XVIIème et XVIIIème siècles, retrou-
vant des minutages d’œuvres connues données
lors de fêtes dont l’organisation était très codi-
ée, apprenant à danser la gigue, la gavotte, le
menuet et toutes les danses qui font l’essentiel des
“Suites” baroques. Ainsi arrivèrent-ils à retrouver
une grammaire du langage baroque, en matière
de tempos (en général beaucoup plus rapides que
la tradition “romantique”), d’ornementation, de
jeu en notes irrégulières, d’improvisation, sur
laquelle tout les musiciens gravitant autour de ces
recherches nirent par s’accorder peu ou prou,
malgré d’inévitables et résistantes chapelles.
Le toucher des clavecins modernes, entre autres,
était inapte à l’exécution correcte d’une orne-
mentation à la fois foisonnante et très subtile.
Après être retourné aux sources en matière de
solfège, il fallait retourner aux sources en matière
de matériau sonore, c’est à dire regarder de près
ce qu’était un clavecin en 1650, ou en 1750, en
France, aux Pays bas ou en Italie, prendre des
cotes, étudier les bois, les tensions, les résistances,
retrouver les métaux de l’époque, etc…
Portés à la fois par la passion de la recherche, de
la redécouverte, et aussi par un soue “soixante-
huitard” de retour aux sources et d’écologie plus
ou moins raisonnés, de nombreux apprentis-
artisans, souvent ex-musiciens, devinrent fac-
teurs de clavecins, et certains d’une manière
très sérieuse, avec de réelles connaissances en
matière de bois (la chose la plus essentielle qui
soit, dans ce domaine). Depuis trente à qua-
rante ans, les très belles copies des meilleurs
clavecins anciens sonnent sous les doigts des
clavecinistes, en même temps que des originaux
restaurés avec amour, et permettent de retrou-
ver des sonorités graves, riches, puissantes, frui-
tées, d’une richesse en harmoniques sans aucune
commune mesure avec les pianos ou clave-
cins modernes, et par ailleurs teintées de par-