J.P. Rozet 2007
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CHAPITRE VII
NIVEAUX D'ÉNERGIE DES ATOMES À N ÉLECTRONS
Ionisation, Excitation
I - DOMAINE OPTIQUE et ELECTRONS LENTS : Couches externes des atomes
1) Photoionisation
Nous avons déjà vu lors de l'étude de l'effet photoélectrique des métaux qu'un phénomène similaire existe aussi
dans le cas des atomes isolés tels qu'on les rencontre par exemple dans une vapeur monoatomique. Dans ce cas, un tel
effet n'est observable que grâce à l'emploi de photons appartenant au domaine UV ou UV lointain : les fréquences-seuil
à partir desquelles l'ionisation des atomes apparaît sont environ deux fois plus élevées que dans le cas des métaux.
L'énergie de "sortie" wi correspondant à l'arrachement d'un électron à un atome, et donnée par
wi = h νi
est ce que l'on appelle l'énergie d'ionisation de l'atome. Dans le domaine visible ou UV, l'effet photoélectrique
ne se produit en général que sur l'électron le moins lié d'un atome donné : nous verrons que l'emploi de photons
correspondant au domaine X permet de mettre en évidence l'existence à l'intérieur de l'atome d'électrons qui lui sont
plus ou moins liés.
2) Bombardement électronique (électrons lents)
Nous avons vu un peu plus tôt que dans les lampes à décharge, le passage d'un courant électronique conduit à
l'émission d'un spectre de raies. Cette décharge s'accompagne également en général de la formation d'ions positifs à
l'intérieur de la vapeur atomique : on peut identifier ces ions par des techniques de spectrométrie de masse. Dès le début
du siècle, nombre de physiciens se sont interrogés sur les mécanismes régissant les échanges d'énergie entre courant
électronique et atomes de la vapeur.
a) Potentiel d'ionisation - expérience de Lenard (1902)
La plupart des expériences réalisées au début du siècle pour l'étude des processus d'interaction électron lent -
atome l'ont été dans des dispositifs apparentés aux premières "lampes électroniques" (diode, triode, pentode, etc...).
Dans une ampoule en verre contenant une vapeur atomique ou un gaz sous faible pression, on dispose un filament et
une "plaque" à chaque extrémité de l'ampoule ; entre les deux, on interpose un certain nombre de "grilles" qui chacune
permettent d'établir une différence de potentiel bien définie entre le filament et un point de l'ampoule, tout en
permettant la libre (ou quasi libre) circulation des électrons au travers de celles-ci. Le dispositif de Lenard est le plus
simple.
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Il comprend une seule grille disposée près du
filament, à un potentiel Vg positif par rapport à celui du
filament : les électrons, émis par le filament à une vitesse
(thermique) quasi nulle, ont acquis une énergie cinétique
2
mv
2
1
T= eVg lorsqu'ils traversent la grille. La
plaque est quant à elle portée à un potentiel Vp négatif
par rapport au filament si bien qu'aucun électron ne peut
l'atteindre : ils rebroussent chemin à l'abscisse notée x0
sur la figure ci-contre. Si des ions positifs sont produits
dans la vapeur, ils seront cependant attirés par la plaque,
ce qui se traduira par l'apparition d'un courant Ip (au
travers du générateur qui alimente la plaque).
L'expérience consiste à faire varier Vg et à mesurer
Ip.
Vg > 0 Vp
Ip
Xo X
-e.V
Ip
Vg
Vi
On constate que le courant Ip n'apparaît que si la tension Vg est supérieure à une valeur Vi qui dépend de la
nature chimique de la vapeur.
L'interprétation de ces expériences repose sur le fait que l'électron étant très léger par rapport aux atomes, il peut
leur communiquer la quasi intégralité de son énergie (cinétique) au cours d'une collision inélastique : si cette énergie
est suffisante, elle permet de vaincre les forces de cohésion correspondant à l'énergie de liaison d'un électron de
l'atome. La condition s'écrit :
iig
2eVWVemv
2
1== (Vg Vi)
et Vi est appelé potentiel d'ionisation des atomes de la vapeur.
Ces potentiels d'ionisation ont été mesurés pour toute une série d'espèces chimiques, en particulier les gaz rares
et les vapeurs de métaux alcalins (les gaz diatomiques sont à éviter ici où on s'intéresse aux propriétés des atomes et
non des molécules).
Les expériences de bombardement électronique ont fourni les premières mesures de l'énergie d'ionisation des
atomes : elles ont été confirmées un peu plus tard par les expériences de photoionisation. Les fréquences seuil
d'apparition doivent être liées aux potentiels d'ionisation par la relation
eVi = Wi = h νi
ou pour les longueurs d'onde :
e
hc
V
V
1
e
hc
eV
hc
h
hc ii
iii
i=λ==
ν
=λ
Rappelons que la valeur de e
h se déduit de la mesure de pente de la droite donnant la contre-tension maximale
en fonction de la fréquence ν des photons mesurée dans le cas de l'effet photoélectrique des métaux. Les valeurs
actuelles de h, c et e permettent d'écrire :
e
hc = 12398,5 Å.Volt
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Le rapprochement des mesures de λi et Wi (photoionisation des atomes et potentiels d'ionisation) redonne des
valeurs remarquablement voisines pour la quantité hc/e :
Atome Cs Rb K Na Li Xe Kr A Ne He
λi en Å 3184 2968 2856 2412 2300 1022 885 787 575 504
νi en Volts 3,89 4,18 4,34 5,14 5,39 12,1 14,0 15,8 21,6 24,6
λi.Vi 12386 12406 12395 12398 12397 12366 12390 12435 12420 12398
Comme nous l'avons déjà signalé, on constate que les potentiels d'ionisation Vi des atomes sont sensiblement
plus grands que les potentiels de sortie VS des métaux correspondants :
Cs Rb K Na
Potentiel de sortie du métal
(VS) 2,1 2,2 2,4 2,5
Potentiel d'ionisation de
l'atome (Vi) 3,89 4,18 4,34 5,14
Les électrons sont donc liés plus fortement aux atomes isolés qu'aux atomes assemblés d'un métal : cette
propriété justifie l'hypothèse des électrons "libres" des métaux qui permet d'expliquer leur conductivité électrique.
b) Potentiels de résonance - Expérience de Franck et Hertz (1913)
L'expérience de Lenard permettait d'étudier le devenir des atomes lors du bombardement électronique, et plus
spécifiquement l'apparition d'ions positifs. Le dispositif de Franck et Hertz est au contraire destiné à observer le
comportement des électrons.
Rappelons que dans les conditions expérimentales de ces expériences, les chocs électrons-atomes correspondent
au cas particulier d'un projectile très léger venant frapper une cible lourde quasi-immobile (vitesse des électrons :
eV1mv
2
12 ve 4.105 m/s ; vitesse des atomes : = M
RT3
vq qq 102 m/s).
Dans ces conditions :
- si la collision électron-atome est élastique, la direction du vecteur vitesse de l'électron change de direction,
mais son module reste inchangé (son énergie cinétique reste la même).
- si la collision est inélastique, l'énergie perdue par l'électron est entièrement communiquée à l'atome cible
(énergie de "recul" négligeable).
Les expériences de Franck et Hertz vont en fait mettre en évidence un phénomène différent de l'ionisation : il
s'agit de l'excitation des atomes de la vapeur.
Le dispositif est semblable à celui de Lenard, mais les potentiels sont fixés à des valeurs différentes.
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La plaque est maintenant portée à un potentiel
positif Vp>0 afin de recueillir les électrons, et maintenue à
un potentiel très légèrement inférieur à celui de la grille
Vp=Vg-ε. On observe donc sur la plaque un courant de
sens opposé à celui de l'expérience précédente. On fait
alors varier Vg en maintenant ε fixe, et on mesure Ip .
Les électrons qui ne subissent que des collisions élastiques
atteignent sans problème la plaque. Par contre, ceux qui
cèdent l'intégralité de leur énergie cinétique (à eε près) à
un atome entre grille et plaque ne peuvent atteindre la
plaque.
Les figures ci-contre reproduisent des résultats
expérimentaux typiques : on observe des oscillations très
nettes et régulièrement espacées du courant plaque. Si on
mesure en même temps l'émission de lumière par le tube,
on constate une brusque augmentation de celle-ci à chaque
fois que Ip repasse par un maximum.
Vg > 0 Vp > 0
Ip
X
-e.V
Energie
potentielle
des électrons
-e.Vg ε = cste.
Courant
plaque
I p
4.9 9.8 14.7 19.6Vg
Vg
Intensité
lumineuse
Cette expérience fut réalisée avec une vapeur de mercure. La position de chaque maximum correspond à une
valeur de Vg qui est un multiple entier de 4,9 V, tandis qu'on constate l'émission d'une lumière monochromatique à λ =
2537 Å (ultraviolet).
On interprète ces courbes de la façon suivante :
- tant que Vg 4,9 V, le courant plaque augmente régulièrement, parce que l'on améliore la collection des
charges (électrons) sur la plaque.
- lorsque Vg dépasse un certain seuil correspondant ici à Vr = 4,9 Volts, on constate une diminution brutale du
courant, qu'on explique par l'apparition de collisions inélastiques au cours desquelles l'électron peut céder la totalité de
son énergie cinétique à un atome de mercure. Ces électrons ne peuvent alors plus atteindre la plaque, à cause du
potentiel antagoniste ε.
- au delà, le courant recommence à croître : ceci s'explique bien si on suppose que les électrons continuent à
céder la même énergie Wr = eVr aux atomes : pour Vg Vr + ε, ils gardent après une collision inélastique une énergie
suffisante pour atteindre la plaque. Lorsque Vg continue à croître, la collection des charges s'améliore à nouveau et le
courant augmente de nouveau.
- pour Vg 2 Vr, les électrons deviennent capables de subir deux collisions inélastiques successives sur deux
atomes différents, en perdant à chaque fois Wr = e Vr : ils peuvent de nouveau perdre toute leur énergie cinétique et le
courant diminue à nouveau brutalement. Le phénomène se répète pour 3Vr, 4Vr, etc...
On est donc conduit à conclure que les atomes de la vapeur ne peuvent prendre aux électrons qu'une quantité
d'énergie parfaitement déterminée :
Wr = e Vr
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L'émission lumineuse s'interprète de la même façon : pour Vg < Vr, aucune collision inélastique ne se produit, et
il n'y a pas émission lumineuse. Dès que Vg Vr, on produit des atomes dans des états excités : ces états excités se
relaxent par émission lumineuse. On note que (λ = 2537 Å )
9,4887,4
25375,12398 = Volts
C'est à dire que la longueur d'onde mesurée pour la lumière émise est en parfait accord avec une transition
radiative entre deux niveaux de l'atome de mercure séparés de 4,9 Volts. Enfin, l'augmentation par paliers de l'intensité
lumineuse est tout à fait cohérente avec l'interprétation en terme de n collisions successives de l'électron ( 0, puis 1,
puis 2, puis 3, etc... photons émis par électron quand Vg augmente).
On note par ailleurs que le potentiel d'ionisation du mercure est de 10,5 Volts, alors qu'on mesure ici Vr = 4,9
Volts : il s'agit là d'une situation où l'atome effectue une transition à partir de son état fondamental d'énergie E1 vers un
état excité d'énergie E2 = E1 + Wr, état dans lequel l'ensemble des électrons reste lié à l'atome. Le potentiel Vr est appelé
potentiel de résonance, et la raie de désexcitation correspondante est une raie de résonance de l'atome.
On vérifie en détail sur cette expérience l'ensemble des prédictions liées à la loi de Bohr, soit ici :
rr12r
reVWEEh
hc ===ν=
λ
c) Potentiels critiques : expérience de Franck et Einsporn (1920)
Les courbes obtenues dans l'expérience de Franck et Hertz, et en particulier celle donnant Ip en fonction de Vg,
ont une forme générale qui dépend de façon assez sensible des conditions expérimentales ; les paramètres les plus
sensibles sont la valeur de ε et surtout la valeur de la pression qui règne dans le tube. Aux pressions relativement
élevées utilisées par Franck et Hertz, on observe une seule résonance, alors qu'en général un atome peut se trouver dans
de nombreux états excités.
En utilisant un dispositif amélioré, et en travaillant à des pressions beaucoup plus faibles, Franck et Einsporn
réussirent à mettre en évidence l'existence de toute une série de niveaux excités du mercure. La figure suivante indique
un exemple typique de courbe ainsi obtenue.
Vg > 0 Vp > 0
Ip
X
-e.V
Energie
potentielle
des électrons
-e.Vg ε = cste.
Volume
équipotentiel
Cathode à
chauffage
indirect
5.86.75.3
4.9
4.7 V (volts)
g
I
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