Ondes planes dans les solides - Femto-ST

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Ondes planes dans les solides
par Vincent Laude
Institut FEMTO-ST, département MN2S
équipe MINANO
« Micro-Instrumentation, NANosciences et Ondes »
32 avenue de l’Observatoire F-25044 Besançon
Email: [email protected]
Toile: http://members.femto-st.fr/vincent-laude/
1 Rappels sur les problèmes aux valeurs propres
Soit une matrice carrée Mij de dimension n × n, à valeurs réelles ou complexes.
Une équation aux valeurs propres λ et aux vecteurs propres ui est de la forme
Mij u j =λui
(1)
Les valeurs propres sont racines du polynôme caractéristique : |Mij −λδij | =0.
Il y a exactement n valeurs propres λ(k) et au plus n vecteurs propres u(k)
(a
i
priori complexes). Les vecteurs propres sont non nuls et normalisables
(k)
(k)
(u(k)
u
=1)
;
on
les
range
dans
une
matrice
X
=u
de sorte que (1) devient
i
k
i
i
i
Mij X jk =Xi j Λ jk avec Λ j k =λ(k) δ j k
(2)
Si X est inversible, alors M =X ΛX −1.
Si M est réelle symétrique, les valeurs propres sont réelles et les vecteurs propres
orthogonaux : X −1 =X T .
En pratique, il existe des algorithmes très performants pour déterminer valeurs
et vecteurs propres.
2
2 Solide anisotrope non piézoélectrique
2.1 Equation de Christoffel
On néglige la pesanteur dans la relation fondamentale de la dynamique,
∂T
∂u
∂ 2ui
ρ ∂t2 = ∂ xi j . Avec la loi de Hooke, Ti j = cij kl ∂x l , on a l’équation d’onde anisoj
k
trope :
∂ 2ul
∂ 2ui
ρ 2 =cijkl
(3)
∂x j ∂xk
∂t
Pour les ondes planes harmoniques de la forme ui(t, r) = ûi exp (iω(t −sn.r)), on
obtient l’équation de Christoffel
ρ ûi =s2 cij kl n j nk ûl
(4)
La lenteur s(n) =k(n) /ω (en s/m) est une
pfonction de la direction repérée par le
vecteur unitaire n. Une quantité du type c/ρ est homogène à une vitesse.
En introduisant le tenseur symétrique de Christoffel, Γil =ci jkl n j nk, on obtient
le problème aux valeurs propres :
ρ ûi =s2 Γil ûl
Attention : Γi l dépend de la direction n.
3
(5)
2.2 Cas isotrope
Dans le cas isotrope, les propriétés des ondes sont invariantes avec la direction de
propagation. Prenons par exemple x1 pour direction de propagation :


c1 1 0 0
c −c
(6)
Γ= 0 c44 0  avec c4 4 = 1 1 12
2
0 0 c4 4
La matrice est diagonale ; elle possède une valeur propre simple et une valeur
propre double.
p
• L’onde de vitesse VL = c1 1 / ρ est une onde de polarisation longitudinale,
puisque de vecteur propre û = (1, 0, 0)T .
p
• Les ondes de vitesse VS = c4 4 / ρ sont de polarisation transverse : deux
vecteurs propres sont û = (0, 1, 0)T et û = (0, 0, 1)T .
√
• Puisque c12 > 0, VS < VL / 2 . La vitesse longitudinale est toujours plus
grande que la vitesse transverse.
•
Les propriétés précédentes sont vraies pour toute solution de l’équation
d’onde (pour le voir, considérer le spectre d’ondes planes).
4
2.3 Exemples pour un cristal cubique
En considérant la forme du tenseur élastique des cristaux cubiques :


2
2
2
c11 n1 +c44(n2 +n3)
(c1 2 +c4 4) n1 n2
(c1 2 +c44) n1 n3


Γ=
.
c11 n22 +c4 4(n21 +n23)
(c1 2 +c44) n2 n3 
.
.
c11 n23 +c4 4(n21 +n22)
Propagation suivant [1,0,0] − Γ est diagonale, avec une valeur propre
simple, p
c11, et une valeur propre double, c4 4. Il existe une onde longitudinale de
vitesse c1 1 / ρ et deux ondes transversales (de cisaillement ou shear) de vitesse
p
c44 / ρ .
Propagation suivant [1,1,0] − On obtient 3 valeurs propres distinctes : c4 4,
1
1
(c
−c
)
et
(c11 +c12) +c4 4. Il existe une onde purement transversale pola1
1
1
2
2
2
p
risée suivant x3, de vitesse
c44 / ρ ; une onde quasi-transversale de vitesse
p
;
une
onde
quasi-longitudinale
de
vitesse
(c −c ) /2 ρ
p 11 12
(2c44 +c1 1 +c12) /2 ρ .
5
2.4 Lenteur, vitesse de phase et vitesse d’énergie
Pour les ondes planes harmoniques :
1
•
La densité d’énergie cinétique est ec = 2 ρω 2 ûi ûi.
•
La densité d’énergie potentielle est e p = 2 cijkl Sij Skl = 2 ω 2 s2 Γi l ûi ûl.
Avec l’équation de Cristoffel, on voit que e p =ec : les énergies cinétique et
potentielle sont égales pour les ondes planes.
•
La densité d’énergie totale est donc : e=ec +e p = ρω 2 ûi ûi.
•
Le vecteur de Poynting est
•
La vitesse d’énergie est par définition Vie =Pi /e
Une relation importante liant vitesse de phase et vitesse d’énergie est
Vie ni =v.
•
On peut montrer l’égalité de la vitesse d’énergie et de la vitesse de groupe
spatiale.
1
Pi =−Ti j
∂u j
∂t
=−ci jkl
∂uk ∂u j
∂xl ∂t
1
=sω 2 cij kl û j ûk nl
6
3 Surfaces caractéristiques
3.1 Surface des lenteurs
Par définition, la surface des lenteurs est le lieu du vecteur s=sn en fonction de
n (c’est une représentation spatiale de la relation de dispersion k(ω, n) /ω). La
vitesse d’énergie (ou vitesse de groupe spatiale) est normale à cette surface.
Il existe toujours trois surfaces des lenteurs : une quasi-L et deux quasi-S. Elles
sont symétriques par rapport à l’origine.
n2
Ve
sn
n1
O
7
3.2 Surface d’onde
Par définition, la surface d’onde est le lieu du vecteur vitesse d’énergie V e en
fonction de n. C’est la surface atteinte au bout d’un temps unitaire par l’onde
issue d’un point source à la fréquence ω (notion liée à la fonction de Green) ;
c’est aussi une surface équiphase. n est normal à la surface d’onde ; les plans
d’onde lui sont tangents.
e
V2
plans
d’onde
n
Ve
e
V1
O
8
3.3 Exemple : silicium (Si, cubique m3m)
2
10000
QL
QS
S
1.5
8000
QL
QS
S
6000
1
4000
2000
V 2 (m/s)
0
0
e
-4
s2 (10 s/m)
0.5
2000
0.5
4000
1
6000
1.5
8000
2
2
1.5
1
0.5
0
0.5
-4
s1 (10 s/m)
1
1.5
2
10000
10000 8000 6000 4000 2000 0 2000 4000 6000 8000 10000
Ve1 (m/s)
9
3.4 Exemple : rutile (TiO2, tétragonal 4/mmm)
2.5
8000
QL
QS
S
2
QL
QS
S
6000
1.5
4000
2000
0.5
Ve2 (m/s)
-4
s2 (10 s/m)
1
0
0.5
0
2000
1
4000
1.5
6000
2
2.5
2.5
2
1.5
1
0.5
0
0.5
-4
s1 (10 s/m)
1
1.5
2
2.5
8000
8000
6000
4000
2000
Ve1
10
0
2000
(m/s)
4000
6000
8000
3.5 Exemple : corindon, saphir, rubis (Al2O3, trigonal 3̄m)
2
15000
QL
QS
QS
1.5
QL
QS
QS
10000
1
5000
V 3 (m/s)
0
0
e
-4
s3 (10 s/m)
0.5
0.5
5000
1
10000
1.5
2
2
1.5
1
0.5
0
0.5
-4
s1 (10 s/m)
1
1.5
2
15000
15000
10000
5000
0
V 1 (m/s)
e
11
5000
10000
15000
3.6 Atténuation
•
Les pertes acoustiques dans les solides sont dues à la conduction thermique, à l’interaction avec les phonons, aux diffusions sur les défauts, etc.
Elles sont grossièrement proportionnelles à ω 2.
•
Les pertes sont plus grandes dans les métaux que dans les isolants ; dans
les polycristaux que dans les monocristaux.
12
4 Solide anisotrope piézoélectrique
4.1 Constantes durcies pour les ondes planes harmoniques
L’équation fondamentale de la dynamique et l’équation de poisson
−iωs T̂ij n j =− ρω 2 ûi et D̂ j n j =0
(7)
avec les équation constitutives
T̂ij =−iωs (ci jkl nk ûl +ekij nk φ̂) et D̂ j =−iωs (e jkl nk ûl −ε j k nk φ̂)
(8)
mènent à
ρ ûi =s2 (Γi l ûl + γi φ̂) et γl ûl =ε φ̂ avec γi =ekij n j nk et ε=ε jk n j nk
(9)
d’où en éliminant le potentiel l’équation de Christoffel avec constantes durcies
γ γ
ρ ûi =s2 Γ̄i l ûl avec Γ̄il =Γil + i l
(10)
ε
ce qui fournit un moyen commode d’obtenir la partie acoustique des ondes planes
harmoniques dans un milieu piézoélectrique.
13
4.2 Couplage électromécanique
Considérons par exemple la propagation selon [010] (axe x2) dans le niobate de
lithium (LiNbO3, trigonal 3m)


c6 6 0
0
c −c
Γ= . c1 1 −c1 4  avec c6 6 = 1 1 1 2
2
.
.
c44
p
Il y a une onde transverse de vitesse c6 6 / ρ et une onde QS et une onde QL de
p
2
vitesses données par 2 ρv =Γ22 +Γ3 3 ± (Γ2 2 −Γ33)2 +4Γ223 .
D’autre part, on trouve
γ1 =0; γ2 =e2 2 ; γ3 =e1 5 ; ε=ε11
donc Γ̄1 1 =Γ11 ; Γ̄22 =Γ2 2 + γ22 /ε; Γ̄23 =Γ2 3 + γ2 γ3 /ε; Γ̄3 3 =Γ33 + γ32 /ε.
La piézoélectricité conduit à une variation des vitesses QS et QL. On prend pour
définition du couplage électromécanique le quotient sans dimension
K 2 =2
∆v
v
14
(11)
4.3 ZnO (hexagonal 6mm)
4
QL
QL (sans piezo)
S
QS
QS (sans piezo)
3
2
s3 (10-4 s/m)
1
0
1
2
3
4
4
3
2
1
0
1
s1 (10-4 s/m)
2
3
15
4
4.4 Quartz (trigonal 32)
3
QL
QS
QS
2
s3 (10-4 s/m)
1
0
1
2
3
3
2
1
0
s1 (10-4 s/m)
1
2
16
3
4.5 LiNbO3 (trigonal 3m)
3
QL
QL (sans piezo)
S
QS
QS (sans piezo)
2
s3 (10-4 s/m)
1
0
1
2
3
3
2
1
0
s2 (10-4 s/m)
1
2
17
3
5 Réflexion et réfraction
5.1 Propriétés générales
•
La polarisation des ondes dans un milieu fluide idéal n’a qu’une composante longitudinale acoustique.
•
La polarisation des ondes dans un solide élastique comporte 3 composantes acoustiques, 1 majoritairement longitudinale et 2 majoritairement
transversales (shear).
•
La polarisation des ondes dans les milieux piézoélectriques comporte 4
composantes, provenant des 3 degrés de liberté acoustiques (ui) et du
degré de liberté électrique (φ). Il y a 1 polarisation majoritairement longitudinale, 2 majoritairement transversales et 1 majoritairement électrostatique.
•
Une polarisation pure incidente donne naissance à 4 ondes réfléchies et à 4
ondes transmises dans un milieu piézoélectrique (1 et 1 dans un fluide ; 3
et 3 dans un solide élastique).
•
La fréquence et la projection du vecteur d’onde sur l’interface se conservent.
18
5.2 Exemple : interface silicium - silice
19
5.3 Déplacements et contraintes généralisés
On définit les contraintes généralisées par T̄ij = Ti j pour i = 1, 2, 3 et T̄4 j = D j
pour i = 4. De même, on définit les déplacements généralisés par ūi =ui pour i =
1, 2, 3 et ū4 = φ.
On peut ainsi écrire les relations constitutives sous la forme
T̄i j = c̄ ij kl
∂ūl
avec c̄ ijkl =cijkl , c̄ ijk 4 =+eki j , c̄ 4 j kl =e jk l , c̄ 4 j k 4 =−ε jk
∂xk
et l’équation fondamentale de la dynamique et l’équation de Poisson


1 0 0 0
 0 1 0 0 
∂ 2ū j
∂T̄ij

= ρ̄i j
avec ρ̄ = ρ

2
0 0 1 0 
∂t
∂x j
0 0 0 0
(12)
(13)
On est ainsi ramené à des équations pseudo-mécaniques semblables à celles des
milieux élastiques. En particulier, l’équation de Christoffel piézoélectrique peut
être écrite ρ̄ij ū j =s2 (c̄ i jkl n j nk) ūl, qui se présente sous la forme d’un problème
aux valeurs propres généralisé (du type Ax=λBx).
20
5.4 Equation aux valeurs propres
Soit un problème de réflexion-transmission sur une interface plane normale à x1.
Les lenteurs s2 et s3 se conservent. Mais quelles sont les valeurs possibles de s1 ?
On peut mettre les équations (12) et (13) sous la forme
− c̄ i 1 2 l s2 − c̄ i 1 3 l s3
δi l
P3
j , k =2 c̄ i j k l s j sk + ρ̄i l 0
!
ūl
τl 1
=s1
ci 1 1 l
0
c̄ i 2 1 l s2 + c̄ i 3 1 l s3 δi l
ūl
τl 1
(14)
avec τi j =Ti j /(−iω).
Il s’agit d’un problème aux valeurs propres généralisé, de la forme
Ah=s1 Bh
(15)
dans lequel les matrices A et B dépendent de s2 et s3 (et des constantes du
milieu). Le vecteur h a 8 composantes, les 4 ūl et les 4 τl 1.
• Il y a 8 valeurs propres, correspondant aux 8 valeurs possibles pour s1.
Ces valeurs propres appartiennent par paires à chacune des 4 surfaces des
lenteurs (le cas échéant à leurs branches imaginaires). Ces paires sont soit
réelles de signes opposés, soit complexes conjuguées.
• Les 8 vecteurs propres sont appelés modes partiels. Il y a 4 modes partiels
réfléchis et 4 modes partiels transmis.
21
5.5 Exemple : modes du rutile
real part
imaginary part
4
4
S, refl.
S, trans.
QS, refl.
QS, trans.
QL, refl.
QL, trans.
3
2
2
1
1
s3 (10-4 s/m)
s3 (10-4 s/m)
3
S, refl.
S, trans.
QS, refl.
QS, trans.
QL, refl.
QL, trans.
QE, refl.
QE, trans.
0
0
-1
-1
-2
-2
-3
-3
-4
-4
0
0.5
1
1.5
2
2.5
-4
s2 (10 s/m)
3
3.5
4
0
22
0.5
1
1.5
2
2.5
-4
s2 (10 s/m)
3
3.5
4
5.6 Exemple : modes du LiNbO3
real part
imaginary part
4
4
S, refl.
S, trans.
QS, refl.
QS, trans.
QL, refl.
QL, trans.
3
2
2
1
1
s3 (10-4 s/m)
s3 (10-4 s/m)
3
S, refl.
S, trans.
QS, refl.
QS, trans.
QL, refl.
QL, trans.
QE, refl.
QE, trans.
0
0
-1
-1
-2
-2
-3
-3
-4
-4
0
0.5
1
1.5
2
2.5
-4
s2 (10 s/m)
3
3.5
4
0
23
0.5
1
1.5
2
2.5
-4
s2 (10 s/m)
3
3.5
4
5.7 Méthode de solution numérique
1. On résout le problème aux valeurs propres (15) dans chacun des milieux 1
(2)
et 2, ce qui donne pour chacun les 8 valeurs propres (s(1)
1 r et s1 r ) et 8 vec(2)
teurs propres ou polarisations (h(1)
et
h
r
r ).
2. La solution générale dans chaque milieu est une superposition des 8
modes partiels, soit
h(t, x) =
8
X
r=1
ou 2)
(1 ou 2)
ar h(1
exp
(iω
(t
−s
x1 −s2 x2 −s3 x3))
r
1r
(16)
3. On partage les modes partiels dans le milieu 1 en 4 MP incidents (leurs
amplitudes sont connues) et 4 MP réfléchis. On partage les modes partiels
dans le milieu 2 en 4 MP transmis et 4 MP incidents (leurs amplitudes
sont nulles).
4. Les 8 composantes de h sont continues à l’interface, ce qui donne 8 équations linéaires pour 8 inconnues (les MP réfléchis et transmis). Le problème est donc entièrement déterminé.
24
5.8 Exemple : interface silicium - silice, et réciproquement
Onde incidente purement transverse (S)
25
5.9 Exemple : interface duralumin - eau, et réciproquement
Onde incidente L dans le duralumin
Coefficient de réflexion rLL dans l’eau
26
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