ANALYSES ET PISTES D’EXPLOITATION
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SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE 2
àUne légende peinte
L’arrêté du 3 mars 1806 (
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)témoigne de la poli-
tique artistique de Napoléon Ier et révèle la place que
l’Empereur dédie à la peinture, instrument idéal pour accé-
der à l’immortalité et servir sa légende. Elle illustre l’épo-
pée héroïque, montre le général « haranguant les troupes »
et triomphant sans arrogance des armées ennemies,
qu’elles soient autrichiennes ou russes.
Napoléon détermine avec précision les sujets, les
dimensions (en pieds dans le texte original), le prix des
œuvres commandées ainsi que leurs lieux d’exposition.
Il n’est toléré aucun retard de livraison, au risque de n’être
plus jamais sollicité. C’est au Salon du Musée napoléo-
nien ou musée central des Arts (le futur Louvre) que le
public parisien peut venir les admirer avant qu’elles ornent
le palais impérial des Tuileries, lieu central du pouvoir.
Sur l’immense toile Napoléon harangue le 2ecorps de
la Grande Armée sur le pont de Lech à Augsbourg
(
DOC
), réalisée par Pierre-Claude Gautherot, élève de
Jacques-Louis David, le père des soldats et maître de
l’Europe protège, soutient, encourage, rallie, exalte, montre
la voie et indique l’avenir. Tous obéissent à ce chef charis-
matique dont la redingote grise contraste par sa simpli-
cité avec les plumes rouges de ses généraux. La scène
se situe pendant la campagne d’Allemagne de 1805,
lorsque la Grande Armée prend les troupes autrichiennes
àrevers à Ulm. S’apprêtant à investir Augsbourg, le corps
d’armée du maréchal Soult traverse le Lech sur le pont
de Sechausen. Napoléon, suivi de son état-major (Bessières
et le mamelouk Roustam), fait prêter serment aux grena-
diers du 2ecorps (gauche du tableau). S’avançant entre
les soldats, il salue ses troupes en tendant le bras d’un
côté, les embrassant du regard de l’autre. Ce geste fait
clairement référence au salut romain : baignés de culture
classique,les hommes de la Révolution et de l’Empire
s’approprient la gestuelle antique.
Se considérant comme un nouveau Médicis, connais-
seur éclairé et protecteur des arts, Napoléon fait cepen-
dant appel à Dominique Vivant Denon dont l’expérience et
le talent étaient connus de Louis XV et de Louis XVI. Denon
participe à l’expédition d’Égypte et aux guerres d’Italie où
il inventorie les monuments et les œuvres à rapporter en
France. Chargé d’un rapport sur la politique artistique des
rois de France, il est nommé directeur général des musées.
Ministre de la Culture en quelque sorte, il contribua à la
rédaction de l’arrêté de 1806.
La France n’étant pas prête à attaquer la Grande-
Bretagne de front, le Directoire décide une intervention
indirecte en Égypte, étape importante sur la route des
Indes orientales et province de l’Empire ottoman soumise
aux dissensions des mamelouks. Bonaparte se voit
marcher sur les traces d’Alexandre le Grand. L’expédition
quitte Toulon avec 36 000 hommes en mai 1798 et atteint
Alexandrie en juillet. Deux jours après la bataille des
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A
CA
Pyramides, Bonaparte entre triomphant au Caire, peu avant
la destruction de la flotte française par l’amiral Nelson
près d’Aboukir. La population du Caire se révolte, ce qui
l’oblige à reprendre les armes. C’est en se dirigeant vers
la Syrie pour stopper l’invasion turque qu’il prend Jaffa
(mars 1799), où les troupes françaises sont frappées par
la peste. Bonaparte quitte l’Orient, et laisse la direction
des opérations à Kléber, qui est assassiné peu après.
Pour magnifier la campagne d’Égypte, Bonaparte
commande Les Pestiférés de Jaffa (
DOC
) à Antoine-Jean
Gros sur une suggestion de Denon. Sous les arcades d’une
mosquée reconvertie en hôpital, Bonaparte touche un
soldat malade en présence du médecin en chef de
l’armée, Desgenettes, tandis qu’un autre soldat tente
d’écarter sa main de peur qu’il ne soit contaminé. À droite,
un soldat dévêtu soutenu par un jeune Arabe est pansé par
un médecin turc. Un officier, frappé d’ophtalmie, s’appuie
sur une colonne. Au premier plan, un pestiféré agonise
sur les genoux de Masclet, jeune chirurgien militaire atteint
lui aussi. Derrière eux, deux officiers français effrayés :
l’un se protège la bouche avec son mouchoir tandis que
l’autre s’éloigne. Sur la gauche de la composition, au milieu
des hommes gisant sur le sol, un groupe d’Arabes distribue
des vivres. Au loin, le drapeau français domine le minaret.
Les Pestiférés de Jaffa témoigne des aspirations impé-
riales : le geste renvoie, dans la conscience des contem-
porains, au rituel du sacre où le roi de France exerçait son
pouvoir thaumaturgique en guérissant les écrouelles.
Gros est entré dans l’atelier de David en 1785. Il quitte
Paris en 1793 pour l’Italie, où il s’attire l’estime de Bonaparte
grâce à sa représentation de la bataille d’Arcole. Ce néo-
classique inspirera les romantiques tels que Géricault et
Delacroix. Le tableau des Pestiférés est destiné au Salon
de 1804.
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Proposer les
Activités
à, p. 44.
àQuand l’art légitime
le pouvoir
Dès son couronnement, Napoléon désire diffuser son
image d’empereur comme il l’avait fait avec ses portraits
en Premier Consul. Il fait appel en 1805 à Jean-Auguste-
Dominique Ingres, brillant élève de David, qui a reçu le
prix de Rome en 1801.
Le Portrait de Napoléon Ier sur le trône impérial
(
DOC
), acheté par le Corps législatif et présenté au
Salon de 1806, est une commande de l’administration
impériale destinée à l’Empereur.Assis sur un trône somp-
tueux devant un tapis orné des signes du zodiaque et de
l’aigle impériale aux ailes ouvertes, Napoléon porte un
ample manteau pourpre doublé d’hermine, attribut des
monarques de l’Ancien Régime, sur lequel les abeilles
ont remplacé les fleurs de lys. Il tient les regalia (conser-
vées au musée du Louvre) : la main de justice, le sceptre
de Charles V, ainsi que l’épée dite de Charlemagne.
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LES ARTS SOUS L’EMPIRE
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TDC ÉCOLE N°58
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