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PRÉFACE
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un écartement des murs et les chaînages qui retiennent les pierres entre elles.
Les vitraux sont retenus à la structure en pierre par plusieurs éléments métalliques qui
consomment la moitié du fer total utilisé pour chaque édification. Plusieurs dizaines
de tonnes de fer sont nécessaires à la construction d’une seule cathédrale, plusieurs
centaines pour le Palais des Papes d’Avignon. Les constructeurs n’ont d’autres choix
que de réutiliser le fer des bâtiments détruits. Se met en place l’une des premières
filières circulaires. La recherche de la circularité ne fera que s’accentuer à partir de
la généralisation de la comptabilité en partie double au moment de la Renaissance
italienne. Comme l’a montré Max Weber, le capitalisme est un mode d’organisation
rationnel qui cherche à vendre une production en économisant des coûts. Dans son
essence, le capitalisme moderne est donc circulaire puisque cette circularité participe
à la rationalisation de l’organisation. Le mode de production des Trente Glorieuses
constitue bien une exception.
Comment expliquer alors que nos économies gaspillent depuis des décennies autant
de ressources ? Comment expliquer que les humains utilisent plus que la terre n’est
capable de délivrer, diminuant ainsi continûment le « stock » de ressources naturelles ?
Comment expliquer ce que vient, une fois de plus, de rappeler le GIEC ? Le réchauement
climatique est lié pour l’essentiel aux émissions de CO2, elles-mêmes dues aux activités
productives humaines, en particulier dans l’énergie, le bâtiment et l’industrie (dont
la papeterie).
La réponse nous est donnée par l’économiste britannique Arthur Pigou dans les années
1940 : certains biens, comme l’air ou l’eau (très utilisée pour produire du papier à partir
de pâte vierge), n’appartiennent à personne et peuvent donc être utilisés gratuitement
par tout le monde, à partir du moment où les techniques d’extraction sont peu coûteuses.
Ainsi, certaines entreprises ou certains consommateurs surconsomment ces ressources
ou les polluent sans en payer le juste prix. Ces « externalités négatives » peuvent être
corrigées par la fiscalité (ce pour quoi on parle de « taxe Pigou »). C’est le principe du
« pollueur-payeur » qui consiste à appliquer une fiscalité « environnementale » plus lourde
à ceux qui utilisent le plus de ressources sans en acquitter le juste prix. Problème :
cette « internalisation » des externalités environnementales se heurte au rejet de la
fiscalité par les opinions publiques, particulièrement en France, où les politiques
fiscales de ces dernières années ont été à la fois brutales et inecaces, ce qui a généré
un rejet généralisé de l’utilisation de l’outil fiscal. Le bébé a été jeté avec l’eau du bain et
l’instauration d’une fiscalité environnementale est devenue politiquement impossible.
Une solution alternative et tout aussi excellente consiste à créer un marché du CO2 pour
faire payer le prix de la pollution. C’est ce pour quoi plaide le prix Nobel d’économie
français, Jean Tirole. Un tel marché existe en Europe mais fonctionne mal, les prix
étant bien trop bas. Revenir à l’état normal de l’économie circulaire, notamment
dans le papier, passe donc par la fixation d’un prix du CO2 au niveau mondial sur
un marché profond et transparent. C’est un sujet de gouvernance mondiale extrê-
mement ambitieux mais aussi extrêmement passionnant.
DANS
SON ESSENCE,
LE CAPITALISME
MODERNE EST DONC
CIRCULAIRE PUISQUE
CETTE CIRCULARITÉ
PARTICIPE À
LA RATIONALISATION
DE L’ORGANISATION.
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Réconcilier
écologie et économie