
CAPES Agrégation – Cours du 12/12/2016 – Didier Foucault - Ancienne pensée scientifique et nouvel esprit scientifique (XVe-XVIIIe siècles) 
 
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bibliques  qui  portent  sur  des  questions  éloignées  de  la  religion.  Pour  Galilée,  et  à  sa  suite  la 
majorité des grands savants de son siècle, l’Eglise doit accepter l’autonomie du travail des savants 
lorsqu’ils se penchent avec rigueur sur l’étude des phénomènes naturels. L’on sait que, confrontée 
aux défis qu’après Galilée la science lui a lancés, l’Eglise a refusé ce compromis, elle l’a rejeté avec 
vigueur. Le procès de 1616 qui condamne l’héliocentrisme de Copernic et surtout celui de 1633, 
dont il est l’accusé et qui le condamne à la réclusion et au silence, sont les moments cruciaux de 
ce divorce qui s’amorce entre la science moderne et le christianisme. 
 
- L’autonomie de la pensée scientifique moderne vis-à-vis de la religion 
 
C’est  certainement  l’Italie  (les  Etats  pontificaux  mais  aussi  le  royaume  de  Naples  ou  la 
Toscane) qui a le plus pâti de cette intransigeance dogmatique. Loin de s’assouplir, la position de 
la  papauté  reste  très  ferme  pendant  tout  le  XVIIe  siècle.  Les  disciples  de  Galilée  (Torricelli, 
Borelli)  sont  obligés  de  redoubler  de  prudence  pour  éviter  les  poursuites.  Les  cartésiens,  les 
atomistes sont contraints de se taire ou sont en butte à des persécutions et ne trouvent que peu 
d’appuis : comme ceux de l’ancienne reine de Suède, Christine, qui vit à Rome et qui protège les 
savants  novateurs.  La  France,  toute  catholique  qu’elle  soit,  laisse  les  savants  conduire  assez 
librement leurs recherches. Certes, après le procès de Galilée, ceux-ci sont prudents : Descartes, 
par exemple,  renonce à publier  son  traité  Du  Monde,  dont  il  ne livre  que  des  passages dans  le 
Discours de la méthode (1637) ; les romans d’inspiration copernicienne de Cyrano de Bergerac (Les 
Etats et empires de la Lune et du Soleil) sont publiés à titre posthume et expurgés en 1658. Comme en 
France  les  sentences  de  l’Inquisition romaine  ne  sont  pas  reçues, ils  sont  nombreux  ceux  qui 
accueillent  favorablement  les  idées  de  Galilée :  depuis  « libertins  érudits »  (le  bibliothécaire  de 
Mazarin  Gabriel  Naudé,  le  mathématicien  Le  Pailleur)  jusqu’aux  protestants  (Pierre  Borel, 
médecin  de  Castres),  en  passant  par  des  jansénistes  (Blaise  Pascal)  et  même  des  religieux 
catholiques (Mersenne, Bouillau, Gassendi). Sous Louis XIV et grâce à Colbert, l’Académie des 
sciences  reçoit  les  astronomes  héliocentristes,  comme  le  Hollandais  Christian  Huygens,  qui 
découvre  les  satellites  et  l’anneau  de  Saturne,  où  l’Italien  Jean-Dominique  Cassini  qui  dirige 
l’Observatoire de  Paris.  Enfin,  lorsque Fontenelle  publie  ses  Entretiens  sur  la  pluralité  des  mondes 
(1686), l’ensemble de la communauté savante a basculé en faveur de l’astronomie nouvelle. Quant 
aux pays protestants, Angleterre ou Provinces-Unies, bien qu’au siècle précédent Luther et Calvin 
aient  témoigné  leur  désaccord  avec  Copernic,  ils  restent  indifférents  aux  décisions  de 
l’Inquisition ;  c’est  même  pour  beaucoup  d’adversaires  du  « papisme »  une  incitation  à  lire  les 
traités  de  Galilée !  Malgré,  de-ci  de-là,  quelques  réactions  conservatrices  d’hostilité  protestante 
contre  les  novateurs  (Descartes  eut  ainsi  maille  à  partir  avec  des  universitaires  réformés 
d’Utrecht),  les  travaux  des  savants  ne  sont  guère  entravés.  Newton  est  couvert  d’honneurs 
officiels  et,  s’il  se  montre  prudent vis-à-vis  des  autorités  anglicanes,  c’est  parce  qu’il  est 
antitrinitaire, et non parce qui synthétise dans la théorie de l’attraction universelle un siècle-et-
demi de révolution astronomique. 
 
Au XVIIIe siècle, les adversaires de la science moderne et du nouvel esprit scientifique qui 
s’est  répandu  dans  le  sillage  de  l’astronomie,  de  la  physique,  de  l’optique  et  de  la  physiologie 
(notamment la découverte de la circulation sanguine par Harvey en 1628) continuent un combat 
d’arrière-garde  et  sans  espoir.  D’autant  que  bien  des  savants  chrétiens  (et  notamment  des 
religieux) ont adopté dans leur démarche les principes de la science nouvelle. L’Eglise cible alors 
plutôt les savants proches des courants radicaux des Lumières, qui, en s’appuyant sur les avancées 
de la science, rejettent le christianisme  au profit du matérialisme mécaniste. Helvétius  dans  De 
l’Esprit,  La  Mettrie  dans  L’Homme  machine,  les  essais  de  Diderot,  du  baron  d’Holbach  et  des 
encyclopédistes franchisent un pas que Galilée n’avait pas franchi. Ils rompent les derniers liens 
qui reliaient encore foi et raison, science et religion. Pour ces penseurs, la raison est le seul guide 
qui peut conduire l’homme dans sa recherche de la vérité ; celle-ci n’a aucun caractère divin ou