20 OUT AND ABOUT «Les symptômes d’un cancer pédiatrique ne sont pas spécifiques» Interview de la Doctoresse Hulya Ozsahin, PD, médecin adjointe, responsable de l’Unité d’onco-hématologie pédiatrique des Hôpitaux Universitaires de Genève Les traitements, leurs conséquences et leurs toxicités sont-ils alors recensés dans des protocoles? Certainement, des protocoles internationaux établissent de manière très rigoureuse la marche à suivre et les différentes étapes à respecter pour chaque traitement. Le déroulement ainsi que les résultats des soins sont partagés internationalement entre les pédiatres oncologues. Cette base de connaissance et d’expérience nous a permis de faire d’énormes progrès en pédiatrie et d’agir de manière beaucoup plus efficace ces 40 dernières années. Interview: Virginie Bonjour Chaque année, combien de nouveau cas de cancers pédiatriques comptez-vous en Suisse et au sein de l’Unité d’onco-hématologie pédiatrique des HUG? En 2007, 291 nouveaux cas de cancer pédiatriques ont été enregistrés dans notre pays dont 30 sont soignés au sein de l’Unité onco-hématologique pédiatrique du Département de l’enfant et de l’adolescent des HUG. Par cancer pédiatrique, il faut comprendre tous les cancers qui touchent les enfants de 0 à 16 ans révolus. A partir de 17 ans les adolescents sont pris en charge par des hémato-oncologues pour adultes. Figure 1. Dr Hulya Ozsahin. Quel pourcentage de ces enfants peutêtre soigné? Grace aux progrès faits ses dernières années dans le domaine des cancers pédiatriques, nous atteignons aujourd’hui, pour tous les cancers confondus, un taux de guérison d’environ 70 %. Pouvez-vous nous expliquer ce qui différencie le cancer pédiatrique du cancer adulte? Les cancers pédiatriques sont plus rares et différents des cancers d’adultes. Il existe des cancers pédiatriques qui ne se retrouvent pas chez les adultes et inversement. Par exemple, les cancers de la peau, du sein, de la prostate, du côlon ou encore des poumons sont très rares chez les enfants. Quels sont alors les cancers que l’on rencontre en pédiatrie? Dans la majorité des cas, ce sont des leucémies lymphoblastiques, il s’agit d’une infection très rapide des cellules du sang, qui se soignent aujourd’hui dans 80 à 90% des cas. Viennent ensuite les cancers du cerveau, qui se développent sous forme de tumeurs so- lides et qui affectent le système nerveux central. Les tumeurs du rein, des tissus mous représentent un pourcentage beaucoup plus faible des cancers pédiatriques. Les formes de cancers sont beaucoup plus variées, ce qui nous oblige à utiliser une classification spécifique aux cancers pédiatriques. Cette classification spécifique aux cancers pédiatriques a-t-elle une influence sur les traitements? La plupart des méthodes de traitement sont les mêmes pour un enfant que pour un adulte. Lors de traitements de cancers pédiatriques, nous visons une guérison totale non seulement de la maladie elle-même, mais également à long terme. La qualité de vie future de l’enfant est toute aussi importante que son traitement. Nous ne pouvons donc pas utiliser les nouveautés thérapeutiques existantes pour les chimiothérapies d’adultes, car nous devons avoir un certain nombre d’années de recul pour connaître les conséquences et les toxicités à moyen et long terme de ces traitements. Existe-t-il également des protocoles internationaux pour les cancers d’adultes? Oui, mais les protocoles de cancers pédiatriques sont plus rigoureux. En effet, tous les traitements des cancers pédiatriques doivent avoir lieu dans un milieu spécialisé et non dans un cabinet médical comme cela pourrait se faire pour un cancer d’adultes. Les HUG interviennent-ils dans ce cas? Oui, nous organisons avec l’aide d’associations, une scolarité à domicile ou directement à l’hôpital. Nous mettons tout en œuvre pour qu’il y ait le moins d’échecs scolaires possible et que nos patients puissent retrouver leur environnement social une fois le traitement terminé. Pouvez-vous maintenant nous dire quels sont les symptômes d’un cancer pédiatrique? Malheureusement, les symptômes d’un cancer pédiatrique ne sont pas spécifiques. Il s’agit dans la plupart des cas de symptômes ordinaires tels que maux de ventre, céphalées, fatigues, il est donc très difficile de les recenser. C’est la fréquence et la persistance des symptômes qu’il faudra observer. Si le OUT AND ABOUT NR. 2 | APRIL 2008 ment et d’autre part de prédire la réponse au traitement. A ce titre, une de nos collaboratrices, Dre Gumy-Pause, travaille sur les anomalies du gène ATM dans divers cancers de l’enfant. Figure 2. Equipe médico-infirmière de l’Unité d’onco-hématologie pédiatrique des HUG, au centre Dr Hulya Ozsahin responsable de l’unité. même symptôme persiste 3 à 4 semaines, je conseillerais aux parents d’aller consulter leur pédiatre qui les redirigera, en cas de nécessité, vers un spécialiste. Pouvez-vous encore nous dire quelles sont les dernières découvertes de la recherche dans le domaine des cancers pédiatriques? L’origine des cancers est pour la plupart multifactorielle, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une interaction de facteurs génétiques et environnementaux. Le rôle de certains gènes dans le développement des cancers est de mieux en mieux connu. En étudiant les altérations de ces gènes, nous pouvons comprendre les mécanismes aboutissant à la formation d’une tumeur, et trouver des marqueurs qui nous permettraient d’une part de mieux adapter le traite- Peut-on alors s’attendre à une évolution des traitements et des médicaments? La recherche fondamentale et la recherche clinique des protocoles internationaux sont primordiales pour avancer. C’est grâce aux enfants ayant participé à ces protocoles que le taux de réussite est passé de 5 à 70% au cours de ces 40 dernières années. Cependant, il reste beaucoup à faire. Une meilleure compréhension des mécanismes biologiques permettra d’améliorer encore les traitements et de prévenir les séquelles dues aux traitements à long terme. Pour revenir au traitement des cancers pédiatriques. Pouvez-vous encore nous dire quelle est la durée moyenne d’un traitement? Pour les leucémies lymphoblastiques aiguës, la durée moyenne d’un traitement est de deux ans et demi. Ce sont des traitements de longue durée pendant lesquels l’enfant passe la majorité des neuf premiers mois à hôpital. Après ces neuf mois d’hospitalisation, l’enfant pourra-t-il retourner à l’école? La suite du traitement se fait en milieu ambulatoire. L’enfant pourra donc, si son état de santé le permet, suivre une scolarité plus au moins normale. En revanche, s’il doit subir des cycles de chimiothérapie, comme cela est le cas lors du traitement d’une tumeur solide, son système immunitaire sera trop affaibli et il ne pourra pas se rendre à l’école. Liens sur le thème «cancer de l’enfant» Hôpitaux Universitaires de Genève – Hôpital des Enfants http://extranot.hcuge.ch/internet/Hde.nsf/ Homepage?ReadForm Ligue suisse contre le cancer www.swisscancer.ch Registre suisse du cancer de l’enfant http://www.kinderkrebsregister.ch/french/ survol.htm ISREC Institut Suisse de Recherche Expérimentale sur le Cancer www.isrec.ch Make A Wish Fondation suisse qui réalise les vœux d’enfants souffrant de maladies graves www.makeawish.ch ARFEC Association Romande des Familles d’Enfants atteints d’un Cancer www.arfec.org Association Action Sabrina Travaille en collaboration avec les HUG pour répondre au besoin des enfants malades www.action-sabrina.ch Courir Ensemble Association qui soutient les enfants hospitalisés www.courirensemble.ch FORCE Fondation Recherche sur le Cancer de l’Enfant www.force-fondation.ch CureSearch - Children’s Oncology Group Recueille des dons pour financer la recherche sur le cancer pédiatrique www.curesearch.org – www.childrensoncologygroup.org International Union against Cancer Information sur la journée mondiale du cancer www.uicc.org 21