croyances relatives à sa qualité de prophète. Ces croyances forment un corpus de données
scripturaires et de représentations que l’on désigne ici par le mot « prophétologie ».
Le fait prophétique est amplement étayé par le Coran. Le texte coranique est la source d’autorité
dans laquelle les théologiens des différentes écoles de l’islam ont puisé les premiers articles de
foi en rapport avec cette institution. Le rôle du prophète de l’islam y est décrit parallèlement à
celui des prophètes du passé – figures principalement bibliques ; comme eux, son rôle est celui
d’annonciateur (nadhīr) du message divin au peuple auquel il est envoyé. Le Coran développe
également une rhétorique confirmant ce rôle face aux arguments d’opposants qui mettent en
doute sa légitimité prophétique.
Au sein de la communauté musulmane naissante, l’exemple du prophète Muḥammad a constitué
la norme. Après sa mort, la transmission de ses faits et gestes de même que des traits saillants de
sa personnalité sont devenus objets d’une quête effrénée de la part des croyants. Le corpus des
récits (ḥadīth) ainsi rapportés a connu une croissance phénoménale et la famille des
traditionnistes n’a cessé de croitre jusqu’à devenir, de nos jours encore, l’un des principaux pôles
d’autorité religieuse.
Parallèlement, au sein de la littérature dogmatique de l’islam sunnite a été élaboré un genre
d’ouvrage théologique à part entière dans lequel sont précisées les croyances inhérentes au
prophétisme. Il s’agit du traité de prophétologie (al-nubuwwāt), qui aborde de manière
systématique les questions de la démonstration de l’existence des prophètes ; de la nécessité ou
de la possibilité de leur existence ; de la place qu’ils occupent dans la hiérarchie des êtres, etc.
Parmi les différents genres littéraires qui se sont développés dans le sillage de la vie du prophète
Muḥammad, on retrouve les récits biographiques et hagiographiques (sīra et maghāzī) prolongés
par des recueils d’histoires des prophètes précédant Muḥammad (qiṣaṣ al-anbiyāʾ). Ayant
largement puisé dans les récits bibliques, avec pour objectif de donner une place prépondérante
au prophète Muḥammad dans l’Histoire universelle, comme Sceau des prophètes (khātim al-
anbiyāʾ). Ces récits revêtent à la fois une dimension normative et une puissante charge
symbolique qui se traduit, au plan sotériologique, par la vénération dont est l’objet cet archétype
d’humanité, au sein de la communauté des croyants.
En effet, dans le cadre du soufisme et en particulier dans l’école d’Ibn al-ʿArabī (m. 1240), on
observe le développement de doctrines selon lesquelles le prophète Muḥammad s’identifierait à
l’Homme Universel ou Parfait, al-insān al-kāmil, archétype primordial de l’Homme, dont
l’existenciation précèderait celle d’Adam. À partir du XVIème siècle environ, un rôle toujours plus
important est accordé au Prophète dans le soufisme, au point de donner naissance à la notion de
« Voie Muḥammadienne », al-ṭarīqa al-muḥammadiyya.
Par ailleurs, dans la croyance sunnite, parmi les créatures qui peuvent intercéder auprès de Dieu
au profit du commun des mortels, le prophète Muḥammad revêt une place particulière. Cette
doctrine de la shafāʿa, tirée du Coran et des ḥadiths, est systématisée dans les professions de foi