Modélisation et caractérisation expérimentale Chapitre 2 Modélisation et caractérisation expérimentale Dans ce chapitre nous nous intéressons aux choix des circuits de caractérisation de diodes de puissance en SiC, ainsi qu’aux moyens de mesure, puis aux modèles des semiconducteurs utilisés dans ces circuits. Pour cela nous effectuons un état de l’art des circuits de caractérisation et des moyens de mesure existants. Nous présentons ensuite les modèles de composants à semiconducteur sélectionnés pour simuler les circuits expérimentaux. 2.1 Etat de l’art en terme de mesure de diodes de puissance Le fonctionnement des diodes est décrit suivant deux modes : - Le régime statique constitué par l’état conducteur et l’état bloqué. - La commutation à la mise en conduction et au blocage. Le blocage est la phase la plus intéressante car la plus riche en informations. Dans les paragraphes suivant nous présentons les circuits permettant d’étudier le comportement de la diode suivant son fonctionnement en régime statique et en commutation. 2.1.1 Mesure en statique Le montage qui permet de caractériser le régime statique est identique pour tous les types de diodes. Il consiste à appliquer un créneau de tension positive puis négative aux bornes du composant sous test et de mesurer le courant correspondant. Une résistance est ajoutée en série pour limiter le courant. Pour les diodes non encapsulées, la connexion avec la métallisation est effectuée par une pointe. Les appareils « source de tension-multimètre » (Keithley 2410) permettent l’automatisation de la mesure, le dialogue avec l’ordinateur utilise une liaison GPIB. En ce qui concerne les diodes encapsulées, la courbe ID = f(VD) en direct et en inverse est obtenue par un traceur Tektronix 371A. Il est capable de balayer le plan U-I jusqu'à 3kV et 400A. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 29 - Modélisation et caractérisation expérimentale 2.1.2 Mesure en commutation Les circuits de caractérisation en commutation de diodes peuvent se regrouper selon leurs usages : soit ils servent à étudier le recouvrement inverse, ou bien à déterminer la durée de vie ambipolaire. 2.1.2.1 Recouvrement inverse Le circuit le plus couramment utilisé pour la caractérisation en commutation des diodes de puissance est le convertisseur continu-continu appelé « dévolteur » représenté sur la figure 2.1. L E T D R Figure 2.1 : Hacheur dévolteur. La majorité des montages rencontrés font appel à un interrupteur commandé de type MOSFET en silicium. Cependant pour la caractérisation des diodes de puissance en SiC, certains circuits font appel à des composants plus originaux tel que le tube à décharges [NUTT-04], ou encore un interrupteur commandé semblable au JFET SiC [SPEE-03]. Ces composants ont une capacité parasite très faible, donc la possibilité de commuter à des fréquences plus élevées que le MOSFET en silicium, et aussi une tenue en tension plus importante. Le circuit hacheur dévolteur est bien adapté pour effectuer des mesures en conditions réelles d’utilisation de la diode, notamment pour étudier l’influence de la température sur les pertes en commutation, ou encore pour comparer les performances électriques des diodes SiC et silicium [OZPI-03]. 2.1.2.2 Durée de vie ambipolaire Deux différentes techniques faisant appel à un circuit spécifique sont employées pour estimer la valeur de la durée de vie ambipolaire d’une diode PIN : la méthode appelée OCVD qui est la plus couramment utilisée, et celle nommée CRT [LEVI-04]-[NEUD98]. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 30 - Modélisation et caractérisation expérimentale Le circuit OCVD présenté au paragraphe 3.3.3 consiste à appliquer un courant direct dans la diode, puis à l’interrompre rapidement par l’ouverture d’un interrupteur commandé. La pente de décroissance de la tension de diode après interruption du courant est dépendante de la durée de vie ambipolaire. Le circuit CRT schématisé sur la figure 2.2, consiste à faire circuler un courant direct IF dans la diode, puis à limiter le courant de recouvrement à une valeur IR. La durée du plateau tS (Figure 2.3) pendant lequel la diode reste conductrice est déterminée par la durée de vie ambipolaire (Equation 2.1) [NEUD-89]. RI RR VI VR ID D K Figure 2.2 : Circuit de commutation CRT. ID IF IR t tS Figure 2.3 : Courant de diode au blocage dans le circuit CRT. ⎛ 1 ⎞ t S = τ ln ⎜ 1 + ⎟ ⎝ IR / IF ⎠ 2.1.3 2 (2.1) Conclusion Il existe un nombre important de circuits de commutation de diodes SiC permettant principalement de démontrer la supériorité des diodes SiC par rapport aux diodes en silicium, en terme de rapidité de commutation, de pertes en commutation et d’influence de la température. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 31 - Modélisation et caractérisation expérimentale Très peu de circuits permettent la caractérisation en commutation des diodes SiC, la majorité de ces circuits sont similaires à ceux utilisés pour l’étude des diodes en silicium. Le principal changement réside dans l’utilisation d’un interrupteur commandé spécifique, afin d’obtenir une importante tenue en tension et une grande rapidité de commutation, pour s’adapter aux performances électriques des diodes SiC. Mais les résultats ne sont pas satisfaisants, car pour de fortes tensions, les formes d’ondes de courant de diodes en commutation sont perturbées. La superposition de la mesure et de la simulation est alors difficile, ainsi les paramètres extraits ne sont pas validés. Il est donc nécessaire de déterminer l’origine des perturbations du courant de diode en commutation, et de proposer une solution à ce problème. Ceci fait l’objet du chapitre 4. 2.2 Systèmes et instruments de mesure Les sondes sont des dispositifs insérés dans le circuit, permettant de mesurer la tension et le courant. Dans ce paragraphe nous nous intéressons à la sélection des sondes et aux interactions avec les éléments auxquels elles sont connectées, ainsi qu’aux éléments déterminant le choix d’un oscilloscope pour effectuer des mesures en commutation. Nous avons utilisé une carte d’interface GPIB120A distribuée par la société National Instruments, pour dialoguer via un ordinateur avec l’oscilloscope et l’alimentation de tension. La structure de l’équipement est décrite à la figure 2.4. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 32 - Modélisation et caractérisation expérimentale générateur alimentant les cartes de commande générateur d’impulsions oscilloscope circuit de commutation alimentation de courant alimentation de tension inductance de lissage à air inductance de lissage avec circuit magnétique Figure 2.4 : Photographie de l’équipement du système de mesure. 2.2.1 Oscilloscope 2.2.1.1 Bande passante Pour des mesures de commutations rapides, nous avons besoin d’un appareil de mesure avec une bande passante importante. Pour suivre un signal qui a un temps de montée (tr), on est limité par le temps de montée maximal autorisé par l’appareil de mesure (tm). Ainsi le temps de montée restitué à la sortie de l’appareil de mesure (ts) est supérieur à tr. La relation entre ces temps est donnée par [FARJ-93] (voir Annexe5): ts = tr2 + tm2 (2.2) Lorsqu’on multiplie la fréquence de coupure d’un instrument par le temps de montée du signal en entrée, on obtient le rapport entre le temps de montée du signal d’entrée et l’expression de la bande passante en sortie (voir Annexe5). THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 33 - Modélisation et caractérisation expérimentale FC × tm = ln 9 ≈ 0,35 2π (2.3) Dans le cas où le temps de montée d’un oscilloscope ou d’une sonde n’est pas spécifié, il est possible d’approximer la valeur du temps de montée à partir de la bande passante à partir de l’équation (2.3). Pour minimiser l’influence de l’appareil de mesure (oscilloscope + sonde), il faut que tm soit négligeable devant tr (tm << tr). Pour mesurer des temps de montée ou de descente avec une précision raisonnable (2 à 5% d’erreur), le temps de montée de l’oscilloscope et de la sonde doivent être trois à cinq fois plus petit que le temps de montée de l’impulsion à mesurer [TEK-a]-[FARJ-93]. Par exemple pour mesurer un temps de montée tr = 6ns avec une précision de 2%, il faut tm< 6ns/5. Le temps de blocage de diodes rapides (cf. Figure 4.6) est assez faible (tRR≈14ns) ce qui nécessite un oscilloscope de grande bande passante. L’oscilloscope que nous utilisons (Tektronix TDS744) a pour caractéristique : FC=500MHz soit tm de l’ordre de 0,7ns. Pour une précision de mesure de 2%, cet oscilloscope est capable de mesurer un signal avec un temps de montée tr > 3,5ns. 2.2.1.2 Précision en amplitude La résolution verticale détermine la précision avec laquelle la valeur d’un point est codée. Ainsi, un codage sur n bits autorise 2n intervalles. La quantification minimale est donnée par le nombre de divisions occupées par le signal, multiplié par le calibre et divisé par les 2n bits. Pour augmenter la précision de mesure, il faut que la résolution verticale de l’oscilloscope soit ajustée de sorte que le signal mesuré occupe un nombre de division verticale maximal. Il est nécessaire d’effectuer un moyennage lorsqu’on est en présence d’un bruit non corrélé au dispositif sous test qui n’a pas pu être filtré (dans le cas d’une alimentation à découpage par exemple). Ceci permet d’acquérir l’information requise en un temps s’étalant sur plusieurs périodes identiques. Cette méthode est exploitable en mode répétitif, lorsque les signaux sont périodiques. La résolution obtenue évolue en N, avec N le nombre de répétitions du signal. Si l’on effectue une acquisition sur 16 périodes, la résolution est améliorée d’un facteur 4, soit 2 bits [TEK-b]. La précision de l’amplitude du signal mesuré est améliorée par l’atténuation du bruit et l’accroissement de la résolution en fonction du nombre de périodes. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 34 - Modélisation et caractérisation expérimentale 2.2.1.3 Mode d’acquisition La fréquence d’échantillonnage est le nombre d’échantillons acquis par seconde, et par conséquent la fréquence maximale qui peut être mesurée (théorème de Shannon) dans la limite de la bande analogique. Dans le cadre d’applications impulsionnelles, cette fréquence définit le nombre maximum de points sur les fronts à temps de montée rapide. Deux types d’acquisition sont possibles : l’échantillonnage direct, encore appelé monocoup, et l’échantillonnage séquentiel (répétitif). L’acquisition séquentielle autorise des bandes passantes beaucoup plus élevées qu’une acquisition directe, mais uniquement pour des signaux répétitifs. Ceci est rendu possible par la numérisation d’un point par période du signal. Lorsque l’ensemble du signal est acquis, l’information est restituée suivant une base de temps appelée temps équivalent. 2.2.2 Mesure de courant Les sondes de courant nécessitent une large bande passante (DC et AC transitoires), d’être peu sensibles aux interférences électromagnétiques et capables de mesurer de forts courants sans introduire de distorsion du signal. Les principes des sondes de courant les plus courantes sont : les transformateurs de courant (TC), les dispositifs à effet Hall et les shunts (Tableau 2.1). Transformateur de courant (Pearson 2878) Effet Hall (Tek A6312) Shunt (T&M Research SDN-414-025) Amplitude maximale Bande passante Temps de montée Sensibilité 400A 30Hz à 60MHz 5ns 0,1V/A 50A DC à 100MHz 3,5ns 1V/A Plusieurs kA DC à 1,2GHz 0,3ns 25mV/A Tableau 2.1 : Comparaison des performances des sondes de courant [COST-97]. 2.2.2.1 Les transformateurs de courant La bande passante des transformateurs de courant peut s’étendre jusqu’à 200MHz (Tek CT2). Ceux-ci effectuent un filtrage du signal, assimilable à un filtre passe-haut du premier ordre qui bloque la composante continue du signal. Mais ce type de transformateur sature pour les courants continus [COST-97]. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 35 - Modélisation et caractérisation expérimentale 2.2.2.2 Les sondes à effet Hall Les sondes à effet Hall possèdent une cellule à effet Hall permettant de mesurer le flux magnétique dans le matériau semiconducteur. L’électronique associée permet la mesure de la composante continue (en plus de la composante HF) tout en assurant l’isolation galvanique. Ce type de sonde est bien adapté pour les forts courants continus et les moyennes fréquences (inférieures à 100MHz). Mais elles sont assez sensibles aux interférences électromagnétiques, et leur bande passante chute considérablement avec le calibre en courant. Les sondes actives basées sur le « Zero-Flux » supportent de forts courants, elles sont bien adaptées pour les faibles fréquences et présentent des mesures précises [COST-97]. 2.2.2.3 Les shunts Par rapport aux autres capteurs le shunt présente l’intérêt d’une large bande passante (du continu à 1,2GHz) et une grande dynamique de mesure (de moins d’un ampère à plusieurs milliers d’ampères) [COST-97]. Il ne comporte pas d’isolation galvanique entre le circuit d’insertion et la sortie de mesure, et son utilisation est limitée au niveau thermique. Pour des mesures précises en laboratoire, ce type de capteur demeure l’un des plus performants. Voici quelques types de shunt (T&M research products) (Tableau 2.2). Model Résistance (Ω) Bande passante Energie (Joules) (MHz) Maximale SDN-414-025 0,025 1200 3 SDN-100 1 800 5 Tableau 2.2 : Caractéristiques de différents modèles de shunt. 2.2.2.4 Conclusion L’étude de la commutation de diodes rapides (tRR/2 ≈6ns), avec une bonne précision (2% d’erreur), nécessite un oscilloscope et des sondes de bande passante supérieure à 300MHz. Le shunt est le seul type de sonde de courant qui possède une bande passante supérieure à la valeur requise. Son utilisation est limitée par l’énergie qu’il est capable de dissiper, ainsi dans le cas d’un faible rapport cyclique cela offre une très large gamme de courant. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 36 - Modélisation et caractérisation expérimentale 2.2.3 Mesure de tension Lorsqu’on souhaite étudier la commutation classique de diodes haute tension, une autre difficulté correspond à la mesure de la tension, car le composant supporte une tension de quelques centaines de volts à l’état bloqué et change d’état très rapidement. En général, les sondes peuvent se classer en trois types : les sondes passives à fortes impédances, les sondes passives à faibles impédances et les sondes actives. Chacune de ces sondes offre des avantages et des inconvénients selon le type d’applications. Le tableau 2.3 montre quelques types de sondes. Type de Sonde Tension maximale Bande passante Résistance d’entrée Capacité d’entrée Passive X10, haute impédance (Tek P6139A) 500V 500MHz 10MΩ 8pF Passive X10, faible impédance (Tek P6150) 12,5V 9GHz 50Ω 0,15pF Active X10, haute impédance (Tek P6243) 40V 1GHz 10MΩ 1pF Tableau 2.3 : Caractéristiques de différents types de sondes de tension. Malheureusement, connaître la tension maximale et la bande passante n’est pas suffisant pour sélectionner une sonde de tension. D’autres caractéristiques telles que la résistance et la capacité d’entrée, ont un effet sur la performance de ces sondes, et de leur interaction avec le circuit. 2.2.3.1 Interaction entre sonde et oscilloscope Une sonde interagit avec l’oscilloscope selon le schéma équivalent suivant : THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 37 - Modélisation et caractérisation expérimentale Rt Ct Tête de sonde Ro Co Entrée de l’oscilloscope Figure 2.5 : Schéma simplifié d’une sonde de tension atténuatrice. La capacité Co englobe la capacité d’entrée de l’oscilloscope, la capacité du corps de la sonde et la capacité du câble de la sonde. Gain à basse fréquence GBF = RO /(R0+Rt) (2.4) Gain à haute fréquence GHF = Ct /(Ct+C0) (2.5) Le schéma équivalent de l’association sonde/oscilloscope forme un pont diviseur RC, dont la fonction de transfert H(p) s’écrit : H ( p ) = GBF 1 + pτ 1 1 + pτ 2 (2.6) Avec τ1 = R0C0, τ2 = RtCt et p la variable de Laplace. Bien évidemment afin d’obtenir une même atténuation pour toutes les fréquences il faut que τ1 soit égale à τ2, c'est-à-dire : RtCt = R0C0 (2.7) Pour obtenir cette condition, la sonde est étalonnée en ajustant la valeur de la capacité du corps de la sonde, situé en parallèle de la capacité d’entrée de l’oscilloscope, à l’aide d’un signal en créneau. Lorsque la sonde est mal réglée nous pouvons distinguer deux cas différents [TEK-a] : RtCt < R0C0 la sonde est dite sous-conpensée, et RtCt > R0C0 la sonde est dite sur-conpensée. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 38 - Modélisation et caractérisation expérimentale 2.2.3.2 Interaction entre sonde et platine Pour étudier l’influence de la tête de sonde sur le temps de montée du signal de sortie, nous pouvons utiliser le schéma (Figure 2.6) qui représente l’entrée de la sonde par un circuit équivalent Rt //Ct [TEK-a]. Rs Cs Es Ct Signal source Rt Tête de sonde (a) Rs Cs + Ct Es Em (b) Figure 2.6 : Modèle du circuit de test et tête de sonde. Si Rt >> Rs la résistance de la sonde peut être ignorée. Donc le schéma de la figure 2.6 (a) peut se simplifier comme le schéma de la figure 2.6 (b). Si nous ne connectons pas la sonde, le temps de montée du signal Es est tr1 (voir Annexe5). tr1 ≈ 2, 2 Rs Cs (2.8) Maintenant si nous connectons la sonde, le temps de montée en sortie tr2 devient plus élevé que celui d’entrée tr1. tr 2 ≈ 2, 2 Rs (Cs + Ct ) (2.9) La variation relative du temps de montée vérifie la relation : THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 39 - Modélisation et caractérisation expérimentale tr 2 − tr1 Ct ≈ tr1 Cs (2.10) Pour Rs = 200Ω Cs = 20pF et Ct = 8pF, nous obtenons tr1 = 8,8ns et tr2 = 12,3ns. La variation du temps de montée vaut 40%. Donc pour réduire l’erreur introduite par la sonde sur le temps de montée du système (circuit test et sonde de tension) il faut diminuer la capacité de la tête de sonde. Quelques valeurs de Ct sont données dans le tableau suivant : Type de sonde (Tektronix) Atténuation Bande passante Capacité Ct Limite en tension Tektronix P6243 X10 1GHz 1pF 40V Tektronix P6139A X10 500MHz 8pF 500V Tektronix P5100 X100 250MHz 2.75pF 2500V Tektronix P6015A X1000 75MHz 3pF 40kV Tableau 2.4 : Exemple de sondes de tension [TEK-b]. On peut considérer que le choix des sondes dépend : - du niveau de tension à mesurer, qui détermine l’atténuation de la sonde et son calibre en tension, - du temps de montée du signal et de la capacité du signal source Cs, qui va déterminer la précision obtenue selon la valeur de capacité de la tête de sonde utilisée. Au début de l’ouverture de la diode, la capacité de jonction (représentée par Cs) est grande, d’où une erreur moins importante sur la mesure que lorsque la tension inverse de la diode est grande. 2.2.3.3 Conclusion et études complémentaires Nous venons de voir (Tableau 2.3) que les sondes de tensions passives de faible impédance et les sondes actives possèdent la bande passante la plus importante (>1GHz), mais leur tension maximale est trop faible (<50V). Dans le cas de diodes haute tension en SiC, capables de commuter des fortes tensions en un temps très court et qui possèdent une faible capacité de jonction, il est nécessaire de THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 40 - Modélisation et caractérisation expérimentale choisir une sonde passive atténuatrice X100 ou X1000 de haute impédance, de grande bande passante, et de faible capacité afin de minimiser l’erreur de mesure de tension. La sonde de tension Tektronix P6015A paraît bien adaptée avec son rapport d’atténuation de 1000 et sa capacité de tête de sonde de 3pF, mais sa bande passante semble trop basse pour mesurer des commutations rapides de diodes SiC. Pour caractériser la diode PIN SiC nous avons utilisé une sonde passive atténuatrice X100 (P5100) car sa bande passante est suffisamment importante, et sa limite en tension de 2,5kV est très supérieure à la tension d’avalanche de 750V de la diode étudiée. La mesure des commutations rapides de composants SiC comme les diodes 5kV ou les nouvelles diodes 10kV du laboratoire, n’est pas envisageable avec des sondes de tension classique. Ceci nécessite une large bande passante (>175MHz) et une amplitude de tension supérieure aux sondes existantes dans le commerce. Différentes technologies ont été étudiées sans obtenir de résultats satisfaisants. Les sondes utilisant des propriétés électromagnétiques tel que le transformateur de courant CT2 associé à une résistance (Figure 2.7), sont trop sensibles aux perturbations du milieu environnant. VE R1=10kΩ R2=100Ω VS CT2 (1mV/mA) Figure 2.7 : Sonde de tension utilisant un transformateur de courant et une résistance. Les imperfections du circuit de mesure du pont diviseur résistif (inductances et capacités parasites) sont la source de courant de mode commun qui perturbent le signal. Les sondes de tension utilisant un pont diviseur capacitif doivent présenter une capacité d’entrée plus faible que la capacité de jonction de la diode (<3pF), pour ne pas ralentir la commutation de la diode. C’est aussi elle qui détermine le rapport d’atténuation de la sonde puisque la capacité d’entrée de l’oscilloscope est fixe (C=10pF). Mais des capacités aussi faibles rendent la sonde très sensible aux perturbations. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 41 - Modélisation et caractérisation expérimentale 2.3 Modélisation des semiconducteurs L’ensemble des modèles de composants semiconducteurs peut se diviser en deux groupes : un groupe de méthodes qui emploient des modèles numériques, et un groupe de modèles analytiques. Dans le cas des modèles numériques, il s’agit souvent de logiciels à éléments finis (MEDICI, ISE-DESSIS) qui résolvent les équations de la physique des semiconducteurs, telles que l’équation de diffusion, les équations de transport, etc. Ces équations ont des paramètres qui sont entièrement déterminés par les dopages et les dimensions physiques de la puce de silicium, ou de carbure de silicium. L’inconvénient de ces modèles est qu’ils sont difficilement implantables sous forme de circuit équivalent, sauf dans le cas des composants unipolaires. Les modèles analytiques peuvent être soit comportementaux (VHDL-AMS, MAST) et dans ce cas ils utilisent des équations décrivant le comportement électrique du dispositif, soit structuraux (SPICE) qui consistent généralement à représenter le dispositif par des composants tels que résistances, capacités, et sources commandées. Les valeurs de ces composants sont choisies de façon à ce que le comportement du composant semiconducteur modélisé corresponde le mieux possible au comportement mesuré. L’inconvénient des modèles structuraux réside surtout dans le fait que l’identification des paramètres du modèle se fait pour un point de fonctionnement, et que souvent ces paramètres ne sont valables que pour ce point de fonctionnement. Notre but est de simuler l’ensemble du circuit de mesure au moyen du simulateur électrique ISE-DESSIS [ISE]. Ce logiciel de simulation électrique permet d’utiliser la simulation de composants par éléments finis avec des modèles structuraux de type SPICE [PSPI]. Il est préférable d’identifier les paramètres transitoires à partir de mesures en commutation plutôt que des mesures capacitives pour les composants de puissance. Les appareils standard de mesure de capacité fonctionnent en général au-dessous de 40V, car destinés plus particulièrement à la microélectronique. C’est une limitation pour la pluspart des dispositifs à semiconducteur de puissance. De plus, les tensions grillesource pour les mesures de C=f(V) sont limitées au dessous du seuil afin de ne pas rendre brusquement passant le composant polarisé sous quelques dizaines de volt. Or toutes les commutations se passent au-dessus de VT. Enfin, les méthodes actuelles de THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 42 - Modélisation et caractérisation expérimentale mesure employées exploitent des courants faibles pour la mesure de capacité. De telles méthodes posent un problème de bruits de mesures, qui rend les mesures très difficiles et de reproductibilité, qui dépend de la connectique et du câblage. Il en résulte que la méthode temporelle est plus facile à mettre en œuvre et plus précise que la méthode classique pour les composants haute tension [OMAR-02]. Les méthodes de modélisation numérique de composants semiconducteurs résolvent les équations des semiconducteurs. Le fonctionnement des composants semiconducteurs est gouverné par les équations ci-dessous. Nous limitons l’étude de la diode au cas unidimensionnel. a) Equation de Poisson ∂E ρ ( x, t ) = ( x , t ) ∂x ε (2.11) où ρ ( x, t ) = q [ Γ( x) + p ( x, t ) − n( x, t ) ] (2.12) et Γ( x) = N D ( x) − N A ( x) (2.13) b) Définition du potentiel électrique (équation de Faraday) ∂Ψ ( x, t ) = − E ( x, t ) ∂x (2.14) c) Equations de continuité ∂p 1 ∂J P ( x, t ) = −U ( x, t ) − ( x, t ) ∂t q ∂x (2.15) ∂n 1 ∂J n ( x, t ) = −U ( x, t ) + ( x, t ) ∂t q ∂x (2.16) d) Taux de génération-recombinaison (Shockley-Read-Hall) U SRH ( x, t ) = pn − ni2 τ p n + τ n p + τ 0 ni avec τ 0 ni = p1τ n + τ p n1 (2.17) (2.18) e) Taux de recombinaison Auger R A ( x, t ) = ( Cn n + C p ) (np − ni2 ) THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium (2.19) - 43 - Modélisation et caractérisation expérimentale f) Taux de génération-recombinaison total U ( x, t ) = U SRH ( x, t ) + R A ( x, t ) + U avalanche ( x, t ) avec Uavalanche correspondant au taux de génération par avalanche, aussi appelé ionisation par impact g) Equations de transport : dérive et diffusion J p ( x, t ) = q µ p p ( x, t ) E ( x, t ) − qD p ∂p ( x, t ) ∂x (2.20) J n ( x, t ) = q µ n n( x, t ) E ( x, t ) + qDn ∂n ( x, t ) ∂x (2.21) 2.3.1 Modèle du MOSFET Les circuits de commutation de diodes utilisent un interrupteur commandé de type MOSFET pour provoquer sa commutation. Il est important de le modéliser avec précision pour étudier son influence sur la commutation de la diode. Seul le circuit OCVD fait appel à un relais à contact mercure, car son temps de coupure doit être très inférieur à la valeur de la durée de vie ambipolaire. De part sa grande rapidité de commutation et sa faible capacité entre les contacts mécaniques, le relais à mercure n’influe presque pas sur la commutation de la diode et donc il n’est pas nécessaire de le modéliser. Pour modéliser le MOSFET nous avons utilisé dans le simulateur DESSIS le modèle analytique SPICE pour ne pas alourdir les simulations. Le comportement entrée-sortie du semiconducteur est représenté par un circuit électrique équivalent, qui consiste en des composants tels que résistances, capacités, et sources commandées. Le schéma de la figure 2.8 représente le schéma électrique équivalent classique qui décrit le transistor MOSFET de puissance et qui traduit les régimes de fonctionnements statique et dynamique du composant [MASS-93]. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 44 - Modélisation et caractérisation expérimentale Drain rD CGD ID RDS Grille D CDS CGS Source rS Figure 2.8 : Schéma électrique équivalent du transistor MOSFET. RDS : résistance entre drain et source qui permet de régler les problèmes de convergence [OMAR-03]. La figure 2.9 montre l’emplacement des composants constituant le circuit électrique équivalent du MOSFET. CGD sur la figure 2.8 correspond à Cox en série avec Cgdj. Grille rg Source rs + N + - Cox Cgdj CGS - P N+ P P P+ Canal CDS N- D RDS N+ rd Drain Figure 2.9 : Schéma de localisation des différents éléments du circuit équivalent du MOSFET de puissance. Le régime de fonctionnement statique est représenté par le générateur de courant de canal ID (le canal sur la figure 2.9), la résistance RDS, ainsi que les résistances rD et rS qui représentent respectivement les résistances d’accès au drain et à la source. La diode THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 45 - Modélisation et caractérisation expérimentale intrinsèque antiparallèle au transistor MOSFET est constituée par la jonction PN entre la source et le drain. Cette diode est souvent lente car il n’est pas facile de tuer la durée de vie sans détériorer la conduction dans le canal. Il y a aussi trois capacités traduisant le stockage des charges dans le transistor CGS, CGD et CDS, qui interviennent dans le fonctionnement transitoire. Nous avons choisi le modèle du MOSFET de type SPICE, car c’est le seul disponible dans DESSIS. Il existe trois modèles standard dans SPICE pour définir le courant dans le canal. Nous avons opté pour celui de niveau 3 et nous avons négligé les effets de canal court. Il peut être utilisé pour les MOSFET haute tension car il correspond à un modèle classique du transistor à canal long. En négligeant les résistances d’accès, le courant de canal en régime linéaire est donné par l’expression suivante: V ⎞ ⎛ I D = K P ⎜ VGS − VT − DS ⎟ VDS 2 ⎠ ⎝ ID = KP (VGS − VT ) 2 2 pour VDS ≤ (VGS − VT ) (2.22) pour VDS > (VGS − VT ) (2.23) L’application d’une tension VGS est à l’origine d’un champ électrique transversal dans le canal, qui tend à réduire la mobilité. On introduit donc le paramètre θ [MASS-93], et on multiplie les expressions de IDS des équations (2.22) et (2.23) par: 1 1 + θ (VGS − VT ) (2.24) La capacité grille-drain résulte de l’association en série de deux capacités. Une capacité constante représente la capacité d’oxyde de grille Cox, elle définit la valeur de CGD lorsque le potentiel de drain est inférieur à celui de grille soit VDS<VGS. Une autre, la capacité de déplétion Cgdj, représente la zone désertée sous la grille lorsque VDS est supérieur au potentiel de grille VGS, qui se traduit par les relations suivantes [OMAR03]: CGD = Cox CGD = Cox.Cgdj Cox + Cgdj pour VGD ≥ 0 (2.25) pour VGD < 0 (2.26) THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 46 - Modélisation et caractérisation expérimentale avec Cgdj = ε Si AGD 2ε SiVGD (2.27) qN B Cette capacité grille–drain est fortement non linéaire et peut varier dans des proportions de 100 à 1 lorsque le composant passe de l’état bloqué à l’état conducteur. La résistance de la zone épitaxiée N- constitue la plus grande partie de la résistance à l’état passant (RDSON) pour les MOSFET de moyenne et haute tension. Sa valeur varie en fonction de la profondeur de la région N- et de la concentration du dopage ; plus elle est grande, meilleure est la tenue en tension [OMAR-03]. RDSON permet de déterminer la chute de tension et la puissance dissipée à l’état passant. rS, rD et rG incluent la connectique d’accès à la puce (bondings, métallisation…). La résistance rS constitue la majeure partie de la résistance de connectique. En effet, la puce de silicium est habituellement brasée au boîtier coté drain, alors que les connections de source se font par fils d’aluminium (bondings) plus résistifs, soudés sur une métallisation de quelques microns d’épaisseur. Pour les transistors haute tension (supérieure à 200V environ) la résistance rS est une part négligeable de la résistance à l’état passant [BUTT-04]. La diode interne assure la conduction du transistor MOSFET en inverse et des effets de stockage de charges lors de la mise en recouvrement de cette diode. Contrairement aux applications de type onduleur, les circuits de caractérisation de diode de puissance en commutation n’utilisent pas cette diode intrinsèque. De plus son courant de fuite est faible en raison du faible dopage de la région épitaxiée (forte tenue en tension) et de la petite surface active de la diode (composant faible courant). C’est pourquoi dans le modèle du MOSFET la diode interne est uniquement représentée par la capacité de jonction CDS. Le modèle proposé possède donc 9 paramètres à identifier. Les significations physiques de ces paramètres sont présentées dans le tableau suivant : THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 47 - Modélisation et caractérisation expérimentale Paramètres Significations physiques Unités KP Transconductance de la caractéristique statique du MOSFET A/V2 VT Tension de seuil V θ Paramètre de modulation de mobilité dans le canal sous l’effet de VGS V-1 AGD Surface en regard entre grille et drain mm2 NB Dopage de la base cm-3 COX Capacité de l'oxyde de grille nF CGS Capacité de grille-source nF CDS Capacité de drain-source à VDS=0V nF RDS Résistance qui permet de régler les problèmes de convergence Ω Tableau 2.5 : Paramètres utilisés du modèle SPICE niveau 3 et leurs significations physiques. A partir des informations de la modélisation physique, il est possible d'adapter le schéma du modèle électrique ainsi que les expressions de ses constituants (diodes, source de courant, etc.) afin de mieux se conformer au fonctionnement du composant et ainsi d'obtenir une modélisation électrique plus proche de la réalité et des mesures. Les paramètres du MOSFET utilisés ont été ont été extrait par la méthode développée dans la thèse de H.El Omari [OMAR-02]. 2.3.2 Modèle de la diode La modélisation repose sur l’utilisation des équations mathématiques (2.11 à 2.21) représentatives du dispositif. Ces équations sont résolues par le simulateur de dispositifs DESSIS. Elles constituent le modèle et dépendent de certaines valeurs numériques : les paramètres du modèle. Pour le modèle de la diode de puissance bipolaire PIN, les quatre principaux paramètres physiques qui la caractérisent sont : - la largeur WB de la région centrale, - la surface effective A de la diode, - le dopage ND de la région faiblement dopée, - la durée de vie ambipolaire τ. Le profil de dopage de la figure 2.10 illustre les principaux paramètres de tenue en tension d’une diode de puissance (WB, ND). THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 48 - Modélisation et caractérisation expérimentale ND Xjp WB Xjn Figure 2.10 : Exemple de profil de dopage d’une diode PIN en silicium. L’identification des paramètres caractéristiques peut être réalisée au moyen de confrontations entre des caractéristiques obtenues par la mesure en commutation, et celles obtenues par simulation. VRM, IRM et tRR sont utilisés en tant que critère d’erreur par un programme d’optimisation (Figure 2.11) [GARR-03]-[SALA-06]. Un exemple d’extraction des paramètres d’une diode PIN SiC est présenté au paragraphe suivant. L’extraction des paramètres fait l’objet de la thèse de T.Ben Salah [SALA-07] qui a utilisé les platines de mesure que nous avons développées. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 49 - Modélisation et caractérisation expérimentale Initialisation des paramètres (WB, ND, A, τ). IF et VR sont fixés Aspect simulation. Critère d’erreur Ys [VRM, IRM, tRR] Aspect expérimental. Critère d’erreur Ye [VRM, IRM, tRR] Ajustement des paramètres (WB, A, ND, τ) Calcul de la fonction coût J = ║Ye-Ys║ Figure 2.11 : Système d’identification. 2.3.3 Conclusion Le modèle de la diode retenue pour sa grande précision est un modèle numérique. Le fonctionnement de l’ensemble du circuit de mesure est simulé par le logiciel DESSIS. Ce logiciel de simulation électrique permet d’utiliser la simulation de composants par éléments finis avec des modèles analytiques de type SPICE. Pour ne pas alourdir les simulations nous avons choisi un modèle de MOSFET de type SPICE niveau 3. Nous n’avons pas étudié la conduction en inverse par la diode interne, car ce mode de fonctionnement très fréquent dans les onduleurs, n’est pas utilisé dans les circuits de caractérisation de diodes. Les résistances d’accès au drain et à la source ont été négligées en raison de la valeur importante de la résistance interne du MOSFET utilisé. THESE - Damien Risaletto Caractérisation électrique en commutation de diodes haute tension en carbure de silicium - 50 -